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1343. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Il prétend que Dieu, c’est-à-dire l’auteur de nous et de nos alentours, est mort avant d’avoir fini son ouvrage ; qu’il avait les plus beaux et vastes projets du monde et les plus grands moyens ; qu’il avait déjà mis en œuvre plusieurs des moyens, comme on élève des échafauds pour bâtir, et qu’au milieu de son travail il est mort ; que tout à présent se trouve fait dans un but qui n’existe plus, et que nous, en particulier, nous sentons destinés à quelque chose dont nous ne nous faisons aucune idée ; nous sommes comme des montres où il n’y aurait point de cadran, et dont les rouages, doués d’intelligence, tourneraient jusqu’à ce qu’ils se fussent usés, sans savoir pourquoi et se disant toujours : Puisque je tourne, j’ai donc un but. […] J’espérais recevoir une de vos lettres aujourd’hui ; mais les infâmes chemins que le Ciel a destinés à me tourmenter et à me vexer de toute façon ont arrêté le porteur de votre lettre, j’espère, et il n’arrivera que demain matin. […] Je l’ai appelé Jaman, du nom de son père, et je lui destine the most libéral éducation… « Je vous prie de m’envoyer le livre de M.  […] « Que la morale soit vague, que l’homme soit méchant, faible, sot et vil, et de plus destiné à n’être que tel », il le croit très-habituellement, il ose l’écrire, et pourtant… Voici des pages beaucoup trop démonstratives de ce que nous avançons : « Vendredi, ce 6 juillet 1791. […] Il eût été guéri à coup sûr par ce bienfaisant génie, s’il eût pu l’être ; il fut convié du moins et associé aux nobles efforts ; il put se créer et poursuivre le fantôme, parfois attachant, d’une haute et publique destinée.

1344. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Comme il était un véritablement honnête homme, les véritables gens de bien, qui désapprouvaient hautement sa comédie, devaient l’inquiéter au fond de l’âme ; aussi défend-il sa comédie par des raisons excellentes, naturelles, modestes ; disant que la comédie est presque d’origine chrétienne ; qu’elle doit sa naissance aux soins d’une confrérie religieuse ; qu’elle est destinée à corriger tous les hommes, les dévots comme les autres. […] De son côté, cet homme qui s’est tant moqué du mariage, des maris et de leurs faiblesses, à quoi songeait-il donc lorsque, déjà sur le retour du bel âge, il associait à sa destinée une jeune femme élégante et coquette, avide de bruit et de fêtes, qui, de son théâtre, pouvait voir tous les enivrements de la vie au milieu de cette cour galante où les femmes étaient reines, où le roi lui-même obéissait en esclave ! […] À chaque instant, à chaque vers, à chaque mot éclate la bonne humeur de ce merveilleux génie qui déjà pressentait ses admirables destinées. […] Et ce pauvre Sganarelle qui veut en vain savoir la destinée de son mariage, le voilà aussi peu avancé qu’à la première scène de sa comédie ! […] Déjà, il comprend confusément qu’une destinée s’ouvre devant lui, une destinée politique ; on dirait un nouveau débarqué de la Gironde, tant il est calme et sûr de son fait.

1345. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

L’imagination sympathique était absente ; on ne savait pas sortir de soi-même, se transporter en des points de vue distants, se figurer les états étranges et violents de l’esprit humain, les moments décisifs et féconds pendant lesquels il enfante une créature viable, une religion destinée à l’empire, un État qui doit durer. […] » Toutes les souillures qu’il a contractées lui viennent du dehors ; c’est aux circonstances qu’il faut attribuer ses bassesses et ses vices : « Si j’étais tombé dans les mains d’un meilleur maître…, j’aurais été bon chrétien, bon père de famille, bon ami, bon ouvrier, bon homme en toutes choses. » Ainsi la société seule a tous les torts  Pareillement, dans l’homme en général, la nature est bonne. « Ses premiers mouvements sont toujours droits… Le principe fondamental de toute morale, sur lequel j’ai raisonné dans mes écrits, est que l’homme est un être naturellement bon, aimant la justice et l’ordre… L’Émile en particulier n’est qu’un traité de la bonté originelle de l’homme, destiné à montrer comment le vice et l’erreur, étrangers à sa constitution, s’y introduisent du dehors et l’altèrent insensiblement… La nature a fait l’homme heureux et bon, la société le déprave et le fait misérable412. » Dépouillez-le, par la pensée, de ses habitudes factices, de ses besoins surajoutés, de ses préjugés faux ; écartez les systèmes, rentrez dans votre propre cœur, écoutez le sentiment intime, laissez-vous guider par la lumière de l’instinct et de la conscience ; et vous retrouverez cet Adam primitif, semblable à une statue de marbre incorruptible qui, tombée dans un marais, a disparu depuis longtemps sous une croûte de moisissures et de vase, mais qui, délivrée de sa gaine fangeuse, peut remonter sur son piédestal avec toute la perfection de sa forme et toute la pureté de sa blancheur.

1346. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Empêcher l’Autriche d’empiéter sur les États italiens, piémontais ou autres dont les traités ont garanti l’indépendance, afin que l’Italie, destinée à être libre, ne devienne pas une monarchie autrichienne, trop pesante sur ces peuples libres, et trop pesante aussi contre nous-mêmes au midi de l’Europe. […] Ces deux individualités ne sont pas condamnées à se faire la guerre, mais elles sont destinées à se faire toujours contrepoids.

1347. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Jacques V mourut jeune, en prophétisant à sa fille au berceau une destinée funeste. […] La reine d’Écosse, par leur conseil, laissa sa fille enfant au château de Saint-Germain, sous leur protection, pour y grandir dans l’air de la France, sur laquelle elle était destinée à régner un jour. « Votre fille est crûe et croît tous les jours en bonté, beauté et vertus, écrit le cardinal de Lorraine, son oncle, à la reine d’Écosse, après son retour d’Édimbourg ; le roi passe bien son temps à deviser avec elle.

1348. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Quand l’âme est grande, elle grandit avec la destinée. Cette destinée était sublime, car elle était tout à la fois une expiation acceptée et une réhabilitation dans le sang.

1349. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Il y a tout un Achille que Boileau ne semble pas avoir plus connu que Perrault ; il y a le fils qui donne au souvenir de son père des larmes plus précieuses que celles que Boileau aime à lui voir verser pour un affront ; il y a l’ami de Patrocle, plus fidèle à l’amitié qu’à la colère ; il y a un sage aimable qui apaise les disputes parmi les hommes et console les vaincus ; il y a un homme qui, dans la solitude de sa tente, a beaucoup pensé sur le bien et le mal, sur la vie, sur la destinée, sur lui-même, le premier type de cette mélancolie que l’âme d’Homère a connue avec tous les sentiments qui sont de l’homme. […] Destinée unique, vie qui recommence après un demi-siècle, et pour un demi-siècle encore ; je ne m’étonne pas que, de tant de conditions heureuses, il soit sorti un livre à beaucoup d’égards parfait, par la convenance de l’entreprise au but et de l’œuvre à l’ouvrier.

1350. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

Ce n’est point par une adaptation unique, par une coupe destinée. […] On ne voit pas que les philosophes soient destinés à réussir totalement plus que César ou que Napoléon.

1351. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Dupanloup, je passai donc, avec les élèves de ma classe, au grand séminaire, destiné à l’enseignement plus spécialement ecclésiastique. […] Je crains fort que nos écrits de précision de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, destinés à donner quelque exactitude à l’histoire, ne pourrissent avant d’avoir été lus.

1352. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Le Wagner-Museum est une chose absolument intéressante et utile, et destinée au meilleur succès. […] Toute la scène de l’Enchantement du Vendredi-Saint, de cette pureté qui va de la nature aux hommes, se passe au milieu de cette nature primitive ; c’est en ce point que se rejoignent les deux destinées de Kundry et de Parsifal : c’est là qu’elles s’épurent et qu’elles triomphent.

1353. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Avant l'avénement de Votre Majesté à la Couronne, la Renommée nous avoit déjà appris, Sire, que la destinée de succéder à un grand homme, qui est communément un écueil pour le plus grand mérite, n’en seroit pas un pour vous. […] Que les citations qu'on trouve sous les N°. 4, 5 & 6 du Libelle, ont été puisées dans des Notes que j'avois faites pour les Trois Siecles, & qui m'ont servi ou qui étoient destinées à composer les Articles des Auteurs qui en sont l'objet : 3°. que les Lettres (sans date, comme toutes les autres), dont on rapporte des morceaux, pag. 30, 31, 32, 37 & 45, & que je me rappelle très-bien avoir écrites, sont un monument manifeste de la mauvaise foi de l'audacieux Compilateur, puisqu'elles renferment précisément la réfutation de ce qu'il avance sans preuve ; réfutation qu'il s'est bien donné de garde d'exposer aux yeux de ses Lecteurs : 4°. enfin, qu'à l'exception de quelques Billets & de trois ou quatre Lettres que j'ai écrites en ma vie à l'Abbé Martin, tous les papiers de mon écriture qu'on cite ou dont on parle dans le Libelle, ne sont que des brouillons informes ou des matériaux d'Ouvrage, que je dois avoir laissé égarer ou qui m'ont été méchamment dérobés.

1354. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Né dans une coupe, comme il convenait à sa destinée, il personnifia la libation des sacrifices mêlée au feu — Agni — qu’elle alimente, ne faisant plus qu’un avec lui, allant porter au ciel, dans un tourbillon d’étincelles, les prières de l’homme et sa propre essence que boiront les dieux. […] C’est à Thèbes que se forme la grande légende de Bacchus, celle qui décide son type et le pousse vers sa destinée.

1355. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

Son grand souci est la destinée humaine. […] Il ne serait pas plus difficile de faire voir comment l’économie politique, si cette lumière lui manque, perd de vue l’homme et sa haute destinée, c’est-à-dire le but final où tend tout ce mouvement de la production et la distribution de la richesse.

1356. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Ainsi partait à toute bride le jeune général, pour arriver à temps au terme glorieux de sa destinée, pour s’illustrer à Essling, et, plein d’un pressentiment de mort, pour tomber frappé d’une balle au front l’après-midi de Wagram, à l’heure du triomphean.

1357. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Il entre une autre fois dans une assemblée, se place où il se trouve, sans nulle attention aux autres, ni à soi-même : on l’ôte d’une place destinée à un ministre, il s’assied à celle du duc et pair : il est là précisément celui dont la multitude rit, et qui seul est grave et ne rit point.

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