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205. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Duguet, Rollin, sont en revanche extrêmement loués, et rangés ensemble, avec un petit nombre, « dans la douce famille des esprits conservateurs ». […] La famille seule cultive le cœur. […] Goethe l’a vu et l’a exprimé avec sa supériorité de critique et de naturaliste : « Lorsqu’une famille s’est fait remarquer, dit-il, durant quelques générations par des mérites et des succès divers, elle finit souvent par produire dans le nombre de ses rejetons un individu qui réunit les défauts et les qualités de tous ses ancêtres, en sorte qu’il représente à lui seul sa famille entière.

206. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Chauffée donc à cette double flamme de la représentation avec son éclat et du feuilleton avec son incroyable lyrisme, la société, qui est une femme (car, c’est vrai, les femmes font les mœurs, mais lorsqu’elles ne les défont pas), perd chaque jour ce qui lui restait de goûts simples et de vertus fortes, et c’est ainsi que le théâtre brise deux fois la famille, — par ses pièces et par ses acteurs. […] Qu’elle se rappelle aussi qu’elle est une mère, et que la question posée ici est une question de mère de famille à enfants. […] Ni Crassus ni personne, même quand Rome, comme une femme qui se jette du haut d’une tour, se précipitait dans sa dernière heure, ne songea une minute à introduire la comédie dans la famille et à la faire jouer par sa femme, ses filles et ses fils. […] Demandez-lui enfin, à cette Église, qui se connaît en passions, qui jauge éternellement le cœur et les reins de l’homme de ses mains puissantes, si la pureté des cœurs et toutes les vertus de la famille ne sont pas menacées de périr dans ces comédies, qui chauffent à blanc toutes les vanités en concentrant le feu de tous les regards sur elles ?

207. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

La gloire et la force du peuple américain, c’est la bâtardise : « La transplantation des races européennes — dit-il, l’anti-Européen, — a eu pour premier effet sinon de dissoudre entièrement, au moins d’affaiblir le principe de la famille. » Et plus bas, devenant plus explicite, il ajoute : « Le passage de l’Européen outre-mer a toujours eu pour cause une protestation contre l’autorité paternelle, une déclaration d’indépendance individuelle, une sorte d’assimilation à l’état de bâtardise. » Et le singulier penseur, qui lit l’histoire les yeux retournés, non seulement ne voit pas les conséquences éloignées du vice originel de l’Amérique, mais, lui qui parle tant de réalité, il ne voit pas même les réalités présentes ; car, à l’heure qu’il est, tout le monde sait, sans avoir eu besoin d’aller en Amérique, que le peuple américain est un peu gêné en ce moment par son heureuse bâtardise ; que la question de l’indigénat est une des plus grosses questions qui aient jamais été agitées dans les États de l’Union, et que cette question n’est pas autre chose que la nécessité — sous peine de dissolution complète — de se faire une espèce de légitimité contre l’envahissement croissant de toutes les bâtardises de l’Europe, contre le flot montant des immondices qu’elle rejette ! […] Il est douteux aussi — du moins, nous le croyons, — qu’ils admettent sans un modeste embarras la conclusion, logiquement très bonne, mais historiquement suspecte, que Bellegarrigue sait tirer de cette absence de la famille aux États-Unis : « L’autorité paternelle — dit-il — ayant abdiqué en Amérique, sinon en totalité, du moins en grande partie, il est arrivé que la famille n’y existe pas… et que l’extrême civilisation autorise les mœurs à ressaisir la simplicité de l’état sauvage. » Mais cet éloge, une fois jeté en passant, des Américains, qui ne sont pas l’objet spécial du livre, l’auteur revient aux femmes d’Amérique ; car sans la femme, nous dit-il avec une galanterie vraiment philosophique, la masculinité ne serait pas ! et dans cette absence féconde et bienfaisante de la famille, il nous montre ce qui la remplace avec une si grande supériorité.

208. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

un tableau de famille. du même. […] Je n’ai jamais entendu faire autant d’éloges d’aucun tableau de Van Loo, de Vernet, de Chardin que de ce maudit tableau de famille de Lépicié, ou d’un autre tableau de famille, plus maudit encore, de Voiriot ; ces indignes croûtes ont entraîné le suffrage public et j’avais les oreilles rompues des exclamations qu’elles excitaient.

209. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Dans la famille se développait un goût d’artistique curiosité. […] Sa famille de petits bourgeois et de fonctionnaires était de longue date racinée dans le pays. […] Cette famille s’essaya lentement à créer le génie de celui qui vient de l’anoblir, et par M.

210. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Cette autorité qui appartient aux pères dans l’état de famille, appartient aux sénats souverains dans les aristocraties héroïques. […] Sans l’attrait d’un tel intérêt privé identifié avec l’intérêt public, comment ces pères de famille à peine sortis de la vie sauvage, et que Platon reconnaît dans le Polyphème d’Homère, auraient-ils pu être déterminés à suivre l’ordre civil ? […] Elles restaient d’autant plus facilement cachées dans l’état de famille, qu’elles se conservaient dans un langage muet, et ne s’expliquaient que par des cérémonies saintes, qui restèrent ensuite dans les acta legitima.

211. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Ce puits où il est tombé a tué des centaines d’hommes, des pères, des maris, des fils qui faisaient vivre des centaines de familles. […] Nous avons la religion de la famille, et nous ne voulons pas que la littérature peigne les passions qui attaquent la vie de famille. […] Il est tendre, il est bon, il s’abandonne aux effusions de famille. […] Les vertus de famille sont en honneur aujourd’hui ; il faut s’en affubler. […] Mais la poésie et la vie de famille prouvent qu’ils n’y réussissent qu’à demi.

212. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

La famille ? […] Dans Rosine, il faisait absoudre l’amour libre par un père de famille ; il le fait absoudre, dans Mariage bourgeois, par une jeune fille bourgeoise. […] Comme les affaires de la famille Tasselin avaient été gâtées par la vertu d’une irrégulière, c’est la bonté d’âme d’un irrégulier qui les rétablit. […] Pétermann et ses préoccupations de père de famille, les ai-je donc inventés ? […] Un ministre n’est qu’un père de famille chargé de faire de la morale aux autres et de les enterrer.

213. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Ce sera peut-être la révolution naturelle de la propriété, de l’héritage et de la famille. […] Il y a là, à côté de nous, à une table, un famille bourgeoise avec trois enfants et une petite bonne. […] Oui, une habitude du passé, qui, certains jours, faisait entrer le domestique dans la famille. […] Oui, il était excessivement paternel et bon pour les gens de sa famille. […] Me voici dans ma famille, famille où en dépit des 44 ans de mon frère et de mes 36 ans, on nous appelle les enfants.

214. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soulié, Frédéric (1800-1847) »

. — La Famille de Lusigny (1831). — Les Deux Cadavres (1832). — Le Port de Créteil (1833). — L’Homme à la blouse (1833). — Le Roi de Sicile (1833). — Une aventure sous Charles IX (1834). — Le Magnétisme (1834). — Le Vicomte de Béziers (1834). — Les Deux Reines (1835) […] — Au jour le jour (1844). — Les Talismans (1845). — Les Étudiants (1845). — La Closerie des Genêts (1846). — Les Drames inconnus (1846). — Les Aventures d’un cadet de famille (1846). — La Comtesse de Mourion (1847). — Huit jours au château (1847).

215. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

À la naissance du Dauphin, les Augustins de Montmorillon en Poitou ont payé de leurs deniers les tailles et corvées de dix-neuf pauvres familles. […] Bouillé estime que toutes les vieilles familles, sauf deux ou trois cents, sont ruinées63. […] Telle famille a pour tout bien une métairie « qui n’atteste sa noblesse que par un colombier ; elle vit à la paysanne et mange du pain bis ». […] Presque toutes les familles puissantes et accréditées en sont68, quelle que soit leur origine et leur date. […] Selon lui, toutes les vieilles familles nobles, « sauf deux ou trois cents au plus, étaient ruinées.

216. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Il aurait dû réclamer légalement le nom de Brunacci, famille plus illustre de Sienne que la famille Consalvi à Rome ; il n’en fit rien par respect pour son père, et persuadé, dit-il, que la plus précieuse noblesse est celle du cœur et des actions. […] Nous penchions l’un et l’autre vers l’état ecclésiastique, moi plus que lui cependant ; c’est pourquoi j’embrassai cette carrière, quoique je fusse l’aîné de la famille. […] Ayant rendu à Sa Sainteté les actions de grâces qui lui étaient dues, je crus de mon devoir de lui en garder, ainsi qu’à sa famille, une éternelle reconnaissance. […] Dès que les quinze jours furent écoulés, le commissaire grand-ducal me força de quitter Sienne, et je me séparai avec chagrin de cette famille, que j’aimais beaucoup. […] Chiaramonti affectionnait très vivement la famille Braschi, dont on le croyait assez proche allié.

217. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Nul député, nul écrivain n’exprimera librement sa pensée s’il peut être banni quand sa franchise aura déplu ; nul homme n’osera parler avec sincérité, s’il peut lui en coûter le bonheur de sa famille entière. […] Mais son amant s’épouvante de la splendeur même de son idole ; il craint avec raison que cette divinité d’intelligence ne puisse redescendre sur la terre au rôle modeste d’épouse obscure et de mère de famille. […] Indépendamment de ses opinions anglaises, qui la portaient à favoriser l’établissement d’un régime représentatif en France pour corriger une longue servitude et pour retremper les mœurs avilies par le despotisme, elle avait un grand intérêt de famille à complaire au roi. […] Ces deux millions, englobés dans les banqueroutes générales de la révolution, ne pouvaient être restitués à la famille de M.  […] Va donc en paix, mon enfant, abandonne ta famille et la maison paternelle ; suis le jeune homme qui maintenant te tiendra lieu de ceux à qui tu dois le jour ; sois dans sa maison comme une vigne féconde, entoure-la de nobles rejetons.

218. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Il appartenait à une famille aisée. […] (Famille Benoîton […] quoi de la famille ? […] Sur le vieux père de famille : « Ah ! […] N’ayant pas de famille, ils n’ont pas éprouvé le besoin de s’en faire une.

219. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Charles-Victor de Bonstetten, né à Berne le 3 septembre 1745, descendait de l’une des familles les plus anciennes de l’Helvétie et qu’on voit poindre dès le xie  siècle. […] Braves chevaliers, prodiguant leur vie sur les champs de bataille, il semble pourtant qu’un caractère de douceur et de modération ait été le trait distinctif de la famille : selon la remarque de M.  […] Le puissant canton de Berne, on le sait, était une république fortement aristocratique, qu’on a pu rapprocher pour la sagesse de celle de Venise et qui se régissait en vertu de maximes et de pratiques héréditaires conservées avec un soin jaloux dans un certain nombre de familles habituées à se considérer comme partie intégrante du Souverain. […] Après les premières années passées à Berne, dans un état de contrainte et de souffrance due à la rudesse des mœurs domestiques, et à la grossièreté des mœurs scolaires, le jeune Bonstetten, vers l’âge de quatorze ans, fut placé à la campagne près d’Yverdun, dans une famille composée de trois sœurs et de deux frères, « tous aimables, bons, tous le chérissant comme leur enfant ». […] Il faut ou bien qu’il ait l’esprit dérangé (ce qui est trop possible), ou qu’il ait fait quelque étrange chose qui aura exaspéré toute sa famille et ses amis de là-bas, ce qui (je le crains) est également possible.

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