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1861. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Un même et unique événement, connu par ces deux voies, paraîtra double, et quel que soit le lien que l’expérience établisse entre ses deux apparences, on ne pourra jamais les convertir l’une dans l’autre. […] IV Il se peut donc que la sensation et le mouvement intestin des centres nerveux ne soient au fond qu’un même et unique événement condamné, par les deux façons dont il est connu, à paraître toujours et irrémédiablement double. — Un autre ordre de raisons conduit à une conclusion semblable. […] Voilà une confirmation directe et notable de l’hypothèse admise, et l’on comprend maintenant pourquoi l’événement moral, étant un, nous paraît forcément double ; le signe et l’événement signifié sont deux choses qui ne peuvent pas plus se confondre que se séparer, et leur distinction est aussi nécessaire que leur liaison.

1862. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Car le sens chez Balzac paraît mince. […] Il n’est pas cause des œuvres contemporaines de son œuvre : il est très peu cause (cause directe, bien entendu) des œuvres qui ont paru après son œuvre. […] Biographie : Jean Chapelain (1595-1674), fils d’un notaire, se fit connaître d’abord par la Préface de l’Adone, puis par des Odes, et par son poème épique de la Pucelle, dont les 12 premiers chants parurent en 1656, au bout de vingt ans de travail.

1863. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Diderot, Rousseau, Condillac, Buffon paraissent ; Voltaire, un Voltaire épanoui et libéré, revient de Prusse. […] Le dernier volume de l’Encyclopédie paraissait en 1772 : les tables et les additions étaient achevées en 1780. […] Son œuvre littéraire paraît mince aujourd’hui, et ira, je crois, s’amoindrissant de jour en jour.

1864. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

On peut encore passer en revue les auteurs dramatiques et les romanciers et libeller sous forme de maximes les vérités qui ressortent de quelques-unes de leurs œuvres — ou bien rajeunir les proverbes — ou bien s’emparer d’une pensée célèbre et en prendre le contre-pied : ce sera presque aussi vrai et cela paraîtra plus piquant. […] Tout être aimé qui n’est pas heureux paraît ingrat. […] Il m’a bien paru qu’elle sonnait aussi délicieusement qu’autrefois.

1865. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Weiss s’est donné celle de traiter l’École normale de prison. « … Pour intellectuelle que soit une prison, c’est toujours une prison… La plus belle, la plus féconde, la plus riante de nos facultés, l’imagination s’y attriste… » Il ne nous paraît pas que la sienne se soit fort attristée à l’Ecole, ni que cette prison l’ait comprimée plus qu’il ne fallait. […] Ses admirations sont égales autant qu’elles sont diverses, et sont pourtant aussi perspicaces qu’elles paraissent effrénées : on ne saurait unir un esprit plus aigu à un délire plus abondant. […] Le comique même de Meilhac et Halévy lui paraît cruel ; et, au contraire, quoiqu’il ne se méprenne assurément pas sur la valeur des œuvres, il a d’amples indulgences pour Nana Sahib, pour Formosa, pour la Famille d’Arbelles, pour les comédies de M. 

1866. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

On peut remarquer aussi que le charme ne va pas sans un cœur aisément ému et qui ne craint pas de le paraître (Homo sum, etc. ). […] Il est vrai que sa façon de regarder est une création et que son œil sait découvrir au point qu’il paraît inventer. « Plus on a d’esprit, dit La Bruyère, plus on trouve d’originaux. » Ajoutons : Et plus l’on découvre autour de soi de situations originales. […] C’est pour cela que son talent me paraît plus difficile à bien caractériser que celui de MM. de Goncourt ou de M. 

1867. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Jouez seulement bien votre rôle ; et quand je vous enverrai quelqu’une de mes bonnes bourses, ne marquez aucun besoin d’argent, et surtout ne paraissez avoir aucune relation avec moi. […] Il faut parler toujours sans rien dire pour sembler spirituelle ; rire sans sujet pour paraître enjouée ; se redresser à tout moment pour étaler sa gorge ; ouvrir les yeux pour les agrandir, se mordre les lèvres pour les rougir ; parler de la tête à l’un, de l’éventail à l’autre ; donner une louange à celle-ci, un lardon à celle-là ; enfin, badiner, gesticuler, minauder60. » L’arrivée du printemps, qui amène le départ des officiers, jette le désarroi dans le monde des promeneuses, et les force à se rabattre sur les robins et les petits collets fort peu demandés en hiver : Heureux les bourgeois de Paris, Quand le plumet court à la gloire ! […] Il est probable que la verve toujours licencieuse et audacieuse de nos Italiens francisés paraissait de moins en moins tolérable, et qu’elle finit par être tout à fait en désaccord avec les rigueurs et les tristesses de la fin de ce siècle et de ce règne62.

1868. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Nous savons presque à l’avance comment serait Montaigne ; nous nous le figurons assez bien tel qu’il nous paraîtrait au premier abord ; mais Rabelais, qui le sait ? […] Le Télémaque parut, et ce livre rappela l’Europe aux harmonies de la nature. […] Il s’est passé dans les intervalles du Gargantua, du Don Quichotte et du Télémaque, plus de choses que Bernardin de Saint-Pierre ne paraît en soupçonner.

1869. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Rappelons-nous, encore une fois, pour ne pas les imiter, ces hommes d’esprit que nous avons connus dans notre jeunesse et qui nous paraissaient plus ou moins d’un autre âge : ils avaient cessé de prendre la société de droit fil ; ils avaient contracté leur pli à une certaine date restée pour eux mémorable bien plus que pour nous. […] Il me montrait l’endroit où ils étaient placés durant l’action : il me répétait ce que le roi lui avait dit ; il n’en avait pas oublié une parole. « Ici, me dit-il en parlant de l’une de ces batailles, je fus deux heures à croire que mon fils était mort : le roi eut la bonté de paraître sensible à ma douleur. […] En le quittant, je ne pus m’empêcher de lui paraître vivement touché de ses peines : « Vous y ajoutez, me dit-il, le regret de ne vous avoir fait aucun bien, lorsque cela m’eût été si facile. » Peu de temps après, il obtint la permission d’être transporté à Paris.

1870. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Il y a l’auteur tragique qu’on ne lit plus et qu’on peut difficilement relire, celui qui eut l’idée d’introduire sur notre théâtre des imitations de Shakespeare sans savoir l’anglais, et qui, dans l’avertissement qui précède son Hamlet (1770), disait naïvement : Je n’entends point l’anglais, et j’ai osé faire paraître Hamlet sur la scène française. […]  » Ce trait paraissait égal aux plus beaux traits de Corneille ; mais il était pris lui-même de Shakespeare dans Macbeth, et appliqué à cette imitation de Dante introduite dans Roméo. […] Au milieu d’accents très naturels, il y paraît tout à coup de faux oripeaux ou des trivialités bourgeoises.

1871. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Sa faiblesse d’invention et de poésie ne paraît nulle part plus à nu que dans les trois élégies en prose qu’il a voulu consacrer aux guerres de Messénie (et d’où, plus tard, Casimir Delavigne empruntera l’idée et le titre même des Messéniennes). […] La Grèce de l’abbé Barthélemy répond bien, en effet, à ce que paraît la campagne romaine dans les Géorgiques de l’autre spirituel abbé. […] Le Voyage d’Anacharsis avait paru depuis quelques mois, et le succès allait aux nues : une place devint vacante à l’Académie française par la mort du grammairien Beauzée, et Barthélemy, choisi tout d’une voix pour lui succéder, fut reçu dans la séance publique de la Saint-Louis (août 1789).

1872. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Mais il a paru avantageux, pour deux motifs, de consacrer méthodiquement cette confusion qui, par un ennoblissement du spectacle que l’on considérait, s’était d’elle-même établie dans l’esprit. […] La loi paraît être celle-ci : la possibilité de varier, c’est-à-dire, en langage psychologique, de se concevoir autre avec efficacité sous le jour de la conscience, est d’autant plus étendue pour un être — individu ou collectivité — que cet être a varié avec plus de continuité depuis ses origines ; cette possibilité est d’autant plus limitée que cet être est demeuré plus longtemps stationnaire à quelque état de son évolution, c’est-à-dire qu’il a été maintenu sans variation dans ce même état pendant un temps plus long. […] *** Il appartient au sociologue d’appliquer aux collectivités humaines, pour apprécier leurs chances de durée, les remarques que l’on vient de faire, et dont les exemples, empruntés à la biologie, ont paru confirmer la justesse.

1873. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Il en paraît plutôt le spectateur lointain et épouvanté qui, voyant le cours des choses tel qu’il est aux seuls sens, et n’en pénétrant ni les motifs, ni l’enchaînement, les relaterait en leur disconnexité et leur inexpiable laideur. […] La vie lui paraît ainsi, de dehors et de loin, décousue et étrange. […] Car de même que la souffrance des bêtes est plus douloureuse à voir que celle des hommes, parce qu’en ces êtres muets et séparés, on n’en mesure ni le degré ni la justice, pour ce témoin distant que fut Dosloïewski, la souffrance humaine parut épouvantable et énorme ; ignorant des causes, et ne sachant des hommes qu’il ne connaît pas, que leur plainte, hagard et apitoyé, il se penche sur la vie avec consternation, et il en dit toutes les horreurs et toute la fange, avec le singulier mélange d’insistance et de pitié, que l’on met à raconter quelque horrible accident, aperçu au hasard rapide d’un passage, noté en sa seule horreur, et retenu sans enquête comme cruellement immérité.

1874. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

C’est par la méthode que la science réalise ce qui paraît impossible à l’ignorance étonnée. Par elle, l’esprit découvre une planète que les sens n’ont jamais vue ; par elle, il explique une langue qu’aucun homme ne comprenait plus ; il déchiffre des caractères mystérieux dont le secret était perdu ; il pénètre bien au-delà des époques historiques, et, en l’absence de tout témoignage direct, jusqu’aux origines de la civilisation indo-européenne ; il calcule enfin ce qui paraît échapper à toute prise, le hasard et l’infini. […] Celle de Bacon me paraît considérable, et un peu trop réduite ici par notre savant physiologiste : qu’il nous soit donc permis de dire en quelques pages, ou plutôt de répéter après M. de Rémusat22, tout ce qui peut être allégué en faveur de l’illustre auteur de l’Instauratio magna.

1875. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

C’est en 1859 que parurent par les soins de ce dernier les Œuvres inédites de Maine de Biran. […] Elle a ou paraît avoir des intermittences, tout au moins des relâchements et des rémissions, tantôt d’une manière périodique et normale, comme dans le passage de la veille au sommeil, tantôt d’une manière accidentelle, comme dans l’évanouissement, l’extase, l’imbécillité. […] On comprend que des métaphysiciens exacts et rigoureux aient craint de donner le nom de substance à cet être fuyant qui peut dire avec Héraclite : « Nous ne repassons jamais deux fois les eaux du même fleuve. » Il semble qu’une substance doive être quelque chose d’absolument fixe, et en ce sens un tel mot paraît ne pouvoir s’appliquer qu’à l’être infini.

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