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468. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Mais alors elle est inobservable, car l’observation pure, par la mémoire, ne la donne pas, et l’expérimentation directe est exposée à des erreurs qui nous empêchent d’accorder confiance à son témoignage. […] Même sujet : confirmation par les erreurs de la perception externe. […] De ces deux erreurs, la première est très fréquente, et ce qui, en pareil cas, séduit l’esprit à juger à faux, c’est évidemment la perturbation des lois que nous venons d’établir. […] 16 Dans l’hallucination, l’erreur provient de ce que la parole intérieure est alors, par exception, un état fort, et elle est confirmée par l’imprévu du phénomène et l’absence de toute relation avec la série antécédente des états faibles. […] Paulhan, L’erreur et la sélection, dans la Revue philosophique, juillet 1879, p. 82.

469. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Mais s’il eut à un moment ces velléités d’enthousiasme, comme semble l’attester son admiration de jeune homme pour Campanella, elles furent courtes chez lui ; il retomba vite à l’état de lecteur contemplatif et critique, notant et tirant la moralité de chaque chose, repassant tout bas les paroles des sages, et, pour vérité favorite, se donnant surtout le divertissement et le mépris de chaque erreur. […] Vers cette année-là, en effet, « le roi étant à Fontainebleau, le royaume tranquille et Mansfeld227 trop éloigné pour en avoir tous les jours des nouvelles, l’on manquoit de discours sur le change », enfin les sujets de conversations par toutes les compagnies étaient épuisés, lorsqu’un mystificateur ou un fou s’avisa de remuer tout Paris par une affiche placardée aux coins de rue et qui annonçait la venue mystérieuse des frères Rose-Croix pour tirer les hommes d’erreur de mort, et révéler le grand secret final. […] Le chapitre VII, dans lequel il commente à sa guise le conseil d’Aristote, que celui qui veut se réjouir sans tristesse n’a qu’à recourir à la philosophie, nous le montre, au milieu de cette fougue du temps, savourant ce profond plaisir du sceptique qui consiste à voir se jouer à ses pieds l’erreur humaine, et laissant du premier jour échapper ce que, vingt-cinq ans plus tard, il exprimera si énergiquement dans le Mascurat  : « Car, à te dire vrai, Saint-Ange, l’une des plus grandes satisfactions que j’aie en ce monde, est de découvrir, soit par ma lecture, ou par un peu de jugement que Dieu m’a donné, la fausseté et l’absurdité de toutes ces opinions populaires qui entraînent de temps en temps les villes et les provinces entières en des abîmes de folie et d’extravagances. » Aussi quelle pitié pour lui que la Fronde, et que toutes les frondes ! […] S’il y avait erreur de sa part à cela, comme il est bienséant aujourd’hui de le reconnaître, ce n’était pas à la cour romaine qu’il pouvait s’en guérir ; ce n’était point en quittant la France sous Richelieu pour la retrouver bientôt sous Mazarin. […] IV) il avait dit : « Il ne faut donc pas croupir dans l’erreur de ces foibles esprits qui s’imaginent que Rome sera toujours le siége des saints Pères, et Paris celui des rois de France. » Je trouve que, de nos jours, les sages eux-mêmes ne sont pas assez persuadés que de tels changements restent toujours possibles, et l’on met volontiers en avant un axiome de nouvelle formation, bien plus flatteur, qui est que les nations ne meurent pas.

470. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Mais en parlant de lui, comme de quelque chose distinct du groupe d’états psychiques, qui a produit l’impulsion, il tombe dans l’erreur de supposer que ce n’est pas l’impulsion qui a déterminé l’action. […] Elle absorbe, pour ainsi dire, la force de toutes les erreurs qu’elle a domptées ; et le respect que l’on a accordé sans examen à toutes ces erreurs en détail, ou le donne en gros à la raison ; il se change en une servilité telle que l’on ne songe jamais à demander les lettres de créance de ce pouvoir qui a chassé les erreurs. […] « Une erreur commune, dit-il, est celle qui consiste à confondre ceux qui suivent la méthode des sciences avec les positivistes, et à en faire des disciples d’Aug.

471. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

L’erreur est de croire qu’on passe, par accroissement ou perfectionnement, du statique au dynamique, de la démonstration ou de la fabulation, même véridique, à l’intuition. […] Telle est l’erreur ordinaire d’un intellectualisme radical. […] L’erreur de Nietzsche fut de croire à une séparation de ce genre : d’un côté les « esclaves », de l’autre les « maîtres ». […] C’est une erreur dangereuse que de croire qu’un organisme international obtiendra la paix définitive sans intervenir, d’autorité, dans la législation des divers pays et peut-être même dans leur administration. […] Elle se donne une représentation spatiale de la vie intérieure ; elle étend à son nouvel objet l’image qu’elle a gardée de l’ancien : d’où les erreurs d’une psychologie atomistique des états de conscience ; d’où les inutiles efforts d’une philosophie qui prétend atteindre l’esprit sans le chercher dans la durée.

472. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

et ne commet-on pas enfin une erreur assez grave sur la nature, sur le moment précis, et sur la portée de son action ? […] En voici le bref résumé : ceux qui ont attaqué la vérité de la science, en s’autorisant contre elle de ses erreurs, n’ont connu ni la nature de l’erreur, ni celle de la science. […] Car la méthode est infaillible, et si l’ancienne ignorance ne provenait que de ne l’avoir pas connue, l’erreur ne procédera désormais que de l’avoir mal appliquée. […] Heureusement que cela même nous avertit de leur erreur, el, si l’on peut ainsi dire, du point précis où ils la commettent. […] Disons-le plus nettement encore : la connaissance de la nature ne peut servir qu’à en éloigner l’homme social, et la grande erreur du siècle est d’avoir cru qu’elle l’en devait rapprocher.

473. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

XIV Ai-je besoin de noter le sophisme au milieu de ce pêle-mêle éblouissant de vérités et d’erreurs, où l’homme coupable se croit le droit de conclure à la condamnation de cette pauvre société, et le droit de haïr l’homme social parce qu’il ne se sent pas capable d’être assez libre si la société ne lui fait pas place pour le droit qu’il rêve et pour l’indépendance qu’il convoite ? […] Mais, au moment où Javert vient pour s’éclaircir et s’assurer de lui, il croit reconnaître son erreur, et la confesse honnêtement et franchement au maire Madeleine, en lui demandant pardon. […] Vous étiez sur le point de commettre une grande erreur ; lâchez cet homme ; j’accomplis un devoir, je suis ce malheureux condamné. […] XX Et la société est responsable de cette catastrophe du forçat et de la fille publique : double matière à indignation présentée au peuple ; Double erreur.

474. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

» leur dit le roi, « n’entretenez pas cette jeune femme dans son erreur, jamais je ne fus son époux. […] il ne règne aucune suite dans ses discours ; il confond jusqu’à leurs noms, et rougit ensuite de lui-même lorsqu’il vient à s’apercevoir de son erreur. […] Vois l’aveugle rejeter, plein de terreur, loin de lui la couronne de fleurs dont une main amie vient de parer sa tête, et que, dans son erreur, il prend pour un odieux serpent. […] Chère Sacountala, je te ferai le récit de cette aventure ; mais attends que la blessure de mon cœur soit un peu fermée : cependant laisse-moi essuyer cette larme, reste de celles que t’a fait répandre ma fausse erreur ; cette larme qui dépare ta figure ravissante.

475. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

On la remplacerait par des lexicographes, des poëtes, des étymologistes, des romanciers, des historiens, des philosophes et des savants qui recevraient la mission de faire un vrai dictionnaire, d’écrire les origines de la langue française, d’encourager toute tentative nouvelle et sérieuse, de veiller à la liberté du théâtre, de rédiger le Code encore attendu de la propriété littéraire, de préserver partout les intérêts de l’esprit humain, de signaler toute découverte, de faire l’Encyclopédie moderne, d’envoyer des missionnaires à la recherche de toutes les belles choses encore inconnues dans le monde, de traduire incessamment les chefs-d’œuvre des langues étrangères, de formuler la foi la plus haute, de combattre les erreurs et les préjugés qui subsistent encore, de rééditer nos grands poëtes et nos grands prosateurs, enfin de chercher le beau, le vrai et le bien par tous les moyens possibles. […] En acceptant tout entier l’héritage du judaïsme, en prenant pour premier point de départ les livres hébreux et toutes leurs erreurs naturelles, elle creusait sa tombe en même temps qu’elle bâtissait son berceau. […] J’ai rêvé l’union des gens de lettres ; j’ai rêvé qu’oubliant de vieilles dissidences, de sots malentendus et de puériles dissensions, ils s’assembleraient un jour sous le même drapeau, dans ce double et magnifique but d’agrandir l’esprit humain et de combattre l’Erreur. […] si cela était, quel siège on ferait à cette vieille et trop solide citadelle des erreurs invaincues encore ; comme on battrait ses murailles en brèche, comme on repousserait ses sorties, comme on affamerait la place en la forçant à vivre sur elle-même, comme on donnerait l’assaut avec des cris d’enthousiasme, et comme on planterait joyeusement son oriflamme sur la plus haute tour, afin que le soleil de Dieu pût se réjouir en la voyant de tous les coins de l’horizon !

476. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Vous ne retrouverez dans ces Mémoires que les principaux événements de notre vie commune : vous y verrez des erreurs que vous m’avez pardonnées, des mécomptes que vous avez prévus, et si votre nom ne s’y rencontre que rarement, vous savez qu’en écrivant les lignes qui suivent, votre pensée n’a pu me quitter un seul instant. » J’avoue que dans les Mémoires qui nous sont donnés, je ne vois pas trace d’erreurs dans le sens où on le pourrait supposer, dans le sens malin et français ; je n’y vois que des mécomptes.

477. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Mme de Staal avait glissé sur cet affreux détail ; mais elle l’avait trouvé aimable jusque dans les dernières années, et, malgré les erreurs de l’intervalle, elle n’avait pas cessé de rester soumise à l’ancien prestige. […] Nous ne devons nos goûts qu’à nos erreurs.

478. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

On est averti des penchants coupables, par toutes les réflexions, par toutes les circonstances, par tous les traités de morale ; mais lorsqu’on se sent une nature généreuse et sensible, on s’y confie entièrement, et l’on peut arriver au dernier degré du malheur, sans que rien vous ait fait connaître la suite d’erreurs qui vous y a conduit. […] Vous, nation éclairée, vous, habitants de l’Allemagne, qui peut-être une fois serez, comme nous, enthousiastes de toutes les idées républicaines, soyez invariablement fidèles à un seul principe, qui suffit, à lui seul, pour préserver de toutes les erreurs irréparables.

479. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Ce sont des esprits crédules, soit qu’ils se passionnent pour ou contre les vieilles erreurs ; et leur violence, sans arrêt, leur donne le besoin de se placer à l’extrême de toutes les idées, pour y mettre à l’aise leur jugement et leur caractère. […] L’homme éclairé, qui d’abord adopta la cause des principes, parce que sa pensée n’avait pu s’astreindre à respecter des préjugés absurdes, alors qu’il embrasse une vérité avec l’esprit de parti, perd la faculté de raisonner, ainsi que le partisan de l’erreur, et bientôt emploie des moyens semblables.

480. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Louis XVII consacre notre défaite, comme si Dieu avait choisi ce moyen d’inspirer à la France, athée et régicide, un retour salutaire et de lui faire expier son crime et ses erreurs. […] Incontinent, il décide d’aller le trouver pour lui démontrer ses erreurs.

481. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Il faut combattre cette erreur : la poésie est éminemment pourvue de raison, mais c’est une raison sensible, animée, dominante. […] Ainsi l’auteur de la Parthénéide a commis une erreur plus grande encore, car il a placé un sujet contemporain sous l’intervention des divinités de la Grèce.

482. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Il a même cette fois sur sa liste un poëte lyrique : mais ce poëte n’est pas Titius ; c’est Rufus, nom tout à fait inconnu comme le précédent, et nouvel exemple de l’erreur fréquente des admirations contemporaines. […] Il est certain que, grâce à cette illusion de la poésie, Octave Cépias déguisé en Auguste n’a plus été pour la postérité le sanglant triumvir, et que cette erreur ou cet oubli commença même sous son règne.

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