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694. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Leurs sentiments se changent aisément en passions, en passions qui agissent. […] Les passions l’attachent plus que les vices : les vices ne sont que des maladies qui corrompent plus qu’elles n’agitent, les passions sont des mobiles qui poussent l’âme vers l’action. […] Ils sont jeunes comme l’amour, jeunes comme la passion. […] Mais il obéit à sa passion, comme le premier venu. […] Même privilège pour les beaux sentiments et les grandes passions.

695. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Dès l’adolescence, les liaisons républicaines charment La Fayette ; ce qu’ont écrit et prêché Jean-Jacques, Mably, Raynal, il le fera ; lui, le descendant des hautes classes, il sera le premier champion, le paladin le plus avancé des intérêts et des passions nouvelles. […] Le mot de trahison, si cher aux masses émues, circulait ; un général américain, Sullivan, cédant à la passion, mit à l’ordre du jour que les alliés les avaient abandonnés. […] Le caractère, quelquefois masqué chez les nations, comme chez les individus, par les moments de grande passion, reparaît toujours après76. […] Le ton de ces observations, bien moins polémiques qu’apologétiques, se recommande tout d’abord par une modération digne, à laquelle, en des temps de passion et d’injure, c’est la première loi de quiconque se respecte de ne jamais déroger. […] Se rappeler la belle Épître morale de Pope sur le caractère des hommes, et le passage si vrai sur la passion maîtresse et dominante.

696. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Mais jamais on ne me força d’obéir à des hommes de lucre et d’égoïsme, à des hommes occupés de leur intérêt privé, à des hommes livrés à une seule passion, l’avarice. […] Faire un calcul entre ses passions, voilà tout ce qui lui reste ; mais calculer entre ses passions sans notion supérieure, ce n’est pas être libre moralement, c’est au contraire être esclave moralement ; c’est être au plus haut point esclave de son égoïsme. […] Il n’a plus d’autel dans son cœur où il puisse immoler ses passions ; il a un autel où il leur sacrifie. […] Sans cela, tout homme est libre dans son cœur de nier vos lois, et, s’abandonnant à ses passions, de les violer. […] Il suffit de rentrer en soi-même dans le silence des passions, pour reconnaître qu’il n’y a dans ce triste tableau de l’époque où nous vivons ni exagération ni mensonge.

697. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Est-ce que, jusque dans la passion, il n’y a pas de moments où nous ne retrouvons absolument plus rien de cette passion, où elle nous paraît une pure construction de notre esprit ? […] Tout principe agglomérant, toute substance à ses passions sont exclus par lui. […] Sans doute il est bien hardi de prétendre que l’Amour de Swann pour Odette n’était pas une passion. […] Quand l’égoïsme survit à l’amour, on ne peut pas dire qu’il y ait passion. […] Nous passions devant une bordure de rosiers du Bengale, quand soudain il se tut et s’arrêta.

698. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Enfin, avec la méthode de Descartes, Pascal continua les habitudes d’esprit de ce grand homme, sa passion pour la vérité, sa soif de l’évidence. […] Pascal emploie contre la résistance de la raison l’imagination et la sensibilité ; il y fait servir toutes les passions tour à tour, l’admiration, le désir, l’espérance, la joie, la tristesse, et, s’il le faut, la peur. Et de même qu’il a une langue pour tous les états de son âme, il en a une pour toutes les passions de ceux qui le lisent. […] Quelles conceptions sont plus hautes, quel dessein plus digne d’un homme de génie, que d’avoir anticipé, par le détachement de son corps et la destruction de ses passions, la vie de pure intelligence qui nous est promise après la mort ? […] Il a le premier parlé, dans notre pays, la langue de la mélancolie, cette passion dont le christianisme a enrichi la nature humaine, et qui est comme un certain détachement des joies et des plaisirs de la terre, par lequel nous sommes préparés doucement à la séparation irrévocable.

699. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

. — Mais, reprend le héros, Canoua est un saint qui a fait vœu de dompter toutes les passions humaines, et qui serait mort plutôt que de violer son vœu de continence. […] Ce récit redouble la passion de Douchmanta pour la jeune fille issue d’une race divine. […] Le soleil et la lune, le feu et le vent, la terre et le firmament, et la vaste étendue des eaux, le jour et la nuit, les deux crépuscules du matin et du soir, tous les éléments sont les témoins des actions les plus secrètes de l’homme : s’il n’a point agi contre la voix intérieure de sa conscience, le juge incorruptible le fait jouir d’une félicité éternelle ; mais si en étouffant cette voix il s’adonne au crime, il est condamné aux plus terribles châtiments. » Un tel discours, dans un tel moment, est déplacé ; on voit que dans ces poèmes les situations les plus pathétiques servent moins au développement des passions qu’au développement de la haute morale qui domine dans l’âme des poètes les passions elles-mêmes. […] Il s’abandonne avec sécurité à sa passion pour elle. […] La poésie, dans cette scène, a la majesté du paysage et les images de la passion.

700. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

La Grèce fut bientôt remplie de Dieux de toute espèce : le Ciel, la Terre, les Elémens, tout dans la nature, jusques aux passions mêmes, eut des Temples, des Prêtres & des Autels. […] Les Auteurs qui l’avoient précédé, ceux qui couroient avec lui la même carrière, n’avoient-ils pas les mêmes vices, les mêmes passions, les mêmes ridicules à peindre & à combattre ? […] Si cette manière de peindre les passions n’a rien de révoltant, elle n’a rien non plus qui serve à nous en corriger ; & ce n’étoit pas sans doute le but de de l’Auteur de Mélanide. […] Romans, dont souvent le seul but est de fronder les usages reçus, d’établir des opinions nouvelles, & de faire l’Apologie des écarts & des erreurs dans lesquels les passions jettent une jeunesse indocile & fougueuse, en lui faisant contracter des alliances également condamnées par la raison, par l’honneur & par les loix. […] Ne s’imagineroit-on pas, en lisant les Préfaces de certains Drames ou Tragédies Bourgeoises, que leurs Auteurs excellent dans l’art de peindre les passions & de les émouvoir ?

701. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

Les poésies de Mme Desbordes-Valmore sont remplies de ces grands noms ; le dernier surtout y est prodigué à un point qui frappe tout le monde et appliqué comme aucune femme ne s’en était encore avisée ; c’est que le ciel seul lui fournit des images proportionnées à une passion qui n’est qu’une perpétuelle apothéose : Dieu, c’est toi pour mon cœur ; j’ai vu Dieu, je t’ai vu ! […] Là, nulle trace de réminiscence, nulle trace des influences d’alentour ; forme et fond, tout y est bien elle et rien qu’elle, le cœur à nu, l’âme palpitante sous le coup de foudre de la passion… l’élégie était le vrai domaine lyrique de Mme Valmore, le champ d’inspirations où son expansif et doux génie se donnait carrière.

702. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Le marquis d’Urfé devait en grande partie sa célébrité à sa longue et merveilleuse passion pour Diane de Châteaumorand, personne d’une admirable beauté, d’une grande fortune, toute occupée de ses charmes, et pénétrée du respect pour elle-même, au point d’avoir refusé à un neveu de s’arrêter une nuit dans un château qu’il avait sur une route où elle passait, parce qu’on y avait remplacé des vitres de cristal par du verre. […] Les dernières amours de Henri IV, à cinquante-six ans, sa malheureuse passion pour Charlotte de Montmorency, qu’il avait mariée au prince de Condé, les jalousies de Marie de Médicis, les intrigues de sa cour contre les maîtresses du roi, le souvenir d’une guerre qu’on avait vue prête à s’allumer contre la maison d’Autriche pour ravoir la princesse de Condé, que son mari avait conduite à Bruxelles, dans la vue de la soustraire aux poursuites du roi, tout cela avait inspiré à toutes les âmes délicates un profond dégoût pour cette scandaleuse dissolution, dont la cour et la capitale offraient le spectacle, et les avait disposées à favorablement accueillir la continuation de L’Astrée.

703. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — S’il est plus aisé, de faire une belle action, qu’une belle page. » pp. 539-539

Quelle est la passion qui n’ait pas son héros ? La passion qui fait quelquefois si bien parler, fait plus souvent encore balbutier, même l’homme de génie.

704. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « I. Historiographes et historiens » pp. 1-8

au profit des plus égoïstes passions ou des plus ineptes systèmes ; mais ce n’est pas tout : ils en ont faussé la notion même… L’histoire, proprement dite, devait être un monument de bronze érigé par l’État, et sur lequel une main éprouvée, assez forte et assez honorée pour tenir le burin de l’Ordre social, écrirait les actes législatifs, les faits d’armes et les faits de conscience des personnalités caractéristiques du temps présent ou du passé. […] En un mot que la mémoire de nos grands hommes ne soit pas la proie banale de l’ignorant ou du mauvais qui vient jeter dessus son jour, sa passion, son manque de principes, son ignorance ou sa haine !

705. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Et Delacroix fut ensuite le lyriste de violentes passions, un peu vulgaires dans leur romantisme. […] Félicien Rops disent amèrement les vicieuses passions d’une époque perverse. […] Ces personnages sont des âmes ; leurs passions ne relèvent point de causes sensibles. […] Ce fut un continuel contraste de passions très vives. […] Une ivresse de passion emporte leurs âmes confondues ; ils se regardent d’un regard décisif ; et le désir de l’or, et le désir du pouvoir, sont vaincus dans leurs âmes par l’inondante passion de l’amour.

706. (1886) Le naturalisme

Il y a plus : même sous l’influence de passions puissantes : colère, jalousie, amour, la volonté peut venir à notre secours. […] La passion du roman a éclaté chez nous bien plus tôt que chez les Français. […] Cet homme est un grand pécheur, mais il a beaucoup aimé, il a été entraîné à pécher par des passions violentes, et le confesseur qui l’écoute sent couler une larme sur ses joues. […] Célibataires et maîtres d’eux-mêmes, ils se livrèrent librement à leurs passions d’artistes. […] Que l’auteur s’abstienne de peindre la passion amoureuse et il a carte blanche pour portraicturer toutes les autres !

707. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Les passions et les intérêts des princes et des grands, le gouvernement des souverains, tels étaient les principes de changement et de révolution. […] Les faits n’y sont pas le résultat immédiat des passions et des caractères. […] Ses passions peuvent l’entraîner, sans qu’il perde cette bonne opinion de lui-même, première source de ses erreurs. […] En réalité, il est un homme ou plusieurs hommes animés d’intérêts personnels, agités de passions et sujets à des erreurs. […] Le sentiment, exalté par la passion ou agrandi par l’imagination, n’était pas la source de son inspiration.

708. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Sa jeunesse a été la proie des passions. […] Mais cette passion n’a pas, comme l’autre, laissé de traces. […] quand la passion s’empare de la vie. […] Mais ces sagesses de la passion sont toujours trompées. […] Il est maître de lui-même, de ses passions, de son art.

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