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527. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

On oublie toujours que, dans l’ordre moral, nous ne pouvons avoir de certitude proprement dite, mais seulement le désir ou plutôt le besoin que ce que nous jugeons le meilleur existe  besoin dont l’intensité se traduit en affirmation. […] Il y a la raison, et la raison n’existe pas sans les hommes.

528. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Sans doute, le sentiment délicat qui éleva Jean-Baptiste, Jésus, saint Paul, au-dessus des mesquines idées de races n’existait pas encore ; par une étrange contradiction, ces convertis (prosélytes) étaient peu considérés et traités avec dédain 90. […] Aucun pouvoir dogmatique analogue à celui que le christianisme orthodoxe a déféré à l’Église n’existait alors.

529. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Il en est ainsi de l’intelligence ou conscience rudimentaire qui, à l’origine, existait dans les ganglions inférieurs. […] Si la sensibilité n’existait pas dans les vertèbres sous une forme rudimentaire, elle n’aurait pu, par une évolution graduelle, se développer dans le cerveau, qui n’est qu’une vertèbre grossie.

530. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

De tout ce qui précède, nous pouvons conclure le caractère éminemment sociable du vrai critique, qui doit s’adapter à toutes les formes de société, non pas seulement à celles qui ont existé historiquement, mais à celles qui peuvent exister entre des êtres humains et que toute œuvre de génie exprime par anticipation.

531. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

Jules Falret qui dans la médecine mentale soutient dignement le nom paternel, que les lésions les plus légères des membranes ou de la surface du cerveau sont accompagnées des troubles les plus marqués des fonctions intellectuelles, motrices et sensitives, tandis que les lésions les plus considérables peuvent exister pendant de longues années dans l’encéphale sans déterminer de perturbation notable des fonctions cérébrales, quelquefois même sans donner lieu à aucun symptôme appréciable… Comment comprendre en outre l’intermittence fréquente des symptômes coïncidant avec la constance des lésions34 ?  […] Leuret fait observer avec raison que dans ce cas, la folie étant compliquée d’une maladie évidemment organique, on n’en peut rien conclure pour les cas où la folie existe seule sans complications.

532. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre I : Une doctrine littéraire »

A la vérité, ce n’est pas là l’homme du temps d’Homère, de même que la Phèdre de Racine n’est pas la femme du temps d’Homère ; mais c’est l’humanité telle qu’elle s’est développée avec le temps, telle qu’elle existait déjà au temps où fut écrit le mystérieux, le sceptique, le mélancolique écrit de l’Ecclésiaste. […] Ce que vous appelez d’ailleurs la raison est une pure abstraction ; ce qui existe réellement, c’est ma raison, votre raison, la raison de Pierre ou de Paul.

533. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

D’Alembert aurait aujourd’hui le sort de Varignon et de Duhamel, dont les noms encore respectés de l’École n’existent plus pour le monde que dans les éloges académiques, s’il n’eût mêlé la réputation de l’écrivain à celle du savant. […] Heureusement il existe une autre géométrie, une géométrie intellectuelle.

534. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

elle existe encore, mais ce n’est plus l’homme pervers, c’est le sage qui se déguise. […] Non, Messieurs, la comédie est éternelle ; elle ne cessera d’exister que le jour où tous les hommes seront parfaits, et rien n’annonce encore qu’elle doive finir de sitôt.

535. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VI. Du trouble des esprits au sujet du sentiment religieux » pp. 143-159

Si, dans le siècle dernier, il y avait quelque prétexte pour excuser le cynisme de Voltaire, quoique la morale passe avant tout, le prétexte n’existe plus. […] Les sociétés anciennes n’auraient pu subsister, sans l’esclavage, parce que les idées morales, qui n’existent que depuis le christianisme, peuvent seules contenir une multitude chez qui est la force par le nombre, et en qui le besoin de l’égalité tend toujours à développer tous les instincts antisociaux.

536. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

La première, — par la date et par le talent — de ce temps, avant lequel il y eut bien des femmes qui écrivirent, mais où ce qu’on appelle le Bas-Bleuisme n’existait pas encore… Aussi, quand ce livre de Weymar et Coppet, qui n’a, d’ailleurs, de supériorité d’aucun genre, parut, il y a quelques années, il n’en attira pas moins l’attention de la Critique parce qu’il parlait de Mme de Staël. […] C’est en effet, pour ceux qui ne se payent pas de mots et d’apparences, le génie le plus femme qui ait jamais peut-être existé.

537. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Les pédants, qui se moquent de nous, ont glosé fort à leur aise sur Hypatia, l’Alexandrine, dont les écrits n’existent plus, et qui, d’ailleurs, n’avait écrit que des Commentaires sur Diophante et les Coniques d’Apollonius de Perge, Travail à la suite ! […] Je n’ai pas l’honneur de connaître Mlle Bader ; mais je me figure une fille tempérante, estimable, ayant plus de moralité dans le talent que de talent même, lequel n’eut jamais, chez elle, les chaudes couleurs de la jeunesse et manqua toujours de la beauté du diable ; car la beauté du diable existe chez les femmes pour l’esprit autant que pour le visage.

538. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Ainsi, parce que la centralisation administrative existait en un certain degré sous l’ancienne monarchie, il s’est imaginé que cette centralisation était une institution de l’ancien Régime, et non plus l’œuvre de la Révolution et de l’Empire. […] Cela conduisit, affirme-t-il, aux conséquences les plus singulières, et il en cite quelques-unes, qui sont fort simples, et qui peuvent se ramener à ceci : qu’on ne s’entendit pas. « La nation — dit-il alors avec une superficialité inouïe — ne tenant plus debout dans aucune de ses parties, un dernier coup put la mettre en branle… et produire le plus vaste bouleversement et la plus grande confusion qui ait jamais existé. » Telle est la thèse de Tocqueville, et, comme on le voit, elle est assez mince.

539. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

C’est, en effet, la prétention des whigs depuis qu’ils existent — et on peut dire l’année et presque le jour où ils ont été mis dans le monde — que l’Angleterre, telle que la révolution de 1688 l’a faite, est toujours la vieille Angleterre, l’Old England des premiers temps ! […] Hume ne permet pas d’en douter : « C’est sous Jacques — dit-il — que les points si longtemps en question entre le roi et le peuple furent finalement (finally) déterminés. » La prérogative fut circonscrite, et plus définie que sous les autres périodes du gouvernement anglais, ce qui veut dire, pour qui sait comprendre, que cette prérogative existait, soufferte, c’est-à-dire consentie, et, dans ce cas-là, circonscrire, n’était-ce pas innover ?

540. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Blaze de Bury est un psychologue, et il ne fait si grand cas de Plutarque parmi les historiens de l’Antiquité que parce qu’il est un psychologue, ayant bien plus pour visée le vrai humain que le vrai historique… Pour lui, l’histoire, en fin de compte, n’est qu’un art, comme la peinture et la statuaire, — et comme l’art n’existerait pas et qu’il ne serait qu’une abstraction sans l’artiste, voilà qu’une telle définition tue, d’un seul coup, l’histoire, mais au profit de l’historien ! […] Esthétiquement, elle n’existe pas, je le veux bien ; mais telle qu’elle est, elle est l’Histoire… L’Histoire sans historien pour l’heure, mais, soyez tranquille !

541. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

On peut l’affirmer avec sécurité, tout le temps qu’il n’y aura pas pour l’éternelle et péremptoire instruction des générations un Mémorial de Yuste comme il y a un Mémorial de Sainte-Hélène (et il paraît que cette grande confession à la Postérité qui tente les âmes les plus fortes, en fait de grands hommes, et qui avait aussi tenté Charles-Quint, n’existe plus), on n’aura le mot des questions que soulève ce mystère à demi voilé qui s’appelle le Charles-Quint de Yuste dans l’histoire, qu’en le demandant à l’Espagne, après l’avoir demandé à lui-même, car lui seul, il ne répond pas ! […] Si le politique Charles-Quint, mi-parti d’Autrichien, de Flamand, de Bourguignon, et dont le génie, mêlé au génie de plusieurs races, était écartelé comme son blason impérial, si ce Charles-Quint ne fut pas un moine et ne songea jamais à l’être, malgré la piété très profonde de toute sa vie, l’Espagne était, elle, qu’on nous passe le mot, une nation moine (una monja), et tellement moine d’éducation, d’habitude et de préjugés, que c’est à l’influence de cette nation cloîtrée dans des mœurs religieuses comme il n’en avait peut-être existé nulle part, que Charles-Quint dut ces impulsions monastiques dont la philosophie a été la dupe, et qui étaient parfaitement contraires à la nature positive et tout humaine de son génie.

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