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922. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

L’exemple de la mère éveillée par le moindre mouvement de son enfant malade est devenu classique. […] La mère reste impressionnable à tout un groupe d’impressions systématisées autour de l’idée de son enfant. […] La mère s’endort dans la pensée-fixe de son enfant ; l’hypnotisé, dans la pensée fixe de l’hypnotiseur. De là un « rapport » subsistant entre la mère et l’enfant, entre l’hypnotisé et l’hypnotiseur. […] George Sand enfant, au coin de la cheminée, contemplait le garde-feu et, dans les reflets de la flamme, apercevait des figures et des scènes.

923. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Cela arrive évidemment à quelque degré à tous les enfants durant une certaine période de la première éducation. […] Ce que nous affirmons de l’individu enfant, devons-nous l’affirmer également de l’enfance de l’humanité ? devons-nous croire que les premières générations humaines qui firent usage de la parole eurent une parole intérieure à demi tactile, à demi sonore, et qu’il fallut plusieurs siècles pour opérer cette purification de la parole intérieure qui, de nos jours, chez l’enfant, se produit vraisemblablement en quelques années ? […] Peu d’idées, ce me semble, sont plus difficiles à acquérir pour l’enfant. « Il y a longtemps, longtemps », ne signifie pas d’abord clairement pour lui avant ma naissance ; il lui faut un grand effort pour imaginer qu’avant lui quelque chose pouvait être. […] Un jour, on lui montre un tout petit enfant qui, la veille, n’était pas là.

924. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Mais après la naissance de l’enfant, des parents se chargèrent du petit, et elle commença un voyage de dix mille kilomètres pour retrouver son mari. […] … L’humanité ne régresse pas… Elle marche de l’avant, sans s’arrêter… — Enfant ! […] … des enfants ! […] mon vieux, c’était à se tordre de rire… Et sous ce rire débridé, éclatant, mais bon enfant, il y avait une rude philosophie, va ! […] Résultat d’ailleurs admirable car l’enfant, arraché à l’éducation exclusive de la femme, à tous les préjugés sentimentaux, à toutes les superstitions catholiques de la femme, pourra, peut-être, devenir un homme… Oui, mais est-ce qu’il y aura encore des enfants ?

925. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Le premier nous raconte l’agonie d’une enfant de vingt ans, que l’on apporte mourante à l’hôpital. […] Le premier homme qui, ayant eu un enfant d’une femme, est parti en chasse ou a cultivé un coin de terre, pour nourrir cet enfant et cette femme, a, du même geste, fondé la famille, la propriété et la classe. […] Son existence, celle de sa femme, celle de ses enfants, ne sont pas à la merci des brutalités du plus fort. […] L’enfant exulte. […] Les enfants, alors, lui jettent d’énormes pierres.

926. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Gilles, veuf pour la seconde fois, ne se remaria pas, et l’enfant grandit dans un triste logis, sans mère, le père absent, aux mains d’une servante grondeuse et rude. […] Voilà sous quel aspect la nature apparut à l’enfant qui devait être un poète, quand on le menait promener à la vigne paternelle. […] Gilbert de Voisins, quand les enfants, « le tintamarre des nourrices et des servantes », forcent notre vieux garçon de poète à déloger, il va occuper, toujours au cloître Notre-Dame, dans la maison du chanoine Lenoir, « une chambre au premier étage, ayant vue sur la terrasse qui donne sur l’eau ». […] La Fontaine jouissait de tout en enfant, et en poète : sa distraction égayait les réunions quand sommeillait sa fantaisie. […] Il y venait dîner avec des amis communs et causer belles-lettres ; ou bien il amenait sa petite famille, et Boileau, dépouillant sa gravité, jouait avec les enfants aux quilles, où il se piquait d’être de première force, ou les menait promener dans le bois de Boulogne.

927. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

L’enfant encore inculte, le paysan grossier, éprouvent une sensation de plaisir à la vue d’un beau spectacle, au récit d’une aventure intéressante. Quelle différence existe-t-il donc à cet égard entre l’enfant et l’homme fait, entre le paysan et l’homme instruit ? […] Il est vrai que la nature, si prodigue de ses dons envers l’espèce humaine, n’a point fait les parts égales entre ses enfants ; mais elle a laissé à tous la possibilité de réparer par l’étude, l’exercice et le travail, l’injustice de ses préférences. […] Mais quand on lui a dit que là, au moment où naît un enfant, on lui déprime le sommet de la tête pour l’aplatir, et qu’ici on la lui moule en forme de pain de sucre, d’après une fausse idée de la beauté, il ne s’étonne plus que de la folie des hommes qui adoptent des coutumes si absurdes. […] De là vient que les enfants ne s’habituent point à penser à ce qu’ils lisent, ni plus tard à ce qu’ils disent.

928. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Quand on lit certaines conversations de René Mauperin ou de Manette Salomon, écrasées par les pensées et les descriptions du frère, on songe à de jolis dessins du xviiie  siècle découpés par un enfant et collés maladroitement sur son album d’images. […] Ce serait infiniment douloureux si ce n’était si comique ; nul, en effet, ne le détrompa ; il parvint à faire croire qu’il était né pour découvrir les plus secrètes délicatesses d’une âme féminine ; et après le livre ridicule de la Fille Élisa parurent ces œuvres extravagantes, La Faustin, Chérie, où quelques bécasses prétendirent se reconnaître, subissant la suggestion d’une enfant devant son maître d’école. […] L’enfant moderne qui est si aimable, si amusant dans les livres de Gyp ou de Mme Marni, devient dans Chérie une sorte de figure de cire où l’on a dessiné grossièrement les os et les entrailles, mais qui n’a plus ni apparence de vie ni séduction gracieuse. […] Lisez par exemple la mort d’Emma Bovary : « Sur la fosse, entre les sapins, un enfant pleurait agenouillé, et sa poitrine, brisée par les sanglots, haletait dans l’ombre, sous la pression d’un regret immense, plus doux que la lune et plus insondable que la nuit. » Comme toutes ces scènes d’amour, de douleur et de mort, écrites dans le même style glacé, précis, méticuleux, symétrique, sont fatigantes ! […] Son talent seul, qui était médiocre, sa pensée qui était celle d’un enfant — sa correspondance le prouve bien — n’eussent point suffi à l’imposer, mais la foule, comme cela a lieu dans ces tristes temps de démocratie, donna son opinion la première et y soumit les artistes.

929. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Faguet, de l’Académie française, distribue à des enfants persistants des prix de français ; puisque M.  […] Mais ce n’est pas le bonheur qui importe ; et ton inquiétude, tu le sens bien, n’est pas moins noble que le repos sur son sein. » [Fernand Gregh] Fernand Gregh, négociant précoce et enfant persistant, n’est pas seulement l’auteur de vers d’hésitation et de mièvrerie et de vers qu’il agite en vain pour les raidir comme des virilités adultes. […] Il lit les critiques avec une grande bonne volonté assimilatrice, et les professeurs loueront la docilité avec laquelle le cher enfant ânonne sa leçon. […] J’aime mieux louer les progrès du cher enfant qui « commence à comprendre la vérité de ces formules apprises au collège ». […] Comme vous avez été charmant pour d’autres habits verts et pour leurs gendres, je vous promets, mon cher enfant, qu’on ne vous oubliera pas à la prochaine distribution des prix.

930. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

» et elle repart étourdiment, comme un enfant qui monte un dada, sur son balai à moitié rôti. […] L’enfant s’est prise d’un amour, à la fois filial et passionné, pour son bienfaiteur ; et c’est à grand’peine qu’il échappe à ses mains suppliantes. […] C’est encore un type de fine race que celui de Raymond de Nanjac, ce soldat, crédule comme un enfant et pur comme une vierge, qui rapporte de l’Afrique guerrière un nom sans tache, une fierté d’Arabe, une loyauté de gentilhomme, une vie épargnée par les balles, un honneur intact, comme le drapeau de son régiment… tout cela pour le jeter aux pieds d’une femme perdue qui se joue et trafique, comme d’une pacotille, de ces saints trésors. […] M. de Jalin avertit un peu rudement la pauvre enfant, au second acte, du danger qu’elle court ; il prend par les ailes cet ange en péril, comme on prend par les cheveux une femme qui se noie. […] Eh bien, à première vue, il n’est pas haïssable du tout, ce Jean Giraud, parvenu, il est vrai, mais bon diable et bon enfant, s’il en fût jamais.

931. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Aussi nous paraît-il tout à fait erroné de rechercher aujourd’hui les causes de cette révolution dans tel ou tel abus ou dans tel ou tel vice de constitution, d’administration, de répartition d’impôt, de luxe de cour, de mesquines jalousies entre un clergé, une noblesse, des parlements, une bourgeoisie, un peuple demandant à la monarchie quelques réformes administratives ou quelques satisfactions de vanités réciproques au moyen desquelles tout ce grand mouvement des esprits et des âmes se serait apaisé comme une mauvaise humeur d’enfant qui brise un de ses hochets pour qu’on lui en donne un autre ! […] Quand vous voyez une haute marée assiéger les falaises et surmonter les digues de l’Océan aux équinoxes d’automne, soyez sûrs que ce n’est pas la main d’un enfant qui a fait rouler un caillou de l’autre côté de l’Atlantique dans le bassin des mers, mais que c’est un grand vent ou un grand astre qui pèsent de tout leur poids invisible sur l’élément dont vous voyez les convulsions sans les comprendre. […] Cette pseudo-terreur de paroles, puérile plagiat de la Convention, n’intimida personne et servit de prétexte aux ennemis de la démocratie constituée ; ils prirent la société tremblante sous leur égide, ils lui montrèrent du doigt les faux terroristes comme les Spartiates montraient aux enfants les ilotes ivres pour les dégoûter de l’ivresse. […] etc. » XXI Quand l’Europe, d’abord si passionnée sous l’Assemblée Constituante pour notre philosophie, notre littérature, notre langue, notre révolution, vit la France, saisie tout à coup comme d’une démence d’Oreste, immoler son roi innocent, sa reine étrangère, ses orateurs, ses philosophes, ses poètes, ses femmes, ses enfants, ses vieillards, et jusqu’à ces jeunes vierges traînées en groupe à l’échafaud, comme pour composer à la mort des bouquets de cadavres, l’Europe détourna la tête, elle retira son intérêt à une cause si belle mais si honteusement profanée ; elle crut à une démence de la nation ; elle la prit en pitié, puis en terreur, puis en horreur. […] Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine,         Les vierges aux belles couleurs Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine         Entrelaçaient rubans et fleurs, Sans plus penser à lui, le mangent s’il est tendre.

932. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

mon enfant, quelle flamme on te prépare pour te brûler ! […] Elle eut un enfant de Desportes, et l’on a rapporté des propos fort piquants qu’elle avait tenus à cette occasion, pendant un bal, au Louvre. […] Elle parle d’un passant inconnu qui se chargea d’élever son fils, sans demander qui était cet enfant et sans vouloir le savoir : un Phædime savait qui était cet enfant, mais il est mort de la peste ; ainsi, dit-elle à Thésée, vous pouvez l’être et ne le pas être. […] À cause de ses deux fils si dissemblables, le poète Foscolo, comparait Mme Chénier à Létô, qui engendra deux enfants ennemis. […] Enfin ce Baour-Lormian, cet enfant de Toulouse, buvait avidement l’ivresse dans la coupe des Gaels.

933. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Lorsque le sein commence à paraître, elles mettent dessus de petites plaques de plomb, et, se bandent comme des enfants qu’on emmaillote. […] Avec la précocité méridionale, des enfants de six ans se disent déjà des tendresses dans le langage convenu des yeux et des doigts. […] Quel parc magnifique surpasse la grâce du pauvre pré où l’on s’est arrêté tout enfant pour cueillir des liserons et des boutons d’or ? […] Dans ses tableaux, Omphale et le petit Amour, Pallas jouant de la flûte, la Charmeuse, Phryné, la Vierge aux deux enfants, les Romains passant sous le joug, l’Enfant prodigue et son père sont des figures accomplies. […] Vingt millions d’hommes, de femmes et d’enfants, vingt millions de vies, vingt millions de vies qui s’entre-croisent et font une trame.

934. (1902) Le critique mort jeune

Peuplé de tout ce qui s’imprime sous la calotte des cieux, ce cimetière enferme en ses profondeurs les pâles enfants de ma plume. […] Ainsi Joseph Monneron, hostile au catholicisme, n’a pas consenti que le baptême fût donné à ses enfants. […] Il n’a pas hésité à abandonner ses enfants à la vie avec ce faible viatique moral. […] Au contraire, les enfants du professeur ne doivent à leurs belles relations que de connaître un luxe et des plaisirs inaccessibles pour eux. […] Même nos lois, notre Code révolutionnaire, ont voulu que les parents eussent un contrôle sur le choix fait par leur enfant.

935. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Cette enfant, dont la naissance a été entourée de mystère et dont le sort a pu rester ignoré de Parny, fut enlevée à sa mère par les intéressés, et secrètement confiée aux soins d’une dame Germaine, mulâtresse, et mère elle-même de plusieurs enfants. […] De plus, elle a ajouté que la dame Germaine, quelque temps avant sa mort, lui avait confessé n’être pas l’auteur de ses jours, mais qu’ayant eu pour elle les soins d’une mère, elle lui demandait, avec le secret de cet aveu, l’amitié et les sentiments d’une sœur pour ses enfants, en retour de ce qu’elle avait eu pour elle de tendresse et d’affection. » Après ce tribut largement payé au chapitre des informations personnelles, je me hâte de revenir à l’élégie ; notez bien que, chez Parny, elle serre toujours d’assez près la réalité pour qu’on puisse passer, sans trop d’indiscrétion, de l’une à l’autre. […] Parny lui-même autrefois, dans un joli dialogue qu’il avait trop oublié, et qui eût été ici bien plus à propos, avait pu dire : Quel est ton nom, bizarre enfant ?  […] La personne qui se consacra à charmer ainsi ses ennuis et à consoler ses regrets était une créole aimable, déjà mère de plusieurs enfants d’un premier mariage : la douceur de la famille commença au complet pour Parny. […] Enfant, dans la maison sombre au foyer chaste, dans la cour sévère, je rêvais sans te connaître, je rêvais à toi.

936. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Nous nous connaissions par lettres ; il avait désiré servir avec moi, et sous moi, celui qui n’est plus à servir, mais qui sera toujours à respecter (l’enfant de la dynastie déchue). […] Je ne connais pas la force de son bouclier, etc., etc. » Le duc de Laval avait tort de suspecter la trempe de mon bouclier ; les séductions furent plus fortes pendant quinze ans qu’il ne pouvait le prévoir, mais mon cœur resta irréprochable envers la dynastie que j’avais servie et envers l’enfant que j’avais célébré comme le dernier espoir de la monarchie et de la liberté. Si j’avais prévu alors les iniquités et les outrages dont cet enfant devenu homme et son parti devenu vieux reconnaîtraient (sauf de rares amis) cette fidélité et ce dévouement au droit et au malheur de sa race, j’aurais dû peut-être m’en venger d’avance en acceptant les faveurs et le pouvoir des mains de leurs ennemis ! […] Depuis sa naissance Juliette avait été entourée d’aisance, de bien-être, de luxe ; mariée encore enfant à un homme dont la fortune était considérable, on ne lui avait jamais non-seulement demandé, mais permis de s’occuper d’un détail de ménage ou d’un calcul d’argent. […] Marié, à son retour d’Italie, à une jeune femme digne de lui, il la perdit un jour de bal par une catastrophe qui assombrit sa vie : elle fut brûlée en se parant pour une fête ; elle ne lui avait pas encore donné d’enfant ; il se réfugia dans la dévotion ; cette dévotion était sincère, quoique toujours élégante.

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