En même temps une conviction est le principe de la sincérité, de la vérité, qui est l’essentiel même de l’art, le seul moyen de produire l’émotion et d’éveiller la sympathie. […] Un grand homme de l’antiquité disait qu’il aimerait mieux la science d’oublier que celle de se souvenir ; un moyen d’oubli, c’est l’alcool. […] Il n’y a que deux moyens de délivrance pour le malheureux : l’oubli ou le rêve. […] S’il y avait au-dessus de la Nature des êtres supérieurs et vraiment divins, — un Dieu, des dieux ou des anges, — ils n’auraient qu’un moyen de prouver leur divinité : descendre pour partager nos souffrances, nous aimer pour ces souffrances et même pour nos fautes. […] Le seul moyen par lequel nous puissions nous arracher un moment à ce inonde, la seule attestation suprême de l’au-delà, c’est encore la douleur et les larmes ; pleurer, n’est-ce pas sentir sa misère et ainsi s’élever au-dessus d’elle ?
Mais le précepteur l’y rejoint, ou plutôt la femme trouve moyen de l’y ressaisir. […] Il faut de l’argent au père pour continuer ses expériences qui seront demain la fortune : ses amis l’ont refusé ; il s’adresse à l’aînée de ses filles et lui demande ses 50,000 francs ; elle aussi refuse, car ces 50,000 francs c’est le moyen d’assurer le pain de la vieillesse de son père qu’elle sait ruiné. […] Elle rencontre un ouvrier paisible, de mœurs honnêtes, d’une intelligence médiocre, d’une force physique moyenne, qui gagne des journées passables ; elle suppute tout cela, elle discute le pour et le contre d’un établissement avec lui. […] Le bon Dieu heureusement a d’autres moyens d’information que les romans naturalistes, et s’il les lit, ce dont il est permis de douter, il sait ce qu’ils valent. […] Il en est aujourd’hui à sa dernière incarnation ; je ne vois vraiment pas comment il s’y pourrait prendre pour se transformer encore, aller plus loin qu’il n’est allé et trouver désormais le moyen de nous étonner.
Rousseau ne s’arrête pas à ce moyen. […] Que dire, quand Benjamin tombe en dévotion et fait des duretés de Mme Récamier un moyen choisi par la providence pour le ramener à Dieu ! […] Les primitifs, tant poètes que peintres, peignent sans vérité et sans vie, par inexpérience, roideur, timidité et pauvreté de moyens. […] Du moins, l’abus de moyens verbaux procède-t-il chez les romantiques d’une exaltation vraiment ressentie. […] Un grand style sur des idées petites, de grands ramages sur de petits moyens, voilà ce qui s’appelle emphase.
Quand ils sont en état d’irritation, ils maudissent le destin, comme les enfants battent la table contre laquelle ils se heurtent ; et quand ils sont satisfaits des événements de la vie, ils se les attribuent tout entiers, et se complaisant dans les moyens qu’ils ont employés pour les diriger, ils considèrent ces moyens comme l’unique source de leur félicité. […] Quand on réfléchit sur les livres saints, on y trouve l’admirable réunion des meilleurs conseils pour se passer de succès dans ce monde, et souvent aussi des meilleurs moyens pour en obtenir. […] Ce qu’il faut donc le plus soigner parmi nos moyens de bonheur, c’est la puissance de la contemplation. […] Un des grands moyens d’introduire des erreurs dans la morale, c’est de supposer des situations auxquelles il n’y a rien à répondre, si ce n’est qu’elles n’existent pas. […] La moitié de la vie est du déclin ; quelle a donc été l’intention du Créateur en imposant cette triste perspective à l’homme, à l’homme dont l’imagination a besoin d’espoir et qui ne compte jamais ce qu’il a que comme un moyen d’obtenir plus encore ?
Car le simple spectacle de la contradiction des moyens qu’ils emploient avec le but qu’ils poursuivent, du néant de leur absurdité avec l’éternelle vertu de la morale, ne pourrait jamais suffire qu’à les rendre risibles pour autrui. […] Cependant il ne peut parvenir au bonheur, parce que l’objet qu’il désire est absurde, et les moyens qu’il emploie, inconséquents. […] Tout contraste entre le fond et la forme, le but et les moyens peut être risible. […] L’avarice, aussi bien quant à ce qui est son but que sous le rapport des petits moyens qu’elle emploie, apparaît naturellement comme nulle de soi ; car elle prend l’abstraction morte de la richesse, l’argent comme tel, pour la fin suprême où elle s’arrête. Elle cherche à atteindre cette froide jouissance par la privation de toute autre satisfaction réelle ; tandis que, dans cette impuissance de son but comme de ses moyens, de la ruse, du mensonge, etc., elle ne peut arriver à ses fins.
Croce, que chaque art a ses limites, qui lui sont imposées par la technique de ses moyens ; il est impossible de préciser exactement ces limites, en théorie, car la réalité de demain réserve toujours des surprises à l’expérience de hier ; mais si, demain, un artiste invente une forme nouvelle et viable, qui contredit à la théorie de hier, cet artiste aura simplement élargi le champ des possibilités, sans supprimer par là les lois fondamentales que la théorie ne connaît que d’une façon incomplète. […] La Renaissance déjà n’y croyait plus guère et n’a vu en eux qu’un « moyen » de théâtre, tout extérieur. […] Mais, puisqu’il faut bien que l’exposition se fasse, on s’est ingénié à découvrir des moyens nouveaux, qui ne sont jamais que des moyens, c’est-à-dire, quand on s’en aperçoit, des « ficelles ». […] Quand je lis un poète lyrique, pour peu que j’aie vécu une douleur semblable à la sienne, il m’exprime moi-même et m’ennoblit par le seul moyen de quelques signes silencieux. […] Le roman peut aussi aboutir à une situation dramatique ; tout autres sont ses moyens, et tout autre la psychologie du lecteur.
Il semble que cet esprit distingué, armé des deux mains et adroit à volonté, qui peut choisir dans ses moyens d’expression, se soit dédoublé à dessein de bonne heure, et qu’il se soit dit : « Je ne puis tout exprimer avec mon pinceau, je ne puis tout rendre avec ma plume ; atteignons d’un côté ce qui nécessairement nous échappe en partie de l’autre ; complétons-nous, sans nous répéter. […] Il usera avec un art infini de toutes les ressources connues du vocabulaire ou de la palette, sans innover décidément et sans faire rage ; il vise à ses plus grands effets, en combinant merveilleusement des procédés moyens. […] Il est une certaine voie moyenne à tenir. […] Elle leur a fait voir que le but est d’exprimer, et que, pour y arriver, les moyens les plus simples sont les meilleurs.
Marie-Antoinette, arrivée jeune en France et après des efforts bien sincères pour faire le bien, pour être approuvée et pour réussir, se trompa un peu de chemin et de moyens : rien ne saurait prévaloir contre cette opinion universelle qui est devenue un fait acquis de l’histoire. […] Aussitôt mariée et à la minute, elle remplit une promesse touchante ; elle trouvé moyen de s’échapper un instant en plein cérémonial, en pleine représentation à Versailles, pour écrire un mot à sa mère (16 mai 1770) : « Madame ma très chère mère, « Je me suis échappée du grand cercle, dans ma grande toilette de mariée, pour m’acquitter de la promesse formelle que j’avais faite à ma chère maman de lui écrire ce mot, tout de suite après que la messe de mariage aurait été célébrée. […] Je ne sais si je me trompe, mais autour de moi on a l’air de s’en souvenir ; et si le bon duc s’en souvenait, c’était pour m’indiquer en quelques petits mots, souvent indirects, mais pas équivoques, les moyens de le faire oublier. […] » La tante Adélaïde avait de la prétention à l’esprit, aux grands moyens, à l’influence ; elle occupait, avant l’arrivée de la Dauphine, la première position comme princesse ; elle ne pardonnait point à celle-ci de l’avoir détrônée ou reculée.
Mais quand les grandes doctrines sont taries, qu’on ne peut plus que les simuler encore par simple gageure et jeu, quand les questions d’ambition personnelle et d’amour-propre débordent, que la popularité à tout prix est la conseillère, on devient facile et de bonne composition ; les acceptions distinctes s’effacent ; tous les efforts de l’Académie, bien loin de pouvoir rétablir les nuances entre les synonymes, ne sauraient maintenir leur sens moyen au commun des mots ; les termes d’homme de talent, d’écrivain consciencieux, se prodiguent pêle-mêle à chaque heure, comme de la grosse monnaie effacée. […] En quatre ou cinq années (terme moyen), ils ont usé une réputation qui a eu des airs de gloire, et avec elle un talent qui finit presque par se confondre dans une certaine pétulance physique. […] A cet âge qu’accuse le chiffre moyen du cadran commun, artistes et poëtes, on est entré généralement dans la manière définitive. […] — Cette citation aurait très-bien pu trouver place précédemment, dans le post-scriptum qui termine l’article Eugène Sue, tome II, page 91. — Il y a une jolie épigramme de Paul le Silentiaire, qui confine d’assez près à la pensée de La Bruyère, la voici : c’est sur un bain public où il y avait séparément le côté des hommes et le côté des femmes : « Tout proche est l’espérance de l’amour, mais il n’y a pas moyen de le satisfaire : une toute petite porte suffit pour arrêter la grande Vénus.
Les amis furent forcés alors d’opter, entre l’une ou l’autre de ces rivales déclarées, et il n’y eut moyen pour aucun de continuer de se maintenir auprès de toutes les deux. […] Mlle de Lespinasse, n’ayant moyen de donner à dîner ni à souper, se tenait très exactement chez elle de cinq heures à neuf heures du soir, et son cercle se renouvelait tous les jours dans cet intervalle de la première soirée. […] Même dans ce désir et dans les moyens qu’il lui suggérait, elle restait vraie, elle était sincère. […] Elle souffre de plus en plus ; elle l’appelle et le gourmande avec un mélange d’irritation et de tendresse : « Remplissez donc mon âme, ou ne la tourmentez plus ; faites que je vous aime toujours, ou que je ne vous aie jamais aimé ; enfin, faites l’impossible, calmez-moi, ou je meurs. » Au lieu de cela, il a des torts ; il trouve moyen, dans sa légèreté, de blesser même son amour-propre ; elle le compare avec M. de Mora ; elle rougit pour lui, pour elle-même, de la différence : « Et c’est vous qui m’avez rendue coupable envers cet homme !
Pendant près de cinq ans le gouvernement lutta entre les deux partis extrêmes, et essaya avec plus ou moins d’habileté d’une voie moyenne qui n’aboutit point. […] Ce parti, qui se composait du groupe politique et du groupe religieux, avait pour lui l’organisation, l’ensemble, et ne ménageait aucuns moyens. […] Théodore Leclercq l’avait accompagné en Angleterre en 1802 ; il l’accompagna également dans sa préfecture de la Nièvre (1813-1815) ; et partout, à l’étranger, en province, tandis qu’auprès de lui on faisait de l’observation politique et de l’administration, il s’amusa à observer la société et à la prendre dans le sens gai et facile, à y voir des sujets de proverbes, et, dès qu’il y avait moyen, à en jouer. […] Le jeune homme arrive à Paris avec son futur beau-père, celui même chez qui il s’est rendu coupable du méfait, et il trouve moyen, avant que son oncle se soit mis sur ses gardes, de lui prouver que lui, M.
Il ne prit pas garde que ce repos des premières années de la régence n’était pas la santé véritable ; au lieu de ménager les moyens et d’aviser au lendemain par des remèdes, il continua dans les errements qui aggravaient le désordre et la souffrance à l’intérieur : « Le mal s’aigrit, dit Retz ; la tête s’éveilla ; Paris se sentit, il poussa des soupirs ; l’on n’en fit point de cas : il tomba en frénésie. […] Il nous a expliqué, avec une franchise que rien n’égale, les moyens qu’il prit pour se procurer de la considération dans le clergé et de la faveur parmi ses ouailles, non seulement à titre d’homme de parti, mais en qualité d’archevêque, et cela sans se rien retrancher de ses vices secrets et de ses faiblesses. […] Lui-même il a pris soin de nous indiquer le moment précis, très voisin de cette conversation, dans lequel il se détermina à se livrer tout à fait à sa passion et à sa haine contre Mazarin (janvier 1649) : « Quand je vis, dit-il, que la Cour ne voulait même son bien qu’à sa mode, qui n’était jamais bonne, je ne songeai plus qu’à lui faire du mal, et ce ne fut que dans ce moment que je pris l’entière et pleine résolution d’attaquer personnellement le Mazarin… » À partir de ce jour, tous les moyens lui sont bons pour réussir, les armes, les pamphlets, les calomnies. […] D’autres fois il étend agréablement ses images ; ainsi, opposant son crédit bien enraciné à la faveur d’un jour du duc d’Elbeuf : « Le crédit parmi les peuples, cultivé et nourri de longue main, dit-il, ne manque jamais à étouffer, pour peu qu’il ait de temps pour germer, ces fleurs minces et naissantes de la bienveillance publique, que le pur hasard fait quelquefois pousser. » Indiquant les moyens qu’il avait de bonne heure employés pour fonder ce crédit, il parle de ses grandes aumônes, et des libéralités « très souvent sourdes, dont l’écho n’en était quelquefois que plus résonnant ».
Gourville, c’est l’homme à expédients, à moyens, à invention ; il a de l’imagination, mais sans chimère ; rien ne l’embarrasse : il n’est pas de ceux qui engendrent le doute et le scrupule. […] Il va prendre à cette fin des hommes sûrs en Angoumois, aux environs de La Rochefoucauld ; et pour ce qui est de l’argent, nerf de toutes choses, il songe aux moyens de s’en procurer. […] Il eut de quoi les satisfaire tous plus ou moins ; il en loue Dieu et ne paraît pas douter que les moyens par lesquels sa fortune s’accrut n’aient été suffisamment légitimes. […] Gourville s’en alla donc avec des pouvoirs secrets ; il trouva moyen d’entrer dans la ville sous prétexte de retirer les meubles de M. de La Rochefoucauld : un reste de maître d’hôtel revenait à point pour cacher l’ambassadeur.
Marmont suivit la ligne moyenne. […] Général en chef de l’armée de Portugal, c’est lui qui, en 1812, introduira parmi ses troupes l’usage des moulins portatifs qui permettent au soldat de faire lui-même sa farine et son pain, moyen le plus sûr pour qu’il n’en manque jamais. […] En prenant ce commandement des mains de Masséna, il ne se fait aucune illusion sur les difficultés de la tâche et sur la nature des moyens ; après quelques considérations sur le pays, théâtre de la guerre, il en vient au moral et au matériel des troupes : De la misère, dit-il, de l’indiscipline, du mépris de l’autorité, un mécontentement universel, et un désir immodéré de rentrer en France de la part des généraux ; une artillerie détruite en entier, et point de munitions ; une cavalerie réduite à peu de chose, et ce peu dans le plus mauvais état ; l’infanterie diminuée de près de la moitié : tel était tout à la fois le pays dans lequel je devais agir, et l’instrument dont il m’était donné de me servir. […] Le colonel Jardet, envoyé par lui à l’Empereur qui était à la veille de partir pour l’expédition de Russie, eut des audiences sans résultat : « Voilà Marmont, dit l’Empereur, qui se plaint de manquer de beaucoup de choses, de vivres, d’argent, de moyens.
Mais le moyen de faire passer les choses les plus risiblement affirmatives ou les plus tristement vagues, c’est le sérieux avec lequel on les écrit. […] Seulement il faut bien essayer de justifier n’importe comment ce qu’on voudrait faire accepter à l’opinion Les moyens employés à cette fin par M. […] Le moyen, il allait le chercher ; il le trouverait peut-être ; ce serait ceci ou ce serait cela, mais la question était cet autel ! […] Renan prétende que le sourd-muet se crée tout seul des moyens d’expression (page 97) supérieurs à ceux qu’on lui enseigne ; ce qui prouve que l’abbé de l’Épée était un sot.