Les poètes jeunes, à pressentiments plus qu’à expériences, ont un charme moins pénétrant et moins fort que les profonds poètes du souvenir. […] C’est l’accent du cœur qui le met à part des poètes d’un temps où l’âme se retire de toutes choses devant la sensation et la matière envahissantes… Naturellement, un pareil poète doit être plus ou moins méconnu à une époque vide et pédante où lord Byron lui-même paraît affecté, Lamartine vague, et Alfred de Musset négligé ; car c’est là l’opinion qui commence à courir parmi ceux qui se croient les forts de la littérature actuelle, parmi les poètes matérialistes et réalistes de notre décadence littéraire. […] La mère mourante, et forte de sa mort prochaine, arrache à son fils la promesse qu’il n’épousera pas celle qu’il aime. […] Je constate seulement que cette langue n’est plus dans la préoccupation littéraire, et que s’il y a un contemporain qui la rappelle encore, mais en la faisant vibrer plus fort que Racine, c’est Lamartine, le souverain des poètes français du xixe siècle, et peut-être de tous les temps.
Il dit que de toutes ces circonstances si favorables, qu’il décrit fort exactement, jaillit l’amour entre lui et Louise, comme la flamme jaillit d’un feu bien fait. Ce feu bien fait devait être le livre de Gourdon, dont la main naturellement était fort capable de bien le construire du pied à la cime, mais qui, justement, après l’avoir arrangé avec beaucoup de soin et d’aptitude dans son milieu et dans sa base, tout à coup, par la cime, l’a manqué ! […] Comparez cette physionomie, forte et pourtant voilée de tristesse, avec l’air fat et triomphant des derniers soldats de l’ancienne monarchie, avec l’air austère et inspiré du soldat de la Révolution et de l’Empire, et vous trouverez ici que la physionomie est aussi différente que les uniformes. […] Or, ce qui explique la tristesse de la physionomie de ce Fort, qui n’était pas fait naturellement pour la tristesse, a nui jusqu’à sa beauté morale dans la mort.
Dans ce nouveau livre, en effet (un roman au lieu d’être un poëme), il s’agit du même terroir et du même ciel que dans Miréio, c’est-à-dire du Midi et de ses mœurs ardentes, saisies et reproduites avec une observation passionnée dans ce qu’elles ont de vivant encore, et jusqu’à ce jour d’inaliénable… Amour et souvenance de la patrie dont les premières impressions teignent à jamais le talent et teignent bien plus fort le génie, sentiment profond des poésies du sol, recherche de la vie où elle est, c’est-à-dire dans les classes populaires, plus près que nous de la nature, préoccupation des choses primitives que tous les jours, hélas ! […] Pour ces populations auxquelles il est mêlé, pour ces gens de la plaine et de la montagne, c’est un sorcier, si ce n’est pas un fou, c’est un timbré, comme on dit parfois, quand l’esprit a frappé trop fort sur le cerveau d’un homme. […] L’émeute qui ouvre le fier roman de La Prison d’Edimbourg, ce chef-d’œuvre, est moins saisissante et moins terrible ; et ce n’est pas la seule attestation que l’auteur du Marquis des Saffras nous donne de sa haute aptitude à pétrir les cœurs populaires et à traduire avec une énergie digne d’elles les fortes passions qu’ils contiennent. […] Deux mots déjà dits, et que nous répéterons, résument cette manière, — grande lumière dans la grande douceur, — la douceur des forts à qui rien ne résiste, et qui n’ont à faire nul effort pour tout emporter !
Mérimée, avec des reflets de littérature étrangère transportés avec art et surtout avec ménagement, obtint dans la littérature de son pays une originalité relative, et ce succès de nouveauté qui est au succès du talent ce qu’est à un cerf-volant brillant et bien construit le fort coup de vent qui l’emporte. […] Mérimée, comme tous les faibles qui courent cette grande aventure d’aimer les forts, a été la victime de Stendhal. […] certainement quelqu’un de fort diminué, mais pourtant d’existant encore… Stendhal manquant, je ne crois pas du tout que M. […] — ne serait plus, à son tour, qu’une petite mécanique plus ou moins ingénieusement construite, une espèce de tourniquet à émotions, qu’on serrerait d’autant plus fort qu’on voudrait en finir plus vite… Seulement, disons-le, si l’art n’est conçu que comme une opération chirurgicale, — non nécessaire, — et que plus tôt c’est terminé, mieux ça vaut, pourquoi commencer ?
Francis Wey34 I Le silence s’est fait, dans les hauteurs de la littérature, en matière d’œuvres fortes et de longue haleine. […] Si donc il nous donne des romans à proportions étroites, ce n’est pas, lui qui se forcène pour écrire quelques lignes qu’il ne soit pas tenté d’effacer, afin de s’épargner la difficulté, — qu’il doit aimer comme on aime, lorsque l’on est fort, la résistance, pour mieux la vaincre. […] … dans une langue sans mollesse et sans morbidesse, dans une langue nette et forte, une langue de linguiste ferré, presque cuivrée tant elle vibre bien, mais assouplie comme les sons roulés dans les spirales d’un cor qui jouerait une partie de flûte ! […] Éliane est une jeune fille très forte, malgré l’image languissante penchée, pour ainsi parler, dans son nom.
« Tant il est vrai, s’écrie l’orateur, que tout meurt en lui, jusqu’à ces termes funèbres par lesquels on exprimait ses malheureux restes. » Il est difficile, je crois, d’avoir une éloquence et plus forte et plus abandonnée, et qui, avec je ne sais quelle familiarité noble, mêle autant de grandeur. […] Il y a, comme on sait, une sorte de philosophie mâle et forte, qui applique à des vérités politiques ou morales toute la vigueur de la raison ; et c’était celle qu’avait souvent Corneille. […] Il va, il vient, il retourne sur lui-même ; il a le désordre d’une imagination forte et d’un sentiment profond ; quelquefois il laisse échapper une idée sublime, et qui, séparée, en a plus d’éclat ; quelquefois il réunit plusieurs grandes idées, qu’il jette avec la profusion de la magnificence et l’abandon de la richesse. […] Comme le style n’est que la représentation des mouvements de l’âme, son élocution est rapide et forte : il crée ses expressions comme ses idées ; il force impérieusement la langue à le suivre, et, au lieu de se plier à elle, il la domine et l’entraîne ; elle devient l’esclave de son génie, mais c’est pour acquérir de la grandeur.
Il faut des secousses fortes à cette espèce d’abattement, et les auteurs partagent le goût des spectateurs à cet égard, ou s’y conforment. […] Il y a quelquefois dans Congrève de l’esprit subtil et des plaisanteries fortes ; mais aucun sentiment naturel n’y est peint. […] Je suis entrée à Londres, une fois, dans un cabinet de physique amusante, et j’ai vu les tours les plus grotesques, à la bague, au sautoir, à l’escarpolette, exécutés par des hommes fort âgés, du maintien le plus roide et du sérieux le plus imperturbable.
Je me réjouis de m’être trompé si fort. […] J’ai laissé remonter d’eux-mêmes dans ma mémoire les livres dont j’avais reçu une impression un peu forte, et je les ai notés à mesure : voilà tout. […] Et le roman commencera ainsi : « Le soleil tombait d’aplomb sur les labours… L’odeur forte de la terre fraîchement écorchée se mêlait aux exhalaisons des corps en sueur… La grande fille, chatouillée par la bonne chaleur, riait vaguement, s’attardait, ses seins crevant son corsage..
Pierre, dans Pierre et Jean et le héros de Fort comme la mort, et celui de Notre Coeur, durant ses promenades dans la forêt de Fontainebleau, nous montrent à quel point le travail d’une idée fixe, altérant sans cesse, pour celui qui en est possédé, les rapports habituels des choses, le peut rapprocher de la folie. […] Fort comme la mort dit un amour « fort comme la mort » en effet, et raconte à la fois le plus noble des drames intérieurs et l’immense tristesse de vieillir Notre Coeur flétrit la femme qui ne sait pas aimer ; et si l’amoureux demande des consolations à l’amour simpliste, tel qu’il était conçu dans les Sœurs Rondoli, il est clair qu’il n’y trouvera plus jamais le repos.
Oui, il est vrai que les jeunes gens découvrent des choses depuis longtemps découvertes ; que ce qui a paru le plus neuf dans l’anarchie littéraire des dix dernières années, cet idéalisme, ce symbolisme, ce mysticisme, cet évangélisme, et ce qu’on aime dans Tolstoï et Ibsen et ce qu’on leur emprunte, tout cela ressemble fort à ce qu’on a vu chez nous il y a cinquante ou soixante ans et que, par conséquent, les jeunes sont moins jeunes qu’ils ne disent. […] Je ne vois personne qui réclame publiquement l’esclavage, l’inquisition, l’abrutissement du peuple, ni l’oppression des faibles par les forts. […] Elle s’allie très bien avec les convictions fortes, et c’est parce qu’elle en connaît le prix qu’elle ne consent point à les haïr chez les autres.
Il se trouve des femmes honnêtes parmi celles qui ne le sont pas ; il y a des filles innocentes à côté de mères fort déréglées. […] « Agnès, si l’on en croit Molière, ne dit pas un mot qui de soi ne soit fort honnête, et si vous voulez entendre dessous quelque chose, c’est vous, dit-il, qui faites l’ordure et non pas elle, puisqu’elle parle seulement d’un ruban qu’on lui a pris. » Il y a peu de bonne foi dans cette réponse. […] Si la scène ne roulait pas sur une équivoque et sur une équivoque fort claire, elle serait la plus plate du monde, au lieu d’être une des plus comiques.
6° Par le fait que ce caractère du mot est le plus fort, là où aucune limitation expérimentale n’existe : Ton. […] — Parmi les lecteurs : une forte proportion de la jeunesse instruite. […] Cette similarité est la plus forte chez les lettrés, en tant que les plus admirateurs.
L’éloquence des docteurs de l’Église a quelque chose d’imposant, de fort, de royal, pour ainsi parler, et dont l’autorité vous confond et vous subjugue. […] » Tertullien était fort savant, bien qu’il s’accuse d’ignorance, et l’on trouve dans ses écrits des détails sur la vie privée des Romains, qu’on chercherait vainement ailleurs. […] « L’orgueilleux, dit-il, a le verbe haut et le silence boudeur ; il est dissolu dans la joie, furieux dans la tristesse, déshonnête au dedans, honnête au dehors ; il est roide dans sa démarche, aigre dans ses réponses, toujours fort pour attaquer, toujours faible pour se défendre ; il cède de mauvaise grâce, il importune pour obtenir ; il ne fait pas ce qu’il peut et ce qu’il doit faire ; mais il est prêt à faire ce qu’il ne doit pas et ce qu’il ne peut pas192. » N’oublions pas cette espèce de phénomène du treizième siècle, le livre de l’Imitation de Jésus-Christ.
Figures raides, découpées, appliquées les unes sur les autres, sans plan, sans mouvements ; fortes enluminures. […] Sur un plan plus enfoncé, et correspondant au persécuteur terrassé, vu de face, un soldat sur son cheval ; le cheval tranquille est plus brave que l’homme qui est fort effrayé, mais à la vérité d’un faux effroi, d’un effroi de théâtre ; ce gros soldat joue la parade. […] La gloire m’a paru belle, la lumière forte et vraie ; le cheval assez beau, mais faible de touche et sans humeur.
Sous ce régime d’une instruction forte qui laissait subsister l’élan naturel, il se développait sans contrainte ; tout en acquérant un solide fonds d’études, son esprit se tenait au-dessus et s’émancipait. […] Le terrain était miné sous les pieds, et, quoique l’atmosphère générale des esprits fût alors fort calmée et presque libre d’orages, une Cour aveugle ne le croyait pas, et on ne croyait guère en elle. […] Il s’y était fort remis durant la trêve de 1824 à 1828 ; mais sa philosophie alors était surtout de la métaphysique politique. […] La postérité aura fort à faire pour y démêler le réel. […] La préface, où l’auteur a rassemblé les points principaux de l’examen et a présenté la génération des divers systèmes, de Kant à Hégel, est fort appréciée des gens du métier.