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448. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre premier. Idée générale de la seconde Partie » pp. 406-413

Je crois donc toujours intéressant d’examiner quel devrait être le caractère de la littérature d’un grand peuple, d’un peuple éclairé, chez lequel seraient établies la liberté, l’égalité politique, et les mœurs qui s’accordent avec ces institutions. […] Toutes les fois que je parle des modifications et des améliorations que l’on peut espérer dans la littérature française, je suppose toujours l’existence et la durée de la liberté et de l’égalité politique. […] Si telles institutions politiques ont amené tels résultats en littérature, on doit pouvoir présager, par analogie, comment ce qui se ressemble ou ce qui diffère dans les causes modifierait les effets.

449. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Appendice. Note concernant M. Laurent-Pichat, et Hégésippe Moreau. (Se rapporte à la page 395.) » pp. 541-544

Or, voici deux fragments que je n’avais pas jugé à propos de produire, et qui me justifieront peut-être si je n’ai pas fait d’Hégésippe Moreau un plus grand caractère politique et un plus grand citoyen. […] Ils éludèrent toujours la question, et je me résignai à la patience, persuadé que ces messieurs, préoccupés de graves intérêts politiques, n’avaient pas de temps à donner à la littérature. […] Je connais la sottise humaine et je ne doute pas que l’on ne continue encore, après cela, à vouloir faire d’Hégésippe Moreau un martyr et confesseur politique.

450. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Ceux qui se destinent à l’église, ou à la carrière politique, vont de là aux universités de Cambridge ou d’Oxford. […] Quand on le verra devenir pair et passer à la chambre haute, sa carrière politique sera finie. […] C’est véritablement dans les questions particulières de morale ou de politique, que M. de Bonald excelle. […] L’état politique se forme avec l’état religieux, ou plutôt est constitué naturellement par lui. […] Bientôt le premier ordre s’altère, et s’altère à la fois dans l’ordre politique et religieux.

451. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

On plaçait dans la volonté de chaque homme l’origine et la sanction du pouvoir politique ; dans son intelligence le criterium suprême de la vérité. […] Les Grecs, les premiers, ont pratiqué dans leurs mœurs et dans leur politique la vertu qui porte le nom de cette humanité qu’ils déifiaient. […] Plusieurs de ces causes appartiennent à l’histoire politique ; nous en ferons ressortir une seule, parce qu’elle est d’un ordre purement intellectuel. […] Depuis longtemps le matérialisme et la politique subversive ont déplacé les effets et les causes dans toutes leurs théories. […] On fait de la sculpture dans les poèmes, de la métaphysique dans les romans ; de mille façons, le monde littéraire atteste ainsi le désordre politique et moral.

452. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

Jusque-là, en effet, chaque parti triomphant avait été pour le parti abattu un vainqueur, peut-être injurieux, mais non cruel, plus jaloux de l’existence politique de son rival que de son sang. […] Comme si l’humanité n’eût pu rester délaissée, il s’éleva pour elle des voix parmi ceux mêmes qui l’avaient outragée si longtemps ; et tandis que l’insensée frénésie d’Hébert invoquait de nouvelles horreurs, et que la politique froide et louche de Robespierre en méditait silencieusement, un troisième parti s’isola d’eux, leur cria d’arrêter, qu’il était las de meurtre, et que le glaive devait reposer après la victoire. C’était la première fois que ce parti parlait de modération et de fatigue ; Danton et ses chefs ne l’y avaient pas accoutumé ; jusqu’alors, pleins de passions et d’audace, ils n’avaient reculé devant aucune exagération, faibli devant aucune violence, s’ils l’avaient jugée nécessaire ; la morale, selon eux, se taisait dans les grandes affaires de la politique ; et récemment, sans haine personnelle contre les Girondins, ils avaient coopéré à leur ruine, parce que leur existence les gênait.

453. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

Car ce n’est pas dans notre acception politique qu’il lui est donné jusqu’à ce jour d’entendre la liberté ; et pour celle que Napoléon lui réservait, l’Italie et la Pologne sont là pour le dire. […] Il est beau, il est consolant sans doute de voir, dans les mouvements des peuples, les inspirations de l’esprit de Dieu, et, dans le sentiment qui les pousse au bien-être, la marque infaillible et divine qu’ils l’atteindront ; il serait doux de penser que les obstacles apparents contre l’affranchissement des Hellènes n’en sont que des moyens dans l’ordre de la providence ; qu’Ali-Pacha, par exemple, a servi la Grèce en détruisant les Armatolikes et en renversant les peuplades libres ; que surtout les puissances d’Europe la servent par leur politique indifférente ou ennemie ; que la Russie la sert, que l’Autriche la sert, que la France et Soliman-bey aident à son triomphe : tout cela, encore une fois, serait doux à croire. […] Quoi qu’il en soit, tout le livre de madame Belloc est une estimable protestation du talent contre cette politique, et un titre nouveau qui honore les dames françaises.

454. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 147

Ces deux Ouvrages, médiocres pour le style, peuvent fournir des lumieres à ceux qui veulent s’instruire dans la Politique, ou, pour mieux dire, la Politique changeant à peu près comme les modes, les Ouvrages anciens, en ce genre, ne peuvent être regardés que comme ces monnoies qui n’ont plus de cours, & qu’on garde par curiosité.

455. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Plus heureux que le Dante toscan, on sent le bonheur intime à travers ses rugissements de poète indigné ; car Laprade n’a connu ni les odieuses vengeances des partis politiques, ni l’exil, ni le veuvage du cœur ; heureux fils, heureux amant, heureux père ! […] Mais, malgré cela, nous n’aimons pas la poésie politique : c’est aux grands philosophes et aux grands orateurs d’exprimer ces vérités dans leurs livres ou dans leurs harangues ; la poésie n’y doit pas toucher, ou elle ne doit y toucher que bien rarement. […] La poésie est absolue, et ne doit chanter que les choses absolues comme elle ; la politique est relative, passagère, locale, nationale, circonstancielle. […] Quand ces poètes politiques, fussent-ils, comme Juvénal ou Gilbert, les suprêmes satiristes, passent du beau idéal au laid idéal, objet de leur satire, ils sortent de leur vraie nature et faillissent à leur vraie mission. […] Voilà pourquoi, hors quelques exceptions très rares, nous regrettons de voir de grands lyriques prêter, même dans un intérêt de vertu, leurs sublimes indignations chantées à la politique.

456. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

L’Église perdit son premier ministre, l’État son premier politique, la papauté son premier ami ; le même coup tua Pie VII et son ami. […] Race éminemment politique qui tient à l’État sans être l’État lui-même, qui se dévoue sans retour à ses fonctions préparatoires, qui se retire de ses emplois sans les compromettre ou qui les continue, et qui peut même se marier avant d’en avoir fait les vœux, sans préjudice pour l’Église ou eux-mêmes. […] Le pressentiment du repos définitif se faisait place à travers les dernières fatigues du jour ; il jouissait à moitié de l’apaisement que sa politique, si conforme au génie de son maître, avait assuré à l’Europe. […] Il n’excluait pas même les gouvernements de l’Inde, de la Perse, de la Turquie, de la Chine, de ces égards et de ces assistances politiques. […] Cet embrassement universel du cœur était toute sa politique.

457. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Ce livre, qui ose s’appeler La Tribune moderne, n’est l’histoire, en somme, que de quelques tribuns, triés sur le volet par le goût individuel de Villemain et ses préférences politiques. […] … En Angleterre, c’est Fox et Grey qui l’ont séduit et qui l’entraînent, Grey, un homme médiocre qui n’eut qu’une idée et une attitude, — il n’en faut pas plus en politique, — une idée qui a triomphé moins par la force du talent que par la force d’une situation, dans un pays aristocratiquement organisé, comme l’Angleterre, et Fox, comme lord Grey, parce qu’il représentait le wighisme, qui est le libéralisme anglais, cher à tous les libéraux de France, et non pas pour les raisons humaines tirées de l’âme de Fox, et qui, eût-il tort dans ses opinions politiques, ce qu’il eut souvent, faisaient cependant de son âme une toute-puissance d’orateur ! […] L’opinion historique et politique du rhéteur passe à travers sa rhétorique. […] … Toujours est-il que le Léviathan oratoire n’apparaît pas dans cette histoire des orateurs, et ce qui l’en a écarté ce ne sont pas les raisons politiques qui ont fait se détourner l’auteur de La Tribune moderne de Chatham, de Pitt et de Burke, et ne voir que Fox ! […] C’étaient, comme on le disait dans ce temps-là, de profonds constitutionnels, des précurseurs de cette politique qui nous a conduits où nous en sommes et qui nous a fait tomber dans cette révolution, dont le centre est partout et la circonférence nulle part, en croyant reculer habilement devant elle !

458. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

ou dans la Politique tirée des paroles de l’Écriture sainte ? […] Lisez, plutôt, dans sa Politique, l’article intitulé : Erreurs des hommes du monde et des politiques sur les affaires et les exercices des religions. […] On causait maintenant de guerre et de politique, d’administration et de finances. […] C’est donc qu’il n’appartient pas aux religions de régler la morale ou la politique, mais au contraire, à la politique ou à la morale de rectifier ou d’épurer les religions. […] C’est ce qui en explique les suites philosophiques et politiques.

459. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Il continua d’être historien, et un historien beaucoup plus préoccupé des choses politiques, qui sont du siècle, que des choses religieuses, qui n’en sont plus. […] Doctrinalement et de conviction, Ranke est toujours le même : un Allemand, un penseur politique, qui a plus ou moins vécu à l’ombre des philosophies de son pays. […] Autrefois (on s’en souvient), Ranke, préoccupé de l’action de la personnalité humaine dans ce qu’on appelle la politique, l’y recherchait avec avidité. […] Or, comme Ranke l’historien n’a pas plus d’idées à lui qu’un historiographe, et comme il n’a établi nulle part, ni par un raisonnement, ni par une théorie, que cette idée de l’État comme on essayait de la réaliser à Berlin est le dernier progrès de la philosophie et de la politique, il résulte qu’il n’y a pas plus de vue supérieure que de faits nouveaux à chercher dans son Histoire de France, laquelle n’ajoutera pas plus à sa renommée qu’elle n’ajoutera à notre instruction.

460. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Il était, lui, un désespéré politique. […] Ce livre n’est point, comme on pourrait le croire, d’après son titre, qui ne dit pas ce qu’il veut dire, une simple histoire du roi de Juillet et de cette opinion politique qui traîne vainement et qui voudrait s’agiter encore, parmi nous, en faveur de sa descendance. […] III Car c’est à dater du Régent que le mal fait par les d’Orléans s’élargit et grandit comme un gouffre… Malgré son impuissance politique et ses vices, le Régent, à qui Crétineau-Joly, que j’appelais une coquette de vérité il n’y a qu’un moment, accorde trop généreusement « des éclairs de génie et des conceptions diplomatiques d’une haute portée », le Régent est encore, si on y regarde de près, le meilleur de ces trois hommes que j’ai nommés plus haut et dont le pire est encore le second, mais dont le troisième acheva à son profit le mal commis par les deux autres. […] Cette Histoire de Louis-Philippe, autour de laquelle nous aurions voulu troubler le silence prudent des Conrarts politiques qui n’en ont point parlé, est trop renseignée et trop considérable pour que nous puissions faire autre chose que de la signaler.

461. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Ce ne sera bien évidemment ni l’homme politique ni le poète. Le poète, selon nous, ne fut pas, et l’homme politique fut encore trop, sans être grand-chose. […] Ainsi, la grandeur de Silvio Pellico n’est pas une grandeur de ce monde ; elle n’est ni littéraire, ni politique, ni même humaine. […] … le Racine de la poésie italienne, comme l’a osé dire de Silvio cette menteuse de littérature pour faire sa cour à la politique, le Racine de la poésie italienne ne sera plus peut-être qu’un imbécile, quelque chose de niais et de plat, — un Pradon !

462. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Ce ne sera bien évidemment ni l’homme politique ni le poëte. Le poëte, selon nous, ne fut pas, et l’homme politique fut encore trop, sans être grand-chose. […] Ainsi, la grandeur de Silvio Pellico n’est pas une grandeur de ce monde ; elle n’est ni littéraire, ni politique, ni même humaine. […] … le Racine de la poésie italienne, comme l’a osé dire de Silvio cette menteuse de littérature, pour faire sa cour à la politique, le Racine de la poésie italienne ne sera plus peut-être qu’un imbécile, quelque chose de niais et de plat, — un Pradon !

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