Dans l’une des rares rencontres où j’ai eu le plaisir de voir M. de Latouche, je lui ai entendu raconter une petite anecdote que je retrouve consignée par lui-même dans un de ses nombreux écrits ; car s’il contait bien, il n’aimait point à perdre ses récits ni ses jolis mots. […] Il faut entendre M. […] dites-moi, quand sur l’herbe fleurie Glissent, le soir, les brises du printemps, N’est-ce pas un accent de sa voix si chérie, N’est-ce pas dans les bois ses soupirs que j’entends ? […] Les personnes qui l’ont entendu savent que ce petit roman, qui n’a jamais été publié, était plein de pureté, de délicatesse ; ce ne pouvait être autrement, puisqu’il venait de Mme de Duras. […] Même après avoir entendu Mme Valmore et Mme Sand, je ne retire rien de ce que j’ai dit.
De ces deux manières d’entendre la philosophie, M. […] Ce qu’il y a d’établi présentement, c’est que les deux bouts des choses nous sont inaccessibles, et que le milieu seul, ce que l’on appelle en style d’école le relatif, nous appartient43. » Devant une déclaration aussi expresse, il est impossible d’imputer au positivisme une autre doctrine que celle que nous venons d’exposer ; mais alors je cherche vainement en quoi cette manière d’entendre la philosophie diffère de la pensée de M. […] Quand il s’agit d’opinions humaines, d’écoles philosophiques, de partis politiques, je comprends très-bien que l’on puisse prendre une moyenne entre des doctrines diverses, que l’on puisse s’entendre sur un minimum d’opinions dans une profession de foi. […] Socrate disait : « Sachez quelle est la nature et la grandeur de la divinité, qui peut à la fois tout voir, tout entendre, être présente partout et prendre soin de tout ce qui existe ! » Et Platon : « Avoue donc que les dieux connaissent, voient, entendent tout, et que rien de ce qui tombe sous les sens et l’intelligence ne peut leur échapper. » La providence n’est donc pas un dogme exclusivement chrétien, ni même exclusivement religieux ; c’est en même temps une doctrine philosophique.
L’Empereur et le Pape de la Science infaillible, comme nous autres, misérables papistes religieux, nous entendons que notre Pape le soit… Avec ces idées-là, on doit être exécré de la démocratie, cette foire aux vanités égalitaires. […] Mais là où l’on avait entendu le retentissement de gong d’une impiété qui avait déchiré l’espace, on n’entendit plus, comme un bruit d’insecte, que le petit grattement sur le papier d’une plume d’institut. […] Renan s’est si ridiculement épris, et qui, avec ses courtes idées de romain et de philosophe, ne comprit rien à ce bouillonnement religieux puisqu’il voulait l’éteindre brutalement dans le sang de la plus inepte et de la plus cruelle des persécutions… Et, pourtant, si les idées de civilisation et de progrès, que l’esprit moderne proclame comme la gloire du genre humain et son ascendante destinée, ne sont pas des mots vides de sens et de certitude, Marc-Aurèle, pour peu qu’il eût été ce que son historien prétend qu’il fut, aurait tenu pour les chrétiens contre le monde antique ; car les chrétiens, c’était alors la civilisation et le progrès tels que nous les entendons aujourd’hui. […] Rien n’est grand que lui et rien ne s’entend que par lui, et si, contre ce surnaturalisme vainqueur, le sang des persécutions du philosophe Marc-Aurèle n’a rien pu, ce n’est pas la bouteille d’encre des écoles primaires de M. […] Pauvre esprit qui ne s’entend pas lui-même !
Sans prétendre conclure de là directement à l’Europe, M. de Tocqueville, dans l’un des chapitres suivants, discute la valeur d’un mot très souvent répété, et cherche à préciser ce qu’il faut entendre par centralisation. […] S’il devait arriver en France que la monarchie ou la république (peu importe), en s’armant de ce mot de centralisation mal entendu, fissent prévaloir, constamment la régularité administrative, soit douce, soit rigoureuse, sur la vie réelle, morale, animée de chaque point du pays ; si l’on ne parvenait enfin à introduire et à fonder parmi nous les institutions démocratiques en ce qu’elles ont d’essentiel, d’élémentaire et de vivace, c’est-à-dire l’existence communale, M. de Tocqueville paraît craindre qu’une des chances naturelles de cette égalité croissante ne fût un jour, tôt ou tard, l’assujettissement de tous par un seul, du moment qu’on n’aurait plus à espérer le gouvernement de tous par eux-mêmes. […] Il est bon toutefois, il est salutaire, au milieu de tant d’hymnes généreuses, mais toutes puisées en nous-mêmes, sur l’infaillibilité et les délices de cet avenir inconnu, d’entendre un rappel jeune et grave à la réalité, d’écouter un observateur positif et sévère.
Façon d’entendre l’immortalité littéraire. […] La France n’entend rien en religion. […] Douleur d’entendre les femmes et les enfants nous dire : « Vous êtes damné !
Toutes les fois qu’on l’entendoit réciter quelques vers à l’académie Françoise, on l’applaudissoit singulièrement. […] On leur entendoit dire le poëte Malebranche, le poëte Fénélon, le poëte La Bruyère. […] Les Grecs & les Romains sont les deux peuples de la terre qui ont le mieux entendu cette partie, qui ont le plus montré de délicatesse d’oreilles, en mesurant les syllabes brèves & longues, & les combinant ensemble pour le rithme & le métre.
On a donc raison de dire communément qu’avec de l’esprit on se connoît à tout, car on entend alors par le mot d’esprit, la justesse et la délicatesse du sentiment. […] Tous les hommes, à l’aide du sentiment intérieur qui est en eux, connoissent sans sçavoir les regles, si les productions des arts sont de bons ou de mauvais ouvrages, et si le raisonnement qu’ils entendent conclut bien. […] Deux ou trois vers qu’il a laissez passer sans y faire attention, et qui lui auroient plû, s’il en avoit compris tout le sens, ne l’auroient pas empêché d’être ennuïé par quinze cens autres qu’il a parfaitement entendus.
Et ce n’est pas — qu’on m’entende bien ! […] Les salons (je prends ce mot comme vous l’entendez) sont charmants parce qu’ils sont une école — sans pédantisme, celle-là ! […] Et depuis, si Mme de Staël fut exilée, elle qui compta bien moins, pour les salons, par son esprit que par ses deux cent mille livres de rente, ses relations et la position qu’avait eue son père, ce n’est pas que l’Empereur eût peur de ces salons dont on la disait la reine, mais c’est qu’il était agacé d’entendre toujours tomber de petits coups d’éventail sur son sceptre ; c’est que les lions, tout lions qu’ils soient, s’impatientent et jouent de la griffe, quand une mouche, fût-elle bleue, leur entre dans le nez !
Cela n’a point cette note insupportable de l’originalité qui déchire l’oreille de l’amour-propre, — cette oreille, délicate et longue, qu’il faut ménager, — et cela ne tire pas non plus brusquement les gens qui les aiment de la béatitude des idées communes… Prévost-Paradol ne sonne point du cor de Roland, en littérature ; de ce cor qu’on n’entend pas toujours, malgré sa puissance, qui meurt sans écho et qui brise les cœurs épuisés… Il joue, lui, d’un instrument plus commode. C’est la flûte de la rhétorique, qu’on entend très bien et dont tant de gens ont l’embouchure. […] Il fait, tour à tour, le Caton, le Thraséas et le Sénèque, mais les hautes dissertations auxquelles il se livre contre nous n’ont pas plus d’action sur le lecteur que n’en auraient ses discours officiels de professeur à la distribution des prix d’un collège, s’il était possible de les relire après les avoir entendus.
Depuis quelque temps on n’a guère entendu sur les livres qui se publient que la vile réclame ou les quatre mots de l’amitié… Excepté le Shakespeare de M. […] Taine qui est, avant tout, et sera, après tout, un écrivain, un homme littéraire, et qui, s’il entendait ses intérêts, resterait dans cette plantureuse voie de la littérature ; M. […] Taine l’entend si bien ainsi qu’il ajoute : « Chacun regarde avec des lunettes de portée et de couleurs diverses… Et l’on s’est disputé et battu, l’un disant que les choses sont vertes, d’autres qu’elles sont jaunes, d’autres enfin qu’elles sont rouges… Mais voici que nous apprenons l’optique morale… que nous découvrons que la couleur n’est pas dans les objets, mais en nous-mêmes. » Et que, par conséquent, tout le monde a raison ou tort !
L’idée chrétienne, fortement et savamment entendue, quel grand parti n’en aurait-il pas tiré ! […] , et de la nécessité de résister à sa première inclination, vous avez fait tout le tour de cette monumentale collection d’idées sur laquelle repose l’éducation comme l’entend Hyacinthe Corne. […] Comme il est aisé de s’en convaincre après ce simple aperçu, l’excellente et intéressante madame d’Alonville est un peu inférieure, il faut l’avouer, à la catholique madame de Maintenon, cette grande femme qui éleva des filles et qui aurait pu élever des hommes, et même à la protestante madame Necker de Saussure, qui, du moins, toute protestante qu’elle fût, entendait la moralité humaine avec une certaine profondeur !
Sous ce titre : Le Gouvernement des Papes, l’auteur cache, ou plutôt il ne cache pas, qu’il est l’historien de la puissance temporelle de la Papauté, puisque le gouvernement des Papes a, de toute éternité, été double, et qu’il s’entend aussi bien des corps que des âmes, — les âmes sans corps n’existant point, du moins ici-bas. […] À coup sûr, un grand historien peut sortir de l’École des Chartes comme de partout, mais pas plus que de partout, et si M. de L’Épinois n’est pas cet historien-là, il est au moins un homme qui entend profondément et consciencieusement l’Histoire, quand il ne la domine pas. […] Mais il faut bien entendre ici que dans ce seul volume d’histoire, où les faits sont ramassés, concentrés et étreints pour en faire mieux sortir la moelle, il ne s’agit que de l’histoire politique de la Papauté.
C’était, pour moi : Anonyme Rocquain… J’ai entendu et j’entends tous les jours parler de grimauds dont on devrait se taire, et je connais assez de gens de talent dont on ne dit pas un seul mot pour que ce que j’écris là puisse l’offenser. […] … Le long de cette histoire, bien entendu, l’esprit révolutionnaire qui n’en est plus à son origine, qui est très bien venu, au contraire, très perceptible, très gros et très puissant, se mêle à tout et agite la masse, — mens agitat molem , — et il faudrait être aussi bête que la masse pour ne pas le voir… Il ne précède déjà plus la Révolution, mais il l’accompagne.
Cantel n’en est pas à son premier mot poétique, il a déjà publié un volume ; mais il n’en débute pas moins encore, dans un sens plus profond que celui qu’entend le public, car il cherche, avec les souples articulations d’un talent qui doit grandir, une forme arrêtée, une manière définitive. […] Il a bientôt oublié le reproche qu’il faisait, avec tant de raison, à Théodore de Banville, de ne jamais chercher Dieu et de ne pas entendre le cri du cœur dans sa poésie de castagnettes, et, comme lui, tout à coup, il revient au bourdonnement de cette abeille d’Attique que nous avons tant entendue, et que Platon lui-même trouverait maintenant une bien monotone et bien ennuyeuse petite bête.
Jamais le Lyrisme n’est monté plus haut dans des vers plus beaux, et qui eussent ravi, en l’étonnant, Virgile lui-même, s’il les avait entendus ! […] Il était une équation superbe entre l’âme humaine et l’Absolu, à laquelle ceux qui ne sont pas au courant de la mathématique de l’Absolu et de l’âme ne comprennent et ne comprendront jamais rien, l’ai entendu quelquefois dire aux abjects de ce temps abject, qui ne regardent que la terre où ils mettent leurs pieds de devant comme ils y mettent leurs pieds de derrière, que le naturel divin de Lamartine n’était pas du naturel. […] Ils l’écoutèrent un instant, mais ne l’entendirent pas, cet astre de poésie dépaysé dans leur misérable politique.