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706. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Amis de l’ancien régime et partisans du droit divin, qui en étiez venus, en désespoir de cause, à préconiser le suffrage universel ; à qui (j’aime à le croire) la conviction était née à la longue, à force de vous répéter, et qui vous montrez encore tout prêts, dites-vous, mais moyennant, j’imagine, certaine condition secrète, à embrasser presque toutes les modernes libertés ; — partisans fermes et convaincus de la démocratie et des principes républicains, polémistes serrés et ardents, logiciens retors et inflexibles, qui, à l’extrémité de votre aile droite, trouvez moyen cependant de donner la main parfois à quelques-uns des champions les plus aigris de la légitimité ; — amis du régime parlementaire pur, et qui le tenez fort sincèrement, nonobstant tous encombres, pour l’instrument le plus sûr, le plus propre à garantir la stabilité et à procurer l’avancement graduel de la société ; — partisans de la liberté franche et entière, qui ne vous dissimulez aucun des périls, aucune des chances auxquelles elle peut conduire, mais qui virilement préférez l’orage même à la stagnation, la lutte à la possession, et qui, en vertu d’une philosophie méditée de longue main dans sa hardiesse, croyez en tout au triomphe du mieux dans l’humanité ; — amis ordinaires et moins élevés du bon sens et des opinions régnantes dans les classes laborieuses et industrielles du jour, et qui continuez avec vivacité, clarté, souvent avec esprit, les traditions d’un libéralisme, « nullement méprisable, quoique en apparence un peu vulgaire ; — beaux messieurs, écrivains de tour élégant, de parole harmonieuse et un peu vague, dont la prétention est d’embrasser de haut et d’unir dans un souple nœud bien des choses qui, pour être saisies, demanderaient pourtant à être serrées d’un peu plus près ; qui représentez bien plus un ton et une couleur de société, des influences et des opinions comme il faut, qu’un principe ; — vous tous, et j’en omets encore, et nous-mêmes, défenseurs dévoués d’un gouvernement que nous aimons et qui, déjà bon en soi et assez glorieux dans ses résultats, nous paraît compatible avec les perfectionnements désirables ; — nous tous donc, tous tant que nous sommes, il y a, nous pouvons le reconnaître, une place qui resterait encore vide entre nous et qui appellerait, un occupant, si M.  […] Guéroult croit trop à l’influence et à la vertu d’un gouvernement, pas assez aux forces vitales, et par elles-mêmes si efficaces, de la liberté.

707. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Ce pays-ci en effet, dans sa vie publique, va tellement par sauts et par bonds, les vainqueurs du jour y sont tellement vainqueurs, et les vaincus y sont tellement vaincus et battus, qu’au lendemain de la seconde rentrée il n’y avait eu d’action, d’influence et de zèle que de la part de l’opinion triomphante ; elle avait eu partout le champ libre, et personne ne lui avait disputé le haut ni le bas du pavé ; les opposants étaient comme rentrés sous terre et avaient disparu. […] On voyait en première ligne, en tête de ces partisans des rigueurs salutaires, un Bonald, à l’air respectable et doux, métaphysicien inflexible et qui prenait volontiers son point d’appui, non pas dans l’ancienne monarchie trop voisine encore à son gré, mais par-delà jusque dans la politique sacrée et dans la législation de Moïse : oracle du parti, tout ce qu’il proférait était chose sacro-sainte, et quiconque l’avait une fois contredit était rejeté à l’instant, répudié à jamais par les purs ; — un La Bourdonnaie, l’homme d’action et d’exécution, caractère absolu, dominateur, un peu le rival de Bonald en influence, mais non moins dur, et qui avec du talent, un tour d’indépendance, avec le goût et jusqu’à un certain point la pratique des principes parlementaires, a eu le malheur d’attacher à son nom l’inséparable souvenir de mesures acerbes et de classifications cruelles ; — un Salaberry, non moins ardent, et plus encore, s’il se pouvait ; pamphlétaire de plume comme de parole, d’un blanc écarlate ; — un Duplessis-Grenedan, celui même qui se faisait le champion de la potence et de la pendaison, atroce de langage dans ses motions de député, équitable ailleurs, par une de ces contradictions qui ne sont pas rares, et même assez éclairé, dit-on, comme magistrat sur son siège de justice ; — M. de Bouville, qui eut cela de particulier, entre tous, de se montrer le plus inconsolable de l’évasion de M. de Lavalette ; qui alla de sa personne en vérifier toutes les circonstances sur les lieux mêmes, et qui, au retour, dans sa fièvre de soupçon, cherchait de l’œil des complices en face de lui jusque sur le banc des ministres ; — et pour changer de gamme, tout à côté des précédents, cet onctueux et larmoyant Marcellus, toujours en deuil du trône et de l’autel, d’un ridicule ineffable, dont quelque chose a rejailli jusqu’à  la fin sur son estimable fils ; — et un Piet, avocat pitoyable, qui, proposant anodinement la peine de mort pour remplacer celle de la déportation, disait, dans sa naïveté, qu’entre les deux la différence, après tout, se réduisait à bien peu de chose ; ce qui mettait l’Assemblée en belle humeur et n’empêchait pas le triste sire de devenir bientôt, par son salon commode, le centre et l’hôte avoué de tous les bien pensants ; — et un Laborie que j’ai bien connu, toujours en quête, en chuchotage, en petits billets illisibles, courtier de tout le monde, trottant de Talleyrand ou de Beugnot à Daunou, mêlé et tripotant dans les journaux, pas méchant, serviable même, mais trop l’agent d’un parti pour ne pas être inquiétant et parfois nuisible.

708. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Quoique Cicéron soit mort sous le triumvirat d’Octave, son génie appartient en entier à la république ; et quoique Ovide, Virgile, Horace, soient nés pendant que la république subsistait encore, leurs écrits portent le caractère de l’influence monarchique. […] Quel est le poète qui ait eu sur la littérature latine, avant le siècle d’Auguste, une influence que l’on puisse comparer le moins du monde à celle d’Homère sur la littérature grecque ?

709. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Ce petit chef-d’œuvre fut écrit en dehors de toute influence anglaise, plusieurs années avant que Richardson eût publié Paméla. […] Sous l’influence de Rousseau, à qui on laissera comme toujours ce qu’il a de meilleur, le roman se fera sensible à outrance, et se remplira de bavardage humanitaire.

710. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

L’influence de la terre, la douceur des choses, les parfums, la beauté de la nature et la beauté des corps, les brises attiédies du soir y conseillent si clairement et si invinciblement l’amour qu’elles l’absolvent par là même et qu’on ne songe point à y attacher une idée de souillure. […] Je ne pense pas qu’on ait jamais vu chez un artiste un plus bel effort de l’imagination sympathique, un tel parti pris de laisser façonner son âme aux influences du dehors comme une matière infiniment impressionnable et malléable et, pour cela, de borner sa vie aux sensations, ni, d’autre part, une si merveilleuse aptitude à les goûter toutes.

711. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Pourtant ils invitaient Louise Michel et les compagnons anarchistes à leurs réunions et c’est à l’influence anarchiste qu’il faut attribuer leur mépris des règles et des maîtres et leur obstination à ne vouloir, dans toutes les questions de métrique et de forme, se réclamer que de leur caprice. […] Ils acclament un Villiers, un Mallarmé, un Verlaine qui ne disposent d’aucune influence.

712. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

On sent ici l’influence de Ruskin, mais cette gazette ne pouvait lui servir qu’à combler une satisfaction personnelle. […] André Thérive retrouve son influence jusque chez les néo-classiques contemporains.

713. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Droz contribuent à séculariser le christianisme, et, en ce sens, leur action n’est pas perdue, leur influence se fait sentir à la longue. […] » Ce serait trop dire que d’appliquer aujourd’hui cette prophétie qui ferait sourire ; mais, à voir néanmoins les difficultés que les guerres générales éprouvent maintenant à éclater, on doit reconnaître que les doux ont gagné leur part d’influence dans le gouvernement de la terre.

714. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

La double influence dès le principe, la double inspiration contraire de Louis XVIII et du comte d’Artois sont très bien dessinées par M. de Lamartine. […] Sous la plume de M. de Lamartine, un tableau des grandeurs et des beautés littéraires de la Restauration doit être nécessairement incomplet, puisque lui-même y manque, puisqu’il ne peut s’y assigner la place qu’il mérite, c’est-à-dire l’une des premières, et proclamer qu’entre les influences d’alors, il a exercé la plus pénétrante assurément, la plus vive et la plus chère, la plus sympathique de toutes.

715. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Dans la politique aussi, on peut reconnaître son influence même chez ses adversaires les plus déclarés, — Royer-Collard, M.  […] Cette influence s’est étendue jusqu’à l’étranger, et l’on ne peut dire que Byron et Goethe ne lui aient rien dû.

716. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Car je ne pense pas que l’influence de l’âme d’un père tombe impunément sur l’âme de son fils. […] Masque qui reprenait sa figure parce qu’il avait le désespoir de l’illusion… Non, je n’ai jamais vu d’opposition plus vive qu’entre ces deux critiques et ces deux professeurs du xixe  siècle, contrastant en tout, — excepté en convictions fortes et en autorité morale qu’ils n’avaient pas plus l’un que l’autre, ce qui les frappe également tous deux de néant et leur enlève, du coup et pour jamais, toute grande influence sur les hommes !

717. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

— que ceux-ci n’ont pas eu la moindre influence permanente sur les peuples. […] — Comme l’âne de Buridan, sa pensée reste souvent indécise entre l’orge de M. de Florian et l’avoine du réalisme ; puis la voilà qui se décide, en fin de compte, à mettre la nappe dans la plate auberge du juste-milieu littéraire. — L’influence de l’école du bon sens ! […] La tâche du poète aujourd’hui, s’il veut avoir sa part d’influence dans le mouvement social et dans le gouvernement des esprits, est de descendre de la montagne et de se perdre dans la foule. […] Enault, je répondrai négativement. — Certes Werther est une grande et belle œuvre : on ne saurait méconnaître sans injustice l’influence générale et salutaire qu’elle eut, à son apparition, sur l’état des esprits — en Allemagne et même en Europe. […] Mais si, dès le principe, ce livre eut une influence bienfaisante, s’il créa des héros et des citoyens, — depuis, que de générations énervées, amoindries, condamnées à l’impuissance par l’air malsain, en définitive, qu’on respire dans ses pages !

718. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Cette conception de l’esthétique devait nécessairement aboutir à faire de l’Art un simple exercice d’imitation, et elle a, en effet, pendant de longues périodes et à plusieurs reprises, exercé une influence néfaste sur les facultés des artistes. […] Quand l’art sera cela, il exercera par sa seule vertu une influence lumineuse dans le sens du progrès de l’humanité. […] Il a lui-même posé le problème de l’influence de la santé ou de la maladie sur les idées d’un penseur. […] Ce que nous pouvons tout d’abord retenir de leurs spéculations, c’est la reconnaissance du rôle considérable de la musique dans la société et de son extraordinaire influence sur les mœurs. […] Comme il était impossible que Wagner ne subit pas l’influence de Beethoven, de même il est impossible que nos jeunes musiciens ne subissent pas l’influence de Richard Wagner ; quoi qu’ils veuillent, ils ne pourront faire autrement ; et c’est ainsi qu’ils le continueront, qu’ils développeront ce qu’il a apporté de nouveau dans l’admirable édifice sonore élevé par ceux qui le précédèrent lui-même.

719. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

La chose est tellement surprenante, tellement inattendue, qu’on a besoin ici de l’explication brutalement simple de quelque influence extérieure : on cherche le militaire, le curé, la jolie femme… ou la vieille douairière. […] Son influence s’est révélée durable, active et réelle. […] L’effort d’un enfant pour sauter hors de son ombre n’est pas plus vain que ne le serait celui de l’homme ayant fait ce rêve, d’échapper aux influences qui pèsent sur son esprit de toutes parts. […] Mais, à l’âge de l’éducation, pendant que l’autorité a de l’influence et que le caractère se forme, il est très possible de donner au goût des jeunes gens une certaine direction, et tel est justement l’objet de la culture esthétique. […] « Celui qui examinerait, dit Max Muller, l’influence que des mots, de simples mots ont exercée sur l’esprit des hommes, pourrait écrire une histoire du monde plus instructive qu’aucune de celles qu’on a écrites jusqu’à présent… Il est presque impossible de nous exagérer cette influence, car nous ne devons pas penser que l’effet en ait été borné aux ouvrages des philosophes.

720. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre premier. De l’invention dans les sujets particuliers »

Profondément incapables, ainsi que Descartes, de comprendre la communication de l’esprit et de la matière, ils ont étudié avec une incroyable finesse l’action et les réactions d’une âme sur une âme, d’une idée sur un sentiment, d’une passion sur une raison : jamais, ou à peu près, l’influence du tempérament, ou du monde sensible.

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