/ 2067
404. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

» Et sous le dard de cette question qui l’aiguillonne, l’auteur du Ménage, avant de toucher à Voltaire, nous retrace le tableau de la société de son temps et nous la peint à tous les degrés de l’amphithéâtre social, depuis les rois jusqu’aux honnêtes gens, comme disaient les philosophes en parlant d’eux-mêmes, et cela avec un détail si prodigieux qu’on dirait le pointillé le plus patient et le plus sûr de toutes les saletés de cette époque et de toutes ses infamies ! […] Le 26 juin 1765, Voltaire mandait à Helvétius : « Nous aurions besoin d’un ouvrage qui fit voir combien la morale des vrais philosophes l’emporte sur celle du christianisme. […] Il a, dans son énorme volume, dans cette Encyclopédie des immoralités du chef de la philosophie du xviiie  siècle, allégué un nombre de faits très intéressants pour tout le monde, pour les amis et pour les ennemis, et puisqu’on parle de la morale des philosophes comparée à la morale chrétienne, nous savons maintenant à quoi nous en tenir !

405. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

… Mais, excepté en matière d’art, où Vacquerie est stationnaire et où il entend bien que Les Burgraves et Tragaldabas ne puissent être effacés par les drames de l’avenir, l’auteur de Profils et Grimaces est un philosophe de ces derniers temps. […] » C’est un philosophe, mais débraillé et rudement cynique, qui aime l’indécence comme une audace et ne trouve jamais le mot assez vert. […] Les chiens et les chats de la maison de Hugo sont racontés dans leurs moindres gestes et dans leurs plus infimes fonctions par ce philosophe attendri, prévoyant de ses destinées.

406. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

Forgues, on le voit bien, et qui sera plus longtemps qu’ils ne croient désagréable aux philosophes, même aux plus résolus et aux plus fendants. […] Lamennais, le dialecticien Lamennais, sérieux de la gravité du prêtre d’abord, et ensuite du philosophe, est, sans contredit, puissant, éloquent, incisif dans ses œuvres ; mais dans le sens français et unique du mot, il faut bien le dire, il n’avait pas prouvé qu’il fût spirituel. […] Sous sa soutane de petit abbé de village comme sous cette plate redingote de philosophe qu’il endossa plus tard, il avait cette grâce de l’esprit qui triomphe de toutes les surfaces, il avait l’étincelle !

407. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Ainsi, pour n’en donner qu’un seul exemple, s’ils ont à parler de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de son divin sacrifice, ils s’obstineront à rappeler Christ avec la simplicité d’une irrévérence naïve, et ils oseront comparer, avec une familiarité sacrilège, le philosophe Socrate au fils de Dieu. […] À côté de la niaiserie du bon sens pipé et de l’invention d’une bourgeoise sagesse, à côté de cette religion naturelle qui est, au fond, si on creuse bien, toute leur doctrine, ils dressent de grands mots qui font rêver les imaginations sans guide et ils pataugent dans l’Infini… Nous ne savons personne plus digne de pitié que ces espèces de philosophes qui n’ont pas même une philosophie complète pour remplacer une religion qu’ils n’ont plus, — qui prennent les ondoyantes et capricieuses lueurs de leur propre sentimentalité pour la ferme lumière de la conscience et vivent en paix avec eux-mêmes. […] Par ses convictions, en effet, par son éducation, par ses idées, c’est un philosophe qui a parfaitement conscience de lui-même, tandis que, par ses facultés, c’est un catholique qui s’ignore.

408. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Roger de Beauvoir. Colombes et Couleuvres. »

M. de Beauvoir, tout en gardant l’individualité de sa touche, cette individualité qui fait qu’un homme est le Corrége en traitant les mêmes sujets que Raphaël, est aussi varié dans le choix de ses sujets que peut l’être un poète lyrique, un de ces poètes qu’un philosophe allemand, poète lui-même, et même plus poète que philosophe (Schelling), appelle « les abeilles intelligentes de l’Infini ». […] Un homme de race germanique a morfondu un rare génie dans ce qui aurait dévoré la supériorité de Goethe lui-même, c’est Bysshe Shelley, l’ami de Byron, le gendre de Godwin, l’auteur d’Alastor, et il est enseveli sous son œuvre comme un philosophe allemand sous son système.

409. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Il paraîtra impie aux chrétiens, déraisonnable aux philosophes. […] Tous êtes philosophe contre la théologie, théologien contre la philosophie, et partout philosophe et théologien à contre-temps. […] Muni de ses myriades d’astres, le philosophe fournit à tout. […] Si Balzac est philosophe, il est nébuleux, et s’il est savant, il est pédant. […] Tout philosophe renferme un sceptique.

410. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

C’était trop demander à l’écrivain philosophe. […] Il n’est jamais plus satisfait que quand il peut revêtir sa propre pensée de l’expression de quelque ancien sage ; et, par exemple, il tire à lui et détourne ici à son objet, en l’accommodant quelque peu, ce beau mot du philosophe Charron traitant de Dieu même : « Le plus expédient est que l’âme s’élève par-dessus tout comme en un vide vague et infini, avec un silence profond et chaste et une admiration toute pleine de craintive humilité. […] C’est ainsi que ce philosophe, au cœur doux autant qu’à l’esprit élevé, comprend la tolérance et l’exerce autour de lui. […] Cependant un fait grave dans sa vie intellectuelle s’était passé en 1840, un fait auquel il accorde la valeur d’une initiation : il avait lu Auguste Comte, il l’avait connu en personne, et la parole, la doctrine du philosophe l’avait, selon son expression, subjugué. […] A l’étranger, des philosophes distingués, M. d’Orell, de Zurich ; M. 

411. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Nous ne défendrons plus à un philosophe d’être un politique, à un magistrat d’être un héros, à un orateur d’être un soldat, à un poète d’être un sage ou un citoyen. […] Son attitude avait le calme du philosophe, plutôt que l’agitation du tribun. […] Les riches natures, comme César, Cicéron, Brutus, Solon, Platon, commencent par l’imagination et la poésie : c’est le luxe des sèves surabondantes dans les héros, les hommes d’État, les orateurs, les philosophes. […] On l’appelait poète, lettré, homme grécisé, philosophe spéculatif, noyé dans la contemplation des choses inutiles. […] Tout en prévenant, par ses mesures, la disette qui menaçait le peuple romain, il ménagea la Sicile, et s’y fit adorer ; il la parcourut tout entière, moins en proconsul qu’en philosophe et en historien curieux de rechercher dans ses ruines les vestiges de sa grandeur antique.

412. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

D’abord on sait, par plusieurs passages de ces entretiens, que nous différons complétement d’idée avec les philosophes modernes du progrès indéfini et continu de l’esprit humain. Ces philosophes, pour flatter très sincèrement leurs contemporains, leur postérité, et pour se flatter eux-mêmes, sont obligés de ne voir que ténèbres, ignorance, barbarie, dans les commencements de l’humanité. […] On voit combien il y a de distance entre nous et les philosophes actuels du progrès continu et indéfini. […] Vous verrez, en rentrant un moment dans vos consciences, si cette philosophie est plus ou moins conforme à la vôtre, et si elle n’est pas surtout parfaitement conforme à la philosophie du philosophe du désert, Job ! […] Ce sont là tous les philosophes, tous les prosateurs, tous les poètes burlesques qui, profondément impressionnés de la misère morale de l’humanité, mais pas assez généreux pour la plaindre, ont pris le parti de la railler.

413. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

C’est un reste d’école chez lui : il ne devine pas assez qu’un moment approche où il y aura accession ouverte et libre de tous les esprits sur quantité de questions, et que le philosophe et le vrai sage sera tenu, dans ses solutions, de compter de plus en plus avec le sentiment de ce grand nombre dont on fait partie soi-même, et avec cette philosophie irréfléchie, mais nécessaire, qui résulte de l’humaine et commune nature. […] L’enfant aussitôt né, il songe à la nourrice : « Selon la raison, dit-il, et tous les sages, ce doit être la mère » ; et il cite à ce sujet ce que dit le philosophe Favorinus chez Aulu-Gelle et ce que répétera Rousseau43. […] Montaigne, de mieux en mieux lu et compris, et qui est autant un poète qu’un philosophe, a dispensé de Charron qui, à bien des égards, n’a fait autre chose que donner une édition didactique des Essais, une table bien raisonnée des matières, et qui n’avait point ce qui fait vivre. […] Mais l’humanité va, incessamment, apprenant et oubliant tour à tour : et vous avez vu que l’éloquence aussi et le souffle n’avaient pas manqué dans le conseil donné par un philosophe et un sage gaulois parlant en grec à un Romain de ses amis, par Favorin, né à Arles, l’une des lumières du siècle des Antonins.

414. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

La Bruyère, lui, vrai philosophe et d’un cœur élevé, ne pensa qu’à être témoin, spectateur et moraliste au profit du public. […] La Bruyère, le philosophe, qu’on croyait marié et qu’on supposait honteux de l’être, c’est assez piquant. […] En présence du monarque malheureux, le philosophe s’est fait plus jacobite que de raison. […] Que dites-vous de cette libéralité du philosophe, qui se contentait pour lui de mille écus de pension ?

415. (1890) L’avenir de la science « V »

Je suis persuadé que, si cette école célèbre fût restée dans la ligne de Saint-Simon, qui, bien que superficiel par défaut d’éducation première, avait réellement l’esprit scientifique, et sous la direction de Bazard, qui était bien certainement un philosophe dans la plus belle acception du mot, elle fût devenue la philosophie originale de la France au XIXe siècle. […] Les prêtres, ce sont les philosophes, les savants, les artistes, les poètes, c’est-à-dire les hommes qui ont pris l’idéal pour la part de leur héritage et ont renoncé à la portion terrestre 59. […] Quelle différence du philosophe, qui s’est appelé autrefois Pierre Leroux, au patriarche d’une petite église, entouré d’affiliés dont on se demande parfois avec hésitation : « Sont-ils assez béotiens pour être des croyants ?  […] Ce regret ne se remarque pas chez les premiers sceptiques (les philosophes du XVIIIe siècle par exemple), lesquels détruisaient avec une joie merveilleuse et sans éprouver le besoin d’aucune croyance, préoccupés qu’ils étaient de leur œuvre de destruction et du vif sentiment de l’exertion de leur force.

416. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

C’est cette dépendance de la pensée à l’égard du mouvement que certains philosophes s’efforcent d’atténuer ou de faire évanouir. […] Mais la théorie atomique prétend, avec quelques philosophes qui l’embrassent, atteindre, quant à sa forme générale, à la véritable constitution de la matière. […] La première direction est représentée par les philosophes qu’on peut justement appeler Idéologues. […] Ainsi raisonne la seconde catégorie de philosophes issus de Locke, et qu’on peut appeler les psychologues dynamistes. […] Les habitants de Kœnigsberg mettaient leur montre à l’heure en voyant le philosophe Kant faire sa promenade journalière.

417. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Gabriel Naudé »

Il chiarle 255 puissamment, il ment effrontément, il débite des bagatelles à la populace ; mais avec tout cela c’est un fol enragé, un imposteur, un menteur, un superbe, un impatient, un ingrat, un philosophe masqué qui n’a jamais su ce que c’étoit de faire le bien ni de dire la vérité. […] Puisque leur témoignage extérieur est souvent invoqué en l’honneur du philosophe calabrois, il était juste qu’on eût le témoignage intime et confidentiel.

418. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

Il y a quelque honneur à lui de n’avoir été au commencement du dix-huitième siècle ni un courtisan dissolu, ni un philosophe de bel air, ni un parlementaire étroit, mais de s’être montré dès l’abord citoyen sérieux sous la Régence, économiste sous le système, et plus tard ministre intègre sous Pompadour. […] Quoique plus jeune, il le précéda dans les hautes charges ; et quoique aussi honnête homme, il lui survécut au ministère : protecteur des savants et des philosophes, il s’est conquis aussi leur reconnaissance et leurs éloges.

/ 2067