et que c’était, au contraire, une jolie et délicate organisation, qui n’a pu, jusqu’au bout, supporter cette masse indigeste de Diderot.
Elle a raffiné le matérialisme pour le rendre plus séduisant aux délicats ; elle y a mis un vernis de philosophie, pour le rendre plus décent et plus acceptable aux gens graves.
Au reste, nous ne sommes pas dans l’usage de marquer dans l’écriture, par des signes ou accens, cet élevement & cet abaissement de la voix : notre prononciation, encore un coup, est moins soûtenue & moins chantante que la prononciation des Anciens ; par conséquent la modification ou ton de voix dont il s’agit nous est moins sensible ; l’habitude augmente encore la difficulté de démêler ces différences délicates.
C’est pourquoi ceux-ci, transformés, se dégourdirent vite : la race fabriquée se trouva d’esprit alerte, bien plus avisée que les Saxons, ses voisins d’outre-Manche, toute semblable à ses voisines de Picardie, de Champagne et d’Île-de-France. « Les Saxons82, dit un vieil auteur, buvaient à l’envi, et consumaient jour et nuit leurs revenus en festins, tandis qu’ils se contentaient d’habitations misérables : tout au contraire des Français et des Normands qui faisaient peu de dépense dans leurs belles et vastes maisons, étant d’ailleurs délicats dans leur nourriture et soigneux dans leurs habits, jusqu’à la recherche. » Les uns, encore alourdis par le flegme germanique, étaient des ivrognes gloutons que secouait par accès l’enthousiasme poétique ; les autres, allégés par leur transplantation et leur mélange, sentaient déjà se développer en eux les besoins de l’esprit. « Vous auriez pu voir, chez eux, des églises s’élever dans chaque village, et des monastères dans les cités, construits dans un style inconnu auparavant », en Normandie d’abord et tout à l’heure en Angleterre83.
Très bien machinée la pièce, et une œuvre toute délicate, toute artiste.
Les esprits difficiles et délicats, qui jugent presque au même moment où ils sentent, et qui portent le besoin de la perfection jusque dans leurs plus vifs plaisirs, goûtent et admirent aussi immensément Shakespeare ; mais ils sont désagréablement troublés dans leur admiration et leur jouissance, tantôt par l’entassement et la confusion des personnages et des incidents inutiles ; tantôt par les longs et subtils développements d’une réflexion ou d’une idée qu’il conviendrait au personnage d’indiquer en passant, mais dans laquelle le poëte se complaît et s’arrête pour son propre compte ; plus souvent encore par ce bizarre mélange de grossièreté et de recherche dans le langage qui donne quelquefois, aux sentiments les plus vrais, des formes factices et pédantes, et, aux plus belles inspirations de la philosophie ou de la poésie, une physionomie barbare. […] Selon lui, l’art de Shakspeare ne se montre nulle part avec plus d’adresse ; le sujet était trop délicat pour être mis sur la scène sans voile ; il était trop récent, et touchait la reine de trop près pour que le poëte pût hasarder des allusions autrement que dans la forme d’un compliment.
sur l’indignité d’encourager des pères dénaturés à mutiler leurs enfans pour les dévouer dans les temples, dans les concerts & sur le théâtre, au plaisir de quelques oreilles délicates ? […] Cet usage a subsisté longtemps, jusqu’à ce qu’un peintre Flamand, nommé Jean Van-eyck, trouva la manière de peindre à l’huile ; manière beaucoup plus délicate & plus durable.
C’est donc ainsi qu’une platitude héritée des idéologues ou des encyclopédistes, et qui s’étale ingénument, sans horreur ni conscience d’elle-même, dans la prose d’un Villemain, par exemple, et souvent même d’un Guizot ; une liberté qu’un Musset, un Lamartine, et en s’en vantant, ont poussée plus d’une fois jusqu’à l’incorrection ; une incohérence de métaphores, qui nous gêne presque dans quelques-uns des chefs-d’œuvre d’Hugo : Quand notre âme en rêvant descend dans nos entrailles, Comptant dans notre cœur qu’enfin la glace atteint ; Comme on compte les morts sur un champ de batailles, Chaque douleur tombée et chaque songe éteint ; des enchevêtrements de tours et de phrases qui font souvent de la prose de Sainte-Beuve, et notamment dans son Port-Royal, un modèle de préciosité ; une lourdeur puissante, mais aussi une vulgarité de manières, si l’on peut ainsi dire, une familiarité de mauvais ton qui rendent pour quelques délicats, La Cousine Bette ou Le Lys dans la vallée, si difficiles à lire, — rien de tout cela ne se retrouve ni dans les Poèmes barbares, ni dans l’Histoire de la littérature anglaise, ni dans Madame Bovary, ni dans la Vie de Jésus. […] 2º L’Homme et l’Écrivain ; — et qu’il mérite qu’on ne l’oublie point, pour la seule originalité de sa physionomie ; — comme ayant passé sa vie de soldat à déserter son poste ; — sa vie publique à jouer au « paysan » en traduisant du grec dans le français d’Amyot ; — et comme ayant réuni dans ses meilleurs écrits le sentiment le plus délicat du style à une rare grossièreté de pensées. — Quelles raisons il a eues de se ranger dans l’opposition libérale sous la Restauration ; — et si la principale n’en a pas été son échec à l’Académie des inscriptions, 1818 ?
Car c’est un fait que les hommes n’appellent point tous les mêmes choses plaisirs, et que ce qui est plaisir pour l’un est peine pour l’autre, et que certains appellent plaisirs des choses très grossières et que certains autres appellent plaisirs des choses en vérité fort délicates, fort nobles et fort belles, ce qu’il faut convenir qui leur fait honneur. […] S’il est délicat, son désir ne sera réellement que le souvenir de la beauté divine, réveillé par l’aspect de la beauté éphémère, et enfin il sera très naturel qu’il s’élève de l’amour de cette beauté d’ici-bas à l’amour de la beauté de là-haut, ce qui est moins s’élever que revenir à son point de départ ; et son amour pour la beauté terrestre n’aura été qu’un point en quelque sorte ou qu’un stade de son voyage circulaire partant de la beauté céleste et y revenant pour avoir aperçu et aimé la beauté d’un jour ; — et voilà précisément la beauté d’un jour assez proprement escamotée : « Quant à la beauté, elle brillait parmi toutes les autres essences et, dans notre séjour terrestre où elle efface encore toute chose par son éclat, nous l’avons reconnue par le plus lumineux de tous nos sens… L’âme qui n’a pas un souvenir récent des mystères divins, ou qui s’est abandonnée aux corruptions de la terre, a peine à s’élever des choses d’ici-bas jusqu’à la parfaite beauté par la contemplation des objets terrestres qui en portent le nom ; si bien qu’au lieu de se sentir frappée de respect à sa vue, elle se laisse dominer par l’attrait du plaisir et, comme une bête sauvage, violant l’ordre éternel, elle s’abandonne à un désir brutal. […] De plus, la chasse leur fournissait des mets délicats et en quantité.
Ça ne prend pas beaucoup sur le public, qui aime mieux un acteur qui ne comprend rien, mais qui fait des contre sens avec autorité ; mais, pour l’homme qui sait la pièce par cœur et qui veut en suivre les nuances, et qui en guette à l’avance les nuances délicates, c’est un charme que l’interprétation (et ici le mot a tout son sens), que l’interprétation toujours juste, toujours fine de M. […] Observons, cependant, que toutes ces médisances ont un témoin, que pas une parole ici n’est perdue pour Alceste, que chaque trait satirique dirigé contre quelque absent, l’atteint lui-même dans les régions les plus délicates de sa sensibilité, qu’il frémit, grince des dents, s’agite et s’exaspère ; ce qui ne nous donne pas seulement à nous la comédie, mais encore, le chargeant, lui, Alceste, d’aigreur et de ressentiment contre la vilenie mondaine, cette pure conversation donne au drame de l’action.
Diminuez cette intelligence, et les inventions se feront moins nombreuses, moins fécondes, et les sentiments se feront moins délicats, moins élevés, et la grossièreté des appétits se fera plus brutale, plus destructrice, et les grandes vérités qui maintiennent le pacte social s’éclipseront. […] Du nationalisme intellectuel10 Un incident s’est produit, l’autre semaine, qui a posé devant l’opinion un des problèmes les plus délicats d’après-guerre, celui de la reprise des relations intellectuelles entre les peuples qui se sont, de 1914 à 1918, affrontés dans un duel comparable seulement à ceux des époques où des nations entières se ruaient les unes sur les autres, pour une extermination totale.
Si l’ascendant nécessaire de l’esprit positif ne venait mettre un terme à ces anarchiques divagations, elles imprimeraient certainement une mortelle fluctuation à toutes les notions un peu délicates de la morale usuelle, non seulement sociale, mais aussi domestique, et même personnelle, en ne laissant partout subsister que les règles relatives aux cas les plus grossiers, que l’appréciation vulgaire pourrait directement garantir.
Mais il n’en est pas de même chez l’animal, surtout si l’on considère un organe tel que l’œil, d’une structure très complexe en même temps que d’un fonctionnement très délicat.
Mais cette conscience n’est pas celle qui s’exerce le plus souvent ; elle est d’ailleurs plus ou moins délicate selon les personnes.
L’accord singulier, depuis le cartésianisme, entre des philosophes de profession et des écrivains qui ne les lisent pas, se rattache à un problème délicat qui ne saurait être traité ici.