/ 1404
231. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

La première des difficultés, dans tous les gouvernements où les distinctions héréditaires sont établies, c’est la réunion des circonstances qui donnent de l’éclat à la vie ; les efforts que l’on fait pour sortir d’une situation obscure, pour jouer un rôle sans y être appelé, déplaisent à la plupart des hommes. […] Dans les républiques, si elles sont constituées sur la seule base de l’aristocratie, tous les membres d’une même classe sont un obstacle à la gloire de chacun d’eux ; cet esprit de modération qu’avec tant de raison Montesquieu a désigné comme le principe des républiques aristocratiques ; cet esprit de modération ne s’accorde pas avec les élans du génie : un grand homme, s’il voulait se montrer tel, précipiterait la marche égale et soutenue de ces gouvernements ; et comme l’utilité est le principe de l’admiration, dans un État où les grands talents ne peuvent s’exercer d’une manière avantageuse à tous, ils ne se développent pas, ou sont étouffés, ou sont contenus dans une certaine limite qui ne leur permet pas d’atteindre à la célébrité. On ne sait pas au-dehors un nom propre du gouvernement de Venise, du gouvernement sage et paternel de la république de Berne, un même esprit dirige depuis plusieurs siècles, des individus différents, et si un homme lui donnait son impulsion particulière, il naîtrait des chocs dans une organisation, dont l’unité fait tout-à-la-fois le repos et la force.

232. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Raynal est au-dessous d’Helvétius : il a fait un livre à tiroirs, d’où s’échappent à tous propos toutes sortes de déclamations contre Dieu, la religion et le gouvernement ; il invitait ses amis à lui en apporter, et Diderot s’est fait son fournisseur. […] Il avait embrassé toutes les parties du gouvernement et de la vie nationale : administration, finances, industrie, commerce, éducation, il avait tout étudié avec un esprit philosophique, sans rechercher la nouveauté ni respecter la tradition, uniquement mû par l’amour de l’humanité et réglé par la considération du possible. […] Le marquis d’Argenson (1694-1757), esprit original et libéral, a écrit des Considérations sur le gouvernement ancien et présent de la France (Amsterdam, 1764). […] L’abbé de Mably (1709-85) : le Droit public de l’Europe, 1748, 2 vol. in-12 ; Entretiens de Phocion, sur le rapport de la morale avec la politique, 1763, in-12 ; Doutes proposés aux philosophes économistes, 1768, in-12 ; Observations sur le gouvernement et les États-Unis d’Amérique, 1784, in-12 ; Œuvres, éd.

233. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

On trouve, en effet, dans ce coin de terre, l’exemple de toutes les formes de gouvernement. […] Dans ce soin de la Providence à choisir des peuples-types, on trouverait encore une des solutions du grand problème de l’accord de la liberté de l’homme avec le gouvernement de Dieu, car toutes les vérités sont sur la même route. […] Ne dirait-on pas encore qu’il y a des dynasties dans le monde intellectuel et dans celui de l’imagination, aussi bien que dans le gouvernement des sociétés humaines ? […] Lorsque Bonaparte se saisit du gouvernement consulaire, tous les écrivains travaillèrent à la restauration de l’édifice social avec une ardeur au-dessus de tout éloge, avec une sorte d’unanimité qui donnait les plus justes espérances.

234. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Les sciences physiques ayant pour but une utilité immédiate, aucun gouvernement ne veut ni ne peut les interdire ; et comment l’étude de la nature ne bannirait-elle pas la croyance de certains dogmes ? […] — le gouvernement. — Peut-il jamais être considéré comme une puissance impartiale ? […] Souvent des revers et toujours du malheur au dedans de soi ; mais l’esprit vraiment remarquable, mais une intelligence éclairée, c’est l’homme qui choisit le bien et sait le faire, pour qui la vérité est une puissance de gouvernement, et la générosité un moyen de force.

235. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Nous avons été habitués à un système plus protecteur, à compter davantage sur le gouvernement pour patronner ce qui est noble et bon. […] Quant au second Empire, si les dix dernières années réparèrent un peu le mal qui s’était fait dans les huit premières, il ne faut pas oublier combien ce gouvernement fut fort lorsqu’il s’agit d’écraser l’esprit, et faible lorsqu’il s’agit de le relever. […] En somme, il se peut fort bien que l’état social à l’américaine vers lequel nous marchons, indépendamment de toutes les formes de gouvernement, ne soit pas plus insupportable pour les gens d’esprit que les états sociaux mieux garantis que nous avons traversés.

236. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

L’Histoire de la Révolution est la narration ou l’amplification obligée de tous les rhétoriciens de politique qui aspirent à devenir plus tard des hommes de gouvernement. […] Pour lui, l’histoire de la Révolution ne contient pas que l’histoire de la Révolution proprement dite, elle contient encore celle de tous les gouvernements qui l’ont suivie : le Directoire, le Consulat, l’Empire, la Restauration, le Gouvernement de Juillet, la République de 1848, et l’Empire encore, et elle doit s’écrire d’une volée !

237. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

Le livre qu’il intitule Sixte-Quint et Henri IV est une vue nouvelle, pour conduire par un chemin de plus à une conclusion déjà ancienne dans beaucoup d’esprits, c’est que la Réforme ne réforma rien, mais détruisit tout du monde qu’elle devait réformer… La Réforme, en effet, pour tous ceux qui l’ont étudiée, fut la destruction complète et violente du monde catholique, si unitairement constitué, tel qu’il était au Moyen Âge, destruction consommée par une minorité qui ne l’eût jamais accomplie si les gouvernements n’avaient donné mieux que le nombre en donnant les forces organisées de leur pouvoir à cette minorité sans eux vaincue. […] qu’il n’y en ait pas mis une autre… Henri IV a donc commis là bien évidemment une des plus grandes fautes que souverain pût commettre, même la question religieuse écartée, que l’Histoire cependant n’écartera pas, car, je le dis, en regardant bien en face les révolutions futures, ou du moins le chemin par lequel elles peuvent venir, les gouvernements doivent toujours venir à bout, quand ils le voudront, eux qui sont la force organisée, de la force qui ne l’est pas… Segretain a par des exemples nombreux et frappants fait toucher du doigt dans son histoire la bévue des gouvernements du xvie  siècle qui précédèrent celui de Henri IV, lequel paracheva et fixa les conséquences de cette énorme faute, en la commettant à son tour ; et on se demande vraiment pourquoi, en lisant Segretain, qui nous met en lumière une chose qu’avant lui on n’avait pas assez vue, ce qui prouve son extrême bonne foi et son désir de justice : c’est qu’à toutes les époques de sa vie Henri IV, quelles qu’aient été ses apostasies, avait toujours été au fond de sa pensée plus catholique que protestant !

238. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Chez les Grecs, le temps de Photius et de Léon le philosophe, ou le neuvième siècle, fut le temps le plus célèbre pour les connaissances ; mais les crimes du palais, la superstition du schisme, la petitesse du gouvernement et les fureurs scolastiques étouffèrent tout. […] Mais par la combinaison des gouvernements et de la constitution singulière des États, il avait, fallu d’abord dans la plus grande partie de l’Europe que le pouvoir monarchique s’affermît, pour que les lettres et les arts pussent renaître. […] Ce gouvernement n’était que l’indépendance de cinq cents tyrans, et l’esclavage d’un peuple.

239. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Ce n’est pas à eux, d’ailleurs, à ces hommes d’État qui ont senti à leur jour tout le poids du gouvernement, qu’il est besoin de rappeler la gravité et la mesure. […] Ne disons donc pas, éternels ingrats, qu’il est inutile ou indifférent au développement de l’esprit, cet ordre stable et ce gouvernement qui seul rend possibles ce que j’appelais tout à l’heure les fêtes de l’esprit ; car je n’y vois et n’y veux voir que cela.

240. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre premier. » pp. 5-11

La 5me de 1643, époque de la minorité de Louis XIV, de la régence d’Anne d’Autriche, et du gouvernement du cardinal Mazarin, à 1652, époque où finit la Fronde et où Louis XIV entra dans sa majorité. La 6me de 1652 à 1661, époque de la mort du cardinal Mazarin et du gouvernement de Louis XIV en personne.

241. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Non pas du tout, à ce propos, que je méconnaisse la haute valeur du protestantisme, sa raison d’être historique, et les exemples de vertu qu’il a donnés, qu’il donne encore tous les jours25 ; mais le catholicisme a sur lui de grands avantages ; dont le premier sans doute est d’être, selon le mot de Renan, « la plus caractérisée, et la plus religieuse de toutes les religions. » Le catholicisme est d’abord un gouvernement, et le protestantisme n’est que l’absence de gouvernement. […] Placez Joanna Southcote à Rome, elle y fonde un ordre de Carmélites aux pieds nus, prêtes à souffrir le martyre pour l’Église26. » Ou en d’autres termes, faute d’être un gouvernement, le protestantisme, dont on est convenu d’admirer la souplesse, perd à jamais ses moindres hérétiques, tandis que le catholicisme, dont on a si souvent méconnu la « plasticité », absorbe d’ordinaire, annule, et parfois réussit à utiliser les siens, parce qu’il est un gouvernement. […] Étant un gouvernement, il est aussi une « doctrine », et une « tradition », dont j’ai connu récemment toute la force en lisant le dernier écrit de Tolstoï sur la Guerre et l’Esprit chrétien. […] On répond à cela qu’il ne saurait y avoir de « gouvernement » en matière de conscience, mais c’est une question ; et, pour en montrer l’importance en deux mots, si ma conscience m’interdisait de porter les armes ou de payer l’impôt, je voudrais savoir quel est aujourd’hui « le gouvernement » qui respecterait mon scrupule. Ajoutez qu’il suffit à un gouvernement des consciences de n’être pas coercitif pour être parfaitement légitime.

242. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

J’ai envoyé ma démission au nouveau gouvernement de toutes mes fonctions diplomatiques, délices et orgueil de ma jeunesse, et même la démission des droits à la pairie que le refus de serment de mon père m’ouvrait, et que le serment exigé interdit à ma conscience. […] En ce temps-là, les rois, encore tout fiers de leurs succès, reconnaissaient une cause générale des rois supérieure à toutes les causes secondaires des jalousies nationales, des rivalités d’ambition, ou d’influence des cours ; une véritable ligue politique des gouvernements légitimes subordonnait toutes ces rivalités locales à son intérêt et à une doctrine d’ensemble des monarchies. […] Charles-Albert, prince royal de Piémont, tour à tour complice ou proscripteur des révolutionnaires piémontais, venait de faire défection à la cause italienne à Novare et de se réfugier en Toscane, et ensuite à Paris, pour obtenir l’honneur de combattre en Espagne les carbonari qu’il venait de déserter à Turin ; son pardon était au prix de cette palinodie ; il le mérita bien pendant vingt ans d’un gouvernement asservi aux jésuites. […] La jalousie britannique se faisait libérale en Espagne, quand la France, par la nature de son gouvernement, se faisait conservatrice et antirévolutionnaire au-delà des Pyrénées. […] La République de 1848 lui donna la joie de voir la France libre de se choisir un gouvernement ; il ne se fit pas les illusions des partis pressés de nouvelles chutes ; il ne participa ni aux illusions, ni aux fusions, ni aux conspirations ; il comprit que la fin du siècle était au tâtonnement, aux essais, aux déviations du peuple en tout sens.

243. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Bien plus, ces trente voyous — payés certainement, avec de l’argent allemand peut-être — ont imposé leur volonté à la population parisienne et au gouvernement. […] Le gouvernement était décidé, paraît-il, à interdire les représentations de M.  […] Lamoureux avait reçu une indemnité du gouvernement, une autre note le démentit. […] Goblet lui a fait observer que c’était là de sa part une déclaration toute spontanée, parce qu’autrement le gouvernement était décidé à faire respecter ses droits. […] Lamoureux a-t-il reçu, n’a-t-il pas reçu du gouvernement une indemnité, et quelle serait cette indemnité ?

244. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Et, comme de toutes les formes de gouvernement, celle qui suscite le plus de compétiteurs de cette qualité est la République, vous conclurez avec moi que le plus corrupteur des gouvernements est le gouvernement républicain. […] * Chaque gouvernement a sa période d’ascension et sa période de déclin. […] La pleine fortune pour un chef de gouvernement, la gloire peut-être, c’est de mourir entre les deux. […] Ce fut la seule allusion qu’il fit au chef du gouvernement. […] * C’est un trait de génie des gouvernements étrangers et de ce qu’on appelle le gouvernement de l’Hôtel-de-Ville, d’accorder à la Prusse que nous lui avons fait une guerre injuste.

245. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Un gouvernement de province n’est pas une charge exercée pour le service des sujets, mais un bénéfice exploité au profit du possesseur. […] Le gouvernement prussien sera sage s’il y regarde de très près. […] La formule est si populaire qu’elle est devenue officielle et pénètre dans les manifestes des gouvernements. […] Est-ce là un gouvernement autorisé ? […] Toutes les fois que le gouvernement interviendra par une candidature officielle ou par une préférence avouée, il en sera de même.

/ 1404