Lyon, dans notre histoire littéraire, a eu des destinées particulières : l’Allemagne, l’Italie, la France y mêlent leurs génies ; l’activité pratique, l’industrie, le commerce, les intérêts et les richesses qu’ils créent n’y étouffent pas les ardeurs mystiques, les exaltations âpres ou tendres, les vibrations profondes ou sonores de la sensibilité tumultueuse : c’est la ville de Valdo et de Ballanche, de Laprade et de Jules Favre. […] L’erreur de la Pléiade Son but, c’est par les rythmes, par le choix et l’ordre des mots, de créer une forme belle. « Tu te dois travailler, dit-il, d’être copieux en vocables, et tirer les plus nobles et signifiants pour servir de nerfs et de force à tes carmes, qui reluiront d’autant plus que les mots seront significatifs, propres et choisis. » Voilà qui est excellent.
Le plus avisé, le plus fin de ces apologistes fut Sainte-Beuve, qui, comme je l’ai dit plus haut, joua aux classiques le bon tour de leur escamoter la poésie du xvie siècle qu’ils avaient eu le tort d’oublier, pour la donner aux romantiques désireux de se créer une tradition et des ancêtres. […] Il a fait la critique de lui-même, dans ce roman de Dominique (1863) qui est, en dehors de toutes les écoles, une des œuvres excellentes du roman contemporain : dans une forme impersonnelle, avec une délicate psychologie, il a mis les doutes, les amertumes, le renoncement final de l’homme qui a essayé de créer et qui a jugé sa création médiocre.
François Coppée Verlaine a créé une poésie qui est bien à lui, une poésie d’une inspiration à la fois naïve et subtile, toute en nuances, évocatrice des plus délicates vibrations des nerfs, des plus fugitifs échos des cœurs ; une poésie très naturelle cependant, jaillie de source, parfois même presque populaire, une poésie où les rythmes libres et brisés gardent une harmonie délicieuse, où les strophes tournoient et chantent comme une ronde enfantine, où les vers — qui restent des vers et parmi les plus exquis — sont déjà de la musique. […] Camille Mauclair Verlaine a apporté ici le lied, créé une littérature d’ingénuité sentimentale, ennobli l’aveu individuel, mêlé la musique à l’émotion des lettres, donné l’exemple d’un génie se jouant librement, lumineux, tragique ou tendre, puéril et profond, énonçant le moi avec une multiplicité verbale inattendue.
Il existe entre l’Univers & toi une relation intime, ou plutôt l’Univers est créé pour tes yeux. […] Alors dans les vastes pensées d’une sublime méditation, le livre antique lui tombe des mains, le soufle inspirateur se répand dans son ame, son cœur s’échauffe ; son imagination s’allume, un frémissement délicieux coule dans ses veines, l’enthousiasme le saisit ; sur des aîles de feu, son esprit s’élance, il franchit les limites du monde, il plane au haut des Cieux : là, il contemple, il embrasse la vertu dans sa perfection, il s’enflamme pour elle jusqu’au ravissement & à l’extase, je vois son front riant tourné vers le Ciel, des larmes de joie coulent de ses yeux, l’amour sacré du genre humain pénetre son cœur d’une vive tendresse, son sang bouillonne ; la rapidité de ses esprits entraîne celles de ses idées ; c’est alors qu’il peint avec sentiment, qu’il lance les foudres d’une mâle éloquence, qu’il crée ces chefs-d’œuvres l’admiration des siécles ; il donne l’ame, la vie, ou plutôt il embrâse tout ce qu’il touche.
Et pourtant la nature est toujours la même, il est peu probable qu’elle ait commencé dans ce siècle à créer des esprits amis de la logique. […] La logique toute pure ne nous mènerait jamais qu’à des tautologies ; elle ne pourrait créer du nouveau ; ce n’est pas d’elle toute seule qu’aucune science peut sortir.
lui créait une sorte d’infériorité. Au sein de cette vie troublée, le cœur sensible et bon de Jésus réussit à se créer un asile où il jouit de beaucoup de douceur.
C’est de là qu’il recueillit, pour la postérité et pour son temps qui ne le croyait pas et qui l’insulta pour sa peine, les paroles qui, créées ou exhalées, allaient s’évanouir, de ce poëte prodigieux qui en Emmerich ne chantait pas, mais disait ce qu’il voyait et, plus que tous les poëtes qui aient jamais souffert, souffrait sa poésie ! […] » Et vraiment pour nous qui les admirons aujourd’hui comme l’originalité la plus extraordinaire et la plus puissante, le plus incroyable à nos yeux n’est pas d’avoir créé dans l’histoire ou vu ce qui, de fait, n’y est pas (car c’est la même chose), mais c’est de n’avoir pas brouillé les lignes en écrivant dans l’entre-deux ; c’est de n’avoir pas faussé l’histoire connue, en y ajoutant ; c’est d’avoir pu, par exemple, l’Évangile étant donné, l’Évangile qu’on peut, même sans être chrétien, sans avoir l’âme bien haute, sans être Jean-Jacques, trouver le plus beau livre qui ait jamais paru parmi les hommes, ajouter aux faits qu’il renferme ; à son esprit, à son langage, et cela sans que l’imagination se soulève avertie et dise précisément comme on dit du Père Lacordaire sur la Madeleine : « Prenons garde !
Ainsi, il s’occupa du soulagement des peuples ; mais d’autres empereurs qui eurent les mêmes vues, n’étant pas contredits sur le trône, purent être humains impunément : Julien, longtemps César, assujetti dans son pouvoir même à un tyran jaloux, qui l’avait créé par besoin et le haïssait par faiblesse, qui lui eût permis de faire le mal pour se déshonorer, et craignait qu’il ne fît le bien, qui, tout à la fois barbare et lâche, désirait que les peuples fussent malheureux, pour que le nouveau César fût moins redoutable ; Julien, environné dans les Gaules, des ministres de cette cour, qui étaient moins ses officiers que ses ennemis, et déployaient contre lui cette audace qui donne à des tyrans subalternes le secret de la cour, et l’orgueil d’être instruments et complices de la volonté du maître ; Julien enfin, traversé en tout par ces hommes qui s’enrichissent de la pauvreté publique, eut bien plus de mérite à arrêter les abus et à soulager les provinces. […] Aux idées pures et spirituelles d’un dieu unique, on proposa les idées platoniciennes sur la divinité ; à un dieu en trois personnes, cette fameuse trinité de Platon ; aux anges et aux démons, la doctrine des génies créés pour remplir l’intervalle entre Dieu et l’homme ; à l’idée d’un dieu médiateur, la médiation des génies célestes ; aux prophéties et aux miracles, la théurgie, qui, à force de sacrifices et de cérémonies secrètes, prétendait dévoiler l’avenir, et opérer aussi des prodiges ; enfin, à la vie austère des chrétiens, des pratiques à peu près semblables, et des préceptes d’abstinence et de jeûnes pour se détacher de la terre, en s’élevant à Dieu.
Il en est de même de la plus grande partie de l’Italie, qui, soumise à des dominations étrangères, et tour à tour envahie, subjuguée, défendue, gouvernée par des Allemands, des Espagnols ou des Français, a perdu pour ainsi dire cette espèce d’intérêt de probité pour son pays, qui développe les talents et crée les efforts en tout genre. […] Ne croirait-il pas ou que son absence a duré des siècles, ou que le genre humain s’est réuni pour créer en si peu d’années tant de merveilles, ou que ce spectacle étonnant n’est que l’effet et l’illusion d’un songe ?
Nous tirerons deux utilités de cet examen : celle de savoir à quelle époque, à quel pays il faut rapporter les commencements de cette civilisation ; et celle d’appuyer par des preuves, humaines à la vérité, tout le système de notre religion, laquelle nous apprend d’abord que le premier peuple fut le peuple hébreu, que le premier homme fut Adam, créé en même temps que ce monde par le Dieu véritable14. […] Selon nous, toutes les nations sorties de Cham et de Japhet se créèrent leurs langues dans les contrées méditerranées où elles s’étaient fixées d’abord ; puis descendant vers les rivages, elles commencèrent à commercer avec les Phéniciens, peuple navigateur qui couvrit de ses colonies les bords de la Méditerranée et de l’Océan.
Mais il n’a point créé de types qui soient demeurés l’expression éternelle d’un sentiment, d’un vice, d’une passion ; il n’a pas perpétué dans la langue des noms de personnages qui aient servi à définir des familles264.
Romain Coolus Courteline est un des mieux doués parmi les auteurs dramatiques de ce temps, li a le don rare de créer des types, c’est-à-dire de donner une personnalité, une individualité, esthétiques à des personnages assez généraux pour garder, après l’époque, une indestructible vérité.
Celui de son livre meut des attributs païens, néo-grecs, néo-alexandrins, si l’on veut, que Puvis de Chavannes a créés autour de certaines de ses figures silencieuses, cette atmosphère de bois sacré qu’il a su transcrire sans en effriter la brume religieuse.
En fait de poésie et d’art, il ne faut que réussir une bonne fois pour créer tout un courant d’idées, inspiration chez les uns, imitation chez les autres.
Ainsi je me féliciterais que la nature vous ait créé — non seulement narrateur, soit enclin à formuler, pour les sentir plus largement et mieux en détail, les légendes écloses en votre imagination — mais encore, et auparavant, et éminemment voyeur (pour ne pas dire sensuel ou sensible, mots dont la signification s’est trop épandue), oui, regardeur, écouteur, gourmet, nez fin, avec toutes ces particularités compliquées de mémoire (souvenir des paysages, gestes, odeurs, etc.), à seule fin que se manifestent en réalités immédiatement reconnaissables lesdites cérébrales éclosions.