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172. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Il est encore si près de Dieu, qu’il ne sait quel nom donner à la joie nouvelle qui lui arrive. […] Les détails se pressent avec tant d’abondance que la curiosité se promène du presbytère à l’enclos avec une joie enfantine. […] S’il avait longtemps combattu pour éloigner les coupables pensées, son aveuglement et sa confiance, sa joie et sa sécurité nous sembleraient plus naturelles. […] Il les accueille avec joie comme les bienvenues, mais les voit partir sans larmes et sans colère. […] Elle proclame la pauvreté de ses joies, la ridicule ambition de ses rêves ; mais elle ne songe pas un seul instant à se placer au-dessus de Pulchérie.

173. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Il a conté leur malheur, et leur joie aussi, la joie de leur vie végétative, dans les cités et les campagnes. […] Marchons vers eux, donnons-leur la joie du verbe, des rythmes, des chansons. […] mon cher Walter, lui dit-il, vous savez quelle affection j’ai pour vous… Ma joie est, sachez-le, bien grande à vous voir ainsi et à causer. […] On se souvient sans doute de mon opinion sur l’école Romane, je l’ai exposée incidemment et j’accepte avec joie le prétexte qui me permet aujourd’hui de la préciser davantage. […] Tous deux, parmi des paysages sacrés qui déroulent infiniment leurs larges perspectives, ils connaîtront les candeurs et les joies des êtres originels.

174. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

jusqu’aux larmes d’attendrissement, jusqu’à un presque évanouissement de joie et de juste orgueil en une telle extraordinaire circonstance ! […] Et l’intensité, sinon la joie parfaite (où est-elle ?) […] Phébus, où que tu luises, la joie s’ensuit. […] Cranmer Byng, sonne haut et clair dans le plein air de la joie… et du souci de vivre. […] Celle-ci, telle un fauve repu, grondait, toujours terrible, avec une joie furieuse, semblait-il, car bien des bateaux de pêche, hélas !

175. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Dans la joie ou les pleurs, montez, rumeurs suprêmes, Rires des dieux heureux, chansons, soupirs, blasphèmes ! […] Là, que de joies et que de douleurs avec lesquelles le poète, comme le philosophe, peut entrer en sympathie ! […] Joie immense de s’abandonner, de se laisser aller, de se sentir emporté comme par un flot, de sentir monter en soi la passion comme un océan ! […] Elle se dissoudra, cette argile légère Qu’ont émue un instant la joie et la douleur ; Les vents vont disperser cette noble poussière    Qui fut jadis un cœur. […] Quelle que soient l’origine de la conscience et de la sensibilité, la souffrance est toujours la souffrance, la joie est toujours la joie, l’amour est toujours l’amour.

176. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Par des indications de sensations, la plénitude de sa joie en certains de ses rendez-vous, et encore l’âme vide et frileuse qu’elle promenait sur les plaines autour de Tostes : « Il arrivait parfois des rafales de vent, brises de la mer, qui, roulant d’un bond sur tout le plateau du pays de Caux, apportaient jusqu’au loin dans les champs une fraîcheur salée. […] Homais rapporte à sa famille, sa gloriole de père infatué, le bonnet grec, la politique, les joies solitaires en un métier d’agrément, sont complaisamment décrits. […] Puis les épreuves viennent, sa chair se durcit en de plus fermes contours et, par le revirement habituel, il lui faut un plus jeune amant, pour lequel elle est en effet la maîtresse, la femme chez qui de despotiques ardeurs précèdent les attitudes maternelles, que coupent encore les coups de folie d’une créature sentant le temps et la joie lui échapper, jusqu’à ce qu’elle consomme virilement un suicide, en femme forte et faite, qui sentit les romances sentimentales des premiers ans se taire sous les rudes atteintes d’une existence sans pitié. […] Les fantasmagories de son imagination insatisfaite, les sourds élans de son âme vers des bonheurs plus profonds, les gouttes de joie qu’elle parvient à exprimer de la sécheresse de sa vie, culminent en cette scène d’amour où l’ineffable est presque dit : « La lune toute ronde et couleur de pourpre se levait à ras de terre au fond de la prairie. […] Tantôt sortant du temple, elles supplient, cambrées, au haut de leur palais, les astres qui tressaillent au frémissement de leurs lèvres ; tantôt elles prennent de leur corps anxieux de pureté, des soins inouïs, le macérant de parfums, l’enduisant d’onguents, le frôlant de soies, au point que la jouissance de leur lit promet une joie délictueuse et mortelle.

177. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Peut-être parce que l’alouette présente le contraste d’un peu de joie au milieu de cette monotonie de tristesse, et d’un peu d’amour maternel au-dessus de son nid, cette délicieuse réminiscence de nos mères ? […] Si la mer est peuplée de barques de pêcheurs comme un village flottant, on songe à la joie des chaumières qui attendent le soir le fruit du travail du jour, on voit sur la côte s’allumer une à une les lampes des phares, étoiles terrestres des matelots […] « Tu n’as pas craint, lui dit-il, de me confesser en m’honorant en présence des dieux ; moi, je te serai fidèle tant que ma raison n’aura pas abandonné cette enveloppe mortelle de mon âme. » On pressent les catastrophes dans la joie. […] Ils n’avaient eu pendant trois jours que de l’eau pour soutenir leur vie ; pressés par la faim, ils arrachent des racines à la terre et des baies sauvages aux arbustes ; une troupe d’oiseaux plane enfin sur eux : « Voilà des aliments pour le jour », s’écrie Nala dans la joie. […] » dit-elle, « cet arbre est heureux au milieu de la forêt, c’est le souverain des bois environné des festons de lianes qu’il soutient et qui lui donnent la joie.

178. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Elle croit à la vertu des hommes, à la joie de la lumière, à l’éternelle beauté du ciel, des eaux et des fleurs. […] Et puis, il communique à tout le monde sa bonne humeur, sa confiance, sa joie. […] Et ce mot, qui vous paraît sans doute barbare et difficile à prononcer, me remplit de joie. […] Où trouver un peu de repos et de joie ? […] La vertueuse veuve, dès son premier entretien avec le respectable évêque, sentit en elle une disposition de paix et de joie.

179. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Y a-t-il donc tant de joie dans l’œuvre de Sully-Prudhomme ? […] Un instant de joie compense des années de souffrance. […] Renan, dans son petit discours de Tréguier, conseillait la joie à ses contemporains. […] Renan ne se sent pas de joie ! […] Vous les trouverez dans le Bonheur des dames et la Joie de vivre.

180. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Le troupeau, bondissant de joie, le précède et l’agneau suit les traces de sa mère, et si quelqu’un d’eux vient de naître à l’instant sur le sentier, le berger l’emporte dans ses bras, pendant que le chien fidèle veille sur tous et leur fait escorte. » De telles images sont d’un vrai poëte. […] L’amour satisfait recevait cette pluie amoureuse, comme l’oiseau brûlé par l’ardeur du soleil reçoit avec joie les gouttes de la rosée si longtemps désirée. […] Toutes les classes lui devaient des loisirs et des joies ; la patrie toscane adorait son souverain dans son poëte ; ce David de l’Arno dansait lui-même dans ces fêtes populaires. […] « Ainsi, lorsque le printemps, succédant aux glaces de l’hiver, rend à la terre sa brillante parure, on voit le serpent, quittant son ancienne dépouille, étaler avec joie sa robe éclatante aux yeux de l’astre du jour ; « Ainsi Landino, ce digne émule de la gloire des anciens, t’a rendu ta grâce et les doux accords de ta lyre ; tel on te vit sous les frais ombrages de Tibur faire résonner les cordes de ton luth harmonieux. […] Il y a deux jours que nous étions au comble de la joie, sur ce que nous avions ouï dire que la peste avait cessé ; aujourd’hui, nous sommes retombés dans l’abattement en apprenant qu’il en reste encore quelques symptômes.

181. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Leur joie de la défaite des Turcs fut grande ; le Te Deum retentissait dans toutes les églises. […] Ces sentiments, parés du plus beau langage, éclataient alors dans les vers, non pas d’un poëte de cour (Philippe II n’en avait pas), mais d’un Espagnol de Séville exprimant avec enthousiasme la joie religieuse et l’orgueil national de son pays. […] nuée trop envieuse de cette courte joie, pourquoi te presses-tu ? […] … « Là règne la joie suprême, là domine la paix ; là, reposé dans un saint asile, respire l’amour divin entouré de gloire et de délices ; là l’infinie beauté se dévoile tout entière ; là resplendit dans tout son éclat ce jour pur auquel jamais ne succède la nuit ; là fleurit le printemps des cieux. […] Il va, et ses heureuses brebis le suivent là où il les nourrit de roses immortelles et d’une fleur qui s’épanouit plus abondante, plus elle est cueillie ; il les conduit à la montagne du bien suprême ; il les baigne dans la source de l’immortelle joie ; il leur donne la pleine moisson, le pasteur et le pâturage, le seul parfait bonheur.

182. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Nous demanderons aux uns le secret de leur joie, aux autres la raison de leur désespérance. […] Ne goûterais-tu pas une grande joie en constatant que les effets de la grâce te rendent invincible à ses passions ? […] Maître Phantasm, ce sont là des joies. […] — Toutefois, si je connais la joie de combattre à la lumière, sache bien que ce privilège ne va pas sans de terribles retours. […] Et, pour les forts, chante un chant de vigueur et de joie.

183. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Depuis, j’écrivis mon songe à mon père, qui faillit en mourir de joie, et qui, quelque temps après, me fit savoir qu’il avait fait un songe tout semblable. […] Cet homme était le premier de son état ; mais il aimait le plaisir et la joie : c’était le plus vieux par les années, et le plus jeune par la gaieté. […] Son père faillit mourir de joie de le revoir sauvé, riche et puissant. […] Quand ils virent que la cassette n’avait pas été touchée, et que tous les trésors y étaient encore, ils poussèrent des cris de joie, ce qui me rendit toutes mes forces, et me fit remercier Dieu. […] Le jour d’après, ils me tirèrent de cette caverne, et me remirent au lieu où ils m’avaient pris ; et devant eux, en revoyant la figure de mon Dieu, je répandis des larmes de joie.

184. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Sublime idée, détails plus touchants et plus sublimes encore : Marguerite dépasse en tendresse, en innocence, en joie, en larmes, tout ce que la poésie de tous les âges a jamais conçu. […] Seidel s’approche de moi et de quelques autres personnes, et me dit tout bas, le visage troublé : « Votre joie à propos du théâtre est vaine ; il n’y aura pas de représentation ; le grand-duc est mort ! […] Je vis alors avec joie quelle influence on reconnaissait à Goethe sur la nouvelle vie de la littérature française ; les jeunes poètes le vénèrent et l’aiment comme leur chef spirituel. […] Il ne manqua pas son effet : le jeune Goethe arriva bientôt, plein de joie, disant que ces chapeaux de son héros étaient le nec plus ultra de sa collection. […] Il fit avec calme quelques réflexions, et Vogel lui ayant annoncé qu’une récompense, dont Goethe avait appuyé la demande, venait d’être accordée par le grand-duc, il montra de la joie.

185. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Aussi Jésus nous met-il en garde de la mort : « Soyez prêts : ayez joui votre joie, lorsque la fin viendra ». […] Et jouissons la prodigieuse joie du Compatir, qui nous fond dans l’éternel Un, nous donne, éternelle, la Béatitude. […] Ne renonçons point les actes, qui sont nuls, qui indiffèrent : renonçons les Désirs, et naîtra la Joie. […] Il mènera la vie bienheureuse de la santé et de la joie. […] L’Art est la Rédemption et la Joie.

186. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Catinat, il faut le dire, ne vit dans cette guerre si mauvaise qu’il allait faire à de pauvres montagnards pour leur religion, et dans la part principale qu’il y devait prendre, qu’une marque nouvelle de la confiance du roi et une occasion d’avancement : il était militaire avant tout, et chargé en chef, pour la première fois, d’une expédition difficile, il eut un mouvement de joie ; il ne raisonna point sur la légitimité de l’entreprise, il ne s’occupa que de prendre ses mesures pour la conduire le mieux possible et le plus vivement. […] Catinat était encore à Casal en janvier 1687, et lorsque Louvois lui annonça, comme à tous les gouverneurs de place, la guérison du roi après la grande opération, il reçut de lui cette lettre d’un tour original et franc : « J’en ai, de bon cœur, célébré la joie à souper avec bonne compagnie de notre garnison. […] — Louis XIV, à la nouvelle de la victoire, écrivait de sa main à Catinat, le 22 août : « L’action que vous venez de faire me donne tant de joie, que je suis bien aise de vous le dire moi-même et de vous assurer que je vous sais le gré qu’elle mérite. […] Je souhaite que vous continuiez comme vous avez commencé, et de trouver les occasions de vous marquer les sentiments que j’ai pour vous. » La joie fut grande à Paris parmi les nombreux amis que s’était faits le mérite modeste de Catinat.

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