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35. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Quoique sa sympathie pour tous les dédaignés de l’orthodoxie le portât à admettre les païens dans le royaume de Dieu, quoiqu’il ait plus d’une fois résidé en terre païenne, et qu’une ou deux fois on le surprenne en rapports bienveillants avec des infidèles 1232, on peut dire que sa vie s’écoula tout entière dans le petit monde, très fermé, où il était né. […] De même, si Jésus revenait parmi nous, il reconnaîtrait pour disciples, non ceux qui prétendent le renfermer tout entier dans quelques phrases de catéchisme, mais ceux qui travaillent à le continuer. […] Dégagées de nos conventions polies, exemptes de l’éducation uniforme qui nous raffine, mais qui diminue si fort notre individualité, ces âmes entières portaient dans l’action une énergie surprenante. […] En un sens, l’humanité entière y collabora. […] La grande originalité du fondateur reste donc entière ; sa gloire n’admet aucun légitime partageant.

36. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Dans une famille pareille, ainsi développée à tous les regards et à tous les esprits, pour que l’enseignement soit entier, deux grandes et mystérieuses puissances doivent intervenir, la fatalité et la Providence : la fatalité qui veut punir, la Providence qui veut pardonner. […] Comme dans toute œuvre, si sombre qu’elle soit, il faut un rayon de lumière, c’est-à-dire un rayon d’amour, il pensa encore que ce n’était point assez de crayonner le contraste des pères et des enfants, la lutte des burgraves et de l’empereur, la rencontre de la fatalité et de la Providence ; qu’il fallait peindre aussi et surtout deux cœurs qui s’aiment ; et qu’un couple chaste et dévoué, pur et touchant, placé au centre de l’œuvre, et rayonnant à travers le drame entier, devrait être l’âme de toute cette action. […] Le groupe entier de la civilisation, quel qu’il fût et quel qu’il soit, a toujours été la grande patrie du poëte. […] En attendant, il le dit et il est heureux de le redire, oui, la civilisation tout entière est la patrie du poète. […] Un jour, espérons-le, le globe entier sera civilisé, tous les points de la demeure humaine seront éclairés, et alors sera accompli le magnifique rêve de l’intelligence ; avoir pour patrie le monde et pour nation l’humanité.

37. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Théophile Lavallée, l’historien de Saint-Cyr, poursuit son œuvre et son monument de réparation, en publiant, d’après les manuscrits de Versailles, la correspondance entière et inaltérée de Mme de Maintenon : on n’avait jusqu’ici ces lettres que d’après la version tronquée et falsifiée de La Beaumelle. […] C’est une raison toute chrétienne et docile : « Vous ne serez véritablement raisonnables qu’autant que vous serez à Dieu. » Elle ne la sépare jamais de la piété ni d’une entière soumission aux décisions supérieures. […] Une fois Saint-Cyr établi, Mme de Maintenon s’y adonne tout entière ; se considérant comme chargée d’une mission par le roi et par l’État, elle y consacre les moindres parcelles de son temps et y dirige toute la lumière et tout l’effort de son esprit. […] Mais avec Esther et les représentations toutes royales qui s’en étaient suivies, il y avait eu un enchantement plus insensible et comme une légère ivresse de la communauté tout entière : le goût de l’esprit, de la poésie, des écritures de tout genre, s’était glissé dans ces jeunes têtes, et menaçait de corrompre à sa source l’éducation simple et droite, et principalement utile, dont elles avaient avant tout besoin. Une lettre de Mme de Maintenon à Mme de Fontaines, maîtresse générale des classes, du 20 septembre 1691, expose cet état périlleux et cette crise ; elle sent d’ailleurs et convient avec sincérité que c’est elle-même qui a introduit le mal, et elle prend tout sur son compte : La peine que j’ai sur les filles de Saint-Cyr ne se peut réparer que par le temps et par un changement entier de l’éducation que, nous leur avons donnée jusqu’à celle heure ; il est bien juste que j’en souffre, puisque j’y ai contribué plus que personne, et je serai bien heureuse si Dieu ne m’en punit pas plus sévèrement.

38. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Essayons-en pourtant cette fois envers un confrère et un romancier hors ligne, que j’appréciais sans doute depuis longtemps par bien des côtés, mais que je ne me suis mis à bien connaître tout entier que depuis quelques jours. […] Mais il s’aventure un peu trop, l’habile docteur, quand il exprime l’idée qu’on pourrait donner à la femme le dégoût du mal avant l’entière expérience, lui faire connaître les déboires de la trahison, avant qu’elle soit irréparable ; bref, mettre la femme en goût d’un amant et l’en déprendre avant qu’il soit trop tard : un vrai tour de passe-passe. […] Clotilde est belle, de sa pleine et entière beauté, jeune encore, trente-quatre ans et demi, pas davantage ; elle est dans l’âge de la crise, mais le danger n’est pas le même pour elle que pour l’épouse précédente ; car elle, elle aime son mari, son Fernand ; elle fait, il est vrai, ménage on étage à part depuis huit ou dix ans, mais elle guette le moment de le reconquérir. […] Il y en a d’autres qui ne les en chassent que deux ou trois ans après, pour leur tenir rigueur pendant des années entières et les reprendre ensuite et les raccrocher par une rouerie innocente et légitime. […] L’intérêt qu’il ne fallait pas laisser échapper un moment est tout entier dans les rapports, à peine entamés, de l’artiste et de la jeune dame.

39. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Si vous aimez la nature humaine, il faut l’accepter tout entière. Or, elle est tout entière en chacun de vous. […] y est-elle passée tout entière, de telle sorte qu’il n’en reste plus rien ? […] L’âme tout entière passe dans l’action avec ses puissances les plus diverses. […] Les racines du mosaïsme sont très profondes, mais elles ne pénètrent pas la terre entière.

40. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Grote, le premier, a senti la difficulté dans toute son étendue, et il l’a acceptée pleine et entière. […] Casimir Delavigne de même : ce poète si exact, si lettré, si peu homérique, composait de tête, refaisait des scènes entières de mémoire, et on dit qu’il a emporté ainsi en mourant une tragédie à peu près terminée. […] Et aujourd’hui encore, si Molière n’était pas imprimé, est-ce qu’il n’existerait pas tout entier et n’aurait pas été transmis depuis deux cents ans dans la mémoire des acteurs de la Comédie-Française ? […] Grote fait remarquer qu’il y a dans le XIe livre et les suivants plusieurs passages qui sont en contradiction formelle avec l’événement principal de ce IXe livre, où l’on a assisté à l’humiliation profonde, à la pleine et entière résipiscence d’Agamemnon. […] Une corporation de chantres, une confrérie tout entière, instituée dans l’île ionienne de Chio, fit de bonne heure de ce nom du grand aveugle le nom patronymique et sacré de la famille des Homérides : toute grande création, et même toute production moyenne12, issue de son sein et propagée par ses membres avec une piété filiale, se renfermait pour elle et venait se placer sous ce nom générique et à demi divin d’Homère : toute autre personnalité avait disparu.

41. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

M. de Chateaubriand a la prétention de s’y être montré tout entier : « Sincère et véridique, dit-il, je manque d’ouverture de cœur ; mon âme tend incessamment à se fermer ; je ne dis point une chose entière, et je n’ai laissé passer ma vie complète que dans ces Mémoires. » Eh ! non, il ne l’a pas laissée passer tout entière ; on l’y trouve, mais il faut un travail pour cela. […] On se demande quelle idée traverse l’esprit du narrateur, en ce moment où il devrait être tout entier à la chaste douleur du souvenir. […] Cette lettre est, sur l’article qui nous occupe, sa vraie confession entière. […] Son ennui, son indifférence ont de la grandeur ; son génie se montre encore tout entier dans cet ennui ; il m’a fait l’effet des aigles que je voyais le matin au Jardin des plantes, les yeux fixés sur le soleil, et battant de grandes ailes que leur cage ne peut contenir.

42. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

B. de Fouquières est venu ajouter à ce qu’on savait déjà d’André Chénier, c’est l’appréciation bien nette et plus entière de son talent et de son œuvre. […] C’est pourquoi il ne faut point voir dans la tentative d’André Chénier une renaissance gréco-latine ; c’est véritablement une renaissance française, conséquence des xvie et xviie  siècles, avec cette différence que le xvie  siècle avait vu la Grèce à travers l’afféterie italienne ; le xviie , à travers le faste de Louis xiv ; tandis qu’André Chénier a, dans l’âme de sa mère, respiré la Grèce tout entière ; il parle la même langue que Racine, mais trempée d’une grâce byzantine, attique même, naturelle et innée, et dans laquelle se fondent heureusement l’ingéniosité grecque et la franchise gauloise. » Certes, André Chénier n’a pas réussi partout ; plus d’une pièce de lui trahit des inexpériences sensibles ; il y a des différences d’âge entre ses poésies ; mais celles de sa dernière manière, les élégies lyriques à Fanny, à la Jeune Captive, l’ode à Charlotte Corday, les Iambes, ne laissent rien à désirer. Le grand poëte s’y montre et s’y manifeste dans toute sa grâce ou sa puissance, armé et formé tout entier. […] Le voilà donc dans toute sa gloire et sa pureté, dressé sur son piédestal de marbre, entouré de toutes les inscriptions et de tous les bas-reliefs qui lui conviennent, ce charmant poëte florissant de jeunesse, ce dernier de nos classiques, tout entier restauré et reconquis.

43. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

« Eugène, est-il dit dans l’Introduction, n’a point seulement servi la doctrine par des efforts purement intellectuels ; il voulait lui consacrer sa vie entière. […] Le mosaïsme, moins développé en dogme que la religion chrétienne ; s’en tenant, avant tout, à l’unité de Dieu, qu’il importait de conserver entière et pure au sien du polythéisme ; renonçant à lier et à associer l’humanité encore rebelle et trop peu assimilable ; le mosaïsme, même avec ses restrictions, ses ignorances et ses grossièretés, cimentait plus fortement qu’aucune autre religion n’eût fait, et coordonnait en société complète, dans sa contrée étroite et montagneuse, son petit peuple choisi. […] Bref, la religion de Moïse, en sa sphère plus restreinte, religion conservatrice et non expansive, a sur celle du Christ l’avantage d’être une, et d’avoir produit une loi, une institution politique qui comprenait le fidèle tout entier, et l’enveloppait dans toutes les directions. […] Sainte-Beuve, parce qu’il nous les avait indiqués d’avance-comme le signe auquel nous devrions le retrouver. — On serait tenté aujourd’hui, en le relisant tout entier (et en particulier ce qui a rapport à Lessing), d’en rapprocher, en guise d’opposition et de contraste, — en une sorte de tête à deux faces à la manière antique, telle que M. 

44. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Il se sentit « dans un état de complet isolement », — pour lui « ces jours continrent le poids d’une vie entière » (IV, 357) […] En effet, l’action dramatique tout entière se concentre autour de sa personne, et en dehors d’elle il n’y a qu’Ortrud, sa rivale, qui soit vivante ; Lohengrin n’est guère qu’un spectateur. […] Il est à noter que cet acte a été composé le dernier ; Wagner fit d’abord le troisième tout entier, ensuite le premier, en dernier lieu le second (Glasenapp ; Kastner) ; ceci était contraire à toutes ses habitudes (Pohl : Musik. […] L’étude approfondie de telles matières suffirait à remplir un volume tout entier ; néanmoins quelques remarques peuvent être présentées à titre d’indications. […] Le premier but de la Revue, pendant cette année 1885, était d’expliquer l’œuvre de Wagner à ceux qui ne la connaissaient pas, et à ceux qui la connaissaient, le « génie entier » du compositeur.

45. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

C’est à la fois sentiment et sensation, esprit et matière, et voilà pourquoi c’est la langue complète, la langue par excellence qui saisit l’homme par son humanité tout entière, idée pour l’esprit, sentiment pour l’âme, image pour l’imagination, et musique pour l’oreille ! […] Antar, ce type de l’Arabe errant, à la fois pasteur, guerrier et poète, qui a écrit le désert tout entier dans ses poésies nationales ; épique comme Homère, plaintif comme Job, amoureux comme Théocrite, philosophe comme Salomon. […]   Voilà la poésie tout entière dans le passé ; mais dans l’avenir que sera-t-elle ? […] Ce sera l’homme lui-même et non plus son image, l’homme sincère et tout entier. […] je le ferai avec une sincérité entière.

46. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Ce père, homme hautain, vivait, depuis l’avènement de Louis XIV, retiré dans son gouvernement de Blaye, à la façon des anciens barons, si absolu dans son petit État que le roi lui envoyait la liste des demandeurs de places avec liberté entière d’y choisir ou de prendre en dehors, et de renvoyer ou d’avancer qui bon lui semblait. […] Saint-Simon est un poète épique ; le pour, le contre, les partis mitoyens, l’inextricable entrelacement et les prolongations infinies des conséquences, il a tout embrassé, mesuré, sondé, prévu, discuté ; le plan exact du labyrinthe est tout entier dans sa tête, sans que le moindre petit sentier réel ou imaginaire ait échappé à sa vision. […] Ce talent consiste d’abord dans la vue exacte et entière des objets absents. […] Il note les émotions comme elles viennent, violemment, puisqu’elles sont violentes, et que, l’occupant tout entier, elles lui bouchent les oreilles contre les réclamations du bon style et du discours régulier. […] Le sacrifice fut entier, mais il fut sanglant.

47. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

La chaîne entière des êtres n’est que l’échelle des degrés que parcourent ces forces élémentaires du minéral à l’être pensant. […] Elle n’arrive à cette formule définitive que par une gradation continue des termes dont se compose la série cosmique tout entière. […] Taine, mère féconde de toutes les autres, dont l’enchaînement constituerait le système entier de l’univers ! […] Donc nécessité d’un Dieu qui juge, et d’une autre vie où justice entière soit faite à tous les agents libres selon leurs mérites. […] Quant à la morale proprement dite, principes et développements, elle est contenue tout entière dans la conscience.

48. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

La vie psychologique se ramène alors tout entière à ces deux éléments, la sensation et l’image. […] Alors l’existence des états psychologiques consistera tout entière dans leur appréhension par la conscience, et celle des phénomènes extérieurs, tout entière aussi, dans l’ordre rigoureux de leur concomitance et de leur succession. […] Notre vie psychologique passée, tout entière, conditionne notre état présent, sans le déterminer d’une manière nécessaire ; tout entière aussi elle se révèle dans notre caractère, quoique aucun des états passés ne se manifeste dans le caractère explicitement. […] Nous avons supposé que notre personnalité tout entière, avec la totalité de nos souvenirs, entrait, indivisée, dans notre perception présente. […] Ce sont là, disions-nous, autant de répétitions de notre vie passée tout entière.

49. (1903) La renaissance classique pp. -

à la nation tout entière, ignorant que chaque État, pour ne pas dire chaque individu, trouve en lui-même le vivant principe de sa morale. […] Nous constatons seulement que celle-ci est la plus ancienne, que non seulement elle a éveillé l’homme à la vie de l’intelligence, mais qu’elle l’a élevé, façonné tout entier. […] Le grand homme est celui qui ne relève de personne et qui est à lui-même sa loi tout entière. […] Épouvanté par les ambitions germaniques, anglaises, américaines, le monde entier sera bientôt en armes. […] L’erreur est de croire qu’une nation tout entière peut composer une race.

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