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1280. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Son père fut envoyé, dès 1707, en Saxe, avec le caractère de ministre. […] Rulhièreaq, dans le temps qu’il travaillait à son Histoire de Pologne, fit à Besenval la galanterie de lui copier l’une de ces dépêches de son père (1716), où l’on trouve l’idée, depuis attribuée à d’autres, de se servir de l’esprit aventurier de Charles XII pour le lancer sur l’Angleterre, à l’appui d’un coup de main du prétendant, le chevalier de Saint-Georges.

1281. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Rien de plus monotone que sa vie ; elle a perdu sa mère depuis bien des années ; elle habite avec son père au château du Cayla ; elle a une autre sœur plus jeune qu’elle, Marie ou Mimi ; elle a un frère Éran ou Érembert, aimable et assez dissipé ; mais le frère chéri, le frère unique, celui de qui elle dirait volontiers ce que cette reine de Hongrie, la digne sœur de Charles-Quint, disait du grand Empereur, son frère : « Il est mon tout en ce monde après Dieu », c’est Maurice, le génie tendre et sans défense, qu’elle considère comme aventuré à travers tous les écueils de la vie et du monde. […] Moi, je vivrais d’aimer : soit père, frères, sœur, il me faut quelque chose. » Ce Journal même où elle s’écoule, et qui ne laisse pas de lui donner, de temps en temps, de petits scrupules à cause du plaisir qu’elle y prend, ne lui suffit pas.

1282. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

C’est ainsi que Rivarol, blâmant les forfanteries de l’impiété dans la jeunesse, disait : « L’impiété est la plus grande des indiscrétions. » Mais ce n’était pas seulement en ce sens trop fin et malin que la France du XIXe siècle entendait blâmer les licences de ses pères ; elle les réprouvait en elles-mêmes comme fausses et funestes, et contraires au bon régime des sociétés humaines ; elle comptait bien, d’ailleurs, emprunter au XVIIIe siècle tout ce qui était progrès, résultat utile, lui prendre ses méthodes, mais pour les perfectionner ou les rectifier, à la lumière des grands événements historiques qui avaient éclairé son berceau : elle entendait le continuer en le corrigeant, en se garantissant avec soin surtout de ses conclusions tranchantes et précipitées. […] D’une part, je vois chaque année des milliers de jeunes gens qui sortent d’entre des mains ecclésiastiques, élevés avec soin et pourvus d’instruction sans doute, munis d’instruments précieux pour leur carrière, mais dénués aussi, je le crains, du sentiment fondamental de patrie et de nationalité, étrangers à toutes les notions et traditions qui faisaient depuis 89 ou même auparavant la force et la vigueur de nos pères, habitués par leurs maîtres à l’indifférence pour tout régime qui n’est pas le leur et dans leur sens ; car ce parti a une maxime commode, invariable : il adopte tout ce qui le sert et tant qu’on le sert, pas au-delà.

1283. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Un père me disait un jour, en voyant son fils pâlir dès l’âge de douze ans sur les vieux livres, non pour les lire et en tirer des pensées, mais pour en admirer les vignettes, les fermoirs, les reliures (et le fils est devenu depuis un bibliophile féroce) : « Au moins il a un noble goût. » Un galant marquis, âme ardente, qui avait connu toutes les passions, chasse, amour, cavalcades effrénées, et qui finissait par les livres, répondait à quelqu’un qui s’en étonnait : « Après tout, c’est encore moins ruineux que les femmes, les chevaux et les chiens. » Ainsi il peut être utile en même temps qu’il est honorable à un jeune homme de s’adonner aux curiosités des livres, et c’est rassurant pour les siens de le voir commencer par là ; mais alors pourquoi ne pas s’en tenir au simple goût d’amateur ? […] Son fils présent se jeta à son père en criant et pleurant.

1284. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Son père avait rendu des services à la France lors du mariage de Madame de Savoie, fille de Henri IV, et avait obtenu de Louis XIII une pension de deux mille livres pour son fils Vaugelas, alors établi en France, pension assez mal payée de tout temps. […] Il eût fait voir comme elle sait tempérer ses hardiesses avec la pudeur et la retenue qu’il faut avoir pour ne pas donner dans ces figures monstrueuses où donnent aujourd’hui nos voisins59, dégénérant de l’éloquence de leurs pères.

1285. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

On rapporte qu’au moment où son père venait d’expirer, le jeune duc s’approcha de Mme Servien, femme de l’ambassadeur de France, et lui dit en pleurant « qu’il priait M. l’ambassadeur d’assurer Sa Majesté qu’il était son très humble serviteur, et qu’il le suppliait très humblement de vouloir lui servir de papa, puisqu’il avait perdu le sien. » Ce petit discours, suggéré ou venu naturellement, et prononcé d’une voix sanglotante, fut le premier acte politique de Victor-Amédée. […] Quel père et quel tuteur l’orphelin trouva-t-il en eux ?

1286. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Don Quichotte, après avoir écouté tous les détails sur la vocation obstinée du jeune homme, dont le seul crime est de trop aimer Homère et Virgile, et de vouloir converser tout le jour avec Horace, Tibulle et autres Anciens, répond aux craintes du père par un discours d’une merveilleuse sagesse, et qui, pour la grâce comme pour la modération, pourrait être tout entier (sauf quelques mots) d’un de ces aimables vieillards de Térence : « Les enfants, lui dit-il, sont une portion des entrailles de leurs parents ; il faut donc les aimer, qu’ils soient bons ou mauvais, comme on aime les âmes qui nous donnent la vie. […] Rien n’est plus commun, au reste, que ce genre d’illusion chez les auteurs comme chez les pères.

1287. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Le Dauphin et Mesdames ont en elle une confiance d’enfants mal élevés… » D’Argenson veut dire que cette confiance les porte à médire en petit comité de leur père et de ses maîtresses. […] Il nous la montre « aimable dans ses reparties, ingénieuse dans le détail de ses réponses et de ses propos ; ayant le cœur droit, excellent », très aimée, populaire même ; digne fille d’un vertueux père « qui avait répandu en elle toute la bonté et la candeur d’un monarque honnête homme ; ennemie de la dépense, souffrant des tourments réels et des supplices quand elle apprenait quelque calamité publique » ; une vraie mère des Français ; adoptant et admirant tout des grandeurs de la nation ; ne se considérant d’ailleurs que comme la première sujette de son époux : « Véridique avec le cardinal Fleury, hardie même auprès de lui plutôt que fausse, elle sortait, mais rarement, de cet état d’indifférence où elle s’était mise, et lui reprochait avec esprit et doucement les petites tracasseries qu’il lui faisait auprès du roi ; elle souriait un peu malignement, le déconcertait quelquefois et prenait alors le ton de reine de France ; elle lui disait que c’était à lui qu’elle était redevable d’une telle parole du roi.

1288. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Je ne peux pas dire qu’il me traite en dessous et en enfant, et qu’il ait de la défiance pour moi : au contraire ; il lui échappait l’autre jour un long discours devant moi et comme s’il parlait à lui-même sur les améliorations à introduire dans les finances et dans la justice ; il disait que je devais l’aider, que je devais être la bienfaisance du trône et le faire aimer, qu’il voulait être aimé ; mais il n’a pas énuméré ses moyens d’action, soit qu’il ne les ait pas encore combinés, soit qu’il les garde pour ses ministres ; il leur écrit beaucoup ; c’est au vrai un homme qui est tout en lui, qui a l’air d’être fort inquiet de la tâche qui lui est tombée tout à coup sur la tête, qui veut gouverner en père. […] Courtois, fils du conventionnel et de qui je tiens le fait, possédait cet exemplaire annoté, que son père avait trouvé dans les papiers de Robespierre.

1289. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

De plus, chacun d’eux a réclamé de tout son crédit contre sa cote : « Votre cœur sensible, écrit l’un d’eux à l’intendant, ne consentira jamais à ce qu’un père de mon état soit taxé à des vingtièmes stricts comme un père du commun35 ».

1290. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

je vous parle en ce moment au nom de Galba, devenu mon père, du sénat et de l’empire, que je représente devant vous. […] De même que ce corps, institué sous les auspices des Dieux par le père et le fondateur de Rome, ce corps, continué et immuable depuis nos rois jusqu’à nos Césars, nous a été transmis par nos ancêtres, de même nous devons le transmettre à nos descendants ; car c’est de vous qu’émanent vos sénateurs romains, et c’est de vos sénateurs qu’émanent vos princes. » XXVIII Ce discours assoupit plus qu’il ne calma Rome.

1291. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Imaginez-vous une sorte de revue où défilent sous leur nom, avec leur caractère, en propre personne ou par directe désignation, dix ou vingt bourgeois connus de la ville, où le poète, à côté de son père et de ses voisins, s’introduit, contant son mariage, comment il s’est défroqué pour épouser la belle qui l’a si délicieusement ravi et si vite lassé, comment il veut se démarier, et s’en aller à Paris étudier : écoutez ces propos salés et mordants de compères en belle humeur, qui en disent de dures sur les femmes, et voyez dans un brouhaha de « kermesse », selon le mot si juste de M.  […] Il revint bientôt à Arras, prit part aux agitations de la vie communale, et se retira (vers 1265) à Douai avec son père.

1292. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Par le triomphe de la classe moyenne, nos pères, « ces serfs, ces tributaires, ces bourgeois, que des conquérants dévoraient à merci », étaient vengés. […] Son père qui, dans sa pauvreté, avait foi à l’instruction, le mit au collège Charlemagne : et l’enfant comprit ; obstinément, virilement, il s’efforça jusqu’à ce qu’il fût des premiers de sa classe.

1293. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Son père, médecin, était venu se fixer là, après avoir fait une campagne dans la guerre d’Amérique sous Rochambeau ; homme de bien et d’honneur, il a laissé dans le pays des souvenirs que quarante années écoulées depuis ont à peine effacés. […] Jamais le souvenir de ces premiers temps de son âge ne s’effaça de la pensée du général Drouot ; dans la glorieuse fumée des batailles, aux côtés mêmes de l’homme qui tenait toute l’Europe attentive, il revenait par une vue du cœur et un sentiment d’actions de grâce à l’humble maison qui avait abrité, avec les vertus de son père et de sa mère, la félicité de sa propre enfance.

1294. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

René, pour paraître plus grand, aime mieux frapper l’imagination que le cœur ; il aime mieux (même dans ce cas où il se suppose père) être rêvé de sa fille que d’en être connu, regretté et aimé. […] Opposons vite ce divin tableau d’Ève encore innocente aux flammes quelque peu infernales qu’on trouve sous le faux christianisme de René : Ainsi parla notre commune mère, dit le chantre du Paradis, et, avec des regards pleins d’un charme conjugal non repoussé, dans un tendre abandon, elle s’appuie, en l’embrassant à demi, sur notre premier père ; son sein demi-nu, qui s’enfle, vient rencontrer celui de son époux, sous l’or flottant des tresses éparses qui le laissent voilé.

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