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563. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

En effet, le jugement social est objectif par rapport aux jugements individuels ; l’échelle des valeurs se trouve ainsi soustraite aux appréciations subjectives et variables des individus : ceux-ci trouvent en dehors d’eux une classification tout établie, qui n’est pas leur œuvre, qui exprime tout autre chose que leurs sentiments personnels et à laquelle ils sont tenus de se conformer. […] Son expérience personnelle peut bien lui permettre de distinguer des fins à venir et désirables et d’autres qui sont déjà réalisées.

564. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Doué d’une rare puissance d’imitation, il pastiche quand il veut, avec succès, les écrivains les plus différents, les plus personnels. […] Plusieurs critiques se sont posé la question et chacun l’a résolue dans le sens de ses préférences personnelles.

565. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Je ne sache guères en toutes ses œuvres qu’une page de colère enflammée, et c’est le célèbre portrait de Voltaire, écrit avec la griffe d’un tigre trempée dans du vitriol ; seulement, remarquez que, dans ce portrait, de Maistre ne parle pas en son nom personnel, mais au nom et par la bouche des personnages du dialogue de ses Soirées de Saint-Pétersbourg. […] Restent donc, au compte de ce tortionnaire innocent, quelques épigrammes bien appliquées, pour sa défense personnelle, à des hommes qui l’avaient, comme Condillac et Locke, férocement ennuyé, et ce rictus épouvantable établi sur la bouche de Voltaire, mais qui, ma foi, n’en a pas beaucoup changé le sourire, et qui ne l’a pas, pour que l’on s’en plaigne, si prodigieusement défiguré !

566. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

On m’objectera ici que plusieurs grands écrivains de notre siècle ont étudié la province, et que, représentants de l’école réaliste, ils n’ont pas dû se borner à suivre une mode, à opiner de la plume parce que les anciens maîtres avaient dit du mal de la province, mais que, s’ils ont persisté à n’en pas écrire favorablement, ils ne l’ont fait qu’après enquête personnelle, scientifiquement et avec le scrupule de la réalité qu’ils apportent en leurs moindres ouvrages. […] Il n’y a pas jusqu’à la coiffe villageoise, ce dernier vestige du costume personnel, qui ne soit menacée de disparaître devant le chapeau des grands magasins.

567. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Sur Adolphe de Benjamin Constant » pp. 432-438

Un pareil travail critique serait à faire sur tous ces petits livres à la fois personnels et d’une personnalité poussée au type et à l’idéal, qui ont tant ému et occupé les lecteurs contemporains, — sur René et aussi sur l’Adolphe de Benjamin Constant.

568. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

Quant à la Chambre des députés, les portraits sont personnels et odieux.

569. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Qu’on lise la pièce qui porte ce titre, et celle encore qu’elle a adressée, après la guerre civile, à Adolphe Nourrit à Lyon, à ce généreux talent dont la voix, née du cœur aussi, répond si bien à la sienne : cela s’élève tout à fait au-dessus des inspirations personnelles de l’élégie.

570. (1874) Premiers lundis. Tome I « M.A. Thiers : Histoire de la Révolution française Ve et VIe volumes — I »

Les haines personnelles reparurent ; les individus recommencèrent à se dessiner ; et des rangs brisés l’on vit sortir Robespierre, Danton, Hébert.

571. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

Si la vengeance n’est pas proscrite par l’esprit public dans une nation où chaque individu existe de toute sa force personnelle, où le despotisme ne comprimant point la masse, chaque homme a une valeur et une puissance particulière, les individus finiront par haïr tous les individus, et le lien de parti se rompant à mesure qu’un nouveau mouvement crée de nouvelles divisions, il n’y aura point d’homme qui n’ait, après un certain temps, des motifs pour détester successivement tout ce qu’il a connu dans sa vie.

572. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé  Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile  Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social  Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue  Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion  À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.

573. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

Je fais seulement observer que cette suprématie n’est ni démontrée ni démontrable, et je demande que le culte de Victor Hugo reste une affaire de dévotion personnelle.

574. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Pour encourager les riches. » pp. 168-175

L’argent nous possède d’autant plus qu’il est en plus grande quantité et que, en un sens, il nous appartient moins, n’étant presque plus le produit de notre effort personnel.

575. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

La poésie française compte un sonnet de plus… Successeur des poètes qui ont introduit l’Espagne en France, héritier d’une longue lignée qui va de Jean Chapelain à Pierre Corneille et d’Abel Hugo à Victor Hugo, l’auteur des Trophées se distingue cependant de tous ses devanciers par des traits qui lui sont personnels.

576. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Avertissement » pp. -

Je dis : mathématiquement, parce que nos goûts personnels, en pareille affaire, n’ont rien encore à voir ; et on n’écrit point une Histoire de la Littérature française pour y exprimer des opinions à soi, mais, et à peu près comme on dresse la carte d’un grand pays, pour y donner une juste idée du relief, des relations, et des proportions des parties Et, — toujours afin que le livre fut plus utile, d’un secours plus efficace et plus constant, — j’ai donné à la Bibliographie une attention toute particulière.

577. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVI »

Comment nous reproche-t-on après cela de méconnaître l’originalité personnelle, la valeur du premier jet, le mérite de l’invention ?‌

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