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1134. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Vous voulez éteindre dans l’imagination des peintres ce feu qui merite qu’on les traite quelquefois d’ouvriers divins, pour les reduire aux fonctions d’un annaliste scrupuleux ?

1135. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Tout est, en ce moment du xixe  siècle, plongé dans un matérialisme qu’on ne sait plus, pour peu qu’on respecte sa langue, même comment nommer, mais les poètes modernes, de cela seul qu’ils sont des poètes, ont l’horreur instinctive de cette fange dont ils veulent dégager leurs pieds divins, et ils les en arrachent pour ne pas être étouffés par elle.

1136. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Et, pour cela, l’on n’a pas besoin d’une longue explication ; souvent une phrase suffit ; un seul mot, comme un éclair, déchire le voile obscur du temps, ramène en pleine lumière les figures cachées, rallume dans leurs yeux ternes la divine flamme de la vie.

1137. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Or le polythéisme, c’était précisément l’idée d’un gouvernement capricieux et incohérent de l’univers. — A un autre point de vue le polythéisme, avec son « origine divine de toute famille puissante  », créait tout naturellement, et tout naturellement maintenait « l’intime confusion des deux pouvoirs spirituel et temporel » (Ibid. […] Rome se vantait d’être une ville sainte par sa fondation, consacrée dès son origine par des auspices divins et dédiée par son auteur au Dieu de la guerre. […] Les Romains ne détestaient pas plus le Dieu des Juifs qu’un autre Dieu ; ils ne détectaient pas plus Jésus qu’un autre personnage divin, mais à la condition que ce Dieu fût un Dieu comme un autre, un personnage divin à l’égal d’un autre. […] Si l’intolérance fut de droit divin dans le Judaïsme et si elle fut toujours mise en pratique (chap. […] Le danger encore (et celui-ci est bien plus grave) : parce que, vous aussi, et non pas seulement vos ennemis, vous lirez la Bible comme livre inspiré et divin et qui ne peut avoir tort, et il vous en restera quelque chose en l’esprit, et il vous arrivera de vous inspirer du livre inspiré.

1138. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Il n’est point de palais ni d’ordre social qui crée cette divine beauté là où elle n’est pas. […] Challemel-Lacour à la table d’hôte où ils prenaient leurs repas, dans la fumée des pipes et la senteur des choucroutes : « Les hommes ne sont mus, quand ils aiment, ni par des convoitises dépravées ni par un attrait divin. […] … Et toi, divine Mort où tout rentre et s’efface, Accueille tes enfants dans ton sein étoilé. […] A ce frémissement de l’humanité retrouvée par-delà les analyses, à cette sympathie profonde même dans la mise à nu de la misère humaine, à ce don des larmes conservé jusqu’au bout, vous reconnaissez la présence constante ; chez Tourguéniev, de la flamme divine de l’amour. […] — Et de même encore, il y a de l’incompréhensible dans les plus touchantes de ces femmes de Tourguéniev, dans ses Antigones, car, lui aussi, comme le poète Shelley, il a aimé cette divine image de la pitié, du courage, de la pureté.

1139. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Former sur elles des projets de conquérant, ce serait un crime contre la société humaine et la vie divine du monde, crime aussi grand « que de tuer son père ou de brûler le Capitole », comme disait Marc-Aurèle. […]               Elle redevient l’âme obscure               Qui rêve, la voix qui murmure,               Le frisson des choses, le souffle flottant               Sur les eaux et sur les plaines,               Parmi les roses, et dans l’haleine               Divine du printemps. […] * * * Ce décor enchanteur inspira à Van Lerberghe une œuvre d’une pure beauté, elle aussi : La Chanson d’Ève, écrit Albert Mockel, au cours de la très remarquable étude qu’il consacra à son ami77 c’est la divine enfance de la première femme, mais c’est aussi la légende éternelle de la jeune fille qui s’éveille de l’innocence à l’amour, à l’ivresse de comprendre et à la tristesse de savoir. […]        Et je t’adore, et je cherche en mon cœur        Des paroles qui soient,        Comme ta grâce et ta beauté divines. […] Jamais on ne parlera de van Lerberghe en termes aussi appropriés, aussi délicats, aussi suavement évocateurs, jamais on ne recréera, au moyen d’un art à ce point compréhensif et cajoleur, le pur enchantement d’une atmosphère quasi divine.

1140. (1913) Poètes et critiques

Et c’est pourquoi les vers de ce poème de la Mer sont d’une qualité, et ont gardé une saveur, dont quelques strophes du vieux Coleridge ou, mieux encore, beaucoup d’endroits vraiment divins des Châtiments donnaient, depuis longtemps, l’idée : ils sentent l’algue marine et ils ont goût de sel. […] Il était l’auteur des Chansons Joyeuses et des Poèmes de l’Amour et de la Mer, ces premières œuvres si fraîches, écrites par un adolescent étonnamment doué ; de l’Aurore, ce dramatique et douloureux combat d’une foi qui décline et d’une conscience qui aspire à s’affirmer ; des Symboles, ce puissant effort de résurrection des religions antiques, ce retour par l’émotion du cœur, par la pénétration passionnée de l’esprit, aux légendes divines qui ont guidé ou égaré, émancipé ou asservi l’humanité. […] Tracer, toute sa vie, des sillons de labour, pour y jeter à pleine main les grains de seigle ou de froment ; façonner, sans relâche, de jeunes esprits pour y faire fructifier la semence, non moins nécessaire, des sentiments et des idées, ce ne sont là des besognes vulgaires que pour l’observateur inattentif ou aveuglé ; comme l’a dit, dans des vers animés d’un souffle divin, notre Victor Hugo dont Jouffret prêcha l’évangile : vienne l’heure crépusculaire ; aux lueurs augustes de la tombée du jour ou du mystère de la mort, le geste grave et bienfaisant du patient semeur prend un caractère sacré, et semble « s’élargir jusqu’aux étoiles ». […] On s’attristait d’abord ; et puis, non… Il était heureux, en effet ; on ne tardait pas à s’en apercevoir : une gaieté enfantine, et de qualité presque divine, l’animait bientôt, dès qu’il entrait en sécurité… Il avait été assez riche, et puis tout son argent s’en était allé sans qu’il sût avec exactitude comment. […] La pâleur du ciel au-dessus de l’allée qui n’en finit plus a le charme apaisant de ce qui est vraiment « divin » et « vers les prés clairs », sur le toit du château « rouge de brique et bleu d’ardoise », pour distraire ces jeunes gueux, lèvent, soufflant sans âpreté, « cherche noise » et jette, en passant, son sec coup d’aile « aux girouettes ».

1141. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Quand Bossuet faisait appel à la Providence pour expliquer la Révolution d’Angleterre, il diminuait peut-être la portée de cette vue en désignant le salut de la reine Henriette comme la fin de l’intention divine. […] Mme de Staël dans la critique d’idées, Chateaubriand dans la critique de goût, ce sont les deux livres créateurs avec cette « partie divine » de la critique, qui manque totalement aux deux autres. […] Avec cette différence que la philosophie politique de Courier est une philosophie de propriétaire plutôt que de militant (un braconnier électeur eût été aussi insupportable à ce censitaire que le roi de droit divin), de solitaire plutôt que de solidaire. […] Un sculpteur divin avait pris sous son ciseau la pierre de sa destinée. […] Le poète a, avec cette foule, un langage commun, qui n’est pas toujours divin, mais dont les parties vulgaires sont soulevées et animées par la partie divine.

1142. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Ce n’est que dans un siècle aussi poli, aussi galant que celui de Louis XIV, que le génie poétique a pu dessiner cette figure presque divine de l’Andromaque française, qui semble transporter dans notre littérature moderne les miracles de la sculpture antique. […] Oreste, de son côté, traite d’une manière très peu galante Hélène et Hermione ; il traîne par les cheveux la mère, lui penche le cou, et se prépare à lui trancher la tête, lorsque, par l’effet d’un pouvoir divin, elle disparaît tout à coup à ses yeux. […] Le divin Homère représente Achille pleurant comme un enfant, et allant se plaindre à sa chère mère Thétis, quand deux huissiers d’Agamemnon ont enlevé de chez lui Briséis, sans obstacles, en vertu des ordres dont ils étaient porteurs. […] On pourrait demander pourquoi Calchas était si bien instruit de l’équipée d’Hélène : était-ce l’effet d’une révélation divine ? […] Racine a supprimé sagement cette idée d’une mortelle qui reconnaît la supériorité du fils d’une déesse : idée très froide pour nous, qui n’admettons point de race divine, mais qui pouvait plaire aux Grecs.

1143. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Et peut-être en eût-il souffert quand même, s’il n’y avait eu, autour de sa vieillesse, comme une entente publique pour le laisser jouir paisiblement de son énorme gloire… Mais vous connaissez les dernières années de Lamartine, et l’on ne peut songer sans horreur au petit vieillard suranné que serait peut-être aujourd’hui le divin Musset, s’il avait vécu. […] J’ai toujours eu envie de mettre pour épigraphe à ce divin petit livre la phrase de Quincey : « Ô juste, subtil et puissant opium ! […] Pourquoi a-t-on coutume d’appeler Bérénice une « élégie » divine ? C’est, bel et bien, une divine tragédie. […] Alors lui, le grand Cid, dans sa divine indulgence, s’approche de l’enfant malheureux, et, pour le consoler, sachant bien qu’au fond le petit a du cœur et qu’il prendra sa revanche, il feint d’avoir, lui aussi, faibli dans le combat, et il s’en accuse en grommelant… Et, peu à peu, l’enfant comprend le miséricordieux mensonge ; il s’écrie : Ô mon père !

1144. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Byvanck a passé une bonne soirée au Chat-Noir, en écoutant Alphonse Allais, Georges Courteline et Maurice Donnay, qui y répandaient leur esprit subtil et leur divine fantaisie. […] Enfin, Hypéride prend la parole, et convaincu de l’excellence de sa cause, se borne pour toute argumentation à dévoiler la figure divine de l’hétaïre. […] Je veux parler de l’églogue à Paul Verlaine et des vers de la fin : Divin Tityre, âme légère comm’houppe     De mimalloniques tymbons, Divin Tityre, âme légère comm’troupe     De satyreaux ballant par bonds. […] — Et en même temps ce fut un effort profondément sincère, qui voulait être cru sincère, pour atteindre les hauteurs du renoncement au sein de la volonté divine. […] » — « Pauvres profanes que nous sommes, pour qui ces plaisirs divins et autres divertissements littéraires resteront lettre close ! 

1145. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Elles lui révèlent une harmonie jusqu’alors méconnue dans toutes les parties de l’univers, depuis le minéral qui agrège ses cristaux jusqu’à l’homme qui souffre et qui pleure, et cette harmonie aboutit à l’unité supérieure de la pensée divine et de l’être absolu. […] Toute la nature participe ainsi à la vie divine qu’elle manifeste dans une variété infinie. […] La force illimitée, la faculté sublime, obscure chez les êtres inférieurs, chez l’oiseau claire et vive, de prendre à volonté sa force au foyer maternel, d’aspirer la vie à torrent, c’est un enivrement divin. […] L’amour divin enseigné par l’Évangile ne lui apparaissait que défiguré par les mièvreries de la dévotion et par l’orgueil de la théocratie ; il ne le trouvait ni assez large ni assez ardent pour satisfaire son cœur. […] Il était un causeur incomparable, et l’on sentait en lui, sans qu’il cherchât à le faire sentir, ce je ne sais quoi de divin qui fait l’homme de génie.

1146. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Qui dira quand l’amour défendu par les lois humaines l’est aussi par ces lois supérieures dont nous pressentons quelquefois la divine indulgence ? […] Quelle histoire plus attirante que celle d’une âme qui reçoit les premiers attouchements divins ? […] se faire une âme pareille à cette âme enfantine, échanger les rêveries d’art et les préoccupations de métier contre l’ébriété divine d’un porcher de la Trappe ! […] Taine, il y a une âme dans chaque chose, il y en a une dans l’univers ; quel que soit l’être, brut ou pensant, défini ou vague, par-delà sa forme sensible luit une essence secrète et je ne sais quoi de divin que nous entrevoyons par des éclairs sublimes sans jamais y atteindre et le pénétrer. […] Les poésies d’Elskamp « seraient divines vraiment pour enluminer un peu les siècles ».

1147. (1925) Portraits et souvenirs

Il admit à la parole ce pouvoir divin que lui reconnaît Edgar Poe, le pouvoir de créer des mondes. […] Polyphème de l’observation et Cyclope de l’analyse, à l’œil impitoyable et minutieux, pareil au bonhomme mythologique de la fontaine, n’a-t-il pas épié, durant toute sa vie, la rencontre de la Nymphe et du Berger et émietté sur eux le vain rocher dont il ne pouvait plus, poète à sec et romancier tari, goûter l’onde vive et divine ? […] J’aurais voulu me lever, me découvrir devant lui, mais le regard de son œil bleu clair avait été si sévère et si aigu que je restai là, le cœur battant, tandis que Leconte de Lisle continuait sa route olympienne dans la lumière dorée qui poudroyait et qui me semblait l’envelopper d’une poussière divine … Plus tard, j’ai eu l’honneur d’approcher le grand poète. […] Certes, notre cher et vénéré Stéphane Mallarmé n’a peut-être pas été un professeur d’anglais éminent et un universitaire modèle, mais à ceux qui l’ont admiré et fréquenté, il a appris, par son exemple, comment on doit, aux dépens d’une part de soi-même, réserver à la conception et à la composition de l’œuvre d’art une atmosphère spirituelle, pure de toute promiscuité, la seule respirable à la fleur divine qu’est la poésie, et la seule dans laquelle elle puisse épanouir dignement, au-dessus de la tige épineuse de ses racines inférieures, son calice lumineux et parfumé. […] Chacun s’arrange pour s’y ménager un peu de loisir et de liberté, et est-il de meilleur emploi de cette liberté et de ce loisir que de charger les poètes de les embellir de leurs rêves et de charmer notre repos de leurs nobles agitations et de leurs divines inquiétudes ?

1148. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Il est vrai, qu’en ma robe de batiste grise, tout unie, j’ai une taille divine, c’est le mot (tu l’as dit toi-même) ; mes cheveux dorés sont coiffés simplement. […] Sous cette banale auréole, l’enfant divin illumine tous les entourants et semble lui même être fait de lumière. […] Il ne peut même pas être le premier échelon de cet escalier divin, au haut duquel se trouve l’ambition satisfaite. […] Hier, j’étais gaie en écoutant le Stabat de Pergolèse, qu’on a rechanté pour la princesse Marguerite, et dont les accents divins me remplissent le cœur et les oreilles, ce soir je suis énervée. […] Bonté divine !

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