Voltaire était poète par la jeunesse, par sa vive admiration pour les chefs-d’œuvre du dix-septième siècle. […] Un génie brillant, le feu de la poésie, les souvenirs de quelque amour de jeunesse, c’est assez pour créer Zaïre. […] Je retiens en vain un mot qui veut sortir ; les tragédies de Voltaire semblent toutes des ouvrages de jeunesse. […] Tibère est d’ailleurs un échantillon du style brillant, et le brillant c’est l’amorce où la jeunesse se laisse prendre. […] Mais la vérité veut que je remarque par quel étrange et mélancolique retour ce qui nous a le plus séduits dans la jeunesse est ce qui choque le plus notre âge mur.
L’Asie a perdu sa fleur et sa force, la guerre a enlevé sa jeunesse dans un tourbillon. […] Que l’Empire gémisse, regrettant sa très chère jeunesse ! […] Une strophe douce comme une fleur, se détache de son triste psaume, et tombe sur « les lits aux molles draperies, où les Persanes déplorent leurs noces récentes, et toutes les voluptés de la jeunesse à jamais perdues ». […] Une nuée sortie du Styx nous a enveloppés, et voilà que toute notre jeunesse a péri ! […] Il y revient avec une insistance indignée : — « La source ouverte des maux, c’est mon fils qui l’a déchaînée par sa jeunesse insolente : lui qui, chargeant de chaînes comme un esclave d’Hellespont sacré, voulut arrêter le divin Bosphore, changer la face du détroit, et, le captivant par des entraves forgées au marteau, ouvrir à une immense armée un chemin immense.
On lit, en tête du recueil des Plus Belles Lettres françaises par Richelet, un jugement fort exact et fort net sur Gui Patin et sur sa personne ; ses lettres y sont louées pour leurs bonnes parties, pour leur liberté et leur enjouement, pour les bons contes et les faits curieux qu’elles renferment : « Ces choses, dit-on, doivent obliger à n’en point regarder de si près le langage : car il n’est pas toujours selon Vaugelas ni Patru. » Ainsi, du temps de la jeunesse de Gui Patin, il y avait une séparation bien marquée dans le genre épistolaire : d’un côté, l’art, et rien que l’art et la rhétorique, comme chez Balzac et ceux de cette école ; de l’autre côté, le naturel, et rien que le naturel, avec tous ses hasards et ses crudités comme chez Gui Patin. […] C’est un pur libéral de l’école du xvie siècle : il a horreur de 93, je veux dire de 1593, de la Ligue et des Ligueurs ; il en a connu de vieux dans sa jeunesse et les estime méchants : mais les Frondeurs, c’est tout autre chose à ses yeux ; ils ont toute sa tendresse ; il ne les voit que par leur beau côté : « Il y a ici des honnêtes gens qu’on appelle des Frondeurs, qui sont conduits par M. de Beaufort, le Coadjuteur, Mme de Chevreuse et autres. » La première Fronde ne l’a atteint qu’à peine et nullement averti. […] Lui que dans sa jeunesse nous avons vu si curieux des vieilles thèses et antiquités de la Faculté, il eut soin d’en augmenter le trésor lorsqu’il y présida ; il mit de l’ordre dans les archives. […] Avec Spon, avec Falconnet et ses amis de Lyon, avec Gabriel Naudé son ami de jeunesse, il est plein de chaleur, de cordialité, d’un souvenir inaltérable et fidèle.
Vous êtes ceux-là mêmes qui, dès demain, aurez pour office et ministère spécial de veiller à la tradition, à la transmission des belles-lettres classiques et humaines, de les interpréter continuellement à chaque génération nouvelle de la jeunesse ; je me vois chargé, pour ma part, — avec une bienveillance qui m’honore et dont je rends grâce à qui de droit, — sous les yeux d’un directeur ami70, — à côté de tant d’excellents maîtres dont on voudrait avoir été, ou dont on aimerait à devenir le disciple, — je me vois, dis-je, chargé de vous préparer à ces dignes et sérieuses fonctions. […] Or, ce sentiment de sécurité et d’une saison fixe et durable, il n’appartient à personne de se le donner ; on le respire avec l’air aux heures de la jeunesse. […] Au sens de Gœthe, il y a des romantiques de divers temps : le jeune homme de Chrysostome, Stagyre, Augustin dans sa jeunesse, étaient des romantiques, des Renés anticipés, des malades ; mais c’étaient des malades pour guérir, et le christianisme les a guéris : il a exorcisé le démon. […] Vous me serez tout d’abord utiles, messieurs, en me les rappelant ; vous me le serez plus encore (et c’est un bienfait salutaire que j’attends de vous), en m’offrant journellement, dans vos groupes de sérieuse et fervente jeunesse, la meilleure et la plus vivante réponse à ce qui est trop souvent le dernier mot, le dernier résultat stérile d’une vie d’isolement et de réflexion trop concentrée.
Corneille, qui savait l’espagnol, a eu sous les yeux, quand il composa son Cid, le drame de Guillem de Castro, en trois journées, la Jeunesse du Cid ou plus exactement les Prouesses du Cid, et il l’a imité, il l’a modifié avec goût, il l’a réduit et accommodé selon le génie de notre nation et le sien propre. […] Il était de Castille et avait nom Rodrigue, — Rodrigue Diaz de Bivar ; on l’avait surnommé le Campéador ou l’homme des combats singuliers, celui qui sortait volontiers des rangs pour défier le plus brave des ennemis à se mesurer avec lui : il avait d’abord, et dès sa jeunesse, acquis ce surnom dans une guerre que don Sanche de Castille avait faite à son cousin don Sanche de Navarre. […] Et d’abord il a fallu lui créer une enfance, une première jeunesse ; car l’histoire ne le présentait que déjà mûr et homme fait, approchant de la quarantaine. […] Il n’y est rien dit de l’enfance et de la jeunesse du Cid ; on l’y voit tout formé et tout mûr.
Il s’appliqua dans sa jeunesse au métier des armes, s’acquit l’estime des généraux sous lesquels il servit, et, arrivé au grade de maréchal de camp, il pouvait prétendre à une plus grande fortune militaire, lorsqu’une lettre de lui, très-spirituelle et satirique, sur la paix des Pyrénées et contre le cardinal Mazarin, lettre adressée au marquis de Créqui et connue seulement de trois ou quatre personnes, fut trouvée dans une cassette déposée chez Mme du Plessis-Bellière, dont on saisissait les papiers. […] Il n’a eu à traverser aucune des grandes ou des belles folies qui transportent une âme, ne fût-ce qu’à une heure sublime de la jeunesse. […] Il savait autant que personne que la beauté est faite pour aimer la jeunesse, et qu’elle peut tout au plus consoler un vieillard. […] Son commerce était pour la jeunesse une école de politesse et d’honneur.
M. de Schlegel caractérise dignement les beautés pathétiques et pieuses de cette scène : « Nous voyons, dit-il, la majesté immortelle auprès de la jeunesse expirante, les déchirements du repentir auprès des émotions d’une âme pure. […] n’a-t-on pas encore affaire ici à des dieux nés pour l’ambroisie, qui sont esclaves de leur jeunesse et de leur beauté, qui n’osent compromettre leur bonheur ? […] Revue du Midi, 25 novembre 1843. — M. l’abbé Flottes cite un passage de Mme Perier qui dit de son frère que, dans son enfance et sa première jeunesse, cet esprit si précoce, si actif sur d’autres points, restait soumis comme un enfant en ce qui concernait la foi, et que cette simplicité a régné en lui toute sa vie. […] Pour mon compte, j’en accepte volontiers la première partie, ce qui est relatif à la première jeunesse de Pascal, parce qu’il n’y a rien là que de vraisemblable et que Mme Perier était témoin oculaire de cette première période.
Il hanta fort Des Barreaux dans sa jeunesse : on l’a même voulu rattacher au poëte Théophile. […] Disons seulement qu’elle fut fidèle aux souvenirs et aux admirations de sa jeunesse, à l’ancienne et galante cour, comme elle l’appelait ; elle remontait ainsi en idée jusqu’aux Bellegarde et aux Bassompierre : tout ce qui survenait de nouveau, même à Versailles, lui paraissait peu poli ; elle ne s’y mêlait que malgré elle, et se croyait au moment de perdre les seuls derniers auditeurs auxquels volontiers elle s’adressait : Que ferez-vous alors ? […] Vivant dans ses diocèses, à Lavaur, à Nîmes, c’est-à-dire en province, il regrettait quelque peu le monde de Paris et les belles compagnies lettrées ; il était d’autant mieux resté sur le premier goût de sa jeunesse. […] Mme Des Houlières en a juste dans ce goût, dans cette même coupe déjà ancienne alors, et qui rappelait la jeunesse de Mme de Motteville.
On pourrait excuser sur les mœurs de ce siècle une circonstance qui paraît démentir la gravité du caractère de Côme de Médicis : mais lui-même dédaigna une pareille apologie, et, reconnaissant les erreurs de sa jeunesse, il voulut réparer auprès de la société l’atteinte qu’il avait portée à des règlements salutaires, en s’occupant avec intérêt de donner à son fils illégitime des principes de vertu et une existence honorable. […] Ces inquiétudes étaient justifiées, à quelques égards, par les infirmités qui affligèrent Pierre pendant le petit nombre d’années qu’il fut à la tête du gouvernement de la république ; mais les talents de Laurent dissipèrent bientôt ces nuages d’un moment, et élevèrent sa famille à un degré d’illustration et d’éclat dont il est probable que Côme lui-même avait eu peine à se former l’idée. » VIII Bien qu’il fût âgé de soixante et quinze ans, sa taille élevée, la majesté de ses traits, la grâce de son visage, si conforme au titre de Père de la patrie que les Florentins avaient d’eux-mêmes ajouté à son nom, la bienveillance de son accueil, la cordialité de son amitié le rendaient aussi agréable que dans sa belle jeunesse. […] Le peuple n’en recevait que des bienfaits ; la jeunesse et la beauté de Laurent et de Julien y ajoutaient le prestige de l’avenir, et la séduction de tous les cœurs. […] La jeunesse florentine, un peu revenue de la première terreur de l’événement, se forma d’elle-même en escorte autour de Laurent et le conduisit à son palais par un détour, afin de lui éviter le spectacle du cadavre de l’infortuné Julien.
Par eux, et par les Vendôme et la cour du Temple, avant eux, par la Palatine et par Condé en sa jeunesse, par des courtisans tels que Montrésor et Saint-Ybal au temps de la Fronde, ou tels que ce Matha et ce Fontrailles qui chargeaient un crucifix l’épée à la main, en criant : « L’ennemi ! […] Une enfance sans parents, un mariage sans tendresse, un mari qui la trompe, la ruine, et se fait tuer pour une autre, la laissant veuve en pleine jeunesse, en pleine beauté, avec deux enfants à élever ; ces enfants à peine élevés, les craintes pour le fils qui va à l’armée, le désespoir surtout de perdre la fille qui suit son mari à l’autre bout du royaume, et dès lors de longues séparations qui remplissent tous ses jours d’inquiétude, de brèves réunions où sa tendresse, irritée et froissée à tout instant, envie les tourments de l’absence ; la fortune qui s’en va, l’argent difficile à trouver, le dépouillement, lent et douloureux, pour payer les fredaines du fils, l’établir, le marier, mais surtout pour jeter incessamment dans le gouffre ouvert par l’orgueil des Grignan ; une petite-fille à élever, tant de veilles, de soins, d’appréhensions, pour voir la pauvre Marie Blanche, ses petites entrailles, disparaître à cinq ans dans un triste couvent ; la vieillesse, enfin, triste avec les rhumatismes et la gêne : telle est la vie de Mme de Sévigné359. […] En sa jeunesse, elle est vive et gaie, et donne prise par là aux médisants ; cela s’amortit un peu avec l’âge, mais on retrouve encore la rieuse jeune fille dans la grand’mère. […] Furetière est un ami de Boileau et de Racine, un des compagnons de leur jeunesse, leur camarade de cabaret, le complice de leurs plaisanteries à l’adresse de Chapelain.
Comme dans les Perses, il est composé de vieillards, gardiens invalides de la ville dont la guerre a emporté la jeunesse. […] Les chefs, avides de combats, n’écoutèrent ni ses prières, ni les douces plaintes qu’elle adressait à son père, et ils ne furent point attendris par sa jeunesse. […] La fille de Priam se rappelle le Scamandre au bord duquel fleurit sa jeunesse. — « Maintenant c’est sur les rives du Cocyte, du fleuve des larmes, que je vais aller prophétiser, malheureuse ! […] l’Oracle va resplendir au grand jour ; il ne regardera plus à travers des voiles, comme une jeune épousée. » — Le souvenir de sa jeunesse évoque en elle celui d’Apollon, de son amour qu’elle a trompé, qu’elle regrette peut-être : passage rapide où glisse l’apparition lumineuse de l’amant céleste poursuivant la jeune fille dans un sentier de l’Ida. « — Autrefois la pudeur eût retenu mon aveu.
Aujourd’hui pourtant, grâce à un secours bienveillant, l’idée m’est venue de le ressaisir dans l’épisode le plus saillant de sa jeunesse, dans cet épisode trop célèbre, sa liaison avec Sophie, et de m’en faire une occasion pour rassembler et rappeler quelques idées qui ne peuvent manquer de naître toutes les fois qu’on s’approche de cet extraordinaire et prodigieux personnage. […] L’épisode des amours avec Sophie, qui ont été le grand éclat et le grand scandale de la jeunesse de Mirabeau, est traité dans ces Mémoires avec des détails nouveaux et une extrême précision. […] Les causes alléguées (quelques dettes, une affaire d’honneur), si graves qu’on les fasse au point de vue de la morale domestique, étaient tout à fait disproportionnées au châtiment, et n’avaient rien encore qui pût déshonorer une jeunesse ni flétrir un avenir. […] Une des grosses injures qu’il lui disait dans sa jeunesse, c’est « qu’il ne serait jamais qu’un cardinal de Retz » ; et il disait encore que, « depuis feu César, l’audace et la témérité ne furent nulle part comme chez lui ».
Cette physionomie-là avait dû avoir bien de la grâce, de l’éveil et de l’espièglerie dans la jeunesse. […] Marié dans sa jeunesse, il perdit sa femme de bonne heure, et en eut une fille unique qui se fit religieuse. […] Le xixe siècle a été particulièrement favorable à Marivaux ; le gracieux interprète qu’il a retrouvé sur la scène, cette actrice inimitable qui a débuté par ses rôles malins et ingénus, leur a rendu à nos yeux toute leur jeunesse.
Ramond, connu dans sa jeunesse sous le nom de Ramond de Carbonnières, naquit à Strasbourg le 4 janvier 1755. […] Ramond y fit son apprentissage d’explorateur hardi et léger ; dans ses promenades et ses excursions d’alentour, il exhalait ses rêves de première jeunesse, revoyait en idée les vieux temps évanouis, les comtes et les prélats guerroyants, les beautés recluses et plaintives, et il repeuplait à son gré de scènes touchantes ou terribles les ruines gothiques, les torrents et les rochers. […] » Il eut presque autant de plaisir à voir à Zurich le vieux Bodmer, « le Nestor de la Suisse et le patriarche de la littérature allemande, qui avait conservé le feu, la gaieté de la jeunesse, et qui jouissait à la fois de sa gloire et de ses vertus ».
Il n’est guère de visage de femme qui, dans sa jeunesse, ne trouve son adorateur ; il n’est guère de poète ni d’auteur qui, en vieillissant, n’ait ses admirateurs et ses disciples. […] Saint-Amant, de petite noblesse, né à Rouen vers 1594, avait pour père un marin commandant d’escadre ; Il eut des frères navigateurs ou militaires, et lui-même il s’adonna dès sa jeunesse à la vie mondaine, aventureuse. […] Toutefois il a entrevu quelque chose, il a eu un éclair de nouveauté et de libre peinture ; sa chaleur de jeunesse l’a bien servi, et dans cette pièce, de même que dans la suivante, intitulée Le Contemplateur et adressée à l’évêque de Nantes Cospeau, il a eu en présence de la nature l’aperçu de certains genres de poésie descriptive ou méditative qui ont sommeillé durant près de deux siècles encore, pour n’éclore et ne se développer dans leur vraie et pleine saison que de nos jours.