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327. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Il est fait comme nous extérieurement, il naît comme nous ; mais c’est un être extraordinaire, et, pour qu’il existe dans la famille humaine, il faut un décret particulier, un fiat de la puissance créatrice. […] La famille du comte de Maistre l’avait enfin rejoint en Russie. […] Il s’arrêta pendant quelques mois dans sa chère Savoie, au sein de cette famille d’élite qui lui faisait une cour de tendresse et d’honneur. […] Son nom fut pour sa famille son plus bel héritage. […] L’aristocratie lui plaît comme image de la monarchie innée dans la famille ; la démocratie lui soulève le cœur de mépris comme élément d’abjection ou de révolte.

328. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

On présume que ce second nom d’Horatius était le nom de la famille romaine dont le Samnite Flaccus avait été autrefois l’esclave. […] Ce sont les chaînes douces de la vie ; il ne voulut pas même porter le poids d’une tendresse sérieuse ou d’une famille à élever. […] L’Inde, la Grèce et Rome leur reconnaissaient un rang social, inférieur aux femmes chastes légitimement mariées et mères de famille (matrones), mais supérieur aux femmes de débauche perdues dans la fange de la population des faubourgs. […] Ces liaisons étaient tolérées ; bien que licencieuses, on les excusait dans la jeunesse, dans l’âge mûr on les condamnait ; c’était un scandale, mais non un crime, dans une civilisation qui n’imposait qu’aux mères de famille la vertu de la chasteté, cette dignité de la femme. […] Sa maison de Rome, son petit domaine de la Sabine, sa villa de Tibur devinrent des biens de la famille impériale.

329. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Sa famille appartenait à cette vieille bourgeoisie française qui avait la distinction des mœurs de la noblesse sans en avoir les légèretés et les vices. Son père occupait un de ces modestes emplois publics du fisc royal, apanage habituel de ces familles. […] Les deux familles étaient lettrées de profession, religieuses de cœur. […] Leur mérite et leur sainteté répandaient leur bonne odeur jusque dans les familles pieuses de la Ferté-Milon. […] Il éleva dans l’ombre et dans la piété une famille chrétienne à laquelle il ne songea à laisser pour héritage que sa religion pour toute gloire.

330. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Il y a un air de famille incontestable entre Hamilton, Saint-Évremond et Alfred de Musset ; cœurs de même grâce, esprits de même sève, philosophes de même insouciance, si on peut appliquer à l’insouciance le nom de philosophie. […] Mes mains tombèrent par hasard sur ces cinq volumes poudreux de Saint-Évremond, dans une vieille bibliothèque de famille, chez un de mes oncles, curieux de reliques d’esprit. […] En remontant avec attention le cours des générations dans les plus humbles familles, on retrouve presque toujours dans la première goutte du sang la source de la dernière. […] Ceci ne contredit point la démocratie, cela peut l’honorer au contraire, car il y a une noblesse de sentiments et de mœurs dans toutes les conditions, et toutes les familles ont des ancêtres sous le chaume comme dans le palais. […] Depuis quinze ans il s’était retiré de tout, du monde, de l’amour, de la poésie même, de tout excepté de la famille et des amitiés qui lui étaient restées pieusement fidèles.

331. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Ces dignes gens ont là-haut des solitudes et de douces cabanes, ce qu’on appelle le Mayen de la famille ; ils se hâtent d’y monter dès qu’avril a fondu les neiges, et ils ne redescendent plus à Sion qu’à l’approche de l’hiver. Töpffer nous montre, chez ces familles fidèles au cul le du passé, la vie paisible, régulière, patriarcale, l’oubli du siècle qui serait amer à trop regarder, et qui n’émancipe les uns qu’en froissant les autres. […] Douze ans après, au lit de mort lui-même, et durant sa dernière maladie, Töpffer revenait sur cette méditation, sur cette énigme de la destinée, dont il avait désormais une pleine conscience, et il la dénouait, selon sa mesure, en homme de famille, en époux et en père, pieux, résigné et saignant : « Renoncer au monde, si l’on prend le précepte à la lettre, disait-il, c’est fausser sa destinée en dépravant sa nature. Renoncer au monde, si l’on prend le précepte dans son esprit, c’est faire en toutes choses une part à la vie et une part à la mort, et cela jusqu’au dernier soupir. » — Dans la première partie de son explication, Töpffer n’a pas assez senti, je le crains, tout le mystère de la vie cachée, de la vie des antiques ermites et des Pères du désert ; mais il est impossible de mieux faire la part de l’homme de la société et du père de famille mourant.

332. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

C’est une famille pour qui je me suis toujours senti un profond respect, en qualité de poète et de malade. […] Il n’est ni magistrat, ni financier, ni père de famille, ni mari ; il est homme du monde. […] Les grands hommes n’ont jamais vécu dans les cercles de la bonne compagnie ; ils y paraissent, mais les entraves dont elle accable l’homme supérieur l’en écartent : il vit en famille, avec sa maîtresse (voilà la marque et le petit signe libertin du xviiie  siècle, qui se mêle à tout), avec des amis particuliers ; il cherche la confiance, et il n’a pas besoin des petits succès de la société pour s’assurer de sa valeur… Ce qui ne peint pas moins M. de Meilhan que son moment de société, c’est que dans ce regret général qu’il exprime de voir les caractères s’effacer de la sorte, il trouve moyen de songer même à la disparition prochaine des grands fats et des Alcibiades qui vont chaque jour en diminuant ; il le dit d’ailleurs d’une manière piquante : Il est des genres dans la société qui se perdent ; c’est ainsi que certains poissons, après avoir longtemps abondé sur les côtes, disparaissent pour des siècles. […] Il était dans le vrai : les deux extrêmes déshonorent par leur scandale. » — Eh bien, ce mot cité par M. de Meilhan était un mot même de son frère Sénac, le fermier général, parlant à sa femme ; c’était un mot de famille.

333. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Sur le char même, à côté du père de famille, un jeune homme se dispose à déployer les toiles, et une belle jeune femme, tenant sur son sein un enfant à la mamelle, s’élève dominant la scène comme une apparition majestueuse qui préside aux moissons. […] Pourtant il vit bientôt qu’il n’y réussirait pas à son gré : les masques alors, qui l’avaient séduit et tenté, le gênèrent ; eux qui devaient être la partie principale dans son tableau, ne furent bientôt plus que l’accessoire ; les pêcheurs prirent la première place, et, de remaniements en remaniements, il en vint à chasser tout à fait l’idée vénitienne et joyeuse, l’idée du carnaval, pour ne laisser dominer que la pensée grave qui réfléchissait la sienne propre, la tristesse des adieux, la famille, le péril au loin sur les flots. […] Qu’il les termine enfin à son honneur, et alors sa saison d’Italie, sa période de lutte, d’illusion, de jeunesse et de conquête sera close : l’homme du Nord, l’homme de famille reparaîtra et se donnera une satisfaction trop différée ; il s’en retournera volontiers vivre dans ses montagnes avec son frère et ses sœurs : il y découvrira une Suisse pittoresque peut-être ; il s’y nourrira d’affections paisibles. […] Marcotte, ce que Mme Walckenaer m’a dit souvent, que les soucis, les chagrins que l’on peut trouver dans l’état du mariage sont si vifs, qu’elle n’oserait conseiller à personne de prendre l’obligation si sérieuse d’élever une famille !

334. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Son père, trésorier de l’extraordinaire des guerres, était natif de Montpellier, et sa famille paternelle était toute du Midi, de Montpellier, de Castres ou d’Albi, assez ancienne et tenant à la noblesse. Mme Ramond, mère de celui qui nous occupe, était Allemande, d’une famille originaire du Palatinat. […] L’université de Strasbourg était alors très fréquentée par des jeunes gens de famille venus de l’Allemagne et du Nord. […] toi que ta famille et ta patrie ont rejetée, parce que ton âme valait mieux que les âmes qui t’environnaient ; toi qui ne reçut de la gloire que le sceau d’infortune qu’elle imprime à ses favoris ; toi que n’ont pu consoler ni l’admiration stérile de ta nation, ni l’impuissante amitié de ceux qui connaissent ton cœur ; innocente victime !

335. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Maurice de Guérin descendait d’une ancienne famille noble, originaire de Venise, dit-on, mais établie depuis des siècles dans le midi de la France. […] Cette famille revendique l’honneur d’avoir donné des grands maîtres à l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, des cardinaux à l’Église, et un troubadour au beau ciel languedocien. « Garins d’Apchier, disent les manuscrits cités par Raynouard, fut un gentil châtelain du Gévaudan, vaillant et bon guerrier, et généreux, et bon trouvère et beau cavalier ; et il sut tout ce qu’on peut savoir du bel art de galanterie et d’amour. » Il passe même pour avoir inventé une forme nouvelle de poésie. […] Jamais ville plus déserte, plus noire, plus ennuyeuse, malgré les charmes qui l’habitent, Marie et son aimable famille. […] Voilà ma vie brisée, mais appuyée ; et puis les douceurs de la famille, les consolations domestiques, une église pour prier, c’est assez de quoi bénir Dieu et passer sereinement les jours qui restent.

336. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Ce sont des lettres sans fin et de tout l’univers, des questions à répondre, des mémoires à examiner… » Il ressort de cette correspondance qu’il y avait quelque chose qu’il aimait encore mieux que ses ouvrages ou du moins autant : vivre avec ses amis, les posséder, vaquer à ses devoirs et à ses relations de père de famille, de bon voisin, de propriétaire, d’administrateur et d’homme. […] Il les a distingués, électrisés, appliqués et mis en valeur chacun dans son emploi ; en se les associant il les a adoptés, l’un comme frère et l’autre comme fils, dans sa famille spirituelle ; jamais la question d’amour-propre ne s’est élevée entre eux et lui : que lui demandons-nous de plus ? […] Le père de famille antique et presque romain se lève ici de toute sa hauteur et commande avec l’autorité de ses cheveux blancs. […] Nadault de Buffon qui appartient, comme son nom l’indique, à la famille du grand écrivain, et qui est son arrière-petit-neveu.

337. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

La stabilité et la tradition permettaient à ces utiles existences, dénuées d’avancement, de se continuer et de se transmettre, en quelque sorte, dans la même famille : on tenait le fil, on avait le secret des affaires et le chiffre ; on se le passait de la main à la main. […] Il s’était attaché à la convaincre que l’Empereur Napoléon n’avait point le dessein de détrôner sa famille ; que, si elle lui revenait sincèrement, loyalement, il oublierait tous ses torts et lui assurerait son amitié. […] Reinhard, ministre plénipotentiaire, homme de savoir et de mérite, que l’Empereur avait investi d’une mission de confiance dans cette ambassade de famille. […] En classant les notes innombrables que le jeune attaché avait recueillies dès ce temps dans la mine inépuisable des Archives, son digne fils (car on est dans cette famille à la troisième génération diplomatique) me faisait remarquer combien la jeunesse de son père avait été laborieuse, et avec quel soin il s’était appliqué, pour mieux comprendre l’Europe moderne, à étudier jusque dans ses plus minutieux détails et aux sources les plus authentiques l’Europe du xviiie  siècle, celle du cardinal de Fleury, de Marie-Thérèse, de Frédéric le Grand, du duc de Choiseul.

338. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Une compagnie d’honnêtes gens, aimant les lettres, y arrivant, y revenant de bien des côtés, se plaisant à en causer dans leur âge mûr, ou sur leurs vieux jours, s’y réconciliant, s’il le faut, et croisant sur un même point, sur un mot de vocabulaire, des pensées d’origine bien diverse, ainsi je me figure la réunion de famille et le tous-les-jours de l’Académie. […] S’il n’eut pas les écoles, il eut la famille. […] Le lendemain de l’exécution, sa mère, sa famille et lui, fils unique, étaient mis hors de l’hôtel Molé, et dépouillés de tout, à la lettre, par confiscation nationale. […] Molé, qui avait retrouvé toutes les relations naturelles de sa famille, y joignit des amitiés littéraires illustres et toutes particulières.

339. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Il reçut tous les soins affectueux et l’éducation de famille ; son père était négociant ; un oncle, frère de son père, qui logeait sous le même toit, donna à l’enfant les premières notions de latin, et on l’envoya bientôt suivre les classes au collège. […] Des sentiments de famille naturels et purs, une facilité de talent non combattue, bientôt l’émotion rapide, mobile, du plaisir et de la rêverie, c’est là le fonds entier de sa jeunesse, ce sont les caractères qui, en simples et légers délinéaments, pour ainsi dire, vont passer de l’âme de Millevoye dans sa poésie. […] Après chaque livre ou chaque prix, il achetait de jolis cabriolets, avec lesquels il courait de Paris à Abbeville, pour y voir sa mère, sa famille, ses vieux professeurs ; il se remettait au grec près de ceux-ci. […] Ce petit trait rappelle de loin la belle carpe que Racine, en réponse à une invitation de M. le Duc, montrait à l’écuyer du prince, et qu’il tenait absolument à manger en famille avec ses pauvres enfants, le grand Racine qu’il était.

340. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Le duc de Reichstadt, qui allait avoir vingt ans, élevé avec beaucoup de soin par des hommes instruits qui avaient cultivé en lui ses nobles instincts et qui les avaient fortifiés par des études positives, n’avait encore paru que dans les réunions de la famille impériale et les fêtes de la Cour. […] Par le bas du visage il tenait plutôt de sa mère et de sa famille allemande. […] Le général Bonaparte avait en résidence auprès de lui un envoyé du gouvernement vénitien, nommé Dandolo, non pas de la famille des illustres doges, mais d’une famille bourgeoise de juifs convertis, et qui avaient pris, comme c’était assez l’usage, le nom de leur parrain.

341. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

À Versailles, à deux pas de la Cour, Ducis resta de tout temps un homme de la Savoie, au cœur d’or, aux vertus de famille, sans un jour de désordre ni d’oubli dans les mœurs, chrétien, catholique, pratiquant, aimant à faire des tournées de campagne dans les presbytères des bons curés des environs, et passant de là sans discordance au théâtre, se souvenant de son pays originaire, du village de Hauteluce (Alta lux) voisin du ciel, et, les jours de fête, s’inspirant, dans sa pieuse vision, du désert de la Grande-Chartreuse et des abeilles de la montagne. […] Un sentiment de famille se mêlait sans cesse à cette joie chrétienne du solitaire, et venait la tempérer par quelques regrets : il se reportait à son enfance, aux années meilleures, à ses jouissances de fils, de père et d’époux : Les mœurs ne s’apprennent pas, c’est la famille qui les inspire. […] La Providence est visiblement sur les berceaux… Le bonheur d’une famille vertueuse est un chef-d’œuvre de la Providence.

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