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729. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Les femmes étaient férues de poésie dans la première moitié de ce siècle. […] L’épithète doit être la maîtresse du substantif, jamais sa femme légitime. […] À 5 heures, je donnerai le thé aux femmes avancées. […] Or, la question est de décider si le savoir rend la femme forte. […] Il me semble que la femme n’est pas née du tout pour cela.

730. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

On sait que les Huns, les Goths, les Germains et les Bretons étaient entièrement asservis à leurs femmes. Chez les peuples pasteurs et à demi sauvages, l’amour devait se mêler à toutes les idées, et même à celles de la guerre, parce que les femmes y étaient des objets de conquêtes. Il ne faut donc pas s’étonner si, parmi tous ces éloges guerriers, il n’y en a aucun où l’on ne trouve des femmes à côté des héros, et presque partout le contraste ou l’union de l’amour et des combats. […] J’honore l’homme qui ne recule pas devant un homme ; c’est la gloire de celui qui a du courage ; et qui veut inspirer de l’amour à une femme, doit être prompt et hardi dans les batailles… Non, dans le palais du puissant Odin, l’homme brave ne gémit point sur sa mort.

731. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 34-39

N’oublier ni les femmes, ni les enfans des Rois ; mais ne parler des Rois mêmes, qu’à propos des affaires, & ne relever aucune circonstance de leur vie, qu’autant que cette circonstance aura contribué aux grands changemens. Songez bien que les Rois sont, à la vérité, les plus remarquables personnes de l’Histoire, mais que les grands changemens en sont le véritable sujet ; que, comme souvent un Ministre, & quelquefois une femme, y a plus de part que les Rois, on est obligé, en plusieurs endroits, de donner plus de place & de relief à ce qu’a fait ce Ministre, ou cette femme, qu’à ce que le Roi de leur temps a fait.

732. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Aux deux côtés du bon Dieu, nous y sommes tous deux en portrait, le maître et la maîtresse (c’est-à-dire lui et sa femme). […] Il a marié un de ses enfants ; avec les nouveaux époux et avec sa femme, il fait ce qu’il appelle une débauche, c’est-à-dire une grande infraction à ses habitudes ; il s’est laissé entraîner à Saint-Denis où la foire se tenait alors. […] En général, Gui Patin est à l’égard des femmes dans les principes du bonhomme Chrysale chez Molière : il les exclut de la science et des hauts entretiens. […] Il assemble d’ordinaire dans un commun dédain les courtisans et les femmes. Une de ses plus jolies histoires du temps de la Fronde est celle de M. de Beaufort, pour qui les Parisiens, et particulièrement toutes les femmes, avaient une dévotion singulière : il nous le montre, un jour qu’il jouait à la paume dans un tripot du Marais, visité comme en procession par plus de deux mille femmes tant de la Halle que d’ailleurs.

733. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Il quitte Bivar, accompagné de soixante lances ; il se rend à Burgos pour aller de là à Saint-Pierre faire ses adieux à sa femme et à ses filles. […] D’elles et de ma femme ayez le plus grand soin. […] Il pleure de ses yeux, et très-fortement soupire : « Or çà, doña Chimène, la mienne femme très-accomplie, je vous aime autant que mon âme ; déjà, vous le voyez, qu’il faut, nous vivants, nous séparer. […] j’ai près de moi mes filles et ma femme… J’entrerai en guerre, je ne pourrai l’éviter. Mes filles et ma femme me verront combattre.

734. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Prends garde, femme de vertu ! […] Les femmes l’attendaient comme un roman. […] Il y passa six mois dans le voisinage de Joubert et de sa femme. […] Enfin, sur le suprême conseil de sa maîtresse, il reprit sa femme. […] Et, pour comble de bonheur, il y va sans sa femme.

735. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Le rhéteur le plus docte et le plus froidement technique de l’âge des Antonins, Denys d’Halicarnasse nous a conservé quelques strophes passionnées de Sapho ; et l’éloquent Longin n’a trouvé nulle poésie supérieure à ces vers d’une femme qu’Aristote avait nommée à côté d’Homère et d’Archiloque. […] On dirait que Sapho était devenue pour l’imagination grecque un symbole où apparaissaient, à leur plus haut degré, la grâce, l’enthousiasme et le génie de la femme. […] L’Allemagne, qui étudie si bien l’antiquité, et la refait quelquefois à plaisir, comme un texte de manuscrit altéré, s’est amusée, par la main de quelque docte critique, à rétablir contre le préjugé vulgaire le caractère moral de Sapho, comme parmi nous une femme célèbre avait indirectement ennobli celui de Corinne. […] Nous lisons chez un de ces doctes apologistes68 : « Dans Sapho, une ardente et profonde sensibilité, une pureté virginale, la douceur de la femme et la délicatesse du sentiment et de l’émotion s’alliaient avec la probité native et la simplicité du caractère ionien ; et, quoique douée d’une exquise perfection des choses belles et brillantes, elle préférait la naïve et consciencieuse rectitude de l’âme à toute autre source de jouissance humaine. » À la bonne heure ! […] L’espérance de cette gloire, l’orgueil, non plus de la beauté, mais du génie, éclate dans quelques vers d’une pièce perdue71 : « Morte, tu seras gisante », dit la Muse lesbienne à quelque femme ennemie ou rivale ; « il ne restera de toi nulle mémoire dans l’avenir ; car tu ne touches pas aux roses de la montagne des Piérides ; mais tu iras, obscure, visiter les demeures d’Adès, t’envolant sur le sol des aveugles morts. » Une autre fois, devant des femmes qui, riches et belles, semblaient enivrées de leur destinée, elle parut plus fière encore, en disant « que les Muses lui donnaient, à elle, le vrai bonheur et le seul digne d’envie ; car, même dans la mort, elle ne serait jamais oubliée ».

736. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

C’est, à coup sûr, la réunion d’hommes et de femmes la plus bariolée que j’aie jamais vue. […] Pendant ce temps-là, les femmes, l’air innocent et modeste, préparent le dîner. […] Tout le pays était là ; des bonnes femmes pleuraient d’attendrissement. […] Aujourd’hui la femme du médecin d’Yonville viendrait sûrement passer la saison à Étretat. […] » Or Jeanne est une belle petite fille déjà grande comme une femme, avec une bonne figure ronde et rose.

737. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

En général, il ne peint pas de jolies femmes, au point de vue des gens du monde toutefois. […] L’autre tableau représente un marché de femmes qui attendent des acheteurs. Ce sont de vraies femmes, des femmes civilisées, aux pieds rougis par la chaussure, un peu communes, un peu trop roses, qu’un Turc bête et sensuel va acheter pour des beautés superfines. […] — tout cela ne fait pas des femmes poétiques. […] Toutes les fois qu’il lui faut faire autre chose qu’une étude de femme, il se perd.

738. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de mademoiselle Bertin sur la reine Marie-Antoinette »

Ce livre est pauvre de faits : malgré son assiduité à la toilette, l’auteur n’y paraît que peu instruite des affaires de cour ; elle nous transmet çà et là des mots échappés à sa maîtresse ; elle la justifie d’avoir surnommé la duchesse de Noailles madame de l’étiquette, et d’avoir appelé des médailles les femmes qui avaient atteint leur cinquième lustre. […] Tel était l’ascendant de sa beauté et de ses manières, qu’elle subjugua tous ceux qui l’entourèrent et la connurent : pour ses femmes de chambre, ses fournisseurs, et les hommes de cour, il n’y a rien que de simple ; mais le charme s’étendit plus loin : l’allier Mirabeau fut peut-être autant amolli par ses douces paroles que par cet acte impur qui pèse sur sa mémoire ; quelques heures de conversation au retour de Varennes lui conquirent à jamais Barnave ; un mot de sa bouche fit tomber à ses pieds Dumouriez en pleurs ; les femmes du 20 juin elles-mêmes furent émues quand elles la virent. […] Cette femme lui avait prédit à Amiens, dans son enfance, qu’elle deviendrait une grande dame et qu’on lui porterait la robe à la cour.

739. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Julliart » pp. 176-177

Voyez comme il est terrible, lorsqu’il me montre dans une autre une femme envelopée d’un serpent qui l’entraîne au fond des eaux ! […] Moi, Monsieur Juliart, dont ce n’est pas le métier, je montrerais sur une colline les portes de Thèbes ; on verrait au devant de ces portes la statue de Memnon ; autour de cette statue des personnes de tout état attirées par la curiosité d’entendre la statue résonner aux premiers rayons du soleil ; des philosophes assis traceraient sur le sable des figures astronomiques ; des femmes, des enfans seraient étendus et endormis, d’autres auraient les yeux attachés sur le lieu du lever du soleil ; on en verrait dans le lointain qui hâteraient leur marche, de crainte d’arriver trop tard. […] Si vous aimez mieux des incidens plus simples, plus communs et moins grands, envoyez le bûcheron à la forêt, embusquez le chasseur, ramenez les animaux sauvages des campagnes vers leurs demeures, arrêtez-les à l’entrée de la forêt, qu’ils retournent la tête vers les champs dont l’approche du jour les chasse à regret ; conduisez à la ville le paysan avec son cheval chargé de denrées, faites tomber l’animal surchargé, occupez autour le paysan et sa femme à le relever.

740. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Les femmes intervenaient partout, même dans les délibérations guerrières. […] Une femme en robe et en bonnet de docteur ! […] Jamais il n’a parlé des femmes autrement qu’avec tendresse et respect. […] Elle ne prend pas souci, tout au contraire, d’unir aux grands hommes les grandes femmes. […] Mais cette Christiane, si j’en crois Bettina, qui l’appelle quelque part « une saucisse enragée », loin d’être une grande femme, n’était pas même une femme médiocre.

741. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Ainsi, à quarante ans de distance, le même poète a chanté ; cette voix de femme, si émue dès le premier jour, si pleine de notes ardentes, éplorées et suaves, ne s’est pas brisée durant cette longue épreuve de la vie, épreuve qui cependant a été plus rude pour elle que pour d’autres ; elle a gardé jusqu’à la fin ses larmes, ses soupirs, ses ardeurs. […] Elle aimait les femmes poètes, celles qui sont dignes de ce nom ; elle les louait volontiers, elle les préférait à elle, et cela non pas seulement tout haut, mais aussi tout bas, sincèrement. […] Elle chantait sa mère, elle appelait la gloire, Elle enivrait la foule… et les femmes tremblaient. […] rêve de la femme ! […] et presque heureuse, Colombe aux plumes d’or, femme aux tendres douleurs ; Elle meurt tout à coup d’elle-même peureuse, Et, douce, elle s’enferme au linceul de ses fleurs.

742. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Les femmes y sont infidèles comme il sied, mais aussi elles n’ont qu’un amant à la fois. […] Hervieu a-t-il vu une femme appeler son amant d’un nom d’amitié fait avec son nom de famille ? Est-ce dans ce monde légendaire et fantomal où les femmes, suivant l’expression célèbre d’un rapport de la censure théâtrale, « ne tutoient pas leurs amants » ? […] Hervieu ne présentait guère, avec les fonds de tableaux indispensables, que la liaison d’un clubman et d’une jolie femme, qu’un vif tableau de mœurs surmenées, adultère, avortement, ruine et revolver. […] Mais un honnête homme, une honnête femme qui ont des échéances et qui souffrent cœur à cœur, cela existe aussi, et, dût le tirage être moins flatteur, cela mérite d’être étudié, ressenti, et exprimé par un artiste.

743. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Plus l’homme se développe par la tête, plus il rêve le pôle contraire, c’est-à-dire l’irrationnel, le repos dans la complète ignorance, la femme qui n’est que femme, l’être instinctif qui n’agit que par l’impulsion d’une conscience obscure. […] Voilà pourquoi la religion n’est plus maintenue dans le monde que par la femme. La femme belle et vertueuse est le mirage qui peuple de lacs et d’allées de saules notre grand désert moral. […] La femme nous remet en communication avec l’éternelle source où Dieu se mire.

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