/ 1667
1049. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

regardez les acteurs de ce drame qui se joua une fois sur la terre et dont le ciel fut spectateur, et jugez si la vision de notre Mystique ne nous les a pas reproduits, dans l’esprit éternel de leur personnage, quoique éclairés par mille côtés et mille détails que, pour des raisons de providence, l’Évangéliste avait laissés dans l’ombre.

1050. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Si un homme de la hauteur de Goethe, en se faisant païen comme il le devint sur ses derniers jours, a, pour tous ceux qui ne mesurent pas la grandeur du génie à son ombre, diminué la portée comme la chaleur de ses rayons, on peut s’interroger sur ce que peut produire un système d’idées comme le matérialisme de Stendhal sur des facultés moins nombreuses, moins enflammées et moins opulentes !

1051. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Un joli détail que je trouve noyé dans ces Souvenirs, qui ne sont pas brillants s’ils sont limpides, et que je veux sauver, c’est qu’il lui fallait le masque du bal masqué pour bien causer, à cette Pudeur pour qui le masque était de l’ombre, tandis que son amie Madame de Staël, au contraire, étouffait là-dessous d’une apoplexie de génie !

1052. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Si un homme de la hauteur de Gœthe, en se faisant païen, comme il le devint sur ses derniers jours, a, pour tous ceux qui ne mesurent pas la grandeur du génie à son ombre, diminué la portée comme la chaleur de ses rayons, on peut s’interroger sur ce que doit produire un système d’idées, comme le matérialisme de Stendhal, sur des facultés moins nombreuses, moins enflammées et moins opulentes !

1053. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Les muses reconnaissantes avaient un tel protecteur ; mais leur noble fierté rejette avec dédain les secours fastueux que leur offre quelquefois la main insultante de la vanité. » Et à la fin : « Pardonne, ombre immortelle !

1054. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

En Allemagne, Kant veut remettre en lumière et en honneur l’élément supérieur de la connaissance humaine, laissé dans l’ombre et décrié par la philosophie de son temps. […] Il est un moyen très simple de délivrer la théodicée de toute ombre d’anthropomorphisme, c’est de réduire Dieu à une abstraction, à l’abstraction de l’être en soi. […] Si de l’homme et de l’animal on descend à la nature purement physique, on y trouvera encore de la beauté, tant qu’on y trouvera quelque ombre d’intelligence, je ne sais quoi qui du moins éveille en nous quelque pensée, quelque sentiment. […] Pour celle-ci, son adorable visage n’est pas même voilé d’une ombre légère ; elle sourit, la main nonchalamment appuyée sur l’épaule du jeune homme, et elle n’a pas l’air de comprendre cette leçon donnée à la beauté, à la jeunesse et à l’amour. […] Où donc la liberté manque, où il n’y a plus que le désir et la passion, nulle ombre même de moralité ne subsiste.

1055. (1890) Dramaturges et romanciers

Pas de perspective, pas de distribution d’ombres et de lumières ; tous les personnages semblent superposés les uns aux autres et mis sur le même plan. […] Nous ne devons attendre la vérité d’aucun d’eux, car ils ne nous donneront jamais dans le présent et dans l’avenir que ce qu’ils nous ont donné dans le passé, c’est-à-dire des ombres plutôt que des substances du vrai. […] Le crime, n’eût-il été qu’à l’état de projet, n’eût-il passé sur l’âme que comme une ombre vague, étendra sa malédiction sur l’existence entière et la vouera au malheur et à l’insuccès. […] Elle n’était plus qu’une ombre, mais on s’entretenait toujours d’elle, et les jeunes gens, en entrant dans la vie, entendaient parler de ses exploits, de ses heureuses audaces, de ses poétiques témérités. […] Ces personnages sont plutôt indiqués qu’esquissés ; cependant ils sont assez vivants pour n’être pas de simples ombres et de vaines personnifications de théories esthétiques : une légère étincelle les anime.

1056. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Un des chambellans réveillé dans l’ombre en sursaut a murmuré : « Dieu nous assiste !  […] c’est une ombre errante dans l’espace, Un pauvre acteur qui sue et s’agite à grands frais Une heure sur la scène, et qu’on oublie après ! […] Voici donc, très imparfaitement fixée, l’ombre de la parole de M.  […] Parce qu’il aimait Molière, il lui a été donné de vivre dans le temple de Molière et dans l’ombre même de la sacristie, parmi des objets qui viennent de Molière ou qui parlent de lui. […] Voyez-vous dans tout cela l’ombre d’un sacrifice ou d’un mérite ?

1057. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Les uns ont sacrifié le bien-être social à la liberté ; les autres ont cherché le bonheur à l’ombre du trône d’un despote. […] me disait-elle un soir. — J’avais aperçu là-bas, répondis-je, une forme fine et blanche dans l’ombre, et je croyais que c’était vous ; mais ce n’était qu’un lis, un grand lis, que d’ici, à sa taille élancée et à sa blancheur dans le sombre de la verdure, on prendrait pour la robe d’une jeune fille. — Ah ! […] « À Cachemyr, dit Jacquemont, il n’y a guère plus de chance de souper pour celui qui laboure, file ou rame tout le jour, que pour celui qui, en désespoir de cause, dort tout le jour à l’ombre d’un platane. » Au Cachemyr comme en Italie, c’est donc la même cause qui condamne les peuples à dormir et les rois à veiller. […] Au lieu d’un amant tendre et passionné, que vous irez visiter furtivement le soir, comme un sous-lieutenant qui se glisse dans l’ombre sous le toit de sa maîtresse, vous aurez un tyran, témoin assidu et glacé de votre jeunesse, si belle, si rapide, si tôt flétrie, dans les embrassements d’un hymen régulier, et qui ne demandait qu’à s’épanouir lentement dans la liberté et l’amour.

1058. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Car, lorsque j’entends porter jusqu’aux étoiles des hommes comme Raphaël et Véronèse, avec une intention visible de diminuer le mérite qui s’est produit après eux, tout en accordant mon enthousiasme à ces grandes ombres qui n’en ont pas besoin, je me demande si un mérite, qui est au moins l’égal du leur (admettons un instant, par pure complaisance, qu’il lui soit inférieur), n’est pas infiniment plus méritant, puisqu’il s’est victorieusement développé dans une atmosphère et un terroir hostiles ? […] D’autres se contentent de faire remarquer que le bras et la tête sont enveloppés par l’ombre. […] Je me surprends à envier le sort de ces hommes étendus sous ces ombres bleues, et dont les yeux, qui ne sont ni éveillés ni endormis, n’expriment, si toutefois ils expriment quelque chose, que l’amour du repos et le sentiment du bonheur qu’inspire une immense lumière. […] Avec sa face aplatie de négresse, son sourire sans lèvre et sans gencive, et son regard qui n’est qu’un trou plein d’ombre, l’horrible chose qui fut une belle femme a l’air de chercher vaguement dans l’espace l’heure délicieuse du rendez-vous ou l’heure solennelle du sabbat inscrite au cadran invisible des siècles.

1059. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Il aimait les plaisirs simples ; et ceux qui l’ont connu croyaient voir revivre le digne ministre dont le pinceau de Newton nous a récemment donné un si délicieux portrait : Maturin semblait l’ombre ou le wraith du docteur Primrose. […] Il instruit les enfants à l’ombre des noyers centenaires, et leur explique en paraboles transparentes les merveilles de la création, les devoirs humains et les promesses de Dieu. […] Pour elle, il mesure l’ombre des arbres sur le gazon ; pour elle, il suit d’un œil patient le cep doré qui grimpe autour de la fenêtre. […] si l’image menaçante des larmes qui sillonnaient la joue du vieillard vient chaque nuit troubler mon sommeil, la désertion de mon amour serait-elle un digne moyen de fléchir l’ombre indignée, et le pardon, si obstinément dénié à la douleur échevelée, sera-t-il plus facile à l’inconstance insoucieuse ? […] Ce qu’il faut au cœur d’Adolphe, ce n’est pas un amour mystérieux et timide ; si toute la terre devait ignorer qu’il est aimé, si son bonheur devait rester dans l’ombre, il n’en voudrait pas.

1060. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Ce qui l’effrayait tant autour de lui, ce n’était rien que l’ombre de lui. […] Une ombre seulement s’efface, lorsqu’ils s’en vont. […] Inutile de chercher, à travers les deux gros volumes, une exception, l’ombre d’un argument qui contredise la thèse. […] Et maintenant rien ne reste plus de lui qu’une ombre flottante, qui se dérobe devant nous quand nous croyons la saisir. […] C’était bien elle, avec sa joyeuse figure ridée ; on avait seulement un peu engraissé son ombre, dans l’intervalle.

1061. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Certains chapitres, cités parmi les plus brillants, sont de pures reproductions de paysages, d’intérieurs ou de scènes pittoresques, auxquelles ne manquent ni les jeux d’ombre et de lumière, ni la vivacité du coloris, ni souvent même la notation des voix et des sonorités indéfinissables qui émanent des foules ou des choses. […] Mes années se sont écoulées, à l’ombre du fauteuil maternel, avec les petites sœurs et le chien de la maison. Eh bien, dans cette atmosphère de pureté et de repos, sous cette ombre et ce recueillement, je me pourrissais petit à petit, et sans qu’il en parût rien, comme une nèfle sur la paille. […] Qui fis battre son cœur pour la première fois, Et, fleur cueillie avant que le soleil se fane, Ne parfumas qu’un jour l’ombre calme des bois. […] Nous nous arrêterons pourtant ici, sauf à terminer notre travail par quelques mentions rapides des hommes et des œuvres qui sont laissés dans l’ombre, non par négligence ou dédain comme on serait en droit de le croire, mais en raison d’un plan tracé d’avance et qui nous enfermait en de strictes limites.

1062. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

leur tâche à peine achevée, autant vaudrait courir après l’oiseau qui chante, après le parfum qui s’envole, après le rayon que l’ombre absorbe à la tombée du jour. […] À peine est-il un nom, une ombre, un écho. […] Un courroux si constant, pour l’ombre d’une offense… La Comédienne : — Vous, m’offenser ! […] Les papillons noirs voltigent autour de ces yeux hardis qui découvraient si bien, dans l’ombre, la robe blanche de Rosine ou la cornette égrillarde de Marton. […] Le premier est un terrible gaillard, armé des plus franches passions, • des vices les plus décidés ; le second est à peine l’ombre pâle et inanimée de ce puissant modèle.

1063. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Ce n’est pas pour bénir et pour pardonner qu’il ouvre les bras, ce corps blafard aux ombres noires, dont tous les muscles sont tendus par la douleur. […] » Nous avions cependant, de tournants en tournants, de creux d’ombre en paliers de lumière, atteint la plate-forme de l’observatoire ; les deux miss, les mains à la balustrade, contemplaient déjà la plaine magique, l’eau, les monts, Cannes, les îles. […] Le ciel n’était qu’ombre et silence ; aux avant-postes, pas un coup de fusil, pas un appel, pas un cri. […] La dame. — À l’ombre, au coin de la route. […] Il y avait deux heures que la nuit étendait ses ombres sur les combattants, dont l’acharnement semblait augmenter avec les difficultés, et nous étions inquiets.

/ 1667