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1028. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Car, dans toute question générale, il y a quelque notion capitale et simple de laquelle le reste dépend, celles d’unité, de mesure, de masse, de mouvement en mathématiques, celles d’organe, de fonction, de vie en physiologie, celles de sensation, de peine, de plaisir, de désir en psychologie, celles d’utilité, de contrat, de loi en politique et en morale, celles d’avances, de produit, de valeur, d’échange en économie politique, et de même dans les autres sciences, toutes notions tirées de l’expérience courante, d’où il suit qu’en faisant appel à l’expérience ordinaire, au moyen de quelques exemples familiers, avec des historiettes, des anecdotes, de petits récits qui peuvent être agréables, on peut reformer ces notions et les préciser. […] Tous les mécontentements accumulés, la fatigue du présent, l’ennui, le dégoût vague, une multitude de désirs enfouis jaillissent, pareils à des eaux souterraines sous le coup de sonde qui pour la première fois les appelle au jour.

1029. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

., coïncident en ceci qu’étant toutes agréables elles provoquent toutes le même désir, celui d’éprouver encore une fois la sensation agréable ; or un désir, une impulsion si distincte aboutit sans difficulté à un air de tête, a un geste de la main, à une expression, par suite à un nom.

1030. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Il me manquait quelque chose pour remplir l’abîme de mon existence : je descendais dans la vallée, je m’élevais sur la montagne, appelant de toute la force de mes désirs l’idéal objet d’une flamme future ; je l’embrassais dans les vents ; je croyais l’entendre dans les gémissements du fleuve ; tout était ce fantôme imaginaire, et les astres dans les deux, et le principe même de vie dans l’univers. […] si tu m’avais donné une femme selon mes désirs ; si, comme à notre premier père, tu m’eusses amené par la main une Ève tirée de moi-même.… Beauté céleste !

1031. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

De là la médiocrité — pour ne pas dire plus — de la plupart des pièces ; ce qui guide avant tout l’auteur, c’est le désir patent, que, dans sa pièce, le grand acteur à qui il la destine rencontre tout ce qui peut lui plaire, c’est-à-dire tout ce qui peut lui offrir des effets faciles et bien dans sa nature, flatter ses goûts personnels, même ses manies. […] Il entre beaucoup de choses dans la passion du théâtre : j’y découvre la passion de l’entr’acte et des potins de couloirs ; la passion des messieurs pour les jolies actrices ; la passion des spectatrices pour les acteurs élégants et séduisants ; la passion des dames « qui n’ont rien à se mettre » pour les modèles inédits exhibés sur la scène ; la curiosité cruelle de certains amateurs qui regardent vieillir nos gloires théâtrales ; le goût de montrer une robe nouvelle, un riche collier, des bagues somptueuses ou un habit bien coupé ; la satisfaction d’occuper une bonne place, tandis que le pauv’ peuple s’entasse au poulailler ; le désir de tuer le temps, entre le dîner et le souper, etc.

1032. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Mais comme l’approbation des yeux est d’un ordre inférieur au mérite de ces belles, elles s’élèvent par la raison et par l’esprit, et tâchent de fonder en droit les passions qu’elles peuvent faire naître Il y a les beautés fières et les beautés sévères : les premières souffrent les désirs accompagnés de respect : le respect n’adoucit pas les sévères ; ni les unes ni les autres ne sont invincibles. » De Pure ajoute qu’elles font solennellement vœu de subtilité dans les pensées, et de méthode dans les désirs.

1033. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Elle n’était pas de celles qui peignent en rouge le vice sur leurs joues, et dont les yeux, indécents comme une nudité, sollicitent le scandale et marchandent le désir. […] Luxe mou, rose, énervant, sculpture décolletée, céramique d’orgie, peinture érotique, tentation de saint Antoine de l’art libertin, où la Chine grimacière, la Saxe galante et le rococo Pompadour luttaient de minauderies et d’agaceries mignardes pour griser les sens et irriter le désir.

1034. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

dans mon lit, j’avais là, mais vraiment, la tentation de me relever et de filer au chemin de fer, laissant mon monde continuer son voyage… J’ai besoin de Paris, de son pavé… Les quais, le soir, avec toutes ces lumières… Vous ne croyez pas qu’il y a des jours, où je me sens tout heureuse de l’habiter… Ça été si longtemps mon désir d’y venir… Non, quand je ne suis plus en France, il y a un trouble en moi, j’ai le diable au corps d’y revenir, d’y être, de me trouver avec des Français… Et la première fois que j’ai mis le pied sur de la terre française, en août 1841, il était deux heures du matin, « le premier pantalon garance » que j’ai aperçu, ça été plus fort que moi, je suis descendue de voiture pour l’embrasser… Oui, je l’ai embrassé !  […] Comme on lui demande la sensation d’amour la plus vive, qu’il ait éprouvée dans sa vie, il cherche quelque temps ; puis il dit : « J’étais tout jeunet, j’étais vierge, avec les désirs qu’on a, lors de ses quinze ans.

1035. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Je voudrais être en lieu d’où je pusse aisément Contempler la foule importune De ceux qui cherchent vainement Cette fille du Sort de royaume en royaume, Fidèles courtisans d’un volage fantôme. » Quand ils sont près du bon moment, L’inconstante aussitôt à leur désir échappe. […] L’amour, comme je crois que vous n’en doutez pas, c’est le désir d’être aimé ; il n’est pas uniquement cela ; mais il est surtout cela, et voilà un sentiment, sinon tout à fait intéressé, du moins très mêlé d’intérêt  L’amitié, comme l’a dit La Rochefoucauld, l’amitié est un commerce où l’on se propose toujours quelque chose à gagner.

1036. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Il y aurait beaucoup de choses à dire encore sur ce désir que chacun a de donner une signification à son nom, afin de vivre chez les races futures, car nul ne peut espérer de vivre sans, un nom qui ait une signification ; sur l’impossibilité où l’on fut toujours d’acclimater un nom en poésie, quand il n’est pas déjà lui-même de la poésie. […] La voici : « Les langues du nord de l’Europe n’avaient à l’origine que deux temps simples, le présent et le passé, et elles manquaient de futur ; tandis que les langues de l’Asie occidentale, qui paraissent originaires de l’Afrique, manquaient de présent, n’ayant également que deux temps simples, le passé et le futur. » M. de Bonald, frappé de cette anomalie qu’il a crue particulière à la langue hébraïque, langue qu’il regarde comme fidèle expression de l’homme, M. de Bonald a dit fort bien : « Le temps, pour l’homme civilisé, toujours agité de regrets et de désirs, le temps n’est jamais qu’au passé et au futur. » Mais M. 

1037. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Bouvard et Pécuchet, dont Gustave Flaubert a fait deux imbéciles de base et de sommet, ont le désir, du fond de leur imbécillité, de devenir des êtres intelligents et savants sans instruction obligatoire, et si on eût pressé le bouton à Flaubert là-dessus quand il vivait, il aurait dit certainement, il n’aurait pas pu ne pas dire, que c’était là un noble mouvement, une inspiration honorable. […] Henri Monnier et Balzac se sont moqués des affectations et des ridicules des bourgeois, mais ils ne les ont pas bernés dans leur désir, qui n’est pas bête, de s’élever dans la lumière sociale et scientifique de leur temps.

1038. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Et toutefois il en a aussi le désir, et il est homme à faire des frais pour se contenter là-dessus.

1039. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Pendant que se signait cette paix achetée par tant de travaux et de victoires, l’esprit de parti, l’esprit royaliste continuait d’infester la France ; la réaction levait la tête et avait pris pied partout, jusque dans les pouvoirs publics ; et le 18 fructidor, ce coup d’État fâcheux, mais nécessaire, n’était pas encore venu rappeler à l’ordre les mauvais Français, ou ceux qui, se croyant bons, s’égaraient assez pour laisser naître et s’élever en eux des désirs de malheur.

1040. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Les réminiscences, les sensations, les nobles désirs, les aspirations généreuses, y débordent ; le jeune auteur voudrait tout unir, tout embrasser.

1041. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Les scènes de la chambre et du lit, par leur mélange de désirs et d’innocence, ressemblent aux ingénuités de Chloé près d’un Daphnis moins ignorant, mais scrupuleux encore.

1042. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Pour juger quels sont les effets de la tragédie anglaise qu’il nous conviendrait d’adapter à notre théâtre, un examen resterait à faire : ce serait de bien distinguer, dans les pièces de Shakespeare, ce qu’il a accordé au désir de plaire au peuple, les fautes réelles qu’il a commises, et les beautés hardies que n’admettent pas les sévères règles de la tragédie en France.

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