Nos jeunes auteurs dramatiques, qui presque tous ont renié Dumas et qui sont tous, plus ou moins, ses petits-fils, nous la font et nous la refont surabondamment. […] Si l’Odéon débonnaire n’avait pas offert à sa clientèle le Verre d’eau de Scribe, la Petite Ville de Picard et le Marino Faliero de Casimir Delavigne, nos sœurs, nos cousines, nos amies, nos danseuses, nos élèves, toutes ces chères petites, si intéressantes, auraient ignoré, pendant plusieurs mois, ces impressions de terreur et de pitié que le poème dramatique, au dire d’Aristote, éveille au fond du cœur humain… Les romanciers n’ont guère été plus galants que les dramaturges. […] Peu d’aventures, en effet, sont plus variées, et j’oserai le dire, — certain d’être approuvé par les archéologues et les artistes, — plus dramatiques que l’histoire des œuvres d’art accumulées par l’invention infatigable des Grecs, et par l’amour tout à fait extraordinaire que ce peuple a eu, de tout temps, pour le superflu.
Tout en continuant ses grands travaux d’histoire et d’exégèse, tout en traduisant Job, l’Ecclésiaste et le Cantique des Cantiques, tout en donnant à l’histoire littéraire de la France des notices qui sont des chefs-d’œuvre d’érudition sûre et minutieuse, tout en dressant chaque année, pour la Société asiatique, le bilan des travaux relatifs aux études orientales, tout en fondant et en dirigeant avec une activité admirable la difficile entreprise du Corpus inscriptionum semiticarum , qui sera son titre de gloire le plus incontestable au point de vue scientifique, il exposait ses vues et ses rêves sur l’univers et sur l’humanité, sur la vie et sur la morale, soit sous une forme plus austère dans ses Dialogues philosophiques, soit sous une forme plus légère et doucement ironique dans ses fantaisies dramatiques : Caliban, l’Eau de Jouvence, le Prêtre de Némi, l’Abbesse de Jouarre ; il travaillait à la réforme du haut enseignement ; il écrivait ces délicieux fragments d’autobiographie qu’il a réunis sous le titre de Souvenirs d’enfance et de jeunesse. […] Bien qu’il continuât à combattre pour les causes qui lui étaient chères en terminant son Histoire de la Révolution (1853), et en racontant les épisodes dramatiques du mouvement de 1848 dans l’est de l’Europe (Pologne et Russie, 1851 ; Principautés danubiennes, 1853 ; Légendes démocratiques du Nord, 1854), il se sentait impuissant et découragé. […] D’autres peuples ont pu nous disputer la première place dans la poésie lyrique, dans la philosophie ou l’art dramatique : nul ne nous a refusé la gloire d’avoir donné au monde les premiers des moralistes.
Cependant j’ai entendu dire un jour à un célèbre auteur dramatique que ceux qui ne comprenaient pas le grand cœur d’Hugo n’en avaient pas eux-mêmes, et que, certes, il avait de l’âme celui qui avait su écrire Melancholia et surtout l’épisode du Cheval de charrette. […] « Ce que vous avez fait là, madame, voyez-vous, c’est tout simplement infâme. » Des phrases comme celle-là constituent le procédé dramatique de V. […] Pour un autre, sur un fond noir s’agiteront cent petites figurines inachevées de buveurs et au milieu deux hommes en tueront un autre, et voilà de la peinture dramatique !
Sans doute, on ne nous montre plus guère aujourd’hui ce qu’on appelait autrefois la « psychologie », c’est-à-dire la lutte entre le devoir et la passion ; mais on nous décrit de curieux conflits de passions contradictoires, des combats parfois dramatiques entre le sentiment et l’idée, des états d’âme singuliers ou attachants. […] Dumas, qui constate le mal, qui même, avec son imagination dramatique, le grossit, croit à la facilité des remèdes : ce sera le divorce, ce sera la recherche de la paternité… On lui a déjà donné le divorce et il a pu constater que les crimes passionnels n’en sont guère moins nombreux : aujourd’hui, comme avant la loi de M. […] Il l’a dit en tout autant de termes : « On pourrait prétendre, au surplus, non seulement qu’un peu de casuistique ne saurait nuire au romancier, ni même à l’auteur dramatique, mais encore que la casuistique est l’âme même de l’art de représenter les passions.
Peut-être cette année, ou les années qui suivent, paraît Seirô niwaka zénseï asobi, Fête improvisée au quartier des maisons vertes , une série d’estampes en couleur, réunies en un album, montrant le Carnaval des rues du Yoshiwara où l’on voit des femmes théâtralement costumées et couronnées de chapeaux de fleurs, exécutant des danses, jouant de petites scènes dramatiques, représentant des revues de l’année. […] Le bruit a couru au Japon que Hokousaï n’aimait pas à dessiner les épisodes de l’histoire des 47 ronins parce qu’il était un descendant d’un vassal de Kôzouké, mais il n’en est rien : Hokousaï ayant dessiné un grand nombre de scènes de cette dramatique histoire13. […] Un roman où deux familles, séparées par des dissensions politiques, habitent deux montagnes voisines, et où le fils d’une de ces familles devient amoureux de la fille de l’autre famille et, plus heureux que Roméo, arrive à se la faire accorder : roman dans lequel l’intérêt amoureux est associé à l’intérêt dramatique d’une conspiration du prince Irouka contre l’empereur régnant.
J’avoue, pour moi, qu’un grand voyageur, parcourant le globe et rapportant à son pays, dans un style clair et précis, sans exagération comme sans déclamation, les spectacles dont il a été témoin, les mœurs dont il a compris la portée, les aventures dont il a été l’acteur, est le plus dramatique des hommes.
Il ne parlait plus alors, il chantait et il parlait à la fois ; lyrique comme l’ode, dramatique comme la scène, législateur comme la loi, pathétique surtout comme le cœur humain à nu sur la tribune.
Zola, qui n’est pas seulement romancier mais critique dramatique, publie dans ses feuilletons que « tout est mensonge au théâtre mensonge de la part des auteurs, mensonge de la part du public.
Nous sommes toujours tentés d’introduire un élément dramatique dans notre vie ou dans celle des gens que nous aimons. […] On pourrait dire encore que Proust élimine de la vie et de la conscience l’élément dramatique.
» Jeudi 18 mai Les grands événements tragiques donnent le courage à la femme, à la femme qui en manque le plus, et dans le dramatique, son dévouement s’exalte à un point digne de l’admiration. […] Un détail dramatique que j’oubliais.
Il n’y a point d’action historique, si bizarre qu’elle puisse être, qui ne donne lieu à quelque vérité morale ; et en ce sens, nos poëmes dramatiques qui n’ont été faits la plûpart que dans le dessein de toucher par des avantures tragiques, ou de divertir par des moeurs ridicules, sont des fables, c’est-à-dire, des instructions déguisées sous l’allegorie d’une action. […] du poëme épique. la prémiere différence du poëme épique et du poëme dramatique ; c’est que dans l’un le poëte raconte lui-même toute l’action ; et que dans l’autre, le poëte fait agir et parler les personnages.
Toute autre est l’unité d’une classe de l’histoire naturelle que celle d’un personnage dramatique. […] C’est ce que Saint-Marc-Gérardin fait très justement observer dans son cours de littérature dramatique. […] Arts communs à l’ouïe et à la vue : Art dramatique, art oratoire. […] Cette lutte du devoir et de la passion est même un des grands ressorts de l’intérêt dramatique, surtout chez Corneille.
Seulement, tandis que la profusion shakespearienne s’exerce sur une trame dramatique, ici c’est une succession de bulles, de flocons, c’est un pollen aérien, perpétuellement en mouvement, perpétuellement renouvelé et qui conserve toujours la fraîcheur de la surprise.
Pour beaucoup de poètes, d’auteurs dramatiques et de gens du monde, les hommes du passé sont uniformément raides, féroces, barbares, et comme on dit, d’un mot qui est à peu près vide de sens, mais qui suffit à beaucoup d’âmes contemporaines, hiératiques. […] Quelques-uns se sont servis du théâtre comme d’une tribune, de l’art dramatique comme d’un moyen de propagande, pour dénoncer le pharisaïsme de la société et hausser les âmes à une virile conception de la vie ; mais, depuis la mort d’Émile Augier et la retraite d’Alexandre Dumas, les auteurs dramatiques se traînent, sauf de rares exceptions, dans les banalités du « vaudeville », ou bien, sous prétexte de faire « vivant », s’appliquent à une notation puérile, impersonnelle, et d’ailleurs inexacte de ce qu’ils entendent dire ou de ce qu’ils voient faire autour d’eux.
« Celui qui ne sait pas traduire de vive voix les pensées et les sentiments des grands maîtres et rendre sensible à toutes les oreilles l’harmonie de leur poésie ou de leur prose, prouve qu’il ne les comprend pas, qu’il ne les sent pas lui-même : le meilleur lecteur, comme le meilleur acteur dramatique, est celui qui saisit le mieux les beautés de son auteur. […] C’est ainsi qu’il construisit L’Ingrat, L’Irrésolu, Le Médisant, L’Ambitieux, L’Indiscret, Le Glorieux. » Il y a dans La Bruyère des maximes et des réflexions qu’un auteur dramatique pourrait transformer en personnages de roman ou de comédie.