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591. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

L’homme de nos jours qui a le mieux exécuté cette gamme surprenante de Héros de l’Europe à Ogre de Corse, c’est Fontanes, choisi pendant tant d’années pour cultiver, développer et diriger le sens moral de la jeunesse. […] Le sens moral inné en l’homme saura où se prendre. […] La qualité de roi ne sera plus un faux poids moral.

592. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Leur variété augmente en même temps que leur nombre : ce ne sont pas seulement des intérêts économiques, ce sont des mobiles politiques, religieux, moraux, qui suscitent de toutes parts Vereine, sectes et partis. […] Par la complication sociale, « l’individu passe au premier plan de la scène, tandis que les anciennes personnes morales dont il était englobé naguère se dissipent comme des ombres derrière cette unique figure en vif relief. » Comment, d’ailleurs, la complication sociale combat directement cette notion de classe, ennemie née de l’égalitarisme, c’est chose aisée à apercevoir. […] Imbart de la Tour, « L’Évolution des Idées sociales au moyen âge », dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences morales et politiques, 1896, II, p. 425.

593. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

et si, dans la pensée du poëte, cette fiction était l’image des combats que soutient ici-bas la vérité contre la violence, si le Prométhée d’Eschyle représentait l’être supérieur qui se dévoue pour éclairer les hommes, qui d’abord en porte la peine, sous la torture des fers et de l’inaction, puis est délivré, reprend son œuvre et la voit accomplie ; si l’enseignement moral de cette gradation tragique paraissait tellement vraisemblable que plus d’un père de l’Église a cru pouvoir, sans profanation, reconnaître dans les souffrances de Prométhée un type précurseur de celles du Christ, quelle ne devait pas être l’illusion pathétique de ces trois drames humains, dans leur ensemble et leur péripétie dernière ! […] Par ses maximes sur l’éternelle justice, la providence divine, la pitié pour les faibles, la punition des méchants, Eschyle est, avec Pindare et Sophocle, le poëte le plus moral de l’antiquité, le poëte ami du droit et de la vertu contre la force et le vice. […] Comment ne pas marquer les différences et les beautés morales que le génie, aidé par le temps, ajoutait encore à cette poésie ?

594. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Jeune, et quand il n’était encore qu’Éliacin, on n’a pas de portrait de lui, j’entends aussi de portrait au moral ; on ne songeait pas à en faire ; mais on a dans l’abbé Vaillant, dans M.  […] Bossuet, dirai-je donc, c’est l’esprit qui embrasse le mieux, le plus lumineusement, le plus souverainement un corps, un ensemble de doctrines morales, politiques, civiles, religieuses, qui excelle à l’exposer avec clarté et avec éclat, avec magnificence, en se plaçant au point de vue le plus élevé ou au centre, à une égale distance de toutes les extrémités ; à en retenir, à en réunir, à en développer tous les ressorts, à en faire marcher tous les mouvements, à en faire bruire et résonner l’harmonie, comme sous la voûte d’une nef les tonnerres d’un orgue immense ; — mais en même temps, c’est un esprit qui n’en sort pas, de cette nef, de cette sphère si bien remplie, qui ne sent pas le besoin d’en sortir, qui n’invente rien au fond, qui n’innove jamais : il hait la nouveauté, l’inquiétude et le changement ; en un mot, c’est le plus magnifique et le plus souverain organe et interprète de ce qui est institué primordialement et établi.

595. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Aux époques où l’humanité brise les liens qui l’unissaient sympathiquement à ce qui l’entoure, et où ses propres parties éparses luttent et se dévorent entre elles, quand la plus grande ardeur de destruction est calmée, une anxiété profonde succède ; le malaise moral et la misère matérielle rongent le corps social par sa double extrémité ; un vague et confus besoin d’association se fait sentir et s’exhale en gémissements mal définis, en mouvements désordonnés ; les uns ont faim de pain, les autres ont soif de parole ; tous sont malades et aspirent à la vie. […] Il a montré le gouvernement, comme la société, en quête de l’idée nouvelle et ne la possédant pas ; l’ordre moral nul, l’ordre matériel ne subsistant que parce que tout le monde se rend compte du péril et y prend garde ; il n’a vu dans la liberté et dans les diverses conséquences qu’on en réclame que des moyens pour atteindre à un but inconnu ; et durant tout le temps qu’il appuyait ainsi le doigt sur ces plaies du siècle, l’auditoire jeune et fervent, comme un malade plein de vie, palpitait ; il était suspendu en silence aux lèvres du maître éloquent, et il attendait jusqu’au bout le remède : le remède n’est pas venu.

596. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

tous avez contre vous, ou du moins vous n’avez pas pour vous une Académie sérieuse, l’Académie des sciences morales et politiques, quoique vous y ayez infusé et fait entrer par décret une dizaine de vos amis ; mais tout cela s’est vite fondu et noyé dans l’ensemble, et l’esprit général n’est point pour vous !  […] Ce que je dis là est si peu une fiction qu’un de mes amis, homme politique et savant, avec qui je cause de la situation sans lui faire part d’ailleurs de ce que je viens d’écrire, me dit tout naturellement (et cet ami n’est pas un littérateur proprement dit, c’est un savant dans l’ordre du droit et plutôt occupé des sciences morales et politiques, M. 

597. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

La philosophie de Diderot, dans ses parties caractéristiques, est vraiment une philosophie de la nature : ce qu’il tire de Leibniz, ce sont ces principes de raison suffisante, de moindre action, de continuité, que l’étude scientifique du monde organisé et inorganique suppose et vérifie constamment ; et c’est lui d’abord qui, avant Helvétius, avant d’Holbach, remet l’homme dans la nature, et réduit les sciences morales aux sciences naturelles. […] Ces œuvres étaient toutes pleines d’intentions littéraires ; elles voulaient agir sur le public par les sujets et par les idées que les sujets suggéraient, idées polissonnes chez Boucher ou Fragonard, idées voluptueuses ou morales chez Greuze, idées philosophiques chez Bouchardon.

598. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Jules Barbier n’est point une aventure particulière, mais la tragique et sanglante et merveilleuse histoire de l’Église de Lyon dans la dix-septième année du règne de Marc-Antonin ; que son dessein est de nous peindre des phénomènes moraux collectifs, de nous montrer, dans tout un groupe de chrétiens, la contagion de la foi et de l’héroïsme, la sublime émulation et, proprement, l’ivresse du martyre ; et, si vous voulez, de donner une forme dramatique au dix-neuvième chapitre du Marc-Aurèle d’Ernest Renan. […] Se pénétrant de son rôle, elle appelait les tortures et brûlait de souffrir… » Il m’eût donc plu que l’auteur conçût cette tragédie chrétienne de façon qu’elle signifiât principalement le triomphe moral des esclaves, des petites gens, des ignorants grands par le cœur.

599. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Un même siècle n’a-t-il pas porté à la fois dans son sein le Talmud et l’Évangile, le plus effrayant monument de la dépression intellectuelle et la plus haute création du sens moral, Jésus d’une part, de l’autre Hillel et Schammaï ? […] Ce jour-là, il n’y aurait plus de salut que dans les instincts moraux de la nature humaine, lesquels sans doute ne feraient pas défaut.

600. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Mais si la folle envie de quelques pièces d’argent fit tourner la tête au pauvre Juda, il ne semble pas qu’il eût complètement perdu le sentiment moral, puisque, voyant les conséquences de sa faute, il se repentit 1072, et, dit-on, se donna la mort. […] On le rapporta à la veille de sa mort, par suite de la tendance que l’on eut à grouper autour de la Cène toutes les grandes recommandations morales et rituelles de Jésus.

601. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Les actions réflexes, les actes habituels sont de cette nature, « Les actes volontaires se distinguent des actions réflexes par l’intervention d’une conscience, et le phénomène est très remarquable, en ce qu’il nous introduit, pour ainsi dire, dans un nouveau monde Nous sommes même libres, si cela nous plaît, de dire que l’esprit est une source de puissance ; mais nous devons alors entendre par esprit la conscience jointe à tout le corps, et nous devons aussi être prêts à admettre que l’énergie physique est la condition indispensable ; la conscience, la condition accidentelle187. » V « Tout ce qui a été exposé jusqu’ici188 relativement aux actions volontaires des êtres vivants, implique la prédominance d’une uniformité ou d’une loi dans cette classe de phénomènes, en supposant toutefois une complication de nombreux antécédents qui ne sont pas toujours parfaitement connus. » La pratique de la vie s’accorde en général avec cette théorie : nous prédisons la conduite future de chacun d’après son passé ; nous appelons Aristide un juste, Socrate un héros moral, Néron un monstre de cruauté. […] Le mot nécessité est également une expression impropre, qui devrait même être bannie de toutes les sciences physiques ou morales.

602. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Est-ce Homère ou Virgile qui a tenu le crayon dans ce roman moral ? […] A sa mort, il se répandit un bruit, qu’on avoit trouvé, parmi ses papiers, une apologie des réflexions morales de Quênel.

603. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Le sens moral, inconnu à madame de Sévigné, vit en Amédée Renée et dans son livre ; mais plus perceptible que montré. […] Le sens moral, on le retrouve jusque dans cette indulgence, ou cette pitié, qu’il sangle si bien au visage des gens, avec un mouvement très retenu et très doux.

604. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Les idées morales ont leur origine dans le sentiment moral, et leur cause dans l’action séparée ou réunie de l’attention, de la comparaison et du raisonnement.

605. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

Elle se réduit à une suite de préceptes moraux dont l’observance est imposée à ces peuples par leur législation. […] Elles s’appliquent, pour la plupart, avec la même force à Hercule, à Hermès et à Zoroastre.À ces difficultés chronologiques, joignez-en d’autres, morales ou politiques.

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