IV Mais si on entend par ce mot de liberté la participation d’un plus grand nombre de sujets ou de citoyens au gouvernement, soit par la pensée exprimée au moyen de la presse ou dans les conseils, soit dans les élections, soit dans les délibérations, soit dans les magistrats, aucun doute alors que cet exercice du commandement social attribué par les constitutions au peuple, ne soit, quand le peuple en est capable par ses vertus et par ses lumières, une excellente condition de progrès moral, de dignité et de grandeur humaine. […] L’autorité conquise sur la monarchie et sur l’aristocratie par le nombre seul, par la démocratie absolue, c’est la souveraineté de la multitude, sans pondération, sans fixité, sans corps modérateur ; elle dégénère bientôt en oppression mutuelle et en anarchie : gouvernement condamné par l’instinct de la hiérarchie légale, qui est la loi de tout ce qui dure, la loi de tout ce qui commande et de tout ce qui obéit sur la terre. […] Devoir de l’obéissance dans les enfants, même quand ils sont devenus, par le nombre et par la force, plus forts que le père et la mère ; devoir d’autant plus moral, d’autant plus spiritualiste, d’autant plus vertueux, qu’il est volontaire, et que la force matérielle dans les enfants se soumet plus saintement à la force spiritualiste dans le père. […] Devoir de l’ordre qui lui fait personnifier l’autorité divine de la nature, ici dans une monarchie, ici dans une république, ici dans une magistrature élective, ici dans des pouvoirs héréditaires, ici dans ces différentes forces combinées, mais toutes imposant un même devoir de commander et d’obéir pour le bien de tous, sauf la tyrannie et l’usurpation de l’ambition et du crime dans un seul ou dans le nombre, qui sont la violation de la loi spiritualiste et du devoir, punie par l’anarchie et la servitude. […] Elle crut reconnaître que ce qui écartait le plus d’âmes religieuses de la pratique de tel ou tel culte, c’étaient le nombre et la littéralité des dogmes.
Mélanges M. de Genoude et ses fils I C’est vers 1820 que je connus très-intimement un assez grand nombre d’hommes et de femmes, ou illustres, ou célèbres, qui eurent par la suite une certaine influence sur ma vie. […] Mais les corps collectifs sont toujours poussés à prendre dans leurs antécédents les règles de leur avenir, M. de Lamennais fut nommé membre de la commission de Constitution: il se mit à l’ouvrage et chercha par la logique brutale du nombre à fonder sa société comme une troupe de sauvages sortis des bois ; il fonda les communes, puis il réunit toutes ces communes, et de leur réunion il fonda l’État, en sorte que l’État social matérialiste et se comptant par chiffre, et non par capacité ni par droits héréditaires et acquis, était l’expression seule du nombre et de l’impôt, abstraction faite de tout le reste, c’est-à-dire de la société tout entière. En entendant chez madame d’*** la lecture de ce rêve de démagogie, je ne doutai pas qu’il ne fût rejeté à l’unanimité par des hommes sortis d’un autre œuf que de celui de ce rêve ; je ne voulais pas en décourager trop vite l’auteur, et je me bornai à lui faire quelques critiques sommaires sur son système, en lui présentant le nombre innombrable d’exceptions que la société bien constituée pouvait opposer à cette comptabilité absurde des droits numériques de tous les hommes ; mais je n’insistai pas trop pour lui laisser l’illusion de son système. […] On se souvient que, pour presser le dénoûment de la catastrophe, un certain nombre de membres de la gauche demandèrent que les ministres du roi fussent décrétés d’accusation.
Il affecta de le croire pour ne pas augmenter le nombre de ses ennemis et pour se ménager la réconciliation avec le pape. […] Je réponds à cela que sans doute je serais très-condamnable, si la nature avait accordé aux hommes la faculté de pouvoir s’occuper dans tous les instants des choses qui sont le plus véritablement dignes d’estime ; mais comme cette faculté n’a été donnée qu’à un petit nombre d’individus, et que ceux-là mêmes ne trouvent pas souvent dans le cours de leur vie l’occasion d’en faire usage, il me semble, en considérant l’imperfection de notre nature, que l’on doit accorder le plus d’estime aux occupations dans lesquelles il y a le moins à reprendre. — Si les raisons que j’ai apportées déjà ne paraissaient pas suffire à ma justification, ajoute-t-il ensuite, je n’ai plus qu’à me recommander à l’indulgence de mes lecteurs. […] Voici ce qu’en dit un historien contemporain : « On n’entend parler ici, dit-il, ni de vols, ni de désordres nocturnes, ni d’assassinats ; de jour et de nuit, tout individu peut vaquer à ses affaires avec la plus parfaite sécurité : on n’y connaît ni espions ni délateurs : on ne souffre point que l’accusation d’un seul trouble la tranquillité générale ; car c’est une des maximes de Laurent, qu’il vaut mieux se fier à tous qu’à un petit nombre. » Son influence diplomatique en faisait le juge de paix de l’Europe. […] Alors on vit la culture la plus active étendre ses bienfaits sur cette belle et fertile contrée : non seulement ses plaines riantes et ses fécondes vallées furent couvertes de fruits, mais même le sol stérile et ingrat des montagnes fut forcé de payer un tribut à l’industrie du cultivateur ; et, sans reconnaître d’autre autorité que celle de sa noblesse et de ses chefs naturels, l’Italie était heureuse à la fois par le nombre et la richesse de ses habitants, par la magnificence de ses princes, par la grandeur et l’éclat imposant de plusieurs de ses cités… Abondante en hommes distingués par leur mérite dans l’administration des affaires publiques, illustres dans les arts et dans les sciences ; elle jouissait au plus haut degré de l’estime et de l’admiration des nations étrangères. […] « N’oubliez pas que nous ne sommes que des citoyens de Florence ; mais son chef-d’œuvre de sagesse est la lettre pleine de conseils paternels qu’il écrit au jeune cardinal de Suza, se rendant alors à Rome ; la voici : « Nous avons, ainsi que vous, de grandes grâces à rendre à la Providence, non seulement pour les honneurs et les bienfaits sans nombre qu’elle a répandus sur notre maison, mais plus particulièrement encore à cause qu’elle nous fait jouir, dans votre personne, de la plus éminente dignité qui ait jamais été accordée à notre famille.
Quoi qu’il en soit, il passa quelques jours enfermé dans le couvent des Pères de terre sainte à Jérusalem, et copia sur les monuments sacrés de cette ville de longs itinéraires qui grossirent le nombre de ses pages et l’autorité de ses volumes ; puis il revint à Carthage, d’où il rentra par l’Espagne en France. […] Ce livre tomba comme conception à ce niveau ; il n’en resta qu’un petit nombre de pages merveilleusement écrites çà et là, et recueillies comme des exemples de rhétorique. […] On ignorait alors la loi économique par laquelle la réduction du prix des billets augmente le nombre des souscripteurs. Il comptait sur le nombre de ses partisans dans l’aristocratie. […] Malgré le nombre et l’éclat de ses images, il ne fut pas poëte.
Une campagne d’articles, dans nombre de journaux et de revues, avait précédé cette pétition. […] Depuis plusieurs années, j’étais frappé de l’absence presque totale de culture chez un grand nombre de jeunes gens, de l’indifférence de ces derniers pour les beautés de notre littérature et de leur méconnaissance du bon langage. […] Et si l’on me reproche de citer les « têtes », il n’y a qu’à se rappeler le grand nombre d’oratoriens ayant jeté leur froc par-dessus la guillotine qui, à la Convention et en mission, se donnaient des airs de proconsuls. […] Avez-vous remarqué que, dans la rédaction courante des journaux, une phrase dite française comprend invariablement un nombre exagéré de mots d’argot étranger qu’on emploie à la place de mots français existants : pourquoi box au lieu de stalle, pourquoi lad au lieu de palefrenier… et tant d’autres ? […] En les diminuant on diminue le nombre, hélas !
Près de sept cents sonnets113, outre un bon nombre de petites pièces galantes, prouvent qu’il subissait d’assez bonne grâce la mode italienne. […] C’est la nature qui lui inspire un assez grand nombre de vers pleins de douceur, qui subsistent par la vérité des pensées et par la nouveauté d’un langage aimable et délicat. […] Il fallait rendre la poésie populaire, appeler le plus grand nombre aux pures délices et aux sévères enseignements de l’art ; trouver, pour un pays encore partagé en classes, une langue qui ne fût ni au-dessous de la délicatesse des classes élevées, ni au-dessus de l’intelligence de la foule, une langue commune à la cour, à la ville et au peuple. […] Le premier poëme qu’il publia, les Larmes de saint Pierre, est imité du Tansille, poëte italien ; toutefois, quelques passages d’un goût vigoureux des expressions fortes et précises, du nombre, je ne sais quel grand air que n’avait pas encore eu la poésie jusque-là, annonçait l’auteur de ces belles odes, les premiers modèles de la haute poésie. […] C’est l’excès de tout réformateur mais le plus grand nombre frappait juste.
De cela seul, que trente millions de sujets se trouvèrent répartis sous un assez grand nombre de princes indépendants les uns des autres, et dont l’autorité, sans bornes en apparence, était limitée de fait par la petitesse de leurs possessions, il résulta pour ces trente millions d’hommes une existence ordinairement paisible, une assez grande sécurité, une liberté d’opinions presque complète, et la possibilité, pour la partie éclairée de cette société, de se livrer à la culture des lettres, au perfectionnement des arts, à la recherche de la vérité. […] L’esprit militaire ne peut exister que lorsque l’état de la société est propre à le faire naître, c’est-à-dire lorsqu’il y a un très-grand nombre d’hommes que le besoin, l’inquiétude, l’absence de sécurité, l’espoir et la possibilité du succès, l’habitude de l’agitation, ont jetés hors de leur assiette naturelle. […] Il faudrait des acteurs très-exercés pour qu’un certain nombre d’entre eux, parlant et gesticulant tous en même temps, ne produisissent pas une confusion voisine du ridicule2. […] Les passions théâtrales sont en petit nombre. […] Je crois avoir transporté dans son caractère sa douceur, sa sensibilité, son amour, sa mélancolie ; mais tout le reste m’a paru trop directement opposé à nos habitudes, trop empreint de ce que le très-petit nombre de littérateurs français qui possèdent la langue allemande appellent le mysticisme allemand.
Nous donnons ce titre, il est vrai, à nombre de personnages moins importants. […] Hommes ou femmes, ils ont le droit de rêver, de regretter, de s’analyser eux-mêmes, d’écrire des lettres sans nombre, de tenir un journal sans fin de leurs pensées et de leurs sentiments. […] Et en attendant ce jour, et même s’il n’arrive jamais, ne sait-on pas qu’il existe des esprits, en grand nombre, qui se penchent d’eux-mêmes, sans aucune préoccupation personnelle, vers la souffrance et vers la misère, et qui cherchent des devoirs à remplir comme d’autres des joies à prendre ? […] Je ne nie pas la rudesse du plus grand nombre, ni l’insignifiance de beaucoup d’individus, ni la perversité de plusieurs, mais je dis qu’il y a une franchise délectable chez beaucoup d’ouvriers, une spontanéité de sentiments, un raisonnement sur les choses du métier, qui sont de vraies richesses pour un écrivain, et qu’avec eux nous aurons, à défaut de complication savante et de marivaudage, des éclairs de passion dont la lumière vaut bien les crépuscules mourants dont on nous enveloppe. […] En regardant, aux Champs-Élysées ou au Parc Monceau, ces théories de nourrices arrivées à Paris avec une chemise et une robe, à présent superbes, béates, tout enchâssées et ruchées de broderies, comment ne pas penser à ce contraste si dangereux, et au nombre des ménages pauvres qu’il a troublés et rompus à jamais ?
La civilisation, c’est la diminution du nombre de crimes ; mais la diminution du nombre des crimes, c’est l’affaiblissement de l’énergie humaine, évidemment. […] Nul n’en a réuni un plus grand nombre, nul ne les a aimés plus que lui. […] On travaille le nombre d’heures nécessaires pour vivre aisément ; on sait quel est ce nombre, d’heures, et l’on s’y tient. […] — Le nombre d’heures ! Je consulterai le nombre d’heures nécessaires à fabriquer l’objet. — Mais le nombre d’heures mesure l’effort et non la valeur.
Mais les exemples en sont très rares, et le nombre est grand des Jacobins qui ne sont que Jacobins. […] Vous avez quelques belles parties de l’écrivain, l’élégance, le nombre, les nuances, et, — le mot n’est-il pas de vous ? […] Toute la nation y est attentive, et pour le plus grand nombre qui vit du travail de chaque jour, le besoin de chaque jour l’y fait penser. […] Rouher, plus d’un lecteur sera peut-être tenté de passer ces pages dont le nombre est si disproportionné à l’importance du sujet. […] Le goût en a déterminé le nombre.
La production effrénée de Balzac empêcha nombre de critiques de considérer son œuvre sous le point de vue de l’art. […] Je compte dans la ménagerie racinienne, un certain nombre de douces exceptions. […] Ils vivaient sur les trois règles conventionnelles qu’on enseigne aux écoliers : la rime, le nombre des syllabes, la césure. […] Le nombre absolu, quasi absolu des syllabes, est un élément de mesure auquel, même dans le vers libre, nous ne pouvons pas échapper. Nous accordons que le retour du même nombre forme un élément du plaisir que nous procure le vers régulier.
Le plus petit élément de durée consciente n’est pas un présent réel, mais un présent apparent, d’un certain nombre de fractions de seconde, ayant déjà un passé. […] Quand cette double opération s’est accomplie un grand nombre de fois, la série des images représentées à l’esprit se distingue nécessairement de la série des objets de perception et forme la perspective du passé. […] Au contraire, l’étendue avec ses parties plus ou moins distinctes, mais certainement étalées devant les yeux, « se laisse percevoir en un seul moment par un grand nombre de sensations actuelles ayant des différences spécifiques (signes locaux) ». […] « La pure durée, dit-il, pourrait bien n’être qu’une succession de changements qualitatifs qui se fondent, qui se pénètrent sans contours précis, sans aucune tendance à s’extérioriser les uns par rapport aux autres, sans aucune parenté avec le nombre. […] Bien n’est plus propre que la musique à nous faire comprendre la différence de ces diverses choses : qualité, intensité, nombre, succession et distinction, ainsi que leur indépendance de l’espace, car, en écoutant une symphonie, nous ne sommes plus vraiment dans l’étendue ; nous ne nous figurons ni lignes, ni cercles, ni « milieu sonore ».
Ainsi seraient obtenues deux — représentations mathématiques de l’univers, totalement différentes l’une de l’autre si l’on considère les nombres qui y figurent, identiques si l’on tient compte des relations qu’elles indiquent par eux entre les phénomènes, — relations que nous appelons les lois de la nature. […] Physiciens encore comme lui, et par conséquent conscients comme lui, seront à la rigueur des hommes attachés au même système : ils construisent en effet, avec les mêmes nombres, la même représentation du monde prise du même point de vue ; ils sont, eux aussi, référants. […] Nous pouvons donc, dans l’un et l’autre système, diviser cette durée en un même nombre de tranches tel que chacune d’elles soit égale à la tranche correspondante de l’autre système. […] Or, à ses yeux, la lumière se meut avec une vitesse moindre pour le système S′ (les conditions de l’expérience étant celles que nous avons indiquées plus haut) ; mais aussi, les horloges en S′ ayant été réglées de manière à marquer des simultanéités là où il aperçoit des successions, les choses vont s’arranger de telle sorte que l’expérience réelle en S et l’expérience simplement imaginée en S′ donneront le même nombre pour la vitesse de la lumière. […] Les autres, simplement pensés, sont des temps auxiliaires, mathématiques, symboliques. » Mais l’équivoque est si difficile à dissiper qu’on ne saurait l’attaquer sur un trop grand nombre de points.
Elles ont pourtant exercé leur empire sur l’homme pendant un grand nombre de générations. […] Le Rig-Véda contient un grand nombre d’hymnes qui lui sont adressés. […] Mais la nature n’exige cette subordination que pendant un certain nombre d’années ; la religion exige davantage. […] Dans le nombre de journées qu’il a à vivre, il a fait la part des dieux. […] Pendant ce temps, la cavalerie perse approche, lance ses flèches, tue un assezgrand nombre de Spartiates.
Il fallut que bien des révolutions s’accomplissent pour que ce miracle devînt possible ; mais, par cela même qu’il dura, le salon de Mme Swetchine se renouvela souvent, et, dans les dix ou douze dernières années notamment, il fît d’intéressantes recrues, il acquit un certain nombre de jeunes amis et de fidèles qui avaient du mouvement, du liant, beaucoup d’entregent, le goût de la publicité, le talent de l’oraison funèbre, et qui lui ont fait sa réputation posthume. […] Cela me rappelle que, dans son Histoire de saint Pie V, le même M. de Falloux veut louer cepontife d’avoir envoyé des brefs d’encouragement aux hommes lettrés qui, en France, prenaient parti pour la cause catholique ; le poëte Ronsard est de ce nombre : il s’est engagé dans une querelle avec les protestants, et de part et d’autre on en est vite venu aux injures les plus grossières, notamment à celles qui ne manquent jamais au XVIe siècle, et qui consistaient en de dégoûtantes allusions au mal apporté d’Amérique. […] Ces deux dames se connaissaient depuis nombre d’années. […] Peut-être cependant, sans que je veuilleôter à son mérite, que si elle avait aimé une seule fois, leur nombre à tous en aurait été considérablement diminué… » Quelques semaines après, une liaison était nouée entre elles, et Mme Swetchine se mettait elle-même au ton de l’inévitable enchanteresse, elle feignait même d’être sous le charme, lorsqu’elle lui envoyait de Naples tes cajolantes paroles : « Je me suis sentie liée avant de songer à m’en défendre ; j’ai cédé à ce charme pénétrant, indéfinissable, qui vous assujettit même ceux dont vous ne vous souciez pas.