Hugo, au milieu des diversions laborieuses et brillantes qu’il s’est données, dans les intervalles de ses romans qu’il ne multiplie pas assez au gré du public, et de ses drames que, selon nous, il ménage trop peu, n’a jamais perdu l’habitude du rhythme lyrique auquel il dut ses premiers triomphes. […] Cette critique de détail, quoique depuis longtemps on ait perdu l’habitude d’en faire, nous a paru indispensable en présence d’une production aussi importante de la maturité d’un poëte de génie.
On veut récompenser, en Angleterre, les services d’un bon citoyen, mais on n’y a point de penchant pour cet enthousiasme sans mesure qui était dans les institutions, les habitudes et le caractère des Français. […] Les mœurs d’Angleterre, par rapport à l’existence des femmes, n’étaient point encore formées du temps de Shakespeare ; les troubles politiques avaient empêché toutes les habitudes sociales.
Nous n’avons jamais jusqu’ici admis une annonce intéressée dans les pages de ce Cours, qui n’est pas un journal commercial, mais une œuvre périodique, destinée à former des volumes de bibliothèque ; nous contrevenons aujourd’hui, pour la première fois, à cette habitude, et nous déclarons sincèrement à nos lecteurs que, bien loin de céder en cela à la complaisance envers l’auteur et le possesseur de ce magnifique atlas, fondement et illustration de toute grande bibliothèque, c’est nous-même qui avons prié M. […] Comptez enfin les Arabes de Damas, reste du peuple des kalifes, race active, chevaleresque, fanatique, séditieuse d’habitude, torride de sang, toujours prête à prendre la torche, le poignard ou le fusil, et dont la capitale est en frémissement continuel contre les garnisons turques, qui ne la contiennent qu’en lui sacrifiant tous les dix ans la tête de leur pacha.
Nos habitudes, nos mœurs, notre goût, notre existence, tout est changé. […] Cette économie des desseins de la Providence, dévoilée avec la prévision d’un prophète ; cette pensée divine gouvernant les hommes depuis le commencement jusqu’à la fin ; toutes les annales des peuples, renfermées dans le cadre magnifique d’une imposante unité ; ces royaumes de la terre, qui relèvent de Dieu ; ces trônes des rois, qui ne sont que de la poussière ; et ensuite ces grandes vicissitudes dans les rangs les plus élevés de la société ; ces leçons terribles données aux nations, et aux chefs des nations ; ces royales douleurs ; ces gémissements dans les palais des maîtres du monde ; ces derniers soupirs de héros, plus grands sur le lit de mort du chrétien, qu’au milieu des triomphes du champ de bataille ; enfin l’illustre orateur, interprète de tant d’éclatantes misères, osant parler de ses propres amertumes, osant montrer ses cheveux blancs, signe vénérable d’une longue carrière honorée par de si nobles travaux, et laissant tomber du haut de la chaire de vérité des larmes plus éloquentes encore que ses discours : tel est le Bossuet de nos habitudes classiques, de notre admiration traditionnelle.
Ceux, au contraire, qui refusent à l’homme la faculté de se faire sa langue ne disent autre chose sinon que, par l’habitude de l’éducation, ou par une loi primitive qu’ils ne connaissent point, ils ne peuvent penser sans le secours de la parole. […] Mais, avant de terminer ce chapitre, il faut que j’explique deux choses ; car, dans une telle matière, il est très difficile d’être clair d’après un simple énoncé, surtout lorsqu’on a peu l’habitude de ces sortes de discussions.
Mais, à une époque si avancée de la civilisation, les esprits, même du vulgaire, sont trop détachés des sens, trop spiritualisés par les nombreuses abstractions de nos langues, par l’art de l’écriture, par l’habitude du calcul, pour que nous puissions nous former cette image prodigieuse de la nature passionnée ; nous disons bien ce mot de la bouche, mais nous n’avons rien dans l’esprit. […] Le premier acte libre des hommes fut d’abandonner la vie vagabonde qu’ils menaient dans la vaste forêt qui couvrait la terre, et de s’accoutumer à une vie sédentaire, si opposée à leurs habitudes. — Le troisième genre de propriété fut celle de droit naturel.
D'ailleurs ce n’est pas tout à fait une bonne pièce encore ni dans l’habitude suffisante du théâtre ; les personnages parlent longuement, en tirades, et sans couper le dialogue.
En Allemagne et en Angleterre, le tempérament froid, lourd et rebelle à la culture retient l’homme, jusqu’à la fin du dernier siècle, dans les habitudes germaniques de solitude, d’ivrognerie et de brutalité. […] Pour ses instincts de bienveillance et de vanité, il y a de charmantes douceurs dans l’habitude d’être aimable, d’autant plus qu’elle est contagieuse. […] Comme on s’est pris sans s’aimer, on se sépare sans se haïr, et l’on retire au moins du faible goût qu’on s’est inspiré l’avantage d’être toujours prêts à s’obliger249. » — D’ailleurs les apparences sont gardées ; un étranger non averti n’y démêlerait rien de suspect. « Il faut, dit Horace Walpole250, une curiosité extrême ou une très grande habitude pour découvrir ici la moindre liaison entre les deux sexes. […] C’est une dame en miniature ; elle le sait, elle est toute à son rôle, sans effort ni gêne, à force d’habitude ; l’enseignement unique et perpétuel est celui du maintien ; on peut dire avec vérité qu’en ce siècle la cheville ouvrière de l’éducation est le maître à danser256. […] Les femmes avaient de l’importance, même aux yeux de la vieillesse et du clergé ; elles étaient familiarisées d’une manière étonnante avec la marche des affaires ; elles savaient par cœur le caractère et les habitudes des ministres et des amis du roi.
C’est au point que moi, qui n’ai plus depuis longtemps l’habitude de jouer, je commence toujours, avant d’aller dans mon coin, par bien regarder l’échiquier tel qu’il est au début, et c’est à cette première impression que je me rattache et que je reviens mentalement. » D’ordinaire, il ne voit ni le tapis vert, ni l’ombre des pièces, ni les très petits détails de leur structure ; mais, s’il veut les voir, il le peut. […] J’ai été fort sujet à ce phénomène, mais j’ai contracté l’habitude, toutes les fois qu’il se représente, d’ouvrir les yeux sur-le-champ et de les diriger sur la muraille. […] Dans l’été de 1832, « un gentleman de Glascow, d’habitudes dissipées37, fut saisi du choléra, mais guérit. […] Au même instant, je vis (je ne puis me rappeler si c’est avec les yeux ouverts ou fermés) un de mes amis absents, comme un cadavre, devant moi. — Je dois remarquer ici que, depuis beaucoup d’années, j’avais l’habitude de noter par écrit tout groupe de représentations qui, en songe ou pendant la veille, surgissait avec une force, une précision, une netteté particulières et s’imposait à moi avec cette sorte de vivacité qui fait considérer une telle représentation comme un pressentiment. […] En outre, ce qui se comprend très bien chez un psychologue, j’ai contracté l’habitude de remonter en arrière après ces incidents et de suivre à partir d’eux tout le courant des représentations antécédentes.
XXIX Madame Récamier et M. de Chateaubriand, après le retour de Londres et de Venise, reprirent à Paris les douces et monotones habitudes de leur salon à deux. […] Ce récit rappelle bien cet homme qui avait écrit avec tant de justesse cette phrase immortelle dans René : « Si j’avais encore la folie de croire au bonheur, je ne le chercherais que dans l’habitude. » Il avait raison : l’amitié est une habitude du cœur, et l’habitude est l’amour des vieillards. Voici la page de madame Lenormant : « L’emploi des journées de madame Récamier était invariablement réglé ; eût-elle été par caractère moins disposée qu’elle ne l’était à des habitudes méthodiques, la ponctuelle régularité de M. de Chateaubriand eut entraîné la sienne.
Il arrive au bord de quelque large fleuve ; qui ne connaîtrait ses habitudes pourrait craindre que ce ne fût là pour lui un obstacle insurmontable : point du tout, il déploie ses ailes, s’élance et glisse comme un trait au-dessus du redoutable courant. […] Weir dit que d’habitude il est de sept ou huit, mais qu’il peut monter jusqu’à seize ou dix-sept ; Robert Smith, un tisserand de Bathgate, m’a raconté qu’il y a quelques années, il trouva un de ces nids sur le bord d’un petit ruisseau, qui en contenait dix-sept ; et je tiens de James Baillie Esq., qu’en juin dernier, il en a retiré seize d’un autre qui était sur une sapinette. » Permettez-moi maintenant, et toujours à propos du troglodyte d’Europe, de vous présenter une petite scène dont je dois la description à l’obligeance de mon ami, M. […] Ma condescendance et l’habitude de la soumission qu’avait ce malheureux produisirent leur effet : « Maître, dit-il, je suis un fugitif ; je pourrais peut-être vous tuer ! […] Je me rappelle parfaitement bien le temps où, dans le bas Kentucky, dans l’Indiana et l’Illinois, ces oiseaux choisissaient encore très souvent, pour nicher, les excavations des branches et des vieux troncs ; et telle est l’influence d’une première habitude, que c’est toujours là que, de préférence, ils reviennent, non seulement pour chercher un abri, mais aussi pour élever leurs petits, spécialement dans ces parties isolées de notre pays qu’on peut à peine dire habitées. […] Dès le même soir, les hirondelles revinrent comme d’habitude, et je me gardai de les troubler de plusieurs jours.
La fille de l’heure présente n’est plus même cette lorette de Gavarni qui avait gardé au fond d’elle un petit rien de grisette, et consacrait un peu de son temps à amuser son cœur… Du reste, le bas monde de l’amour ne fait que refléter le haut monde de l’amour, ce monde où les femmes de la société commencent à prendre l’habitude de se faire entretenir. […] * * * — Les civilisations ne sont pas seulement une transformation des pensées, des croyances, des habitudes d’esprit des peuples, elles sont aussi une transformation des habitudes du corps. […] * * * — J’ai connu une petite fille de quatre ans à laquelle un monsieur avait l’habitude de baiser la main. […] J’aime l’habitude d’ignorer l’auberge et de descendre chez un ami.
À propos de cette lumière, de cette espèce de gloire entourant la Mercier, et la faisant nager dans un rayonnement, je me demandais, — cela me rappelle tellement les effets de Rembrandt ; — je me demandais si Rembrandt usait de la bête d’habitude de faire poser ses modèles dans un atelier éclairé par la lumière du nord, ainsi que tous nos peintres. […] Une habitude, une affection de vingt-cinq ans, une fille qui savait notre vie, ouvrait nos lettres en notre absence, à qui nous racontions nos affaires. […] C’était un morceau de notre vie, un meuble de notre appartement, une épave de notre jeunesse, je ne sais quoi de tendre et de grognon et de veilleur à la façon d’un chien de garde, que nous avions l’habitude d’avoir à côté de nous, autour de nous, et qui semblait ne devoir finir qu’avec nous. […] Il donnait des poignées de main aux domestiques, et placé à côté de Mme de Bellune, chaque fois qu’un convive lui adressait la parole, il saluait, ayant, par une habitude de paysan, gardé son chapeau sur la tête. […] C’est aujourd’hui l’inauguration de cette réunion et le premier dîner chez Magny, où Sainte-Beuve a ses habitudes.
C’était un reste des habitudes du magistrat, et un reste de timidité, et une marque de politesse envers le public, dont d’autres s’affranchissent trop. […] L’administration, en effet, en France et dans la plupart des pays européens, est un corps à peu près autonome et que les habitudes démocratiques rendront autonome de plus en plus. […] Décidément, ici encore, il était très fidèle aux habitudes de son caractère. […] Et cela même est une évolution, mais de caractère, d’humeur, d’habitudes, non point d’idées et de croyances. […] Quand elle l’est à des habitudes perverses, à l’anxiété, à l’angoisse, à l’amertume, aux désespoirs parfois que ces habitudes traînent avec elles, elle conservera peut-être sa lucidité, non pas son ressort, non pas son libre élan, non pas, non plus, sa largeur.
J’ai une aversion naturelle pour l’égotisme, et je déteste infiniment l’habitude de se louer soi-même ; mais je ne puis m’empêcher de raconter ici une anecdote qui éclaire le point en question, et où j’ai agi, je crois, avec une remarquable présence d’esprit. […] Thackeray énumère tout au long les suites de cette habitude. […] ils y seront bien reçus. » L’habitude du despotisme fait les despotes, et le meilleur moyen de mettre des tyrans dans les familles, c’est de garder des nobles dans l’État. […] Il lui donne une éducation de courtisane, un mari « dépravé comme un bagne », l’habitude du luxe, l’insouciance, la prodigalité, des nerfs de femme, des dégoûts de jolie femme, une verve d’artiste. […] Nos témérités modernes, nos images prodiguées, nos figures heurtées, notre usage de gesticuler, notre volonté de faire effet, toutes nos mauvaises habitudes littéraires ont disparu.