Bérénice est une grande tragédie et c’est la tragédie racinienne par excellence ; et elle est pleine d’action à l’entendre comme Racine l’entendait, c’est-à-dire d’action psychologique, de conflits et de mouvements des passions. […] Oui, certes, le génie est là ; mais il est aussi dans l’examen attentif et profond des mouvements de l’âme humaine et dans l’art de porter la conviction en s’emparant de l’intérêt. […] Les caractères y ont de la netteté, de la précision et presque du relief ; le mouvement y est, sinon rapide, du moins vif et franc ; le dialogue est simple et réel, non sans esprit, du reste, quelquefois, comme quand le père Nerval dit que l’argent des Nerval ne doit pas aller à des aventurières, et que sa fille lui répond : « Vous avez raison, mon père, l’argent des Nerval ne doit pas aller à des aventurières ». […] Les mouvements de foule y sont tels qu’ils feraient très bel effet sur le théâtre et les discours y sont brillants.
En dépit de l’étincelante fantaisie qui l’anime ou plutôt qui l’emporte, et qui donne à l’action des Folies amoureuses et du Légataire universel son unique allure de mouvement et de rapidité, il y a déjà dans la comédie de Regnard comme qui dirait des touches d’un peintre de la vie familière et des mœurs bourgeoises. […] Le premier discours de Fabrice à Gil Blas est également si bien approprié pour la scène qu’à la fin du siècle, dans le Mariage de Figaro, Beaumarchais — qui doit tant à Le Sage — n’aura qu’à en reprendre le mouvement pour obtenir le fameux monologue : « J’arrivai à Valencia avec un seul ducat, sur quoi je fus obligé d’acheter une paire de souliers. […] C’est alors que, pour exciter des mouvements de pitié plus vifs et plus profonds, il recourt à ces inventions dont il n’aperçoit que le pathétique, et c’est alors qu’il ne recule ni devant l’étrange ni devant l’affreux pour nous tirer des larmes. […] En 1758, Diderot, dans sa dissertation sur la Poésie dramatique, se souvenant toujours des émotions de sa première jeunesse, disait encore : « Chaque ligne de l’Homme de qualité, du Doyen de Killerine, de Cléveland excite en moi un mouvement d’intérêt sur les malheurs de la vertu et me coûte des larmes. » Prévost, en cette année-là même, achevait de traduire Grandison ; la popularité de l’auteur et du traducteur se faisaient équilibre ; Richardson était un grand romancier et Prévost en était un autre.
Ainsi quand d’abord, pour ne pas se commettre près de Henri, l’amant de Joséphine, elle semble moins sensible qu’elle ne devrait à la peine de celle-ci, elle se le reproche bientôt ; la crainte de quelque malheur s’y mêle, et elle se laisse aller avec sa chère coupable à son mouvement généreux : « Oh bien !
En lisant les carnets des chasses, il n’y a pas de vrai chasseur qui n’éprouve un mouvement d’envie.
On l’avait vu à Athènes, à Sparte, à Rome, à Paris, partout : les révolutions populaires les plus éclatantes avaient toutes été faites par l’aristocratie tendant la main au peuple ; partout les Solon, les Gracques, les César, les Russell, les Sidney, les d’Orléans, les Mirabeau, les la Rochefoucauld, les Clermont-Tonnerre, les Lauzun, les Talleyrand, les Sieyès, les la Fayette, tribuns du peuple ou tribuns des armées, avaient été nécessaires à la démocratie pour lui donner l’idée, la parole, le mouvement, la force, la popularité des révolutions.
D’un mouvement rapide, il le lança hors de la barque.
Vous ne ferez jamais que le peuple n’aille au gros pain qui satisfait son appétit, mais si vous pouvez provoquer un mouvement en faveur du roman populaire, parlant au peuple une langue généreuse et forte, vous aurez rendu un grand service à tout le monde, aux écrivains et à leurs lecteurs.
Les jeunes gens se hâtaient pour en conserver la mémoire ; les vieillards venaient chercher à ses pieds quelques souvenirs de ces belles traditions par lesquelles mademoiselle Mars se rattachait à Préville, à Molé, à Fleury, à Saint-Prix, à la grande Contat, à la grande comédie ; les deux écoles dramatiques (mademoiselle Mars, pareille aux Sabines, a assisté à ce combat des Romains et des peuples sabins, combat dans lequel les Romains furent vaincus) appelaient à leur aide, chacune de son côté, cette force irrésistible… Soudain tout ce mouvement s’arrête, et tout ce bruit fait silence… Mademoiselle Mars n’est plus au théâtre, tout est dit.
Béranger a trop d’esprit pour avoir tant d’enthousiasme ; il possède son enthousiasme, il n’en est pas possédé ; il le conduit avec un fil imperceptible, mais sûr, partout où il veut passer, comme le conducteur des chars, aux jeux Olympiques, conduit au mouvement du doigt ses coursiers qui ne s’emportent jamais dans la carrière : « Rasant la borne, et ne la touchant pas. » Il n’y brise jamais son essieu, il n’y fait même ni bruit ni poussière ; il arrive sans qu’on s’aperçoive qu’il est arrivé juste, et court au but qu’il s’est proposé.
Notre attention devançait le mouvement de ses lèvres.
Ses scenes sont vives, pleines de feu & de mouvement.
Des successeurs ou trop bornés ou trop despotiques, semblèrent négliger les vues sages de Charles V ; mais le mouvement imprimé subsista, quoique faiblement, jusqu’à François Ier, qui donna aux esprits engourdis et languissants une nouvelle impulsion, Ce prince fut, ou assez bien né pour aimer les savants, ou du moins assez habile pour les protéger ; car sans les aimer on les protège quelquefois, et l’intérêt ou la vanité les rend aisément dupes sur les motifs des égards qu’on a pour eux.
L’historien des Classes nobles eut ses jours de thèse et de systèmes, et ces jours-là furent brillants ; mais, quels qu’eussent été le mouvement et la fécondité d’un esprit qu’il voulait, comme de très grandes intelligences l’ont voulu, trouver les moules de ses idées dans l’histoire, ce n’est pas cependant par cette manière de la comprendre et de l’écrire qu’il fût arrivé à l’emploi juste et vrai de ses facultés.
La langue de cet avenir vers lequel nous dérivons, je l’ignore et ne m’en soucie, mais je sais très bien que le mouvement d’idées et de critique de 1830 nous fit retrouver la langue perdue du xvie siècle, la seule dans laquelle on pût bien traduire le plus grand poète que le xvie siècle ait produit !
Il lui restera bien toujours assez de mouvement, d’esprit, d’agilité, de souplesse, de gaîté étincelante, de qualités jadis françaises, et il vient de le prouver dans ce dernier roman du Chevalier de Kéramour.