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653. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 348-356

Il est rare de rencontrer dans un même Homme deux qualités qui semblent s’exclure l’une l’autre.

654. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Note ajoutée à l’édition définitive (1832) »

On vient de démolir l’archevêché, édifice d’un pauvre goût, le mal n’est pas grand ; mais tout en bloc avec l’archevêché on a démoli l’évêché, rare débris du quatorzième siècle que l’architecture démolisseur n’a pas su distinguer du reste.

655. (1887) La vérité sur l’école décadente pp. 1-16

Jules Laforgue Si malheureusement enlevé par la mort à une carrière où les bons lutteurs se font rares, étale dans ses Complaintes et son Imitation de Notre-Dame la Lune, une vision poétique toute spéciale et un humorisme tout personnel.

656. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

J’ai encore éprouvé une fois combien les émotions, dans ce qu’on appelle les occasions solennelles, sont rares pour moi ; à moins que ce ne soient pas là mes occasions solennelles. […] Il alla droit à une panoplie d’armes rares suspendue dans le cabinet de son ami, et il se munit d’un sabre, d’un fusil et de pistolets. […] « Il y a une audace et un abandon dans la confidence des mouvements d’un pareil cœur, bien rares en notre pays et qui annoncent le poëte.

657. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Souvent même nous les employons contre nous, et il n’est pas rare de voir que l’on se donne plus de peine pour s’éloigner du but, qu’il n’en faudrait pour y atteindre. […] Il est rare que, dans le premier âge, on s’attache à lui faire connaître autre chose que la valeur des lettres et les résultats de leurs combinaisons. […] « Bien lire est talent plus rare qu’on ne pense ; « C’est le plus court chemin qui mène à l’éloquence.

658. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Mais déjà, vers le temps de la Révolution, ils étaient devenus rares. […] Nulle race ne compte plus de morts par amour ; le suicide y est rare ; ce qui domine, c’est la lente consomption. […] L’avocat général montra du tact, et sans faire une dissertation sur un cas de rare physiologie amoureuse, il abandonna l’accusation.

659. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

L’émotion est ainsi un état très instable et très rare de l’esprit : elle est un rapide afflux d’images, de notions, un afflux si dense et tumultueux que l’âme n’en peut discerner les éléments, toute à sentir l’impression totale. […] La joie ou l’angoisse étreignent l’âme : c’est la triomphante extase de passion, l’extase fougueuse et brève que les amants connaissent, aux rares minutes de l’amour. […] Mais en général le public riche ne s’intéressait pas assez à l’entreprise ; excepté quelque rares amis isolés, c’étaient plutôt les moins fortunés qui témoignaient de leur zèle.

660. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

ce n’est plus là le poète (trop rare) de La Bataille d’Eylau du même volume, de cette bataille qui le fait sublime comme elle par la simplicité la grandeur sévère, la concision rapide, et cela par la raison qu’elle est une réalité qui lui prend l’âme et l’emplit toute, et qui ne lui permet pas, à cet homme de mots, un mot de trop. […] … Une petite pluie rare après l’orage. […] Et qui ne se frappe pas seulement, comme vous pourriez le croire, dans son pouvoir temporel, — idée commune, — mais dans son pouvoir spirituel, — idée plus rare ; un délicieux Pape, qui n’abdique pas seulement comme roi, ce double lâche !

661. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Il savait, du reste, admirablement, par des comparaisons charmantes, exprimer les nuances les plus rares de ses sentiments. […] Il fallait songer à placer le jeune garçon dans un milieu où il pût satisfaire son goût pour l’étude et développer les rares qualités qu’il avait déjà manifestées. […] Ses rares qualités d’esprit, sa prodigieuse ardeur au travail, avaient mis Taine hors de pair. […] D’où lui venaient ces rares et séduisantes qualités ? […] Il ne travaillait jamais la nuit, et sauf en quelques rares occasions, se retirait pour dormir vers dix heures ou dix heures et demie du soir.

662. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Ces événements n’étaient point alors de si rares exceptions. […] Cela est très rare et très difficile, sachez-le bien. […] C’est une berquinade très gaie, c’est-à-dire, après tout, une combinaison assez rare. […] Le trait est beau ; il est même rare. […] Je trouve, dans l’Amant de sa femme, quelque chose de bien plus rare et plus significatif.

663. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Il a voulu agir de façon saisissante et rare et gagner l’admiration des hommes. […] , — la plus rare et la plus subtile intelligence. […] Je serais charmé que le grand succès du Plaisir de rompre fit connaître le rare mérite de M.  […] Ce don de « s’aliéner » soi-même est, je crois, plus rare encore chez les comédiennes. […] D’un seul mot, c’est un « réaliste », un vrai, et cela est devenu très rare.

664. (1887) Essais sur l’école romantique

Mieux valait, à mon sens, le faire rare et interrompu, comme le tonnerre, que pressé et continu, comme la pluie. […] À présent que tous les jours deviennent meilleurs pour nos jeunes poètes, il reparaît ; mais, dans l’intervalle, il a eu la modestie bien rare de croire à la critique, et le courage plus rare encore de lui faire des sacrifices. […] Cette poésie exténuée où la pensée est si rare et les mots si abondants, et où M.  […] Hugo, en le comparant aux grands écrivains de notre patrie, ces hommes-là sont assez rares pour qu’on déplore l’affaiblissement précoce de leur talent. […] Ce qui fait les enfants de génie, c’est une mémoire heureuse et une imagination précoce, dons rares, si, au lieu d’être des fruits tout d’abord, ce n’étaient que des fleurs.

665. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Ni l’oubli ni le bruit ; une sorte de discrétion respectueuse jusque dans la célébrité, je ne sais quoi de rare, de fidèle et de solennel, c’était son voeu et aussi son ferme espoir. […] A cette heure de 1826, M. de Vigny, âgé de vingt-neuf ans, jouissait d’un rare bonheur et d’une perspective à souhait telle que l’imagination la peut rêver. […] Pendant plus de vingt-cinq ans, à qui l’observait bien, l’auteur de Stello et de Chatterton, retranché dans sa discrétion hautaine, put paraître un malade lui-même, d’un genre de maladie subtile et rare, propre aux choses précieuses. […] Molé, de l’homme d’une rare distinction, qui eut de son côté ce jour-là, comme cela lui arriva souvent, le véritable esprit français, le tact et le goût.

666. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Poète, philosophe, citoyen, magistrat, consul, administrateur de provinces, modérateur de la république, idole et victime du peuple, théologien, jurisconsulte, orateur suprême, honnête homme surtout, il eut de plus le rare bonheur d’employer tous ces dons divers, tantôt à l’amélioration, au délassement et aux délices de son âme dans la solitude, tantôt au perfectionnement des arts de la parole par l’étude, tantôt au maniement du peuple, tantôt aux affaires publiques de sa patrie, qui étaient alors les affaires de l’univers, et d’appliquer ainsi ses dons, ses talents, son courage et ses vertus au bien de son pays, de l’humanité, et au culte de la Divinité, à mesure qu’il perfectionnait ces dons pour lui-même ! […] Il est rare que le génie soit isolé dans une famille ; il y montre presque toujours des germes avant d’y faire éclore un fruit consommé. […] Parvenu à l’âge de quarante et un ans, possesseur par ses héritages personnels et par la dot de Térentia, sa femme, d’une fortune qui ne fut jamais splendide (car il ne plaida jamais que gratuitement, pour la justice ou pour la gloire, jugeant que la parole était de trop haut prix pour être vendue) ; lié d’amitié avec les plus grands, les plus lettrés et les plus vertueux citoyens de la république, Hortensius, Caton, Brutus, Atticus, Pompée ; père d’un fils dans lequel il espérait revivre, d’une fille qu’il adorait comme la divinité de son amour ; n’employant son superflu qu’à l’acquisition de livres rares, que son ami, le riche et savant Atticus, lui envoyait d’Athènes ; distribuant son temps, entre les affaires publiques de Rome et ses loisirs d’été dans ses maisons de campagne à Arpinum, dans les montagnes de ses pères ; à Cumes, sur le bord de la mer de Naples ; à Tusculum, au pied des collines d’Albe, séjour caché et délicieux ; mesurant ses heures dans ces retraites comme un avare mesure son or ; donnant les unes à l’éloquence, les autres à la poésie, celles-ci à la philosophie, celles-là à l’entretien avec ses amis ou à ses correspondances, quelques-unes à la promenade sous les arbres qu’il avait plantés et parmi les statues qu’il avait recueillies, d’autres au repas, peu au sommeil ; n’en perdant aucune pour le travail, le plaisir d’esprit, la santé ; se couchant avec le soleil, se levant avant l’aurore pour recueillir sa pensée avant le bruit du jour dans toute sa force, sa santé se rétablissait, son corps reprenait l’apparence de la vigueur, sa voix ces accents mâles et cette vibration nerveuse que Démosthène faisait lutter avec le bruit des vagues de la mer, et plus nécessaires aux hommes qui doivent lutter avec les tumultes des multitudes. […] Qu’est-ce que le harangueur parlementaire d’aujourd’hui (sauf de rares exceptions) auprès de ces héros du discours ?

667. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Une sorte de ressemblance entre nos caractères, une même façon de penser et de sentir (bien plus rare, bien plus remarquable chez lui, dont la vie était si différente de la mienne), un besoin mutuel de soulager nos cœurs du poids des mêmes passions, que fallait-il de plus pour nous unir bientôt d’une vive amitié ? […] Le très vif désir que j’éprouvais de mériter l’estime de cet homme rare donna tout-à-coup comme un nouveau ressort à mon esprit, et à mon intelligence une vivacité qui ne me laissait ni paix ni trêve, tant que je n’avais pas composé une œuvre qui fût ou me parût digne de lui. […] Il m’en était resté dans les yeux et en même temps dans le cœur une première impression très agréable ; des yeux très noirs et pleins d’une douce flamme, joints (chose rare) à une peau très blanche et à des cheveux blonds, donnaient à sa beauté un éclat dont il était difficile de ne pas demeurer frappé, et auquel on échappait malaisément. […] Ayant fini par m’apercevoir au bout de deux mois que c’était là la femme que je cherchais, puisque, loin de trouver chez elle, comme dans le vulgaire des femmes, un obstacle à la gloire littéraire, et de voir l’amour qu’elle m’inspirait me dégoûter des occupations utiles, et rapetisser, pour ainsi dire, mes pensées, j’y trouvais, au contraire, un aiguillon, un encouragement et un exemple pour tout ce qui était bien, j’appris à connaître, à apprécier un trésor si rare, et dès lors je me livrai éperdument à elle.

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