il sera fait… La Critique sait trop bien la force des choses acquises et acceptées par l’opinion pour croire les arracher, en deux temps, à l’opinion, et les reprendre. […] Ainsi, le croirez-vous, races futures ? […] Anatole France, qui est peut-être, plus qu’il ne croit, un démocrate littéraire de ce temps maudit, nous parle avec plaisir de l’effet que produisit Le Diable boiteux sur « le petit laquais de Boileau ». […] Il aurait certainement été plus heureux avec les imbéciles d’aujourd’hui… Ils lui eussent payé cher ses lignes… S’il avait vécu dans cette glorieuse et adorable époque, il aurait peut-être gagné autant d’argent qu’Alexandre Dumas, le Roi du Feuilleton, à liste civile, — par parenthèse, le seul descendant de l’auteur de Gil Blas qui ait, je crois, dit un jour du mal de son père, pour faire croire probablement qu’il n’en était pas le fils… « Il faut égorger ceux qu’on pille », disait Rivarol. […] Je crois, dit-il, qu’ils sont bons, Mais les moindres ducatons Feraient bien mieux mes affaires !
Cette moralité qui vient tard et seulement pour la forme, ne fait illusion à personne ; le public n’y donne jamais, et ce serait de la part des auteurs attribuer par trop de simplicité aux juges d’un concours que de les croire capables de se prendre à cette morale du lendemain. Quelques auteurs pourtant peuvent se tromper avec une sorte de sincérité et croire qu’il n’y a nul inconvénient à présenter hardiment les scènes d’un monde mélangé et corrompu, en ayant pour guide et pour conducteur quelque sentiment pur, quelque passion plus élevée, représentée dans un des personnages, et en visant à une conclusion satisfaisante pour les cœurs honnêtes ou pour les convenances sociales. […] Ce résultat négatif qui se produit pour la seconde fois, bien qu’à la première plusieurs des auteurs de pièces représentées sur la scène française eussent songé à concourir, n’a rien de si défavorable ni de si désespérant qu’on le pourrait croire, mais il exige pourtant quelque explication. […] si un jour, dans ces concours annuels, les juges rencontraient quelque jeune ouvrage digne de ces époques fortunées, nous ne croyons pas les engager à l’avance en disant qu’ils n’auraient qu’un regret, celui d’estimer leur prix trop inférieur, leur couronne trop incomplète ; ils la mettraient au pied du chef-d’œuvre. […] Nous ne croyons pas faire tort au théâtre si populaire où elle a été donnée, ni encore moins faire peine à MM. les auteurs, en consignant ici l’expression, toute flatteuse pour eux, de ce regret.
On ne se montre si coulant à l’égard des pertes incalculables de ce premier héritage, que parce que désormais on se croit soi-même et les siens à l’abri. […] Je ne sais si tous ces exemples, et celui d’Euphorion en particulier, le tendre et gracieux poëte (car j’aime à le croire gracieux et tendre), de ce poëte tout entier enseveli, ne m’ont point un peu trop frappé l’imagination, mais je voudrais bien être le docteur Néophobus 138 pour oser lancer d’un air d’exagération certaines petites vérités. […] Je crois bien que si, à de certains moments, on avait été dire en pleine Memphis, en pleine Rome, en pleine Athènes, à la face de ces civilisations jusqu’alors incomparables : « Vous mourrez, et d’autres, en d’autres lieux, succéderont à votre gloire, à vos plaisirs, à vos lumières », je crois bien qu’on eût été mal venu, médiocrement écouté, et sifflé, sinon lapidé d’importance. […] Et pourtant de tels motifs de garantie future que j’embrassais de grand cœur, et auxquels je ne cessais de croire dans mon songe (car vous n’oubliez pas que c’en est un), ne le rendaient pas moins mélancolique et moins sombre ; mon pauvre Euphorion, avec la foule innombrable et confusément plaintive de ces poëtes déshérités, déchus, ensevelis, ne se laissait pas oublier, et ils faisaient tous la ronde autour de moi, tellement que mes idées commençaient à vaciller un peu. […] Moi-même j’éprouvais une espèce de cauchemar comme si j’avais porté sur la poitrine tout ce docte poids, et, n’y tenant plus, je m’écriai dans le délire : « Tout est ruine ; c’est une illusion aux écrivains de croire qu’ils sont à l’abri désormais, et que l’imprimerie les sauve.
Mais, dans l’ordre de l’esprit, chacun en France est chez soi ; des choses et des oracles d’en deçà et d’au-delà du Rhin, on peut parler haut, à son aise ; qu’on parle bien, avec verve et mordant, avec vivacité toujours, avec équité s’il se peut, on est écouté ; sans être cru sur parole, on est pris en considération. […] S’il nous juge un peuple malin et dénigrant plutôt qu’admiratif, il se trompe ; nulle part on ne croit à la gloire comme chez nous. […] Mais un jour, après la révolution de juillet, les portes de l’ordre social étant ébranlées, à ce que croyait la bourgeoisie, il s’agit de tenir bon et de se mettre en travers, en attendant qu’on eût refait à loisir des verrous neufs. […] Je crois que l’artiste ne peut trouver dans la nature tous ses types, mais que les plus remarquables lui sont révélés dans son âme comme la symbolique innée d’idées, et au même instant. » Et il ajoute avec justesse que Decamps a le droit de répondre au critique qu’il a été, en peignant, fidèle à la vérité fantastique, à l’intention d’un rêve, à la vision nocturne de ces figures sombres courant sur un fond clair. […] Je crois bien n’avoir pas échappé à quelques-unes des épigrammes qu’il distribuait à la Gazette d’Augsbourg, aux dépens de ses connaissances de Paris.
L’idée de liberté, ainsi adoptée dans sa plénitude rejoignait si bien l’autre idée première d’association pacifique et d’unité intellectuelle à établir entre tous les peuples ; elle y ramenait si directement en faisant tomber les douanes de diverse nature qui s’opposaient à la communication libre des nations les unes avec les autres ; le moyen, en un mot, semblait si bien adapté au but, et le but tellement ressortir du moyen, qu’un homme dont toute la vie avait été consacrée à produire cette association et cette unité, Saint-Simon, frappé vivement de l’aspect du journal et de sa tendance définitive, crut un moment qu’il y avait peu à faire pour élever et consacrer l’idée du Globe à sa propre conception. […] Nous crûmes qu’avec les éléments actuels de la société, avec un peuple et une bourgeoisie qui avaient fraternisé, avec une monarchie républicaine et une représentation nationale purgée d’aristocratie, il y aurait lieu de fonder un ordre de choses, transitoire sans doute, et qui n’était pas encore l’âge d’or de l’humanité, mais du moins un ordre stable et progressif, à l’exemple duquel l’Europe pût se modeler dans son affranchissement, et qui donnât le temps aux idées futures de mûrir. […] Le souci croissant qui nous irritait contre l’ordre présent, désormais manqué et mesquin, se convertit en une aspiration confiante vers un état organique que nous avions cru fort éloigné d’abord, mais dont les fautes des gouvernants dans cette crise avaient de beaucoup rapproché l’avènement. […] Les derniers événements d’ailleurs nous avaient appris à ne plus désespérer du progrès, quelque lointain qu’il parût, et à croire au règne, tôt ou tard nécessaire, des idées les plus vraies et des sentiments les plus larges. […] Nous crûmes en cela être logique non moins que sincère, aboutir aux conséquences rigoureuses de nos idées, et consommer la réalisation de la pensée première qui présida au journal.
Quelques-uns ont cru devoir changer l’ancienne, par la même raison qu’on a réformé nos vieilles modes. […] Ils crurent avoir gain de cause, & qu’il ne seroit plus question, désormais, d’aucune innovation à ce sujet. […] L’Anglois croiroit qu’il n’y a point de mot pareil dans toute sa langue. […] La Sorbonne la crut dangereuse pour la religion & pour l’état : elle anathématisa quiconque ne se conformeroit point à la prononciation d’usage dans les écoles. […] Ils prononcèrent le Latin comme ils crurent devoir le faire, & engagèrent à un coup d’éclat un jeune bachelier, plus ardent encore qu’eux pour la nouvelle prononciation.
Je suis ravi que ma tentative fisse réfléchir mes adversaires ; pour moi, ce sont les auteurs classiques, lus pendant dix ans, qui m’ont fait réfléchir, et c’est pour cela que je crois avoir dit les seules choses qu’il y avait à dire et qu’on n’avait pas dites. […] Il croit que « la science ne peut établir aucune théorie, mais qu’on peut démolir toutes celles qu’on établirait ». « Il faut tâcher, dit-il, de rester toujours à ce stade ; la seule recherche féconde est la recherche du non vrai. » Ce genre de déclaration déconcertera toujours les gens sincères qui, comme nous, cherchent à s’approcher le plus qu’ils peuvent de ce qu’ils croient être le vrai. […] Je suis ravi que ma tentative fisse réfléchir mes adversaires ; pour moi, ce sont les auteurs classiques, lus pendant dix ans, qui m’ont fait réfléchir, et c’est pour cela que je crois avoir dit les seules choses qu’il y avait à dire et qu’on n’avait pas dites. […] Il croit que « la science ne peut établir aucune théorie, mais qu’on peut démolir toutes celles qu’on établirait ». « Il faut tâcher, dit-il, de rester toujours à ce stade ; la seule recherche féconde est la recherche du non vrai. » Ce genre de déclaration déconcertera toujours les gens sincères qui, comme nous, cherchent à s’approcher le plus qu’ils peuvent de ce qu’ils croient être le vrai.
Jonathan Swift est né à Dublin, mais ses parents étaient du comté d’York ; il était donc Anglais de race, et on est bien aise de le savoir, quand on croit que la race est encore pour les hommes quelque chose… Mal élevé et malheureux dans les premiers temps de sa vie, Swift, né avec un esprit violent, fut de bonne heure misanthrope dans une société qui blessait son orgueil par toutes ses institutions, et quand le bonheur, la célébrité et l’influence sur les hommes lui vinrent, l’étoffe avait son pli et le vase était imbibé de liqueur amère. […] Tout Swift et tout dans Swift s’explique par l’ironie, depuis son Gulliver, plus bête qu’un Conte de Perrault s’il n’est pas une ironie contre l’Angleterre, jusqu’à ces Opuscules très curieux que publie M. de Wailly et qu’il appelle humoristiques, peut-être par faute d’un autre mot ; car Swift n’est pas plus humouriste qu’il n’est un excentrique, comme beaucoup de personnes paraissent le croire. […] » Or, cette modeste proposition, c’est tout simplement, le croirez-vous ? […] Voilà tout son bilan, je crois. […] Le sien, qui croyait préserver les autres, ne le préserva pas.
Ces appels aux dieux étaient faits d’abord par des hommes simples et grossiers qui croyaient s’en faire entendre sur la cime des monts où l’on plaçait leur séjour. […] On n’a pas cru que la barbarie antique eût aussi connu l’usage du duel. […] Ce droit rigoureux fondé sur la lettre même de la loi, n’était pas seulement en vigueur parmi les hommes ; ceux-ci jugeant les dieux d’après eux ; croyaient qu’ils l’observaient aussi, et même dans leurs serments. […] On ne peut croire que Plaute ait voulu mettre sur le théâtre des dieux qui enseignassent le parjure au peuple ; encore bien moins peut-on le croire de Scipion l’Africain et de Lélius, qui, dit-on, aidèrent Térence à composer ses comédies ; et toutefois dans l’Andrienne, Dave fait mettre l’enfant devant la porte de Simon par les mains de Mysis, afin que si par aventure son maître l’interroge à ce sujet, il puisse en conscience nier de l’avoir mis à cette place. […] Les Carthaginois se trouvèrent dans le premier cas : le traité qu’ils avaient fait avec les Romains leur avait assuré la conservation de leur vie, de leurs biens et de leur cité ; par ce dernier mot ils entendaient la ville matérielle, les édifices, urbs dans la langue latine ; mais comme les Romains s’étaient servis dans le traité du mot civitas, qui veut dire la réunion des citoyens, la société, ils s’indignèrent que les Carthaginois refusassent d’abandonner le rivage de la mer pour habiter désormais dans les terres, ils les déclarèrent rebelles, prirent leur ville, et la mirent en cendres ; en suivant ainsi le droit héroïque, ils ne crurent point avoir fait une guerre injuste.
On les trouve faibles, et on veut faire croire qu’on sent fortement. […] Cependant, si l’on se réduisait à de si sèches notations, on aurait vite fait de dire et d’écrire, et l’on croit de son honneur d’empêcher les autres de parler pendant un temps notable, de noircir ses quatre pages de papier. […] Le pis est qu’on ne s’en aperçoit pas et que l’on croit bien véritablement exprimer son sentiment personnel ; on s’y affermit, on en conçoit la vérité en le voyant partagé par tant d’autres, qui lisent aussi le journal. […] Il ne faut pas croire qu’on lui ressemble, parce qu’on déchire ses amis et connaissances ; sentez comme elle Molière et La Fontaine : on vous donnera ensuite le droit de relever les ridicules. […] La vie des autres est une matière inépuisable, et l’on croit obtenir un brevet d’esprit en déchirant les réputations à belles dents.
Mais, comme il avait pourtant une imagination de poète et beaucoup de sincérité, il lui arrivait d’exprimer, avec un accent assez pénétrant, la tristesse de sa solitude morale et la mélancolie d’une âme qui se croit supérieure à sa destinée. […] Cela arrive plus souvent qu’on ne croit. […] il se connaît si peu qu’il va jusqu’à repousser ce qui faisait le meilleur de son originalité. « On a semblé croire, dit-il, qu’une solitude forcée m’inspira de penser et d’écrire. » Eh oui ! nous le croyions, et c’est par là qu’il nous intéressait. […] Je ne pouvais croire à tant de bonheur. » Il écrit couramment : « Le chapitre des Paysans est trop célèbre à mon sens, sinon à mon gré », et il parle du « prodigieux retentissement accumulé autour de son nom ».
Et donc, dans les vingt dernières années de sa vie, je crois, cette dame consacra, fort intelligemment, de quinze à vingt millions à des fondations de bienfaisance. […] Toutefois, je crois comprendre ici la pensée de cette dame. […] Et l’on croit la démocratie envieuse ! […] On est tenté de croire que ce prélèvement, ou plutôt cette extraction est moins dure quand elle se pratique sur de l’argent qu’on a reçu sans peiner et sur un superflu énorme, un superflu de cent ou de cent cinquante millions, comme dans le cas qui nous occupe… Eh bien, c’est peut-être une erreur. […] Je crois que, finalement, l’argent se fait encore plus aimer par sa masse que par le besoin qu’on en a.
Les pusillanimes d’organisation, les vues ophtalmiques, les sens qui se croient délicats parce qu’ils sont faibles, se plaindront de la violence d’une œuvre qui, par la couleur et le style, rappelle Rubens et Rabelais ; mais moi, non ! […] il croit à la lumière par les livres ! […] Je ne crois donc guères, en Cladel, à ces idées de moraliste républicain. […] Je ne crois pas plus au libre penseur qu’au moraliste. […] Cladel ne le croit pas ; mais je le lui affirme, moi dont le métier est de dégager du talent qui se sent la métaphysique qui s’ignore… Et faites le jeu vous-même sur son livre, et voyez si Cladel est autre chose qu’un peintre ; mais un peintre d’une force infinie !
Mais, d’autre part, il quitte le milieu intellectuel qu’il s’est choisi, auquel il s’est adapté, où la liberté d’esprit est absolue (du moins il le croit), où les préoccupations sont purement abstraites (du moins s’il en est de matérielles, comme il en ressent l’importance, il les excuse), et cette atmosphère, inférieure selon lui, où il se plonge, est encore faite plus médiocre par cette besogne monotone d’examiner des jeunes gens, et par la nécessité de se mettre en relations avec des fonctionnaires de toute sorte. […] Renan, comme tous les maîtres qui nous ont précédés, croyait à une raison indépendante, existant dans chacun de nous et qui nous permet d’approcher la vérité. Voilà une notion à laquelle, pour ma part, j’ai cru passionnément. […] Taine, qui croyait que par un effort de l’intelligence individuelle on saisit les lois des choses, n’a fait que raisonner et organiser des sensations qui, des cénacles romantiques jusqu’aux brasseries de Montmartre, ont été éprouvées et exprimées par tous les artistes, par les plus minables et par les plus hauts, par les rapins de Murger et par le jeune Ernest Renan. […] Taine, qui exècre le philistin et qui croit le retrouver dans tous les fonctionnaires et dans tous les administrés qu’il rencontre, s’est pris en revanche d’une amitié d’imagination pour un certain type d’Anglo-Saxon qu’il s’est construit et qu’il voit riche, grand consommateur, puissant au travail, ne relevant que de soi-même.
Par exemple, croiriez-vous qu’il représente dans le théâtre moderne la moralité ? […] la tâche n’est pas aussi facile qu’on le croirait. […] Je crois qu’il se trompe. […] On croirait à des êtres naïfs, si une ironie profonde ne se jouait dans leur sourire ; on croirait à des êtres corrompus, si tant de bonté ne se mêlait à la lumière de leur regard. […] Nous croyons l’avoir insinué autrefois à M.