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689. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Les larmes les plus douces qui coulent au théâtre sont toujours celles qu’arrache l’admiration d’une vertu sublime. […] Ils n’attendaient pas une composition si sévère et si vigoureuse d’un pinceau doux et tendre, qu’on ne croyait propre qu’à tracer les orages et les égarements de l’amour. […] Junie, que Tacite appelle Junia Calvina, n’était point, comme l’auteur la suppose, une jeune fille douce, modeste et timide, vivant dans la retraite, fuyant le monde et la cour. […] Tel est ce petit-maître Tendre, galant, doux et discret. […] Quel contraste que celui d’un vieux guerrier sombre et cruel, à côté d’une jeune beauté douce et modeste !

690. (1929) Amiel ou la part du rêve

Mais Dieu aurait dû me laisser ma mère. » Il tient beaucoup de cette Neuchâteloise, jolie, douce, un peu intérieure, faible de santé. […] Sur ce terrain de la paresse, élastique et doux comme un tapis de billard, l’éternel ennemi sait les finesses du jeu. […] Il me laissera un long et doux souvenir ». […] Le doux curé lorrain est mortellement malade. Les médecins ne lui accordent que deux mois. » C’était un de plus qu’il n’en restait à vivre au doux philosophe genevois.

691. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Des Essarts, Emmanuel (1839-1909) »

Paul Stapfer Il est étrange que le huitain de Villon, d’un charme si pénétrant, d’une musique si douce et si expressive, ait été abandonné presque sans retour dès le temps de François Ier ; M. 

692. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 13-15

Le cœur gros de soupirs, les yeux noyés de larmes, Plus triste que la Mort dont je sens les larmes, Jusque dans le tombeau je vous suis, cher époux ; Comme je vous aimai d’une ardeur sans seconde, Comme je vous louai d’un langage assez doux, Pour ne plus rien aimer, ni rien louer au monde, J’ensevelis mon cœur & ma plume avec vous.

693. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VI. Voltaire historien. »

Le christianisme rehausse nécessairement l’éclat des peintures historiques, en détachant, pour ainsi dire, les personnages de la toile, et faisant trancher les couleurs vives des passions sur un fond calme et doux.

694. (1763) Salon de 1763 « [À mon ami Monsieur Grimm. » pp. 171-182

Bénie soit à jamais la mémoire de celui qui en instituant cette exposition publique de tableaux, excita l’émulation entre les artistes, prépara à tous les ordres de la société, et surtout aux hommes de goût, un exercice utile et une récréation douce ; recula parmi nous la décadence de la peinture de plus de cent ans peut-être, et rendit la nation plus instruite et plus difficile en ce genre.

695. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Machy » pp. 174-175

Son dessin de l’intérieur de la Magdeleine est très-bien éclairé ; c’est l’effet d’une lumière douce, rare, vague et blanchâtre, comme on la remarque aux édifices nouvellement bâtis, lorsqu’elle traverse des verres laiteux, ou qu’elle a été réfléchie par des murailles neuves.

696. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henriette d’Angleterre » pp. 7-9

Un œil si doux peut-il rien percer ?

697. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Le trait brûlait tout au fond dans le sein de la jeune fille, pareil à une flamme ; elle ne cessait de fixer sur le fils d’Éson des yeux étincelants, et son cœur à coups pressés haletait de fatigue hors de sa poitrine ; il ne lui restait plus aucun autre souvenir, et son âme se distillait dans une douce amertume. […] Au-devant, au-devant de ses yeux, tout lui apparaissait encore : quel il était lui-même en personne, de quel manteau il était vêtu, ce qu’il avait dit, et quelle bonne mine quand il se tenait assis sur son siège, et quelle noble démarche en sortant ; et sa pensée, en s’assombrissant, lui disait qu’il n’y en avait pas un pareil entre les hommes ; et sans cesse la douce voix du héros résonnait à ses oreilles, avec les discours de miel qu’il avait prononcés. […] Elle se ressouvint de tout ce qu’il y a d’agréable parmi les vivants ; elle se souvint de ses compagnes du même âge qui faisaient sa joie, comme une jeune fille qu’elle était ; et le soleil lui parut plus doux à regarder qu’auparavant, à mesure en effet qu’elle se reprenait en idée à chaque chose. […] Il y a dans l’Anthologie une épigramme de Rufin que voici au naturel : « Quand même il ne viendrait pu’au bord des lèvres, le baiser d’Europe est doux ; il est doux, quand même il ne ferait qu’effleurer la bouche ; mais il ne touche pas seulement du bout des lèvres : quand elle appuie la bouche, elle enlève l’âme jusque des ongles. » On retrouverait la même expression dans d’autres épigrammes, notamment d’Asclépiade. — Comme correctif au baiser si accentué de Rufin, j’ai bien envie de glisser un baiser moderne, plus délicat, pétrarquesque, et qui a pourtant aussi son aiguillon, sa saveur pénétrante !

698. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Après ma confiance en l’Éternel, dans le sein duquel j’espère que ce qui restera de moi sera porté, ma plus douce consolation est que tu chériras ma mémoire autant que tu m’as été chère. […] J’y voulais retrouver de doux souvenirs dont j’avais, ce jour-là, fait provision, et j’en ai recueilli au contraire de bien plus doux pour une autre fois. Que tes lettres sont douces à lire ! […] Chez d’autres, une sorte d’ironie douce, calme, insouciante et égoïste, comme chez Lagrange, compose un autre genre de défense.

699. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

A la date du 8 juin, je note un doux projet d’Éden, un rêve adolescent de chaumière ; et puis (8 mai) l’ascension à la Dôle, le Chalet des Faucilles, ce joli nid à romans qu’on appelle pays de Vaud, et l’éblouissante splendeur des monts d’au-delà, de laquelle on peut rapprocher encore, dans la nouvelle d’Amélie, la plus flottante description de brume automnale et matinale au bord du lac de Neuchâtel ; car c’est le triomphe de cette plume amusée d’avoir à dérouler ainsi des réseaux tour à tour scintillants ou Vaporeux. […] Même dans les plus expansives et sereines réminiscences des soirs d’automne de la maturité, même quand il semble le plus loin de Charles Munster et de Gaston de Germancé, quand il n’est plus que Maxime Odin, le doux railleur légèrement attendri, quand près de sa Séraphine, en d’aimables gronderies, il est assis sur le banc de l’allée des marronniers, le lendemain de sa nocturne enjambée au bassin des Salamandres ; quand se multiplient et se diversifient à ravir sous son récit les plus rougissantes scènes adolescentes et (idéal du premier désir !) […] Elle était bien jolie ; et de pensers touchants, D’un espoir vague et doux chaque jour embellie, L’amour lui manquait seul pour être plus jolie ! […] … Rien n’est doux et brillant comme de regarder à distance nos jeunes années malheureuses à travers ce prisme qu’on appelle une larme. […] Je ne sais quel penseur misanthropique a dit, en façon de recette et de conseil : « Un peu d’amertume dans les talents sur l’âge est comme quelque chose d’astringent qui donne du ton. » Assez d’écrivains éminents en ont eu de reste : ils n’ont pas ménagé cette dose d’astringent ; Nodier, lui, en manque tout à fait, et pourtant sa veine de talent a plutôt gagné, elle s’est comme échauffée d’une douce chaleur, en déployant au couchant la diversité de ses teintes.

700. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

« Rien n’est plus rare, mais rien n’est plus enchanteur qu’une belle nuit d’été à Saint-Pétersbourg, soit que la longueur de l’hiver et la rareté de ces nuits leur donnent, en les rendant plus désirables, un charme particulier, soit que réellement, comme je le crois, elles soient plus douces et plus calmes que dans les plus beaux climats. […] Le soleil était descendu sous l’horizon ; des nuages brillants répandaient une clarté douce, un demi-jour doré qu’on ne saurait peindre et que je n’ai jamais vu ailleurs. […] Le goût du paradoxe rendait rétrospectivement cruel en théorie le plus doux et le plus gai des hommes. […] L’exil était plus doux, mais c’était toujours l’exil. […] Ces jours de halte furent sans aucun doute les plus doux de toute sa vie ; c’est alors que j’eus le bonheur de le connaître.

701. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Fénelon est un démagogue chrétien et doux, qui sème des vertus, et qui se trouve n’avoir semé que des passions affamées qu’il ne peut nourrir que d’ivraie. […] Elle avait un air caressant et tendre, un regard très doux, un sourire angélique, des cheveux cendrés d’une beauté peu commune, et auxquels elle donnait un tour négligé qui la rendait très piquante. […] Mais non, les fruits mêmes doux et amers de la maternité ne lui resteront pas pour charmer sa vie, pour soulager sa misère, pour soutenir sa vieillesse. […] XXI Avant de s’y retirer, il place dans un hospice de charité publique le père de Thérèse, pour alléger le poids du ménage ; le vieillard comme l’enfant, ces deux fardeaux si doux du cœur, l’importunent. […] dès le lendemain, il n’est pas délivré de lui-même : ses inquiétudes, ses soupçons, ses rivalités, ses haines, ses amours, ses ingratitudes, l’assiègent jusque sous les ombres de cette forêt et dans cette douce hospitalité d’une amie.

702. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Daudet, lui, cause de son épouvantable misère, et de jours, où il ne mangeait pas littéralement… trouvant toutefois cette misère douce, parce qu’il se sentait aux épaules, la délivrance, la liberté d’aller où il lui plaisait, de faire ce qu’il voulait, parce qu’il n’était plus pion. […] C’est un homme aux traits de peuple, aux yeux clairs, clignotants sous des paupières maladivement rouges, à la longue barbe flave, aux cheveux coupés ras, à la tête ronde, la tête du doux et obstiné entêtement — un homme tel que je me figure les disciples de Jésus-Christ. […] Dimanche 16 mai Les grands desiderata de ma vie, ont été : — le Clodion représentant une montgolfière, au filet tendu autour du globe aérostatique, chevauché par une centaine d’Amours, poussé par moi, encore au collège, à 500 francs, et qui était à vendre, il y a une vingtaine d’années, chez Beurdeley : 65 000 francs ; — la grande tapisserie de Boucher, appelée « la Fête de village », manquée par un retard de voiture, à 800 francs chez Mme Saulière, et qui se vend maintenant 100 000 francs ; — une statuette de Saxe, aux chairs d’un rose adorablement pâle, une allégorie de l’Astronomie, représentée par une femme toute nue, regardant le ciel dans un télescope ; — un dessin de Watteau, la première idée de La Conversation, où était représenté M. de Julienne, vendu une soixantaine de francs, à une vente de Vignères ; — un dessin de Boucher représentant Madame de Pompadour, dans un faire miniaturé, au milieu d’un large encadrement composé avec les attributs des Arts, de la facture la plus large ; — une carpe dressée sur sa queue, en cristal de roche, du ton d’un verre de champagne rosé, et le plus joli et le plus doux feu d’artifice sous un coup de soleil, enfin un bibelot des Mille et Une Nuits. […] Samedi 30 octobre Paris, à six heures, me semble une Babylone américaine, où dans la hâte féroce des piétons à leurs plaisirs, ou dans l’impitoyabilité des cochers, assurés contre l’écrasement des vieillards, il n’y a plus de cette aimable, et douce, et polie humanité de l’ancien Paris. […] Elle a des scènes de coquetterie délicieuses, avec le gai rire de sa bouche aux dents blanches, avec le tendre rire de ses doux yeux de chevreuil.

703. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Aux endroits éclatants de ses œuvres, dans les scènes douces ou superbes, quand le paragraphe lentement échafaudé va se terminer par une idée grandiose ou une cadence sonore, Flaubert, usant d’habitude d’un « et » initial, balançant pesamment ses mots, qui roulent et qui tanguent comme un navire prenant le large, pousse d’un seul jet un flux de phrases cohérentes : « Trois fois par lune, ils faisaient monter leur lit sur la haute terrasse bordant le mur de la cour ; et d’en bas on les apercevait dans les airs sans cothurnes et sans manteaux, avec les diamants de leurs doigts qui se promenaient » sur les viandes, et leurs grandes boucles d’oreilles qui se penchaient entre les buires, tous forts et gras, à moitié nus, heureux, riant et mangeant en plein azur, comme de gros requins qui s’ébattent dans l’onde. » Et cette autre période, dans un ton mineur « Maintenant, il l’accompagnait à la messe, il faisait le soir, sa partie d’impériale, il s’accoutumait à la province, s’y enfonçait  et même son amour avait pris comme une douceur funèbre, un charme assoupissant. […] Et jusqu’aux merveilleuses et poignantes entrevues de Frédéric et de Mme Arnoux, à cette idylle d’Auteuil, où, vêtue d’une robe brune et lâche, elle promenait sa grâce douce sous des feuillages rougeoyants  qui sont notées en faits indispensables et dépourvues de toute phraséologie inutile. […] La nuit douce s’étalait autour d’eux ; des nappes d’ombre emplissaient les feuillages, Emma, les yeux demi-clos, aspirait avec de grands soupirs le vent frais qui soufflait. […] Avec ses lisses bandeaux noirs sur sa douce face mate, une fleur rouge dans les cheveux, lente, surprise et pure, elle inspire à Flaubert ses plus charmantes pages. […] Chacun de ses doigts était pour lui plus qu’une chose, presqu’une personne… Il l’appelait Marie, adorant ce nom là fait exprès, disait-il, pour être soupiré dans l’extase et qui semblait contenir des nuages d’encens, des penchées de roses. » D’aussi, belles pages marquent encore la sensualité contenue de ces deux êtres mûrs pour l’amour, et exacerbant leurs nerfs malades ; la promesse de son corps accordée et ce sacrifice empêché par la maladie de son fils tandis que dehors l’émeute se déchaîne  puis la séparation des deux amants, jusqu’à cette scène effroyablement aigüe où Frédéric, se trouvant un soir chez elle pâle et en larmes, est emmené par sa maîtresse, tandis que les rires délirants de Mme Arnoux sonnent dans l’escalier, et en trouent l’ombre ; la ruine de cette femme, cette chose intime et presque obscène, la vente de ses effets : enfin cette suprême et dure entrevue, où éclairée tout à coup par la lampe, elle montre à son amant vieilli, et travaillé de concupiscences, la froideur pure sur ses doux yeux noirs, de ses cheveux désormais blancs, dont, déroulés, elle taille une mèche, « brutalement à la racine »… Par ce type de femme de la grâce la plus haute, Flaubert se compensait de toutes les brutes que son souci de la vérité le forçait à peindre.

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