Même, dans certains cas, c’est l’absence de douleur ou bien encore le plaisir qui sont les symptômes de la maladie. […] Inversement, la douleur accompagne bien des états, comme la faim, la fatigue, la parturition qui sont des phénomènes purement physiologiques. […] La douleur, elle non plus, n’a rien de désirable ; l’individu la hait comme la société hait le crime, et pourtant elle relève de la physiologie normale.
Il nous touche par la douleur, par les destinées qu’il nourrit, par les conditions qu’il mélange, par les antagonismes qu’il crée. […] Elle a considéré qu’une paysanne était, aussi bien qu’une reine, une âme en marche, à travers la douleur et la joie, vers une éternité. […] Elle aura sa récompense, aussi mystérieuse que sa force, dans des repentirs qui ne seront jamais révélés, dans des larmes qui couleront pour d’autres, dans de longues patiences que la douleur ne lassera plus, dans les pardons, les oublis, et, plus souvent, dans l’allégement passager d’une créature faible qui retombera encore, mais qui porte en elle-même un principe de relèvement.
» « La nature avait sagement pourvu à notre indépendance », disait encore le poëte, « lorsqu’elle avait élevé les Alpes entre nous et la rage tudesque. » Puis, se lamentant sur cet obstacle inutile et franchi tant de fois, il s’écriait, avec plus de douleur que de force : « N’est-ce pas ici le sol que j’ai touché d’abord ? […] Le poëte adresse à un ami cette majestueuse complainte, où la grandeur est décrite sans emphase, et le néant des efforts humains déploré sans faiblesse : « Ces champs, ô douleur ! […] Mais, dans ces débris mêmes, le temps étale aux yeux de formidables spectacles ; et, devant ces images confuses, l’âme a entendu des cris de douleur.
Comme Illythie, elle allégeait les douleurs des mères. […] A son approche ses douleurs s’apaisent ; il se meurt, mais ne souffre plus. […] Ne lui demandez pas, cependant, les excès des douleurs modernes. […] L’écho des temps qu’il traverse retentit dans sa contemplation solennelle, comme, dans un temple, un cri de douleur poussé du dehors. […] La danse de Saint-Guy fut le galop final de cette orgie de douleurs.
« Elle parlait pourtant assez bien espagnol, nous dit l’auteur du récit, mais elle n’en prononça pas un mot.Il semble que dans les grandes douleurs, on revient à la langue naturelle, comme on se réfugie dans le sein d’un ami. » L’arrivée de la jeune Mercedès à Cadix, puis à Madrid où elle retrouve sa mère, sa famille ; l’état de la société peu avant l’invasion des Français ; les accidents gracieux qui formaient de légers orages ou des intérêts passagers dans cette existence de jeune fille, puis l’invasion de Murat, la fuite de Madrid, le retour, la cour de Joseph, et le mariage ; tels sont les événements compris dans ces deux premiers volumes de Souvenirs.
De la comédie grecque Les tragédies (si l’on en excepte quelques chefs-d’œuvre) exigent moins de connaissance du cœur humain que les comédies, l’imagination suffit pour peindre ce qui s’offre naturellement aux regards, l’expression de la douleur.
Il appelle son œuvre : Ces vers d’un méconnu, ces vers d’un résigné, Ces vers où ma douleur devient de ta lumière, Ces vers où ma tendresse a longuement saigné Comme un soleil couchant dans l’or d’une verrière.
Son expression est bien d’une femme enthousiaste ou ivre, mais souffrante, non comme une pythie qui se tourmente et qui cherche à exhaler le dieu qui l’agite, mais souffrante de douleur.
La constance d’âme que donne et assure l’étude de la sagesse philosophique pouvait-elle lui permettre de supposer tant de légèreté, tant de mobilité dans les dieux et les héros ; de montrer les uns, sur le moindre motif, passant du plus grand trouble à un calme subit ; les autres, dans l’accès de la plus violente colère, se rappelant un souvenir touchant, et fondant en larmes84 ; d’autres au contraire, navrés de douleur, oubliant tout-à-coup leurs maux, et s’abandonnant à la joie, à la première distraction agréable, comme le sage Ulysse au banquet d’Alcinoüs ; d’autres enfin, d’abord calmes et tranquilles, s’irritant d’une parole dite sans intention de leur déplaire, et s’emportant au point de menacer de la mort celui qui l’a prononcée.
Ce serait un hébétement plus qu’une douleur. […] Paul Morillot nous rappelle le témoignage de Balzac : « J’ai bien vu des douleurs constantes, des douleurs modestes, voire des douleurs sages et des douleurs éloquentes ; mais je n’en ai point vu de si joyeuses que celle-ci ; il ne s’est point encore trouvé d’esprit qui sût danser la sarabande et les matassins dans un corps paralytique. » Eh ! […] Son rire absout la Douleur, et cela est un crime, et c’est de cela, décidément, que je lui en veux. […] La mère, folle de douleur, dit à Paolo : « Au moins tu me restes. […] Si elle aime et si elle se sacrifie, c’est bien dans toute la sincérité et dans toute la douleur de son âme.
Tous les Mormons coururent, avec des larmes et des cris de douleur, au-devant de leurs chers martyrs. […] Sans doute un état de choses aussi peu naturel produit beaucoup de douleurs privées ; mais ces douleurs sont atténuées parce que c’est volontairement que les femmes ainsi sacrifiées se sacrifient. […] « Ils n’en feront pas moins ce qu’ils font quand tu en mourrais de douleur ». […] À force de s’endurcir, l’homme devient insensible ; à force de se réduire, l’homme cesse de donner prise à la douleur. […] L’homme fuit la douleur, comme l’eau coule sur sa pente ; et quand la douleur est extrême, il se réfugie dans tous les asiles, jusque dans l’insensibilité par la destruction systématique de ses organes ; jusque dans la folie, par la destruction systématique de sa raison.
Sophocle, tout fécond qu’il semble avoir été, tout humain qu’il se montra dans l’expression harmonieuse des sentiments et des douleurs, Sophocle demeure si parfait de contours, si sacré, pour ainsi dire, de forme et d’attitude, qu’on ne peut guère le déplacer en idée de son piédestal purement grec. […] En amitié, on n’aurait que de beaux traits à en dire ; son sonnet sur la mort de l’abbé Lamothe-Le-Vayer et la lettre qu’il y a jointe honorent sa douleur ; bien mieux que le lyrique Malherbe, il s’entendait à pleurer avec un père. […] Il se retira et laissa Molière, qui rêva encore fort longtemps aux moyens d’amuser sa douleur. » Cette touchante scène se passait à Auteuil, dans ce jardin plus célèbre par une autre aventure que l’imagination classique a brodée à l’infini, qu’Andrieux a fixée avec goût, et dont la gaieté convient mieux à l’idée commune qu’éveille le nom de Molière. […] 13 Si Molière n’a pas laissé de sonnets, à la façon de quelques grands poëtes, sur ses sentiments personnels, ses amours, ses douleurs, en a-t-il transporté indirectement quelque chose dans ses comédies ? […] Ce jour-là donc « Molière, se trouvant tourmenté de sa fluxion beaucoup plus qu’à l’ordinaire, fît appeler sa femme, à qui il dit, en présence de Baron : Tant que ma vie a été mêlée également de douleur et de plaisir, je me suis cru heureux ; mais aujourd’hui que je suis accablé de peines sans pouvoir compter sur aucuns moments de satisfaction et de douceur, je vois bien qu’il me faut quitter la partie ; je ne puis plus tenir contre les douleurs et les déplaisirs, qui ne me donnent pas un instant de relâche.
IV Dans ses secondes Tusculanes, il traite de la douleur ; il se demande si c’est un mal de souffrir. […] car il ne faut à la philosophie qu’un petit nombre de juges, et c’est à dessein qu’elle fuit la multitude. » Son argumentation sur les moyens de vaincre la douleur et de la mépriser, si on la compare au devoir, est un modèle accompli de raisonnements philosophiques ; le style semble s’éclaircir dans Cicéron à mesure que la pensée devient plus profonde et plus métaphysique. […] « Dans cinq autres livres de dissertations, les Tusculanes, j’ai recherché quelles étaient, pour l’homme, les principales conditions du bonheur : le premier traite du mépris de la mort ; le second, du courage à supporter la douleur ; le troisième, des moyens d’adoucir les peines ; le quatrième, des autres passions de l’âme ; et le cinquième enfin développe cette maxime, qui jette un si vif éclat sur l’ensemble de la philosophie, que la vertu seule suffit au bonheur. […] « Quand ma patrie fut tombée dans ce dernier état, dépouillé de mes anciennes fonctions, je repris ces études, qui, tout en calmant mes douleurs, m’offraient de plus le seul moyen qui me restât d’être encore utile à mes concitoyens.
Pendant ce temps-là, sa fille Eugénie descend au jardin et rêve à la fois d’amour et de pitié pour le jeune homme enfermé dans sa douleur. […] dit-il à Nanon. » Grandet sort et vend pour 200 000 francs de ses vins en se promenant sur la place devant le café ; et les deux femmes vont par pitié et les pieds nus écouter à la porte du cousin les gémissements de sa douleur. […] Ne verse-t-il pas tour à tour des larmes de joie et de douleur ? […] Cet amour, maudit par son père, lui avait presque coûté sa mère, et ne lui causait que des douleurs mêlées de frêles espérances.
De même, si on demande pourquoi nous percevons les objets sous la forme étendue, il est clair que ce qui est spécifique et irréductible dans l’étendue sera inexplicable, tout comme la douleur particulière et sui generis que cause un mal de dents. […] La douleur de dents est aussi une chose a priori en ce sens que nous ne pouvons la construire avant de l’avoir sentie. […] Tout cela pour sentir, par exemple, une douleur étendue dans le corps, une plaie grande et large, un froid glaçant tout le dos à la fois, une pression douloureuse s’étendant à une vaste portion des membres et les écrasant, etc. […] C’est, en un mot, la volonté qui se prépare à un oui ou à un non ; et la volonté est obligée, pour bien savoir ce qu’elle doit faire, de commencer par une sorte de demi-oui, par une acceptation de l’influence extérieure en tant que simple sensation et non encore plaisir ou douleur.