J’ai écrit trois ou quatre tragédies ; vous venez d’en entendre une. […] Sa voix, concentrée comme celle du deuil sur un sépulcre, laissa tomber ces vers, qui étaient dans la mémoire de tout le monde et que tout le monde entendit pour la première fois. […] Vous avez entendu sa fortune. […] J’entends. […] La vertu de ce drame est de n’avoir pas d’amour ; cette passion eût été déplacée dans le Temple ; ce sont les grandes et saintes passions divines qu’on veut y voir et y entendre.
Quoi qu’il en soit, en nous décrivant le tour d’esprit des convives, Marivaux va nous définir en perfection le genre qu’il préfère : Ce ne fut point, dit Marianne, à force de leur trouver de l’esprit que j’appris à les distinguer : pourtant il est certain qu’ils en avaient plus que d’autres et que je leur entendais dire d’excellentes choses ; mais ils les disaient avec si peu d’effort, ils y cherchaient si peu de façon, c’était d’un ton de conversation si aisé et si uni, qu’il ne tenait qu’à moi de croire qu’ils disaient les choses les plus communes. […] Comme dans la comédie de Marivaux, L’Heureux Stratagème, Marianne est tentée par moments d’user de représailles, d’aimer ou de faire semblant de se faire aimer par d’autres : « D’autres que lui m’aimeront, il le verra, et ils lui apprendront à estimer mon cœur… Un volage est un homme qui croit vous laisser comme solitaire ; se voit-il ensuite remplacé par d’autres, ce n’est plus là son compte, il ne l’entendait pas ainsi. » C’est assez montrer comment Marivaux, même quand il échappe au convenu du roman, au type de fidélité chevaleresque et pastorale, et quand il peint l’homme d’après le nu (éloge que lui donne Collé), nous le rend encore par un procédé artificiel et laisse trop voir son réseau de dissection au-dehors. […] On parle du livre que celui-ci vient de faire paraître ; il en demande son avis à l’officier, qui lui répond d’abord : « Je ne suis guère en état d’en juger ; ce n’est pas un livre fait pour moi, je suis trop vieux », donnant à entendre qu’en vieillissant, le goût, comme le palais, devient plus difficile. […] Et ici ce n’est point pour sa sincérité précisément que la marquise entend se choquer, notez-le bien : « Mais quand on a le goût faux, lui dit-elle, c’est une triste qualité que d’être sincère. » Ergaste, à son tour, à qui elle se met à dire des vérités, se fâche, et il se rejette vers Araminte, de même que la marquise revient à Dorante, qu’elle veut forcer aussi à lui dire ses défauts : Dorante, en ayant l’air d’obéir, choisit si bien les deux ou trois défauts qu’il lui reproche, que cela devient une flatterie nouvelle et des plus insinuantes. […] Tous les contemporains, Voisenon, Marmontel, Grimm, s’accordent à dire que vers la fin, et sentant que son moment de faveur était passé, Marivaux était incommode et épineux dans la société par trop de méfiance ; il entendait finesse à tout ; « on n’osait se parler bas devant lui sans qu’il crût que ce fût à son préjudice ».
Lorsque Fénelon, jeune, entendait les prédicateurs les plus célèbres de son temps, et Bourdaloue tout le premier, il n’était point entièrement satisfait ; il eût voulu en maint cas une manière de prêcher plus vive, plus courte, plus familière, plus nuancée ; il eût voulu qu’on ne pût en rien soupçonner que le discours qu’on écoutait était un discours écrit à l’avance, appris et retenu, mais qu’à de certaines inflexions, à de certaines marques involontaires et même à des négligences, on crût sentir que cela était dit de source et d’abondance de cœur, et que cette éloquence coulait de génie. […] La Bruyère, dans son discours de réception à l’Académie, parlant de Fénelon, qui était le dernier académicien reçu et qui, trois mois avant lui, avait fait un charmant discours, disait : … Après ce que vous avez entendu, comment osé-je parler, comment daignez-vous m’entendre ? […] Toujours maître de l’oreille et du cœur de ceux qui l’écoutent, il ne leur permet pas d’envier ni tant d’élévation, ni tant de facilité, de délicatesse, de politesse ; on est assez heureux de l’entendre, de sentir ce qu’il dit, et comme il le dit… C’était avec son esprit, avec son âme, avec son goût, que Fénelon fut orateur comme il fut tout ce qu’il voulut être, et on ne désirait rien déplus en l’écoutant. […] [NdA] Et encore dans une lettre que je recommande aux curieux, adressée à la duchesse douairière de Mortemart (11 octobre 1710) : « Quand nous n’entendons pas cette voix intime et délicate de l’Esprit qui est l’âme de notre âme, c’est une marque que nous ne nous taisons point pour l’écouter.
Il raconte la visite que lui fit un peintre, un professeur de l’Académie de Venise : « Nous avons naturellement beaucoup causé peinture, mais nous ne nous entendions pas parfaitement, et toujours par la même raison : il me parlait toujours des grands maîtres, et moi de la nature. » Assistant à une exposition de tableaux à Venise (août 1833), il est frappé de la singulière faiblesse des ouvrages et de l’absence de toute originalité. […] Il y en a qui penseront qu’au contraire il peut être développé par ce moyen : voilà comment on ne s’entend guère. […] Il disait de la gravure des Moissonneurs, par Mercuri : D’après tout ce que j’avais entendu dire de la planche de Mercuri, je la supposais bien, mais j’y ai trouvé surtout ce qu’on ne trouve pas toujours dans les productions des arts : je veux parler du sentiment d’amour et de plaisir que l’on devrait toujours avoir pour l’exécution : c’est le véritable charme des arts. […] [NdA] Et encore, dans une lettre précédente adressée de Rome à Navez, à la date de septembre 1823 : A… finit un tableau de grandeur naturelle qui est l’enlèvement de Pandore par Mercure ; je ne l’ai pas vu dernièrement, mais S… m’a dit qu’il serait loin de faire un tableau frappé au bon coin ; tu m’entends. […] Il fallait entendre les critiques qu’on faisait de la dernière Exposition des pensionnaires !
De temps en temps je vois le ciel et entends les cloches et quelques passants des rues de Nevers, la triste. […] Supporter et se supporter, c’est la plus sage des choses. » Après une lettre reçue de son frère, toute stagnation a cessé et sa pensée a repris son courant : Ta lettre m’a fait du bien ; c’est toi que j’entends encore ; c’est de toi que j’entends que tu dors un peu, que l’appétit va se réveillant, que ta gorge s’adoucit. […] Ne t’entendrai-je pas comme on dit que quelquefois on entend les morts ?
Le souvenir même de ces séances, racontés par des témoins judicieux et délicats, deviennent infidèles et se transforment, se dénaturent, tellement qu’on ne retrouve plus dans la notice lue ce que les auditeurs croient y avoir entendu d’excessif et presque de ridicule. Interrogez en effet : l’auditeur, même bienveillant, croyait et croit encore avoir, après une heure de lecture, entendu au milieu du tumulte quelque chose comme ces mots : « Il nous reste maintenant à parcourir les trente dernières années de la vie de M. […] Quatremère de Quincy faisait illusion au rebours de bien d’autres, en sens inverse et défavorable ; on croyait en avoir entendu plus et pis qu’il n’y en avait. […] Il ne le disait pas ; si près qu’on fût de lui, on n’aurait jamais entendu une plainte ; il avait sa pudeur d’auteur, mais il avait aussi sa conscience d’homme de talent. […] Lebrun félicitait Halévy, qui avait pris part à la séance, de ce qu’il y avait lu : « Quel joli morceau vous nous avez fait entendre !
. — Je ne parle pas (bien entendu) de ses deux amis de tous les temps et confrères de l’Académie, M. […] C’est ainsi que ce journal d’opposition et réputé hostile, qui donnait à la fois asile à un républicain proscrit et à un sénateur de la gauche de l’Empire, entend et pratique le vrai principe de la liberté de la presse, quand les voix s’élèvent d’en haut, — non plus des régions officielles, mais des sommités du talent et de la pensée. — M’est-il permis de parler ainsi de mon maître, et M. […] Nefftzer de passer chez lui (car il ne pouvait aller lui-même) pour en entendre la lecture. […] Sainte-Beuve, dès le premier jour, de défendre sur ce terrain comme il l’entendait une mesure d’un ministre de l’Empereur en toute liberté et vivacité, ce qui ne lui aurait guère été possible ailleurs dans les mêmes termes. […] Mais vous, vous n’êtes pas un critique, vous êtes le frère aîné de cette jeune École à laquelle vous survivez. — Nos cœurs, du moins, s’entendent toujours, et le mien vous remercie. — Sainte-Beuve.
Le bon sens et l’humanité parlent trop haut et par trop de bouches pour ne pas être entendus. […] Dès les premiers jours, et pour maint détail de service, il eut à se féliciter de s’être donné un aide aussi entendu et si au-dessus du métier. […] Il faut être consommé pour les entendre ; et il est impossible de se former le jugement sur les historiens qui ne parlent de la guerre que selon qu’elle se peint à leur imagination… — Gustave-Adolphe a créé une méthode que ses disciples ont suivie, et tous ont fait de grandes choses. […] « Il était venu, comme l’a remarqué Jomini, un demi-siècle trop tôt ; il avait écrit dans un temps où la vraie tactique de son héros était encore méconnue, où un nouveau César n’y avait pas encore mis le complément. » Deux écrivains militaires du plus grand mérite n’avaient pas attendu toutefois le nouveau César pour entendre et commenter Frédéric : Lloyd, un Anglais qui servit avec distinction chez diverses puissances du continent, et Tempelhof, un général prussien, un savant dans les sciences exactes. […] Ayant eu moi-même l’honneur de connaître dans les dernières années le général Jomini, j’ai plus d’une fois entendu de sa bouche le récit des principaux événements qu’il avait à cœur d’éclaircir, et il le faisait presque dans les mêmes termes qu’on retrouve sous la plume du colonel Lecomte.
Il professe en toute certitude « que l’humanité a une destinée… Que faut-il entendre sous ce mot d’humanité ? — Je n’en sais en somme rien… Que faut-il entendre sous ce mot de destinée ? […] Or, 1º il y a de par le monde, spécialement à Paris, quelques milliers d’intelligences cultivées auxquelles on a appris le goût du travail, de la charité, de la fraternité ; on leur a confié des anecdotes slaves émouvantes, et ils ont entendu ce vers de Voltaire : « J’ai fait un peu de bien, c’est mon meilleur ouvrage. » Voilà l’éducation de cette élite. […] 3º En même temps elle entendait dire qu’il faut de l’unité dans la vie comme dans toute œuvre. […] Il faudrait s’entendre, et nul n’eût su le faire mieux que lui, sur le mysticisme de Platon, de Plotin, de Ruysbroeck, j’ajouterai (puisqu’il a dit « des néoplatoniciens ») des néo-kantiens ; il faudrait au moins distinguer plus foncièrement le mysticisme païen du chrétien.
À peine arrivée en ce lieu, dont on racontait tant de merveilles et de mystères, la curiosité féminine et l’indiscrétion l’emportent d’abord chez Mme de Graffigny sur les autres sentiments, et elle se met à écrire à ses amis de Lorraine tout ce qu’elle voit, tout ce qu’elle entend. […] Il voulait penser et dire, mais il était impatient aussi d’entendre à l’instant l’écho. […] Mais, dès qu’il s’est mis à table, il se pique et s’excite jusqu’à ce qu’il ait trouvé quelque conte à faire, bien facétieux, bien drôle, bien bouffon, qui n’est souvent bon à entendre que dans sa bouche, et qui nous le montre encore, comme il s’est peint à nous, Toujours un pied dans le cercueil, De l’autre faisant des gambades. […] Mais le grand événement du séjour de Mme de Graffigny à Cirey est la scène qui lui fut faite un soir pour un simple soupçon au sujet de la fameuse Jeanne, de La Pucelle en un mot, dont elle avait entendu et trop bien goûté certains chants. J’ai dit que Mme de Graffigny, en vraie curieuse et caillette, écrivait tout ce qu’elle voyait et entendait à son ami Devaux, autre caillette, qui en parlait, de son côté, aux gens de Lorraine.
Notre cœur, pour peu qu’il ait eu un jour dans la vie, fixe ou ramène notre sensibilité à une certaine heure, qui est celle qu’on entend volontiers résonner lorsqu’on rentre en soi et qu’on rêve. Mme la duchesse d’Angoulême, qui ne rêvait pas, mais qui priait, quand elle rentrait en elle (et, sans avoir à y rentrer, elle y habitait sans cesse), entendait sonner cette même heure qui était celle de l’horloge du Temple et de l’agonie de ses parents. […] Elle s’y montre très frappée de la dignité de sa mère qui, aux paroles de diverse sorte qu’on adressait aux nobles captifs, n’opposait le plus souvent que le silence : Ma mère, comme à l’ordinaire, ne dit mot, écrit Madame à propos d’une nouvelle insultante qu’on leur annonçait, et elle n’eut pas même l’air d’entendre ; souvent son calme si méprisant et son maintien si digne en imposèrent : c’était rarement à elle qu’on osait adresser la parole. […] Nous méprisions toutes les vexations, mais ce dernier degré de grossièreté faisait toujours rougir ma tante et moi. » Le plus cruel moment pour elle fut celui où, après la mort de son père, après la disparition de sa mère, de sa tante, ignorant le sort définitif de ces deux têtes si chères, dans les semaines qui précédaient le 9 Thermidor, elle entendait de loin son frère, déjà en proie aux corrupteurs, et à qui le cordonnier Simon faisait chanter des chansons atroces : Pour moi, dit-elle, je ne demandais que le simple nécessaire ; souvent on me le refusait avec dureté. […] Elle se levait de grand matin, à cinq heures et demie par exemple ; elle entendait vers six ou sept heures une messe pour elle seule.
Ce n’est pas ainsi que j’entendrais réciter Voltaire. […] Je ne les entends pas. […] Fais-moi entendre les cris mêlés de la fureur et de la joie autour de son cadavre. […] S’il eût fait autrement, je me serais écrié comme si j’avais entendu un beau parleur qui déraisonne : tu dis très bien, mais tu ne sais ce que tu dis. […] À les entendre, ce sont gens à petits sujets mesquins, à petites scènes domestiques prises du coin des rues, à qui l’on ne peut rien accorder au-delà du mécanique du métier, et qui ne sont rien quand ils n’ont pas porté ce mérite au dernier degré.
Vous, Monsieur, vous n’y mettez pas tant de façons ; pour vous, le Romantisme n’est qu’un château de cartes : un souffle, — un article, et l’on n’en entendra plus parler. […] Il est même fort probable qu’il n’hésiterait pas à faire des cocottes de papier avec la Henriade et Zaïre une fois qu’il aurait entendu Ruy-Blas et lu les Chants du crépuscule. […] Ce que je viens d’écrire est tellement élémentaire et tellement banal que je m’abîme en des étonnements profonds en songeant qu’on l’a rabâché pendant trente ans sans réussir à le faire entendre. […] C’était, — au moral s’entend, — un petit vieillard bien conservé, portant fort correctement sa perruque à trois marteaux. […] Il n’y a que le “bon sens”, Monsieur, entendez-vous bien !
« Ces vérités sont un attribut et supposent un sujet nécessaire46 » : dans ce second membre vous entendez par vérité connaissance d’un rapport nécessaire et vous voulez dire qu’une connaissance nécessaire suppose un être connaissant, lequel existe nécessairement. […] Prenons l’axiome des substances, et commençons par l’entendre. […] Maintenant l’axiome s’entend très-clairement. […] Examinons d’abord ce que nous entendons par espace et ce que contient cette idée. […] Voyons maintenant ce que nous entendons par infini.
Partout on entend, autour de soi, des gens s’abordant avec cette parole : « Ça y est ! […] On entend des manœuvriers gouailleurs dire : « Le fort, il sera fini dans trois mois ! […] On entend des bottines de femmes battre la semelle de leur petit talon, craquant sur la terre gelée. […] La remarque est faite que le bruit des canons des forts ne s’entend plus, que c’est bon signe, que l’armée avance ! […] J’entends un soldat dire : « En fait de réveillon, nous avons eu cinq hommes gelés sous la toile !