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293. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

La seigneurie, la comté, le duché deviennent une patrie que l’on aime d’un instinct aveugle et pour laquelle on se dévoue. […] Les nobles, par un vieil instinct de fidélité militaire, se considèrent comme sa garde, et viendront jusqu’au 10 août se faire tuer pour lui dans son escalier ; il est leur général-né.

294. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

À son degré supérieur, cet amour-là est « le grand amour », celui qui rend idiot et méchant, qui mène au meurtre ou au suicide, et qui n’est qu’une forme détournée et furieuse de l’égoïsme, une exaspération de l’instinct de propriété. […] Ou plutôt il ne distingue pas entre l’union libre et le mariage légal : il ne les conçoit l’un et l’autre que « pour la vie. » L’homme et la femme, vus dans le beau de leur instinct, sont essentiellement monogames.

295. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Les efforts contradictoires de sa vie — vers la pureté et vers le plaisir — se coalisent en l’effort de sa pensée, quand sonne l’heure de lui donner la forme artistique, avec une intensité qui le met à part de tous les Modernes (à ce point de vue) et qu’il doit sans doute à sa naïve énergie de vivre… N’ayant que ses passions pour matière de son art, plus factice et plus lâche, il n’eût, comme la plupart de nos poètes français, accumulé que des rimes, sans unité d’ensemble : son instinct vital l’a sauvé, l’instinct triomphant qui n’a pas seulement soumis l’intelligence, mais qui, par un miracle, se l’est assimilée, se spiritualisant vers elle, la matérialisant vers lui, réalisant (au sens étymologique du mot) l’idéal, et puis, pour le conquérir, s’ingéniant, sans laisser jamais l’imagination se prendre à d’autres mirages que ceux de la vie elle-même, tels qu’ils sont peints par le hasard, sur le rideau de nos désirs.

296. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

La foule des hommes en s’éveillant, ne voit que ce qui frappe leur instinct grossier ; ils existent sans être émûs. […] Il fixe alors cette vaste étendue du Ciel, cette immense Nature, qui, fiere dans toutes ses productions n’a point fait d’esclaves, elle n’a point bâti de murs, elle n’a point forgé de chaînes ; cet oiseau qui sur une aîle hardie, franchit l’espace, cet animal des bois qui erre sans guide au gré de son instinct, l’ouragan qui passe, tout parle éloquemment à son cœur, & il apperçoit au milieu de l’Univers la liberté, & il s’écrie : c’est à toi que j’adresse mes vœux, ame des nobles travaux, mere des vertus & des talens ; toi qui formes les ames vigoureuses, les esprits élevés & lumineux ; toi qui ne faisant point d’opprimé, ne fais point d’oppresseur ; toi dont la main sacrée grave dans le cœur de l’homme le caractère primitif de la Justice ; c’est à toi que je voue mes jours, conduis mes pas & ma langue ; je le sens, tu éleveras ma pensée, tu la rendras digne de l’Univers.

297. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « APPENDICE. — M. SCRIBE, page 118. » pp. 494-496

Scribe, en flattant par là les instincts de la classe moyenne et les préventions démocratiques, méconnaît les qualités les plus essentielles d’un monde qui disparaît graduellement et qui n’aura plus sa revanche, même à la scène.

298. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Ils ont enfin synthétisé le jeu des forces de l’univers dans cet instinct lyrique, la joie ou la libre expansion de nos puissances. […] Notre main gauche n’ignore l’acte de notre main droite qu’afin de la laisser libre d’œuvrer selon son instinct. […] Un instinct national régit le tempérament de notre peuple. […] Vénérons au contraire cette flamme intérieure qui nous éclaire à toute heure et qui nous conduit sans défaillance, l’instinct. […] Elle participe en quelque sorte de la genèse de l’instinct et de la connaissance intuitive, partant elle s’affirme d’ordre affectif.

299. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

En vain la captivité chez les Maures et la possession d’une plantation fructueuse lui conseillent le repos : l’instinct indomptable se réveille ; « il est né pour être son propre destructeur », et il se rembarque. […] Tantôt c’est la conscience qu’on accepte pour souveraine, et tantôt c’est l’instinct qu’on prend pour guide. […] Ainsi déshabillés, les instincts ont une tournure grotesque ; les gens s’avancent gravement, la canne à la main, et pour nous ils sont tout nus. […] Ce puissant génie, tout franc et réjoui, aime comme Rubens les kermesses ; les rouges trognes reluisantes de bonne humeur, de sensualité et d’énergie, dansent chez lui, remuent et se choquent, et les instincts dévergondés y viennent accoupler leurs violences. […] Car une psychologie engendre une morale : là où il y a une idée de l’homme, il y a un idéal de l’homme, et Fielding, qui a vu dans l’homme la nature par opposition à la règle, loue dans l’homme la nature par opposition à la règle, en sorte que, selon lui, la vertu n’est qu’un instinct.

300. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIII » pp. 332-336

Des villes d’Italie où j’osai, jeune et svelte, Parmi ces hommes bruns montrer l’œil bleu d’un Celte, J'arrivais, plein des feux de leur volcan sacré, Mûri par leur soleil, de leurs arts enivré ; Mais, dès que je sentis, ô ma terre natale, L'odeur qui des genêts et des landes s’exhale, Lorsque je vis le flux, le reflux de la mer, Et les tristes sapins se balancer dans l’air, Adieu les orangers, les marbres de Carrare, Mon instinct l’emporta, je redevins barbare, Et j’oubliai les noms des antiques héros, Pour chanter les combats des loups et des taureaux !

301. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pottecher, Maurice (1867-1960) »

La foule assiste, pour ainsi dire, au grand spectacle de la bataille de ses instincts bons et mauvais.

302. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre V »

Ce retour à l’instinct est un grand progrès linguistique.

303. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Introduction » pp. 5-10

Cependant n’oublions jamais que l’art s’écarte également de l’instinct et de la prédication.

304. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vien » pp. 202-205

Et puis, cette suivante qui d’un bras qui pend nonchalamment va de distraction ou d’instinct relever avec l’extrémité de ses jolis doigts le bord de sa tunique, à l’endroit… En vérité, les critiques sont de sottes gens !

305. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Law »

Mais, dans tous les cas, c’était là un génie funeste, le génie qui fait trou, comme une bombe, dans tout ce qui est cohérent encore dans un peuple, et qui, prenant à rebours les instincts, les mœurs, les intérêts de la France, a faussé pour longtemps (pour toujours peut-être !)

306. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Dénué de toute prévoyance, ne suivant que sa fantaisie, il s’éloigna, par une sorte d’instinct, de tout ce qui aurait pu élever sa condition en lui imposant quelque gêne. […] Nous avons dit que Paul et Virginie ne contenait point d’idées, mais des vérités d’instinct et de sentiment qui plaisent à tout le monde. […] Un instinct plus doux l’attachait à cette maison ; quoique la vieillesse qui s’approchait eût donné de la gravité à ses goûts et imprimé quelques lignes grises aux belles ondes de sa magnifique chevelure, il pouvait plaire encore à l’innocente admiration du premier âge et inspirer naïvement les sentiments qu’il rougissait de ressentir. […] Ses goûts étaient d’un chevalier né dans un château des campagnes ; il avait l’instinct de l’épée ; à peine celui des lettres et de la poésie l’égalait-il ? […] À la fin de l’été, plusieurs espèces d’oiseaux étrangers viennent, par un instinct incompréhensible, de régions inconnues, au-delà des vastes mers, récolter les graines des végétaux de cette île, et opposent l’éclat de leurs couleurs à la verdure des arbres rembrunie par le soleil.

307. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

L’instinct de M.  […] Le poète, lui aussi, les connaît, mais d’instinct, et le plus souvent ce sera par leur juxtaposition spontanée, par la valeur émotionnelle qu’il leur accordera, par les groupements imprévus et ravissants qu’il en fera, — qu’il obtiendra ces formules magiques, suprêmement intelligibles, évocatrices, révélatrices, qui sont la poésie même. […] Avec un instinct un peu confus, mais néanmoins fort juste des réalités, il eut dès le début la prétention de remonter aux sources mêmes de notre histoire. […] L’instinct qui guidait ces réformateurs, s’il eût été tout à fait conscient, eût été celui-ci : une langue a une tradition ; pour agir fortement sur cette langue, il faut comprendre la tradition à laquelle elle obéit. […] Dans ses plus beaux moments d’inspiration, quand il était vraiment poète, Bossuet s’en servait d’instinct.

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