Que l’on conçoive un travail psychologique, historique, littéraire de cette sorte, accompli parfaitement pour l’art, les artistes et les admirateurs dans une époque, dans un peuple ; que l’on sache celui-ci divisé par un procédé approximatif, en une série de types intellectuels et de similaires, à constitution déterminée par termes scientifiques précis : que ces types soient connus et posés comme des hommes vivants et en chair, ces foules comme des agrégats tumultueux, vivants, animés, logés, vêtus, gesticulant, ayant une conduite, une religion, une politique, des intérêts, des entreprises, une patrie, — qu’à ces groupes ainsi déterminés et montrés, on associe, si l’histoire en porte trace, cette tourbe inférieure ne participant ni à l’art ni à la vie luxueuse ou politique communeee, et dont on peut vaguement soupçonner l’être, par le défaut même des aptitudes reconnues aux autres classes ; que l’on condense enfin cette immense masse d’intelligence, de cerveaux, de corps, qu’on la range sous ses chefs et ses types, on aura atteint d’une époque ou d’un peuple la connaissance la plus parfaite que nous puissions concevoir dans l’état actuel de la science, la plus profonde pénétration dans les limbes du passé, la plus saisissante évocation des légions d’ombres évanouies. […] Le fait par lequel un grand écrivain, parti d’on ne sait quelles origines impossibles à dégager, ayant senti en lui un monde nouveau l’émouvoir, faisant appel à des dispositions, à des pensées, aune sensibilité intacte jusque-là et dormantes, groupe autour de lui eu cercles concentriques toujours plus étendus, ses congénères intellectuels, dégage de la masse humaine confondue, la classe d’êtres qui possèdent en eux un organisme consonnant au sien, vibratileei sous les impulsions mêmes qui sont en lui puissantes au point de l’avoir contraint à leur trouver l’expression et à les extérioriser ainsi généralement intelligibles et efficaces — ce phénomène est le semblable de celui par lequel, dans un autre ordre, l’ordre des actes et non plus des émotions, un homme ayant connu une entreprise, portant en lui cet ensemble d’images préalables de réussite, de gloire, de fortune qui constituent une impulsion, ces visions d’effet à réaliser, de moyens, de détails, d’acheminements, de dispositifs, qui constituent un but, parvient par persuasion, par des ordres, par simple communication, à les faire passer rudimentairement, vaguement, clairement, dans l’âme des milliers de suivants que forment ses lieutenants, une armée, des alliés ; que forment encore des ouvriers, des ingénieurs, des collaborateurs ; ou un public, des courtiers, des banquiers, des associés ; ou simplement le peuple, des agents électoraux, des députés, des ministres.
C’est à la morale surtout que, dans l’ordre intellectuel, la démonstration philosophique est applicable.
Depuis, les assauts qu’a subis la religion ayant tourné vers les dogmes et les pratiques l’attention de l’âme croyante, l’influence qu’a exercée malgré tout sur elle la philosophie, ayant fait passer au premier rang l’exercice des vertus bienfaisantes et la poursuite du bien extérieur, la dévotion n’est plus aussi fréquemment qu’autrefois accompagnée d’un progrès intellectuel.
L’Italie avait été un trop actif agent de notre Renaissance, pour ne pas avoir imprimé fortement sa marque jusque sur notre langage ; l’Espagne à la fin du siècle regagne du côté de l’influence intellectuelle ce qu’elle perd en influence politique ; elle nous insinue de ses manières et de ses façons de parler.
Je confesse qu’au fond, ce que j’oppose là aux belles curiosités sentimentales et intellectuelles de M.
Une phrase de votre lettre m’effraye un peu : “Il y a, dites-vous, des malfaiteurs dans l’ordre intellectuel comme dans l’ordre social” ; et vous renvoyez les premiers comme les seconds devant les juges.
De toutes les facultés intellectuelles, celle dont on a le plus souvent tenté de donner une explication mécanique, parce qu’elle est en effet la plus automatique qui soit dans l’esprit humain, c’est la mémoire.
Balzac appartenait à la classe de ces voyants, mais dans l’ordre intellectuel.
Il donne ainsi satisfaction aux deux sentiments contraires qui peuvent être regardés comme les moteurs par excellence du développement intellectuel : le sentiment de l’obscur et la foi en l’efficacité de l’esprit humain.
C’est ainsi qu’à relire, on se compare à soi-même, on note les hausses et les décadences — plus souvent celles-ci — de sa sensibilité ; les pertes et les gains — plus souvent ceux-ci — de notre intelligence générale et de notre intelligence critique, et l’on trace ainsi les courbes de sa vie intellectuelle et morale.
Si la parole a mis dans le monde intellectuel et moral les idées qui y sont à présent, sera-ce téméraire d’oser dire, par analogie, que le sentiment religieux s’est tellement identifié, par le christianisme, avec les institutions sociales, que ces institutions peuvent se passer désormais de la direction religieuse immédiate ?
Quand les poésies de Hebel parurent, Goethe et Jean-Paul, qui tenaient le sceptre de la Critique en Allemagne, firent entendre de ces paroles qui étaient le jugement antidaté de la postérité, la question de toute supériorité intellectuelle n’étant jamais rien de plus qu’une avance de la Pensée sur le Temps : « Je viens de lire pour la sixième fois — s’écriait Jean-Paul — ce recueil de chants populaires qui pourrait trouver place dans celui de Herder, si on osait faire un bouquet au moyen d’un autre.
Spirituel dans une certaine mesure, frotté d’esprit plu ; encore que spirituel par les gourmets intellectuels avec lesquels il a vécu, comme un crouton est frotté d’ail, riche, facile, ayant des goûts fastueux, une bonne table surtout, l’autel des illusions et de la fédération universelle, Véron, avec de la tenue et du silence, aurait pu passer pour un esprit politique.
C’est là une question de biographie intellectuelle que la Critique n’a pas besoin de se poser pour être sûre qu’il s’est trompé, et pour le rappeler au sentiment de son talent vrai… et possible.
Il n’y a pas que des aveugles et des sourds physiquement frappés d’incapacité ; il y a aussi des sourds et des aveugles au point de vue intellectuel et esthétique. […] Le haut sentiment qui l’anime est plutôt volontaire et intellectuel. […] Beethoven fut, d’ailleurs, un partisan très ardent de tout le mouvement sentimental et intellectuel issu de la Révolution. […] Il n’a pas les tares morales de Rousseau, il n’a pas les faiblesses physiques de Schiller, il n’a pas les vices intellectuels de Byron ; il est une puissance à la fois physique et morale. […] Jusqu’à lui, les musiciens, même en France, avaient été considérés comme appartenant à une classe inférieure parmi les producteurs intellectuels.