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251. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Il semble que, par instinct, il attende. […] Or il arriva que l’Art Parnassien, en 1885, ne répondait plus guère aux aspirations secrètes de la jeunesse littéraire d’alors, de celle qui résistait d’instinct au naturalisme et était impatiente d’y opposer quelque chose de nouveau. […] C’est bien ce double instinct qui trouva son exemple dans Verlaine et dans Mallarmé.

252. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

De même, quant aux modes, Mirabeau se gardait bien, par instinct encore plus que par calcul, d’adopter celles d’alors, si minces, si mesquines, si étriquées. […] Six mois auparavant et lorsqu’il partait pour se faire élire en Provence, son père, le marquis, écrivait de lui au bailli (22 janvier 1789) : « Il dit hautement qu’il ne souffrira pas qu’on démonarchise la France, et en même temps il est l’ami des coryphées du Tiers. » La double pensée politique de Mirabeau, dès avant l’ouverture des États généraux, était tout entière dans ces deux conditions, tiers état et monarchie, et l’on peut dire qu’il ne cessa d’en poursuivre l’accord et le maintien depuis le premier jour de sa vie législative jusqu’à sa mort, avec toutes les secousses pourtant, les intermittences et les fréquents écarts qu’apportaient dans sa marche et dans sa conduite ses impétuosités d’humeur et de caractère, ses instincts d’orateur et de tribun, ses nécessités de tactique, et ses irritations personnelles. […] Pour être complètement homme politique et homme d’État en restant simple conseiller intime et mystérieux, Mirabeau avait à modérer et à sacrifier ses instincts et ses appétits d’orateur éloquent et populaire, et il ne pouvait toujours s’y résoudre.

253. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

De l’instinct naturel ? […] Je ne veux pas dire non plus que l’homme ne doive jamais obéir qu’à la raison seule, et étouffer en lui, comme des instincts inférieurs, le cœur, l’enthousiasme, la sensibilité. […] Il n’y a plus à chercher s’il y a un Dieu, s’il y a une âme, s’il y a une vie future ; l’instinct du genre humain a résolu ces grands problèmes : il n’y a plus qu’à préserver ces solutions des atteintes de l’esprit d’examen, qui n’est jamais que l’esprit de doute et de ruine.

254. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Lorsque les hommes ont formé ces sons artificiels, toutes les fois qu’ils ont fait une nouvelle langue, ils ont dû, suivant l’instinct de la nature, faire ce que font encore aujourdhui les hommes qui ne sçauroient trouver le mot dont ils ont besoin pour exprimer quelque chose. […] L’instinct nous porte à suppléer par ces sons inarticulez à la stérilité de notre langue ou bien à la lenteur de notre imagination. […] J’appellerai donc des phrases imitatives celles qui font dans la prononciation un bruit, lequel imite le bruit inarticulé dont nous nous servirions par instinct naturel, pour donner l’idée de la chose que la phrase exprime avec des mots articulez.

255. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) I « Tant que les révolutions ne sont pas achevées, l’instinct du peuple pousse à la république ; car il sent que toute autre main que la sienne est trop faible pour imprimer l’impulsion qu’il faut aux choses. […] Entre ces deux adversaires, le roi et le peuple, dont par instinct l’un devait vouloir retenir, l’autre arracher les droits de la nation, il n’y avait d’autre tribunal que le combat, d’autre juge que la victoire. […] Tout son règne protestait, depuis son avènement au trône, de la tendance philosophique de son esprit et des instincts populaires de son cœur à prémunir la royauté contre les tentations du despotisme, à faire monter les lois sur le trône, à demander des conseils à la nation, à faire régner par lui et en lui les droits et les intérêts du peuple. […] Elle est un instinct qui avertit la force d’amollir sa main à la proportion de la faiblesse et de l’adversité des victimes.

256. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Il paraît évident que c’est là qu’il a par ses instincts manifesté sa divine nature aux premiers hommes. […] XXII Cette belle ébauche de vérité révèle, dans l’homme qui a su la penser et qui a osé l’écrire, autant de hardiesse d’instinct que de profondeur de réflexion. […] Aux derniers l’instinct, aux seconds la sensation, aux premiers la liberté méritoire. […] Vous voyez donc que votre prétendue science est obligée de se désavouer elle-même et de recourir au mystère de son instinct inné pour croire à quelque chose de surnaturel, au bien ou au mal moral sur lequel la science matérielle ne dit rien !

257. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Notre Français, bien français et comme tel classique d’instinct, ne s’intéresse qu’à l’homme. […] On pourrait dire même que Bertolai (si jamais Bertolai a vécu et mis le poème en sa première forme), on pourrait dire que Bertolai avait l’instinct du développement épique, au meilleur sens du mot : il savait faire rendre à une situation ce qu’elle contenait d’émotion et d’intérêt. […] Il est si bien là que leurs dialogues ou discours sont supérieurs souvent à leurs récits : la logique d’un rôle, la nécessité d’une situation, l’instinct d’un effet les guident et les élèvent. […] Il rit quand les jeunes apprentis, sentant bouillir leurs instincts de largesse et de bataille, rentrent à la maison sans marchandises, sans argent, montés sur quelque destrier fourbu, une vieille cuirasse au dos, un noble épervier sur le poing.

258. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

La franchise de la vie n’est qu’à la condition de percer ce voile intermédiaire et de poser incessamment sur le fond vrai de notre nature pour y écouter les instincts désintéressés, qui nous portent à savoir, à adorer et à aimer. […] Je préfère Pierre Leroux, tout égaré qu’il est, à ces prétendus philosophes qui voudraient refaire l’humanité sur l’étroite mesure de leur scolastique et avoir raison avec de la politique des instincts divins du cœur de l’homme. […] Voilà le seul trait vraiment universel, le fond identique sur lequel les instincts divers ont brodé des variétés infinies, depuis les forces multiples des sauvages jusqu’à Jéhovah, depuis Jéhovah jusqu’à l’Oum indien. […] En l’âge de la force, quand l’esprit critique est encore dans sa vigueur, que la vie apparaît comme une proie appétissante et que le plein soleil de la jeunesse verse ses rayons d’or sur toute chose, les instincts religieux se contentent à peu de frais ; on vit avec joie sans doctrine positive ; le charme de l’exercice intellectuel adoucit toute chose, même le doute.

259. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Son habileté à intéresser par des procédés de style, des âmes factices, des séries d’événements cauteleusement rapprochés, des suggestions et des surprises, perdrait vite tout ascendant, si le conteur n’avait tenu compte par instinct d’une loi de psychologie que l’école allemande a formulé presque mathématiquement et dont on peut saisir l’effet dans la diminution de plaisir à la répétition d’un morceau bissé, dans la lecture de moins en moins fructueuse d’un roman parcouru de suite. […] Par un instinct profond aiguisé de calcul, il a frappé aux endroits où l’homme actuel, dégagé de tant de terreurs et d’épouvantes, reste sujet à la peur et soumis au tremblement. […] Cette aptitude à connaître clairement et à observer habituellement certains rapports que les artistes ordinaires, se bornent à sentir d’instinct, se résume en une particularité de constitution cérébrale que l’on peut exprimer comme suit : chez Poe les émotions se transforment constamment en pensées. […] L’appel à l’instinct, aux exubérances incorrectes du tempérament, le conseil de livrer des émotions secrètes en amusement à des étrangers, l’invite aux confidences et aux familiarités, sont remplacés par une doctrine savante et plus fière.

260. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

On ne peut méconnaître, dès le premier chapitre, que l’auteur n’ait voulu faire sortir de sa confession une moralité utile et sévère : il a voulu, ce semble, montrer la plaie hideuse, profonde, longtemps incurable, que laissent au fond du cœur, et sous l’apparence de guérison, la débauche et la connaissance affreuse qu’elle donne de toute chose, et les instincts insatiables et dépravés qu’elle inocule. […] La résistance de Mme Pierson, la tristesse résignée d’Octave, les sons de la voix aimée qui n’éveillent plus en lui ces transports de joie pareils à des sanglots pleins d’espérance, sa pâleur, qui réveille au contraire en elle cet instinct compatissant de sœur de charité ; puis, au premier baiser, l’évanouissement, suivi d’un si bel effroi, cette chère maîtresse éplorée, les mains irritées et tremblantes, les joues couvertes de rougeur et toutes brillantes de pourpre et de perles ; ce sont là des traits de naturelle peinture qui permettraient sans doute de trouver en cet épisode la matière d’une comparaison, souvent heureuse, avec Manon Lescaut ou Adolphe, si une idée simple et un goût harmonieux avaient ici ménagé l’ensemble, comme dans ces deux chefs-d’œuvre.

261. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

L’évolution fut achevée, quand, aux environs de 1660, dans le jugement ou dans l’instinct de quelques grands écrivains et de leur public, la conciliation fut faite entre l’admiration des anciens, maîtres de l’art et guides du goût, et l’indépendance de la raison, plus confiante chaque jour en ses forces, et plus rebelle à toute autorité. […] Mais ce pauvre homme n’eut que des lueurs, de vagues instincts, et pas ombre de courage dans sa critique.

262. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Mais dans son Origine des espèces il a posé la question de l’instinct sous un nouveau jour. […] La volonté a sa source dans l’activité soit de l’organisme, soit des instincts, appétits et passions.

263. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

La contemplation du passé dans les monuments qui meurent, le calcul de l’avenir dans les résultantes probables des faits vivants, plaisaient à son instinct d’antiquaire et à son instinct de songeur.

264. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Celui du capitaine d’Arpentigny, qui s’appelle toujours capitaine et qui a bien raison, a été, par une de ces contradictions qui existent souvent entre nos instincts et notre métaphysique, mis au service d’une philosophie très peu militaire et qu’on regrette de rencontrer sous une plume qui a la beauté mâle d’une arme. […] Or, les signes indicateurs de nos entraînements et de nos instincts, que Gall a vus dans les protubérances du crâne et Lavater dans les traits de la physionomie, je crois les avoir trouvés — non pas tous, mais ceux qui ont trait à l’intelligence, — dans les formes de la main… » Posé et annoncé dans de tels termes, le livre de d’Arpentigny est certainement acceptable, et il n’est pas nécessaire de recommencer, contre des prétentions qui n’existent pas, le travail terrible que le philosophe Hamilton fit un jour, dans l’Edinburgh-Review, contre Gail.

265. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Assurément M. de Chalambert est au fond trop historien, il a trop l’instinct de ce qu’il fait pour ne pas avoir compris que ce qui importait plus peut-être que les actes même de la Ligue, c’était son origine, sa nécessité, son droit d’existence, c’étaient enfin les précédents de ce fait nouveau qui se produisait pour la première fois en 1584, contre l’hérédité monarchique dans le pays, naturellement et politiquement, le plus monarchique de la terre. […] Même son amour des femmes, qu’il a transmis, comme sa politique, à sa descendance si riche en bâtardises, son amour des femmes, cette gracieuse faiblesse que les femmes, qui travaillent à la gloire en France, ont la bonté de pardonner, a quelque chose d’égoïste, de superficiel et de grossier, qui devrait choquer davantage leurs instincts délicats et fiers ; mais on passe tout à ce gendarme !

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