Le caractère le plus remarquable de ce morceau tout sentimental et poétique et nullement dogmatique, c’est peut-être qu’il ne conclut pas, et qu’il laisse conjecturer tout ce qu’on voudra sur la pensée finale de l’auteur ; il laisse chacun rêver à son gré sur l’état d’âme définitif que cela suppose. […] Rousseau, dans le récit qui nous occupe, s’est attaché à montrer, durant une belle nuit d’été, le premier homme qui s’avisa de philosopher et de réfléchir, et il a prêté à cette philosophie naissante tout le charme, au contraire, de l’admiration et de la foi, toute l’ivresse d’un premier ravissement : Ce fut durant une belle nuit d’été que le premier homme qui tenta de philosopher, livré à une profonde et délicieuse rêverie et guidé par cet enthousiasme involontaire qui transporte quelquefois l’âme hors de sa demeure et lui fait, pour ainsi dire, embrasser tout l’univers, osa élever ses réflexions jusqu’au sanctuaire de la nature et pénétrer, par la pensée, aussi loin qu’il est permis à la sagesse humaine d’atteindre. […] À l’instant, toutes les énigmes qui l’avaient si fort inquiété s’éclaircirent à son esprit : le cours des cieux, la magnificence des astres, la parure de la terre, la succession des êtres, les rapports de convenance et d’utilité qu’il remarquait entre eux, le mystère de l’organisation, celui de la pensée, en un mot le jeu de la machine entière, tout devint pour lui possible à concevoir comme l’ouvrage d’un Être puissant directeur de toutes choses ; et s’il lui restait quelques difficultés qu’il ne pût résoudre, leur solution lui paraissant plutôt au-dessus de son entendement que contraire à sa raison, il s’en fiait au sentiment intérieur qui lui parlait avec tant d’énergie en faveur de sa découverte, préférablement à quelques sophismes embarrassante qui ne tiraient leur force que de la faiblesse de son esprit. […] Cependant, fatigué à la fin de tant d’émotions et de pensées, il s’est endormi, et durant son sommeil il a un songe. […] En revanche, je ne crains ni d’avouer mes erreurs, ni de réparer mes fautes… » Le sentiment qu’inspire la lecture suivie des lettres et pensées qu’on trouve ici rassemblées telles quelles, est celui d’une pitié profonde.
Cette étude sur Swift, où l’ambition politique ardente et déçue, le talent ironique et âcre, la misanthropie douloureuse poussée à la démence, sont rendus avec vigueur et sobriété, se recommande surtout « par les jugements et les pensées, par les idées et par la forme qu’elles prennent. » C’est dire qu’il laisse à d’autres l’étalage des recherches et le surcroît de l’érudition. […] Mais déjà sa pensée était autre part : il se sentait un peu exilé, même dans cette ville lettrée et bienveillante aux talents ; car rien ne supplée au mouvement et à la vie. […] Il n’était pas permis de tout dire ; il ne se croyait pas en mesure pour critiquer directement : il avait des tours, des finesses, pour faire entendre sa pensée ; l’ironie est sa figure favorite. […] Prevost-Paradol, à son tour, écrivant un article sur Tocqueville, répondit à cette pensée, et, dans une prosopopée touchante où il le faisait parler, il témoigna, comme c’était son droit, que ses amis le louaient au contraire d’avoir eu la sensibilité si vive, et ne le désiraient pas autre qu’il ne s’était montré à eux, c’est-à-dire triste jusqu’à en mourir. […] Je demande à confondre un peu dans ma pensée ces différents morceaux et les brochures sorties de sa plume, pour répondre à l’esprit qui les a dictés et qui les inspire.
L’idée personnelle de gloire chez les souverains comme Louis XIV dénatura bientôt ce qu’il y avait eu de légitime et d’équitable dans la pensée d’un Richelieu : ce règne superbe eut pourtant l’honneur d’offrir l’exemple du plus beau talent et de la plus haute vertu militaire dans Turenne. […] Frédéric, à son tour, le roi-conquérant, le roi-capitaine, ne fit du moins ses entreprises et ne livra de sa personne tant de sanglantes batailles que dans une pensée politique semblable à celle de Richelieu, et pour asseoir puissamment son État et sa nation, pour créer une Allemagne du Nord antagoniste et rivale en face du Saint-Empire. […] Depuis lors, sans doute, il y eut encore, — et nous en avons vu, — quelques mémorables guerres ; mais les plus heureuses, si l’on excepte la dernière (celle de 1866), n’ont produit pour les vainqueurs que des résultats incomplets, peu décisifs, chèrement achetés, et elles n’ont mis en lumière aucun génie ; l’enthousiasme n’a pas duré, et la pensée pacifique a fait chaque jour des progrès que l’émulation industrielle dans les odieux moyens de destruction n’est certes pas de nature à ralentir. […] On y lit en tête ces lignes, qui traduisent sa vraie pensée : « Cet ouvrage est un des plus distingués qui aient paru sur ces matières. […] C’était, selon lui, « l’unique moyen de poser le grand problème, de manière à le résoudre. » Son esprit juste, son jugement essentiellement modéré, en rabattront assez plus tard et bientôt, dès après Iéna et à partir d’Eylau, dès qu’il verra poindre et sortir les fautes et les exagérations du système nouveau et du génie qui l’avait conçu ; il dira alors, en rentrant dans la parfaite vérité : « Loin de moi la pensée de décider si le roi légitime de la Prusse, ne voulant que défendre son trône et son pays, pouvait provoquer, dès 1756, cette révolution immense dans l’art militaire qu’un soldat audacieux autant qu’habile introduisit, quarante ans après, par la force des événements qui l’entraînait !
Quinet qui, jusque-là, voyageur panthéiste et rêveur, s’était un peu abîmé en présence de la nature, transporta dans la vue des temps et de l’histoire sa pensée amie des interprétations et des symboles. […] Quoi qu’il en soit, l’auteur dans ses vers a très-vite trouvé son rhythme, son allure, et, en quelque sorte, le trot ou le galop qui conviennent à sa rapide pensée. […] Il est vrai qu’il faut lui tenir compte, en le comparant avec l’un, du souffle et de l’ampleur continue qu’il déploie ; et en le comparant avec l’autre, de la pensée et de la moralité idéale, qui, bien que parfois nuageuse, tend toujours à racheter ces imperfections de forme. […] Quinet est de tous les hommes celui chez lequel le système que nous avons en partie critiqué nous apparaît le plus identifié avec la nature intime, avec la vie habituelle, avec le tour de la pensée et de l’imagination. […] La pensée la plus fixe, la douleur de M.
Quelle fut la marche de la pensée de Jésus durant cette période obscure de sa vie ? […] Mais sans doute ce ne fut pas là sa première pensée 222. […] D’autres étaient des pensées de sages plus modernes, surtout d’Antigone de Soco, de Jésus fils de Sirach, et de Hillel, qui étaient arrivées jusqu’à lui, non par suite d’études savantes, mais comme des proverbes souvent répétés. […] Épargne-nous les épreuves ; délivre-nous du Méchant 256. » Il insistait particulièrement sur cette pensée que le Père céleste sait mieux que nous ce qu’il nous faut, et qu’on lui fait presque injure en lui demandant telle ou telle chose déterminée 257. […] Purifiez vos pensées ; cessez de mal faire, apprenez le bien, cherchez la justice, et venez alors 259. » Dans les derniers temps, quelques docteurs, Siméon le Juste 260, Jésus, fils de Sirach 261, Hillel 262, touchèrent presque le but, et déclarèrent que l’abrégé de la Loi était la justice.
Un vrai classique, comme j’aimerais à l’entendre définir, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale non équivoque, ou ressaisi quelque passion éternelle dans ce cœur où tout semblait connu et exploré ; qui a rendu sa pensée, son observation ou son invention, sous une forme n’importe laquelle, mais large et grande, fine et sensée, saine et belle en soi ; qui a parlé à tous dans un style à lui et qui se trouve aussi celui de tout le monde, dans un style nouveau sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges. […] Royer-Collard, M. de Rémusat disait : « S’il tient de nos classiques la pureté du goût, la propriété des termes, la variété des tours, le soin attentif d’assortir l’expression et la pensée, il ne doit qu’à lui-même le caractère qu’il donne à tout cela. » On voit qu’ici la part faite aux qualités classiques semble plutôt tenir à l’assortiment et à la nuance, au genre orné et tempéré : c’est là aussi l’opinion la plus générale. […] Cette seule pensée apprendrait à un esprit juste à ne pas envisager l’ensemble des littératures, même classiques, d’une vue trop simple et trop restreinte, et il saurait que cet ordre si exact et si mesuré, qui a tant prévalu depuis, n’a été introduit qu’artificiellement dans nos admirations du passé. […] Ayons la sincérité et le naturel de nos propres pensées, de nos sentiments, cela se peut toujours ; joignons-y, ce qui est plus difficile, l’élévation, la direction, s’il se peut, vers quelque but haut placé ; et tout en parlant notre langue, en subissant les conditions des âges où nous sommes jetés et où nous puisons notre force comme nos défauts, demandons-nous de temps en temps, le front levé vers les collines et les yeux attachés aux groupes des mortels révérés : Que diraient-ils de nous ? […] Enfin, que ce soit Horace ou tout autre, quel que soit l’auteur qu’on préfère et qui nous rende nos propres pensées en toute richesse et maturité, on va demander alors à quelqu’un de ces bons et antiques esprits un entretien de tous les instants, une amitié qui ne trompe pas, qui ne saurait nous manquer, et cette impression habituelle de sérénité et d’aménité qui nous réconcilie, nous en avons souvent besoin, avec les hommes et avec nous-même.
Le maréchal lui ayant répondu qu’il était allé au-devant de sa pensée et que rien ne faisait obstacle, il fut convenu de se mettre au travail sans retard, et dès le surlendemain vendredi 28. […] Souvent aussi, il avait des pensées originales et nées de lui seul. […] Mais ici la méfiance, déjà propre à cette jeune nature, se marqua à l’instant ; sa physionomie se ferma : « Mais je ne connais personne à Paris », répondit-il ; — et après une pause d’un instant : « Je n’y connais plus que la colonne de la place Vendôme. » Puis s’apercevant qu’il avait interprété trop profondément une parole toute simple, et pour corriger l’effet de cette brusque réponse, il envoya le surlendemain à M. de La Rue, qui montait en voiture, un petit billet où étaient tracés ces seuls mots : « Quand vous reverrez la Colonne, présentez-lui mes respects. » Au maréchal Marmont, comme à toutes les personnes avec qui il parlait de la France, le jeune prince exprimait l’idée qu’il ne devait, dans aucun cas, jouer un rôle d’aventure ni servir de sujet et de prétexte à des expériences politiques ; il rendait cette juste pensée avec une dignité et une hauteur déjà souveraines : « Le fils de Napoléon, disait-il, doit avoir trop de grandeur pour servir d’instrument, et, dans des événements de cette nature, je ne veux pas être une avant-garde, mais une réserve, c’est-à-dire arriver comme secours, en rappelant de grands souvenirs. » Dans une conversation avec le maréchal, et dont les sujets avaient été variés, il en vint à traiter une question abstraite ou plutôt de morale, et comparant l’homme d’honneur à l’homme de conscience, il donnait décidément la préférence à ce dernier, « parce que, disait-il, c’est toujours le mieux et le plus utile qu’il désire atteindre, tandis que l’autre peut être l’instrument aveugle d’un méchant ou d’un insensé ». […] Les vastes conceptions me plaisent, et je m’associe volontiers et d’instinct, par la pensée, aux belles créations, aux grandes entreprises. […] Vivant ou mort, il ne faut pas que, de la part du maréchal, une approbation, une louange exprimée dans l’intimité semble venir solliciter une faveur et une grâce ; ce serait aller contre sa pensée.
Barthélemy, dans sa vue de la Grèce, n’a rien d’un Montesquieu : « Il faut que chaque auteur suive son plan, a-t-il dit ; il n’entrait pas dans le mien d’envoyer un voyageur chez les Grecs pour leur porter mes pensées, mais pour m’apporter les leurs autant qu’il lui serait possible. » Il reste à savoir pourtant si les pensées des Grecs, exprimées par eux et traduites sous nos yeux sans explication préalable, sont suffisamment à notre usage. […] Et après quelque retour de pensée sur la manière dont le christianisme, lui aussi, savait placer et asseoir ses vrais monuments, ses antiques abbayes, au fond des bois ou sur la cime des montagnes : Je faisais ces réflexions à la vue des débris du temple de Sunium… Je découvrais au loin la mer de l’Archipel avec toutes ses îles ; le soleil couchant rougissait les côtes de Zéa et les quatorze belles colonnes de marbre blanc au pied desquelles je m’étais assis. […] Si vous voulez faire parler Platon au Sunium (ce qui est difficile), inspirez-vous de lui à l’avance, remplissez-vous de son esprit et de ses formes ; et alors, si l’imagination vous le dit, parlez de source et en toute abondance de cœur, improvisez un moment ; mais ne venez point citer de mémoire des centons cousus ensemble de ses pensées. […] L’amitié seule et la pensée de Mme de Choiseul l’animaient encore, et son dernier soin, dans ses derniers jours, fut pour elle et pour qu’on lui ménageât l’émotion que la nouvelle de son état devait lui causer.
Sans pousser cette sollicitude jusqu’à une sorte de manie, il ne faut jamais oublier, en effet, que le théâtre antique est sculptural, que les personnages y forment des groupes harmonieux faits pour satisfaire les yeux amoureux de la beauté des lignes autant que l’esprit amoureux de la beauté des pensées ; que les Grecs ne cessent jamais d’être artistes et qu’il faut nous faire artistes nous-mêmes pour goûter leur théâtre, sinon autant qu’ils le goûtaient, du moins de la manière, d’une des manières, et importante, dont ils le goûtaient. […] Un des plaisirs encore de la lecture des poètes dramatiques est de distinguer ce qui, comme pensée, est d’eux et ce qui est de leurs personnages. […] Le personnage, par exemple, qui raille le personnage ridicule représente approximativement l’auteur, et il n’y a pas à douter beaucoup que ce que dit la Dorine de Tartuffe ne soit ce que Molière pense lui-même ; le personnage, dans les pièces à thèse, qui « raisonne », qui fait une dissertation, qui exprime des idées générales et à qui, cela est important, l’adversaire n’a rien à répondre peut être considéré comme exprimant, à très peu près, la pensée de l’auteur. […] Et, enfin, on distingue la pensée personnelle de l’auteur dramatique surtout à l’accent avec lequel un personnage parle. […] Personne ne doute, à la façon dont Suréna parle, que Corneille ne soit avec Suréna, et que Suréna ne jette au public la pensée même de Corneille.
Remarquez, en outre, que dans la pensée de l’abonné, les mots « romans pour toutes les mains » ont un sens bien étroit et bien singulier. […] Elle laissera périr la pensée d’autrui ou bien elle s’épuisera en essayant de la porter. […] Voyez, dans une même patrie, les gens de la plaine et ceux de la montagne, ceux qui communiquent, par tout leur être, avec le sol rocheux, l’air sec, avec les bruyères, avec les grands flamboiements de soleil sur des surfaces arides ; regardez à côté et étudiez ceux que la vie enferme dans l’ombre moite des forêts ; observez le visage des mêmes travailleurs qui change avec les saisons, la couleur de leurs paroles ou de leurs yeux qui varie plus d’une fois en un jour, et dites si nous ne sommes pas un peu les sujets de ce monde que nous dominons par la pensée ? […] Il ne verra que les détails qui peuvent fournir un aliment à ses pensées de l’heure présente ; il ne verra que son âme souffrante ou heureuse dans la nature où il la répand ; il n’aura pas remarqué l’exacte courbe d’un chemin qui tourne sous bois ou d’un arbre plié par le vent, mais d’immédiates comparaisons se seront levées en lui, et ce qu’il aura retenu, soit comme une ironie, soit comme une harmonie, ce sera la paix, l’ordre, ou la sauvagerie, ou la fraîcheur, ou la tristesse morne de ce coin de la nature. […] Sans doute, le rêve d’un écrivain sera d’être compris, jusqu’aux nuances les plus secrètes de sa pensée, par une intelligence sœur de la sienne ; mais ce rêve n’est point incompatible avec celui d’être lu par la foule, de parler à l’âme d’un pays, ne fût-ce que par une page, par une phrase reproduite dans les journaux, citée dans des discours, traduite dans une chanson, et possédée et gardée ensuite par des milliers d’êtres humains dans le trésor des vérités acquises.
Bergson sur « l’antinomie du réel et de la pensée logique ». […] Il a considéré le christianisme non pas comme l’ennemi, mais comme l’héritier de la pensée ancienne. […] Il a commis, en pensée, le plus exécrable des forfaits. […] Ce qui est intéressant et précieux, ce n’est pas la vie, c’est la pensée. […] Romain Rolland s’écrie : « L’évolution de la pensée européenne allait grand train.
Quelquefois aussi la pensée est commune ; on croit l’ennoblir par une expression qui n’a pas la roture de l’usage. […] Le travail sur les mots est stérile ; la pensée seule est créatrice. […] Rien de si contagieux que la pensée ! […] Il a fait apparaître la nature au milieu de l’émeute et reporté la pensée aux calmes horizons. […] Autran a conquis l’escabeau d’ivoire sous le portique de marbre blanc où trônent les demi-dieux de la pensée.
Dans ma pensée elles ne sont point arbitraires, mais n’ont aussi rien d’absolu. […] Ses livres enferment d’indéniables qualités de pensée et de réflexion. […] La pensée s’y cherche, ou bien les mots répondent de travers à la pensée. […] Barrès, en dehors de la pensée pure. […] Observez que je constate la chose sans arrière- pensée de blâme.
Il anime la matière inerte, il donne une pensée aux choses. […] Il nous trouble avec de pures pensées. […] Comment en aurait-elle pour juger l’art et la pensée ? […] À vrai dire, c’est un temps qui convient à mes pensées. […] Mais dirai-je toute ma pensée ?
Elle n’est d’ailleurs qu’un ornement de plus, et ne sert jamais à dissimuler le vide des pensées. […] Le subtil, le faux, l’emphatique règnent dans son style et dans ses pensées. […] Pardonne-moi d’avoir eu cette pensée. […] Pardonne-moi cette pensée. […] Milton avait eu la pensée de mettre en tragédies un grand nombre de traits de l’histoire sainte.