Ainsi encore les derniers fragments du Roman de Renart contiennent une critique amère des lois et coutumes existantes, de véritables appels à la révolte ; et pourtant ceux qui les ont composés ont gardé le cadre commode de la fable tel que leurs aînés l’ont façonné ; ils se servent toujours des animaux pour donner des leçons aux hommes ; ils racontent toujours les prouesses de leur héros populaire. […] Une fois la société assise sur de nouvelles bases, une fois les lois mises en harmonie avec les idées des novateurs, c’est le régime politique qui se trouve à son tour en avance sur la littérature. […] Il s’écria, en s’adressant à l’auteur, comme si l’auteur eût été présent : « Sortez de mon Empire, si mes lois ne vous conviennent pas. » Et, quant au malheureux discours, voici ce qu’en dit Chateaubriand : « M. […] Camille Desmoulins se couvre du bouclier de Tacite pour attaquer Robespierre, et c’est la loi des suspects qu’il vise en frappant sur la loi de majesté. […] La République, instaurée pour la troisième fois, attend encore des mœurs et des lois républicaines qui justifient l’étiquette mise sur un ensemble incohérent d’institutions et de traditions rappelant la France féodale ou monarchique de jadis.
C’était la loi de cet âge du christianisme, l’esprit de la religion même accueillie par l’ingénieux enthousiasme de ces Hellènes d’Asie. […] ô loi sainte ! […] « Telle est, en effet, la nécessité terrestre imposée comme loi. […] Qu’elle a suive de préférence la loi d’un saint hymen, inviolable et pur, inaccessible à tout criminel désir ! […] Voyageur chez les humains, tu as plongé jusqu’au Tartare, où la mort tenait sous sa loi des multitudes d’âmes.
Bref, le poète, le peintre, le sculpteur, le musicien obéira aux lois subtiles de l’Équilibre et de l’Harmonie, dont le seul goût de l’artiste peut décider. […] — Mais le français ne se peut cadencer selon des lois fixes comme les langues et les idiomes purement latins ? […] — Bénéficieront-ils de la loi Bérenger, mes vers esclaves ? […] C’est la loi naturelle ; les littératures n’y échappent pas plus que les peuples. […] On n’est pas loin de s’entendre sur les lois fondamentales ; on y obéit d’instinct.
Au contraire, la Philologie (Sprachkunde) est une science organisée, qui a des lois. […] Les textes dégénèrent suivant certaines lois. […] Pour rejeter une de ces lois il faudrait de nouvelles observations directes. […] Leur forme (coutume, ordres, loi, précédents) ? […] C’est l’idée fondamentale de l’Esprit des lois de Montesquieu.
Une loi générale gouverne toutes nos représentations, les plus abstraites comme les plus sensibles. […] À ce titre, notre perception associée est trompeuse. — Mais, en vertu des expériences antérieures que nous avons faites et des lois générales que nous connaissons, nous la déclarons trompeuse, et nous nous représentons la canne comme droite ; en d’autres termes, nous imaginons une sensation tactile différente, celle que nous donnerait une canne effectivement droite. […] En deux mots, elle crée des illusions et des rectifications d’illusion, des hallucinations et des répressions d’hallucination. — D’une part, avec des sensations et des images agglutinées en blocs suivant des lois que l’on verra plus tard, elle construit en nous des fantômes que nous prenons pour des objets extérieurs, le plus souvent sans nous tromper, car il y a en effet des objets extérieurs qui leur correspondent, parfois en nous trompant, car parfois les objets extérieurs correspondants font défaut : de cette façon, elle produit les perceptions extérieures, qui sont des hallucinations vraies, et les hallucinations proprement dites, qui sont des perceptions extérieures fausses. — D’autre part, en accolant à une hallucination une hallucination contradictoire plus forte, elle altère l’apparence de la première par une négation ou rectification plus ou moins radicale : par cette adjonction, elle construit des hallucinations réprimées qui, selon l’espèce et le degré de leur avortement, constituent tantôt des souvenirs, tantôt des prévisions, tantôt des conceptions et imaginations proprement dites, lesquelles, sitôt que la répression cesse, se transforment, par un développement spontané, en hallucinations complètes. — Faire des hallucinations complètes et des hallucinations réprimées, mais de telle façon que, pendant la veille et à l’état normal, ces fantômes correspondent ordinairement à des choses et à des événements réels, et constituent ainsi des connaissances, tel est le problème. On va voir comment les images et les sensations fournissent les matériaux, et comment leurs lois de naissance, de renaissance et d’association construisent l’édifice. […] II, lois d’effacement des images.
Les excès en tout sont la nature de la France, les réactions sont sa loi ; Bonaparte, son héros, fut un despote ; Chateaubriand, son écrivain, fut un apôtre peu convaincu du passé ; l’opinion publique, leur pondérateur naturel, au lieu de les contenir l’un et l’autre, les encouragea ; elle poussa l’un à l’empire, l’autre au treizième siècle : la conquête pour diplomatie, le concordat pour liberté religieuse, furent les deux pôles du gouvernement des soldats et du gouvernement des consciences. […] On ignorait alors la loi économique par laquelle la réduction du prix des billets augmente le nombre des souscripteurs. […] Était-il juste enfin, en politique, d’imaginer des lois inhumaines (immanis lex) contre la liberté de la presse, en 1819, et de professer ensuite la liberté illimitée de la presse, c’est-à-dire l’anarchie et la démagogie de la pensée la plus téméraire, dont Chateaubriand affecta le dogme, quand la versatilité de ses intérêts le poussait à se déclarer chef de l’opposition aux Bourbons ? […] Nous l’avons éprouvé en 1848, par nécessité temporaire d’une révolution où toutes les lois anciennes étaient abolies ; mais une émeute violente en sortait exactement tous les quinze jours, et la sagesse du peuple tenait lieu de loi pour réprimer la démence du peuple.
Si encore une loi universelle d’évolution bienfaisante s’y révélait, nous pourrions sentir le devoir d’y ajuster notre esprit et d’y conformer notre conduite à supposer que cela ait un sens, ce qui paraît un peu contradictoire. Mais une telle loi, dont l’idée a séduit quelques esprits, et qui remplacerait assez agréablement la divinité bannie, paraît devoir l’accompagner dans son exil. […] On peut rêver qu’une de ces évolutions arrive à dominer, organiser le monde, le spiritualiser, ce qui est un autre mot pour la même chose, et selon la loi d’évanescence, le conduire au non-être. […] Mais, selon l’universelle loi des institutions sociales et des formations psychologiques, né d’une discordance qu’il aggrave d’abord, il tend à y remédier, et par là, il tend indirectement à se supprimer lui-même. […] Elle tend à la réduire en promettant une harmonie un peu meilleure, par là, elle tend à se supprimer elle-même, selon la loi d’évanescence, et ce sera là, si on le veut bien, une ironie de plus.
Palais, fondations populaires, chapelles, lois, arbres consacrés, dictons, portraits, reliques de toute espèce. […] qu’il écrivit de sa déesse, et de tels signes, oui, même en face de l’énorme Homère, ont quelque chose de si surnaturel et de si nouveau dans le poète de cette mystérieuse heure d’histoire où chantait Virgile, qu’on ne l’explique pas entièrement avec de l’analyse littéraire et le trotte-menu des petites lois qui régissent ordinairement les biographies. […] Virgile est avant tout un génie historique, comme tous les grands génies, du reste, car dans les siècles il est peu d’exception à cette loi. […] Après cela, il est bien certain, pour qui connaît la loi spéciale qui gouverne chaque esprit, que qui dit à brûle-pourpoint : « Madame, aimez-vous les vers ? […] Le légataire de Sainte-Beuve, qui administre son testateur lui-même comme sa fortune, — comme une propriété dont on a, aux termes de la loi, le droit d’user et d’abuser, crierait comme une oie du Capitole (il a déjà crié) si on touchait un peu rudement à son illustre maître, et qu’on discutât son talent en le réduisant à ce qu’il est, sans exagération et sans ambages.
L’amour, qui fait quelquefois souffrir, n’a pourtant pas le droit de devenir la passion sauvage qui se rebelle aux lois de la société. […] Qu’elle continue sa vie, selon sa loi : au moins le poète aura-t-il la ressource de lui refuser tout cri d’amour, et de la haïr. […] La poésie, force primitive des âmes, langage primitif, loi primitive, que le progrès ne saurait que dessécher et abolir. […] Elle est la vérité même, puisqu’elle saisit les lois éternelles qui, s’inscrivant dans l’esprit par le moyen des sens, finissent par former la raison humaine. […] Celui-ci veut, en effet, que la nature soit bonne ; si elle était mauvaise, comme l’affirmait la loi chrétienne, il ne pourrait s’épanouir.
Imaginez-vous un de ces salons qui faisaient la loi en matière littéraire. […] Mais l’Académie ne fait plus loi, elle perd même toute autorité sur la langue. […] Il réduisit en lois la méthode que Sainte-Beuve employait un peu en virtuose. […] De la comparaison des faits, on finit, il est vrai, par formuler des lois. Mais, moins on se hâte de formuler les lois, et plus on est sage ; car M.
Abstenez-vous ; aucune loi ne condamne un honnête homme à écrire des maximes. […] Celui-là seul qui a fait les lois des corps sait où va disparaître, en s’effaçant par degrés, la ride que dessine à la surface la chute de la pierre. […] J’honore l’avocat jurisconsulte parce qu’il interprète la loi, et qu’il est la lumière du juge. […] On discutait à la Chambre des députés un projet de loi qui contenait quelque disposition restrictive de je ne sais plus quelle liberté. […] Forcade de la Roquette, et mieux aimé traiter des acquits à caution que de défendre des lois d’expédient qui devaient être sans lendemain !
La vie enfin est une action, et, quel qu’en soit le prix, l’exercice de notre énergie suffit pour nous satisfaire, parce qu’il est l’accomplissement des lois de notre être. […] Songez qu’avant 89, nous n’avions ni représentation annuelle, ni liberté de la presse, ni liberté individuelle, ni vote de l’impôt, ni égalité devant la loi, ni admissibilité aux charges. […] Nous rentrâmes alors chez le possesseur qui, en vertu des lois de la Constituante, a succédé aux riches oisifs qui s’ennuyaient autrefois de ce beau spectacle et n’y voyaient que des rochers et d’humides vapeurs. […] Quant au reproche d’avoir formulé, comme on dit, la marche de la révolution à l’état de loi fatale, il s’adresserait plutôt à M. […] — Un signal de désobéissance à une loi qui n’en est pas une ; une protestation. — Eh bien !
Il est dominé par des lois si sévères, si vitales aussi, que l’artiste les subit sans rien abdiquer de son indépendance, — car elles sont intransgressibles à ce point qu’elles ont choisi pour pages où s’inscrire le cœur et le cerveau mêmes de l’artiste. […] L’évolution est la loi du monde : tout ce qui vit se meut vers un but ignoré. […] On sent frissonner ici le mystère d’une loi que les anthropologues devraient bien préciser. […] * * * La Vérité est le but de nos esprits : la vérité métaphysique et physique de la destinée de l’homme et des lois du monde. […] C’est la loi !
« Sire, écrivait-il, il y a vingt ans on se méfiait de la démocratie, et cette méfiance, que 1848 a augmentée, s’est maintenue dans la loi. […] Après tout, la conquête romaine, relativement douce aux vaincus, substitua aux lois étroites de la République les lois générales et moins dures de l’Empire ; elle aplanit sans le savoir, pour la propagande chrétienne, tout le champ méditerranéen, et, d’autre part, respecta presque toujours l’indépendance de la pensée philosophique et commença de fonder, à travers le monde, la république des libres esprits ; elle fut enfin, pour une portion considérable de la race humaine, un puissant agent d’unité, encore qu’imparfaite et bientôt défaite… Et puis, nous venons de Rome ; et Victor Duruy ne peut se défendre d’aimer en Rome, initiée de la Grèce et notre initiatrice dans le travail jamais achevé de la civilisation, l’aïeule même de la France. […] Elle se relèvera si elle reconnaît bien le grand courant du monde, et si elle s’y plonge et s’y précipite… L’humanité, comme Dieu même, n’a que des idées fort simples et en petit nombre, qu’elle combine de diverses manières… » Il marquait alors la suite historique de ces combinaisons et il admirait ce long effort « logique » pour affranchir « le fils du père, le client du patron, le serf du seigneur, l’esclave du maître, le sujet du prince, le penseur du prêtre, l’homme de sa crédulité et de ses passions », pour mettre « légalité dans la loi, la liberté dans les institutions, la charité dans la société, et donner au droit la souveraineté du monde ».
Vielé-Griffin et de Régnier se sont conformés à celle loi : chez tous deux l’expression est symbolique. […] Si l’on admet ce qui précède, on doit conclure que le symbole, plus que l’allégorie, est conforme à notre loi d’art : car c’est à travers les formes qu’il saisit l’idée, et s’il tend vers la Vérité c’est en procédant de la Beauté. […] Il rappelle ainsi Puvis de Chavannes et en particulier ce Bois-Sacré où l’accord merveilleux du site avec des femmes grandes et sveltes, aux attitudes lentes, fait naître la nostalgie d’une contrée surhumaine dont la Beauté serait l’unique loi. […] Car tu sauras des rêves vastes Si tu sais l’unique loi : Il n’est pas de nuit sous les astres Et toute l’ombre est en toi.