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858. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Parlant de ces habitudes asiatiques et lâchement cruelles par lesquelles ces empereurs grecs rivaux se réconciliaient en apparence, faisaient mine de s’embrasser, s’invitaient à des festins, et se crevaient les yeux à l’improviste, Villehardouin nous dit : « Jugez maintenant s’ils étaient dignes de tenir la souveraineté et l’empire, des hommes qui exerçaient de telles cruautés les uns envers les autres ; qui se trahissaient les uns les autres si déloyalement. » S’il y a quelque moralité naturelle dans cette croisade des Français d’alors et dans leur victoire sur Byzance, elle est tout entière dans cette réflexion, qui était aussi celle de Baudouin et de son frère, de ces nouveaux empereurs, vrais chrétiens et honnêtes gens. […] On a pu juger, par quelques citations que j’ai données, du ton et (si ce mot est permis) du style de Villehardouin.

859. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Nos filles ont été trop considérées, trop caressées, trop ménagées : il faut les oublier dans leurs classes, leur faire garder le règlement de la journée… Il faut encore défaire nos filles de ce tour d’esprit railleur que je leur ai donné, et que je connais présentement très opposé à la simplicité ; c’est un raffinement de l’orgueil qui dit par ce tour de raillerie ce qu’il n’oserait dire sérieusement… Et elle ajoute par un aveu vrai et qui n’a rien d’une fausse humilité : « Que vos filles ne se croient pas mal avec moi, cela ne ferait que les affliger et les décourager ; en vérité, ce n’est point elles qui ont tort. » À partir de ce moment, on entre dans un second effort plus obscur, moins attrayant, et qui même, dans le détail un peu abstrait où nous le voyons de loin, peut sembler décidément austère ; mais Mme de Maintenon, à la bien juger, y paraît de plus en plus méritante et digne de respect et d’estime. […] Fagon de ce qu’il parle de médecine d’une manière si simple et si intelligible qu’on croit voir les choses qu’il explique : un médecin de village veut parler grec. » Dans le texte actuel des lettres de Mme de Maintenon telles que nous les possédons enfin, sans les altérations de La Beaumelle, il nous est permis, à notre tour, de juger avec plus d’assurance de sa façon de dire et d’écrire.

860. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Le roi prend lui-même connaissance de l’affaire et décide ; presque tout est jugé en faveur de Sainctot, qui a pour lui une longue possession : il restera indépendant de M. de Blainville, ne prendra point l’ordre de lui, marchera à sa gauche, mais sur la même ligne, etc […] On fait partir Vauban incessamment, et on ne doute pas que le roi ne partît bientôt si la saison était moins retardée. » Ce Chanlay dont il est parlé, et que Dangeau, annoté par Saint-Simon, nous fait particulièrement connaître, était de ces seconds indispensables à la guerre, un officier d’état-major accompli, parfait à étudier les questions, les lieux, à dresser des instructions et des mémoires, à juger des hommes.

861. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Sous ses airs de naïveté et de bonhomie, ne le jugez pas trop modeste : il avait une haute idée de sa supériorité ; il ne pardonna jamais à l’Académie française de l’avoir fait attendre. […] Mme Récamier, le voyant, depuis sa rentrée aux affaires et son triomphe de la guerre d’Espagne, plus ardent, plus exalté et enivré que jamais, moins maniable probablement dans l’intimité, prit le parti d’aller à Rome, sur la fin de 1823 : dans son système d’amitié constante, mais d’amitié pure et non orageuse, elle jugea prudent, à cette heure critique, de s’éloigner pendant un certain temps, et de lui laisser jeter, avec ses fumées de victoire, ses derniers feux, — Mme Cornuel aurait dit, sa dernière gourme de jeunesse62.

862. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

C’est le matin même de Montereau que Napoléon écrivait à M. de Caulaincourt afin de lui retirer la carte blanche qu’il lui avait donnée pour les conférences de Châtillon ; et, lui exprimant le changement de la situation, il la jugeait ainsi : « Ma position est certainement plus avantageuse qu’à l’époque où les Alliés étaient à Francfort ; ils pouvaient me braver, je n’avais obtenu aucun avantage sur eux, et ils étaient loin de mon territoire. […] C’est que chacun, comme par enchantement, était revenu de 1840 à ses anciens sentiments de 1814 et jugeait de la nouvelle mesure par ses dispositions d’autrefois.

863. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

S’il ne s’intéressait ni à la physique, ni à l’anatomie, il ne s’intéressait pas plus vivement aux beaux-arts ; peinture, sculpture ne l’attiraient pas ; il n’était pas homme, comme Molière ou comme Fénelon, à causer fresque et tableaux avec Mignard, ni à juger d’une statue avec La Bruyère. […] C’est là une mauvaise disposition morale pour juger des illustres Anciens.

864. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Biot mit dans la suite une certaine coquetterie bien permise à montrer ce qu’il aurait pu faire s’il avait été chargé d’écrire les Éloges des savants ; ses morceaux sur Gay-Lussac et sur Cauchy sont jugés excellents par ceux qui ont voix au chapitre. […] Il était fier, et avec raison, de cette découverte : « Auparavant, disait-il, les chimistes ressemblaient à des architectes qui, pour connaître un édifice, auraient commencé par le démolir et auraient prétendu ensuite juger de sa structure intérieure d’après la nature, le nombre et le poids des matériaux bruts, au lieu que maintenant, dans bien des cas, on peut saisir la constitution intime des corps sans les endommager, et distinguer les propriétés essentielles des particules mêmes en situation. » — Se plaignant que les chimistes tardassent trop à user de ce nouveau moyen d’investigation délicate : « Les chimistes ne sont que des cuisiniers, disait-il encore ; ils ne savent pas tirer parti de l’admirable instrument que je leur ai mis entre les mains. » Mais, enfin, il y eut de jeunes et habiles chimistes qui en essayèrent et qui donnèrent à M. 

865. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

On y assiste ; dans un tête-à-tête avec son fils, elle lui adresse successivement quatre requêtes, et lui demande au moins de quatre choses l’une : 1° de ne point mourir, lui son fils, de ne point souffrir mort, s’il est possible ; 2° cette première requête refusée, et puisque cette mort est jugée nécessaire, de ne point la souffrir si amère, si honteuse et si cruelle ; 3° cette requête rejetée encore par Jésus au nom des Écritures et des Prophéties, de permettre au moins que sa mère meure la première et n’ait point à voir de ses yeux une mort si terrible ; 4° puisque cette troisième pétition n’est pas plus accueillie que les deux autres, de vouloir bien qu’elle perde au moins connaissance pendant la durée de la Passion, qu’elle soit ravie en esprit et demeure comme une chose insensible, privée d’intelligence et de sentiment. […] Ils ne l’ont pas jugé, par ce dernier côté, au-dessus de ce qui se faisait à l’entour dans le même genre.

866. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Petit-fils par sa mère de l’ingénieur Métezeau, qui proposa et fit exécuter la digue de La Rochelle dans ce fameux siège, il avait pour père un protégé de Colbert et de Pussort, successivement greffier de la Chambre des comptes, de la Chambre de justice chargée de juger bouquet, et enfin secrétaire du Conseil d’État, homme chagrin redouté dans famille, estimé dans sa profession d’un mérite spécial pour rédiger les procès-verbaux, pour dresser les édits, et qui « travaillait toute l’a journée en robe de chambre. » C’était alors une grande singularité, à tel point que le père du président Hénault, qui connaissait Molière, lui donnai la robe de chambre et le bonnet de nuit de M.  […] Sa timidité naturelle, dans une entreprise qu’il jugeait périlleuse, est peut-être cause que l’ouvrage des conversions, qui aurait pu réussir par les conférences, soutenues d’autres moyens doux, a causé la ruine d’un si grand nombre de religionnaires et la perte du commerce et des arts. » Contradiction singulière et bizarrerie de la conscience humaine !

867. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Faites mes compliments à tout le monde, dites-leur que je me porte comme le Pont-Neuf ou le Pont-Royal, selon que vous jugerez celui des deux qui se porte le mieux ; ce sera certainement comme celui-là que je me porte. […] — Même en laissant le propos du comte-abbé pour ce qu’il est, c’est-à-dire pour une légèreté malheureuse, il demeure très grave et à sa charge : de tels mots, qui partent sans réflexion, jugent ceux auxquels ils échappent.

868. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Gautier, Histoire du romantisme ; Asselineau, Bibliographie romantique, 3e éd. 1873. in-8 ; David-Sauvageot, le Réalisme et le naturalisme dans la litt. et dans l’art, 1889, in-18.Il faut noter que les classiques et les romantiques ne distinguent ni les uns ni les autres Boileau de Voltaire et Voltaire de Viennet : les classiques du xixe  siècle se croient les représentants de l’art de Racine, et les romantiques jugent nécessaire de démolir Racine pour écraser M. de Jouy. […] Il faut noter que les classiques et les romantiques ne distinguent ni les uns ni les autres Boileau de Voltaire et Voltaire de Viennet : les classiques du xixe  siècle se croient les représentants de l’art de Racine, et les romantiques jugent nécessaire de démolir Racine pour écraser M. de Jouy.

869. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

On a pu en juger par plusieurs des exemples cités jusqu’ici, lorsqu’il veut être imagé il tend à devenir poète plein-airiste. […] Qu’il ne faut point juger d’après ce qu’elle nous donne ces jours d’hui, mais d’après ce qu’elle peut créer.

870. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Mais voilà qui excède, j’en ai peur, les impressions de lecture de Mme de X***, laquelle jugera la phrase obscure ou plate, infailliblement. […] Il y a des lumières fumeuses, issues pourtant de chandelles connues, salonnières et réputées ; mais l’œil instruit les jugera obscures.

871. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Les Juifs devaient lui paraître des gens arriérés ; il les jugeait sans doute comme un préfet libéral jugeait autrefois les Bas-Bretons, se révoltant pour une nouvelle route ou pour l’établissement d’une école.

872. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

La Revue Wagnérienne, partant des principes que nous estimons ceux du véritable wagnérisme, jugera, avec l’entière, l’absolue indépendance qu’exige sa situation spéciale et qui est incompatible avec les conditions d’existence de la plupart des autres publications, les faits wagnériens qui s’annoncent pour Issy. […] Lamoureux, ou, à Bruxelles, celle des administrateurs de la Monnaie, nous nous inspirerons pour les juger d’un wagnérisme sans compromis.

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