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701. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Nulle d’affaires, comme je l’ai dit plus haut, l’ambassade d’Espagne n’eut d’autre importance politique que des mariages entre des enfants, et sans ces stupéfiantes adorations à Dubois, qui jurent si cruellement avec le caractère connu de Saint-Simon, de cet homme qui semblait fait d’un seul morceau comme un bloc de granit volcanisé, il n’y aurait rien à y chercher… Le portrait du roi et de la reine d’Espagne, l’esquisse du grand portrait des Mémoires, ne fait point partie des dépêches de l’ambassadeur, et il est rejeté à la fin du volume. […] On aura de lui l’idée la plus complète qu’on puisse avoir d’un homme à qui on avait jusqu’ici refusé le génie politique. […] On lui accordait, il est vrai, le génie du plus grand peintre d’histoire qu’ait eu la langue française, mais on avait toujours méconnu en lui le génie politique qu’il avait pourtant au même degré, mais qui, avec les vices et l’esprit de son temps, était resté et devait rester sans emploi. […] Le principe, violé une fois en haut, se retrouve violé partout… et jamais chose n’a mieux prouvé que le pouvoir politique et la paternité sont congénères, et qu’on ne les disjoint jamais que pour la honte et le malheur des peuples ! […] En légitimant ses bâtards, Louis XIV ne fit, aux yeux des superficiels qui ne voient rien que des surfaces dans l’histoire, qu’un acte immoral bien près de la faute politique, et on le lui reproche et on passe, et l’on s’enfonce dans la splendeur enivrante de ce règne qui fait tout oublier !

702. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Que ce soit sous l’Empire dans le silence du journalisme politique, ou sous la Restauration comme frère cadet du journalisme politique, le journalisme littéraire est le langage naturel de la critique littéraire. […] On comprend que Sainte-Beuve ait toujours été du parti politique opposé à celui où figurait Cousin. […] L’expérience nous montre pareillement que les historiens deviennent de médiocres politiques. […] Et chez tous il s’agit non pas d’une politique de politicien, mais d’une politique de moraliste. On pourrait leur donner pour étiquette le titre d’un ouvrage de Faguet : Politiques et Moralistes.

703. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Je n’en veux donc pas à Froissart de n’être d’aucun pays notre chroniqueur était un grand politique sans le savoir. […] Mais l’Italie touchait à son grand siècle littéraire, et Villani avait une patrie grande et glorieuse, Florence, où toutes les vicissitudes civiles et politiques avaient été déjà épuisées. […] Ce livre qui appartient plus à l’histoire de la langue qu’à l’histoire politique, à cause de son caractère apologétique qui doit le rendre suspect, est le premier ouvrage historique où la morale et le récit aient tour à tour leur part. […] S’il en est un qui peut intéresser l’histoire politique, c’est une défense de George Chastelain répondant aux critiques et aux menaces qu’il s’était attirées, en louant le duc Philippe aux dépens du roi Charles VII. […] Du reste, il ne faut pas chercher la morale de l’histoire dans les jugements qu’imposaient à Comines son rôle de confident et de complice de Louis XI, la morale si relâchée du temps12 et cette indifférence pour les crimes politiques, dont l’Italie faisait alors des pratiques régulières de gouvernement.

704. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Pourtant je crois qu’en art comme en politique, chacun se doit à tous ; c’est au public de choisir dans le contingent d’idées qui lui sont apportées, de faire une moyenne et de juger en dernier ressort. […] Wagner, pour la plupart, est devenu une occupation, une profession ; les fruits secs, dont est surchargé l’arbre de l’Art, comme celui de la Politique, veulent le faire leur pour attirer sur eux un peu de l’attention que commande le maître, et en refusent aux autres la compréhension. […] Gross, ne voulant pas que cette représentation fût entravée par des questions politiques, fit une démarche auprès du ministre de l’instruction publique et des beaux-arts, qui déclara ne faire aucune objection ; M.  […] Par le souvenir de cette histoire douloureuse, Albert Wolff rappelle à Carvalho qu’il n’a pas les moyens de renouveler cette mauvaise expérience qui risquerait cette fois d’être d’autant plus violente que la menace prend un tour politique que n’avait pas « l’affaire Van Zandt ». […] En cette année 1885, elle tenait salon au 23 du boulevard Poissonnière et recevait entre autres personnalités des lettres et de la politique, Gambetta, Thiers, Hanotaux, Daudet, Flammarion, Clémenceau, Flaubert, Hugo, Maupassant ou Tourgueniev.

705. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Et dans la politique, par exemple, lorsqu’il se trouve en présence de M. de Chateaubriand, en rivalité sourde avec lui, et qu’il est, le premier, évincé du ministère, quelle supériorité morale il garde sur ce brillant et orageux émule ! […] Le Chateaubriand politique, que nous avons autrefois essayé de peindre, achève de s’y dessiner tout entier, jamais content, toujours prêt à rompre, en ayant, dès le second jour, de cent pieds par-dessus la tête, voulant tout et ne se souciant de rien, n’ayant pas assez de pitié et de dédain pour ses pauvres amis, ses pauvres diables d’amis (comme il les appelle), croyant que de son côté sont tous les sacrifices, et se plaignant de l’ingratitude des autres, comme si seul il avait tout fait. […] Au fond, trop poète toujours pour la politique, il est désormais trop homme d’État et trop politique pour la retraite, pour l’innocent et studieux loisir du poète : il porte en lui l’inconciliable. — Lorsqu’il est renvoyé du ministère, en cette crise violente et décisive qui déchira en deux sa vie de royaliste, ses lettres à Mme Récamier manquent et font défaut ; elles n’ont pas été retrouvées, nous dit-on, avec les autres papiers ; elles devaient renfermer trop d’éclats de colère et de haine vengeresse, ce qui sans doute les aura fait dès longtemps supprimer.

706. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires par M.  […] Mais je vais plus loin et je ne suis pas au bout : — Cet homme, — un autre homme encore, — est arrivé à admettre, à comprendre, à croire non-seulement la Création, non-seulement l’idée d’une Puissance et d’une Intelligence pure, distincte du monde, non-seulement l’incarnation de cette Intelligence ici-bas dans un homme divin, dans l’Homme-Dieu ; mais il admet encore la tradition telle qu’elle s’est établie depuis le Calvaire jusqu’aux derniers des Apôtres, jusqu’aux Pères et aux pontifes qui ont succédé ; il tient, sans en rien lâcher, tout le gros de la chaîne ; il est catholique enfin, mais il l’est comme l’étaient beaucoup de nos pères, avec certaines réserves de bon sens et de nationalité, en distinguant la politique et le temporel du spirituel, en ne passant pas à tout propos les monts pour aller à Rome prendre un mot d’ordre qui n’en peut venir, selon lui, que sous de certaines conditions régulières, moyennant de certaines garanties ; et ce catholique, qui n’est pas du tout un janséniste, qui n’est pas même nécessairement un gallican, qui se contente de ne pas donner dans des nouveautés hasardées, dans des congrégations de formation toute récente, dans des résurrections d’ordres qui lui paraissent compromettantes ; — ce catholique-là, parce qu’il ne l’est pas exactement comme vous et à votre mode, vous l’insulterez encore ! […] Ce M. de Valère, dévot et ambitieux à la fois, est peu attrayant, et les échantillons que j’ai rencontrés de cette forme de jeunes hommes politiques ne me la rendent pas plus acceptable. […] On n’entre pas dans l’intrigue politique quand on se sent si rétif.

707. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Envisagé à ce point de vue, l’Essai de sir Henry Bulwer, sans être complet, est tout à fait digne de l’homme d’État distingué qui l’a écrit, et il est piquant, pour nous Français, autant qu’instructif de voir des événements et des hommes avec lesquels nous sommes familiers, jugés dans un esprit élevé et indépendant par un étranger, qui d’ailleurs connaît si bien la France et qui, de tout temps, en a beaucoup aimé le séjour et la société, sinon les gouvernements et la politique. […] Plus de soixante ans après, au terme de sa carrière, M. de Talleyrand, adressant à l’Académie des sciences morales et politiques l’Éloge de Reinhard, prenait plaisir à remarquer que l’étude de la théologie, par la force et la souplesse de raisonnement, par la dextérité qu’elle donnait à la pensée, préparait très bien à la diplomatie ; c’en était comme le prélude et l’escrime ; et il citait à l’appui maint exemple illustre de cardinaux et de gens d’Église qui avaient été d’habiles négociateurs. […] On a besoin de l’éloignement et de ne considérer avec sir Henry Bulwer que les principaux actes de la ligne politique de M. de Talleyrand à cette époque, pour rendre la justice qui est due à sa netteté de vues et à sa clairvoyance. […] J’y existe, comme je l’ai toujours été, étranger à toutes les discussions et à tous les intérêts de parti, et n’ayant pas plus à redouter devant les hommes justes la publicité d’une seule de mes opinions politiques que la connaissance d’une seule de mes actions… » Sa réclamation étant restée vaine, il s’embarqua en ce temps pour les États-Unis.

708. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Il faut avoir vécu contemporain d’une révolution religieuse ou politique, pour savoir quelle est la force de cette passion. […] Un beaucoup plus grand nombre d’hommes se mêle aux querelles politiques, parce que dans les intérêts de ce genre, toutes les passions se joignent à l’esprit de parti, et décident à suivre l’un ou l’autre étendard ; mais le pur fanatisme, dans tous les temps, et pour quelque but que ce soit, n’existe que dans un certain nombre d’hommes, qui auraient été Catholiques ou Protestants dans le xve  siècle, et se font aujourd’hui Aristocrates ou Jacobins. […] Les grandes qualités d’un homme qui n’a pas la même religion politique que vous, ne peuvent être comptées par ses adversaires ; les torts, les crimes mêmes de ceux qui partagent votre opinion ne vous détachent pas d’eux ; le grand caractère de la véritable passion est d’anéantir tout ce qui n’est pas elle, et une idée dominante absorbe toutes les autres. […] L’esprit de parti est la seule passion qui se fasse une vertu de la destruction de toutes les vertus, une gloire de toutes les actions qu’on chercherait à cacher, si l’intérêt personnel les faisait commettre ; et jamais l’homme n’a pu être jeté dans un état aussi redoutable, que lorsqu’un sentiment qu’il croit honnête, lui commande des crimes ; s’il est capable d’amitié, il est plus fier de la sacrifier ; s’il est sensible, il s’enorgueillit de dompter sa peine : enfin, la pitié, ce sentiment céleste, qui fait de la douleur un lien entre les hommes ; la pitié, cette vertu d’instinct, qui conserve l’espèce humaine, en préservant les individus de leurs propres fureurs, l’esprit de parti a trouvé le seul moyen de l’anéantir dans l’âme, en portant l’intérêt sur les nations entières, sur les races futures, pour le détacher des individus ; l’esprit de parti efface les traits de sympathie pour y substituer des rapports d’opinion, et présente enfin les malheurs actuels comme le moyen, comme la garantie d’un avenir immortel, d’un bonheur politique au-dessus de tous les sacrifices qu’on peut exiger pour l’obtenir.

709. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

C’est par là qu’une fois établie historiquement dans cette mesure qui est belle encore, elle continuera d’intéresser à divers les âges tous ceux qui, de plus en plus indifférents aux formes politiques du passé, garderont les sentiments délicats et humains qui font partie de la civilisation comme de la nature, de tous ceux qui pleurent aux malheurs d’Hécube et d’Andromaque, et qui, en lisant le récit de malheurs pareils et plus grands encore, s’attendriront aux siens. […] Pendant longtemps cette gracieuse femme, pleine de confiance au prestige de la royauté et ne songeant qu’à le tempérer doucement autour d’elle, ne s’occupa point de politique, ou du moins elle ne le faisait que par accidents, et en quelque sorte poussée à bout par son cercle intime. […] Lorsqu’elle fut amenée à s’occuper habituellement des choses publiques et à avoir un avis sur les mesures et les événements extraordinaires qui, chaque jour, forçaient l’attention, elle y apporta les dispositions les moins politiques qui se peuvent imaginer, je veux dire l’indignation contre les lâchetés, des préventions personnelles dont son intérêt le plus évident ne parvenait point toujours à la faire triompher, un ressentiment des injures qui n’était pas le désir de la vengeance, mais bien la souffrance délicate et fière de la dignité blessée. […] Je ne discuterai pas, on le pense bien, la ligne de politique à laquelle Marie-Antoinette croyait bon de revenir quand elle était livrée à elle-même.

710. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Mais son premier gouvernement, dont il lui resta toujours quelque chose de rapide et d’impérieux, son patriciat sacerdotal et militaire, ses habitudes d’épargne et d’avidité, en faisaient un peuple politique, et nullement artiste comme les Grecs. […] Puis survint, non pas encore l’art harmonieux, mais la tradition religieuse des Grecs, et avec elle des oracles, des exhortations ou des menaces, dont usait la politique des chefs de Rome. […] Si vous faites exactement cela, vous serez toujours prospères, et votre grandeur s’accroîtra ; car ce Dieu exterminera vos ennemis, qui maintenant dévorent à leur aise vos campagnes. » Chose remarquable, et bien conforme à la nature sérieuse et appliquée du peuple romain : ces premiers contacts de l’imagination et de la poésie grecques ne lui venaient pas en délassement et en parure de l’esprit, mais comme un secours de politique et de guerre, un encouragement à la défense, une arme du patriotisme et de la liberté. […] Enfin un curieux témoignage à la gloire de ce vieux poëte de la république, c’est le brillant abréviateur de l’histoire romaine, le flatteur de l’empire, Velléius Paterculus, écrivant, à une des dates mémorables de son récit : « Dans le cours de cette même époque169, parurent les rares génies d’Afranius dans la comédie romaine, de Pacuvius et d’Accius dans la tragédie, d’Accius élevé jusqu’à l’honneur de la comte paraison avec les Grecs, et digne de se faire une si grande place parmi eux qu’il soit presque impossible de ne pas reconnaître, chez eux plus de perfection, et chez lui plus de verve. » Alors même que cet éloge expressif était arraché au bon goût de Velléius, l’éclat du siècle d’Auguste, l’urbanité nouvelle et aussi les précautions politiques de son règne avaient, selon toute apparence, bien éloigné de la mémoire et de la vue des spectateurs romains les drames de la vieille école.

711. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVIII » pp. 188-192

La politique continue de prendre tout l’intérêt ; à peine sorti d’un orage, on rentre dans un autre. […] Mais, de nos jours, quel homme politique est de taille pour cela ?

712. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIV » pp. 294-298

La politique a été très-vive ce mois-ci ; le ministère Guizot s’est trouvé plus malade qu’il ne le croyait, et il a failli succomber sur l’affaire de Taïti ; il serait même tombé s’il avait interprété le sentiment public, mais ce sont des choses que les gouvernants n’entendent pas à demi-mot. […] Saint-Marc Girardin est en littérature même autre chose qu’un littérateur ; c’est un moraliste, et encore plus un politique, un esprit pratique, habile et positif jusque dans ses badinages.

713. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — I »

A l’entendre parler, en sa préface, de l’obscurité fatale qui plane sur l’authenticité des mémoires posthumes en temps de troubles et de factions, ne dirait-on pas qu’elle a craint pour les siens le sort du testament politique d’un fameux cardinal ? Elle aussi peut-être s’imagine appartenir au public, non-seulement par ses écrits et ses travaux littéraires, mais encore par sa vie et par les rôles politiques qu’elle a successivement revêtus.

714. (1875) Premiers lundis. Tome III « De l’audience accordée à M. Victor Hugo »

Et d’ailleurs, si le poète avait rappelé au roi qu’en l’état actuel des esprits, une pièce de théâtre, composée avec conscience et venue d’un certain côté littéraire, ne devait produire, par sa chute ou son succès, qu’un résultat bien étranger assurément à toute passion politique, le roi aurait bien pu, sans doute, à demi-voix et avec un sourire, prononcer ce terrible mot de romantisme ; mais il eût été facile de démontrer à sa bienveillante attention, que ces débats sont au fond bien moins frivoles, même sous le rapport politique, qu’on ne pourrait le penser.

715. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Béranger, Pierre-Jean de (1780-1857) »

Armand de Pontmartin Je déclare, après avoir relu attentivement l’édition complète des Chansons, qu’au point de vue religieux et politique, M.  […] Mais si l’on m’apprend que Lisette et le Chambertin ne sont que des figures de rhétorique, que ce chanteur insouciant qui prétend n’avoir d’autres soins que les dîners du caveau et sa maîtresse, a une philosophie, une politique, et, Dieu me pardonne !

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