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1045. (1886) Le roman russe pp. -351

C’est le germe de vie pourtant, le premier gage de la fusion avec les peuples d’Europe, élus à ce moment pour conduire l’humanité. […] Les Zaporogues se sont levés pour la foi et pour le pillage, ils partent contre l’ennemi héréditaire ; Tarass rappelle ses deux fils de l’université de Kief, il les conduit au camp, dans l’île du Dniéper. […] On devine toutes les renverses de sentiments que comporte la situation ; ce qu’on ne peut deviner, c’est la délicatesse de main avec laquelle le romancier conduit deux âmes absolument honnêtes au travers de ce péril. […] Avec l’œuvre nouvelle, le romancier se hasardait dans les cendres brûlantes, sur une route qui conduisait autrefois jusqu’en Sibérie. […] J’ai la confiance que quelques-uns me suivront, même au prix de fatigues ; ceux qui estiment que l’esprit français est grevé d’un devoir héréditaire, le devoir de tout connaître du monde, pour continuer l’honneur de conduire le monde.

1046. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Par dévergondage d’esprit, ils pratiquent la poésie ; par légèreté d’imagination, ils jouent avec la vie : Édouard III fait bâtir à Windsor une salle et une table ronde, et dans un de ses tournois, à Londres, comme dans un conte de fées, soixante dames, assises sur des palefrois, conduisent chacun un chevalier avec une chaîne d’or. […] Puis il fait conduire les soixante mille prisonniers dans une plaine. « Là, ils entendirent les anges du ciel — qui disaient : Seigneurs, tuez, tuez. —  N’en épargnez pas ; coupez-leur la tête. —  Le roi Richard entendit la voix des anges, et remercia Dieu et sa sainte croix131. » Là-dessus, on les décapite tous ; quand il prend une ville, c’est sa coutume de faire tout égorger, enfants et femmes. […] C’est cette fière et persistante pensée qui produit et conduit tout le livre de Fortescue. « Il y a deux sortes de royautés, dit-il, desquelles l’une est le gouvernement royal et absolu, l’autre est le gouvernement royal et constitutionnel153. » Le premier est établi en France, le second en Angleterre. « Et ils diffèrent en cela que le premier peut gouverner ses peuples par des lois qu’il fera lui-même, et ainsi mettre sur eux des tailles et autres impositions, telles qu’il voudra, sans leur consentement. […] Avec sept grands géants, les sept Péchés capitaux, il assiége Conscience, et l’assaut est conduit par Paresse, qui mène avec elle une armée de plus de mille prélats.

1047. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Il est très enclin, sur ce point, à « soutenir le droit et nier le fait » ; à soutenir « qu’il faut se conduire par la voie de l’examen, et que personne ne va par cette voie ». […] Il a des sentiments très vifs contre le catholicisme, cela est certain ; jamais cela ne le conduira à faire l’éloge du paganisme et du merveilleux esprit de tolérance qui animait les religions antiques. […] Il consiste à affirmer qu’il ne faut pas s’adresser à la raison pour croire en Dieu, et que c’est lui demander ce qui n’est pas son affaire ; que pour lui, Bayle, qui ne sait que raisonner, il ne peut, en conscience, nous promettre de nous conduire à la croyance, mais que d’autres chemins y conduisent, que, pour ne point les connaître, il ne se permet pas de mépriser. — Il se tient là très ferme, dans cette position sûre, et dans cette attitude, qui, tout compte fait, ne laisse pas d’être modeste. […] S’il me conduit à tracer des développements de passion qui ne soient ni d’un siècle ni d’un autre, mais qui soient vrais, il suffit peut-être. » A un degré inférieur, et dans un autre ordre, Marivaux procède de même. […] L’âme pour lui est matière pensante, faculté donnée à la matière humaine pour se conduire, comme elle en a d’autres pour se développer et se soutenir. — Mais survit-elle à la matière qui se dissout ?

1048. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Or, la façon dont le compositeur conduit son motif doit différer absolument de ce développement anticipé. […] La faiblesse d’esprit innée ou acquise et l’ignorance conduisent au même but : le mysticisme. […] Elle les conduisit au développement parallèle des sciences naturelles et de la théologie. […] Le développement historique conduisit en Angleterre à deux résultats qui s’excluent en apparence l’un l’autre : à la domination de caste et à la liberté personnelle. […] Cette manière de voir l’a conduit à des affirmations dont je veux citer ici quelques-unes des plus caractéristiques.

1049. (1930) Le roman français pp. 1-197

— à la place d’une censure brutale qui étrangle au lieu de conduire. […] Elle le conduit où elle conduira Maurras : La Révolution de 1789 a fait — il adopte les conclusions de Taine, et, en somme, d’Auguste Comte — une œuvre détestable. […] Enfin, le grand état-major allemand a conduit son pays aux abîmes. […] Il vous a conduit à la pédanterie, que Proust a su remarquablement éviter ; les pages où il traite en général, du “vice” de Charlus, et de tant d’autres personnes selon lui, restent nettes, froidement objectives, comme une observation de psychiâtre. […] Elle adopte presque une pauvre ouvrière tuberculeuse, la conduit dans le Midi, l’aide à mourir.

1050. (1911) Nos directions

La vie fait que Golaud rencontre Mélisande et la conduit vers Pelléas : ce qui devait arriver arrive et reste mystérieux comme la vie. […] Loin que le chant se perde dans l’orchestre, chaque personnage a sa voix, différente de poids et de timbre, et chaque personnage existe scéniquement par sa voix, comme il existe par ses actes ; une nécessité commune les conduit, — nécessité d’être sincère. […] Avant même qu’il eût pu prendre conscience de son originalité lyrique, l’ambition le conduisit à s’oublier, à se dépasser, à cultiver d’autres dons que sa sensibilité particulière, à placer la fin de son art hors de soi-même. […] On comprend comment une pareille conception, la même qui le conduisit au théâtre, dut éloigner M.  […] Et Racine le conduisit à son point extrême de souplesse et d’effacement.

1051. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

La Rochefoucauld, qui eut plus que personne qualité pour la juger, nous a dit déjà, et je répète ici ce passage trop essentiel au portrait de Mme de Longueville pour ne pas être rappelé : « Cette princesse avoit tous les avantages de l’esprit et de la beauté en si haut point et avec tant d’agrément, qu’il sembloit que la nature avoit pris plaisir de former en sa personne un ouvrage parfait et achevé ; mais ces belles qualités étoient moins brillantes, à cause d’une tache qui ne s’est jamais vue en une personne de ce mérite, qui est que, bien loin de donner la loi à ceux qui avoient une particulière adoration pour elle, elle se transformoit si fort dans leurs sentiments, qu’elle ne reconnoissoit plus les siens propres. » La Rochefoucauld ne put d’abord se plaindre de ce défaut, puisqu’il lui dut de la conduire. […] La Grâce a rétabli ce que le monde ne lui pouvoit rendre. » Autant, dans la Fronde, on voit Mme de Longueville supérieure, comme esprit, à Mme de Montbazon par exemple, ou à Mlle de Chevreuse (ce qui est trop peu dire), ou même à Mademoiselle, autant elle reste inférieure à son amie la princesse Palatine, véritable génie, ferme, ayant le secret de tous les partis, et les dominant, les conseillant avec loyauté et sang-froid ; non pas l’aventurière, elle, mais l’homme d’État de la Fronde. « Je ne crois pas que la reine Elisabeth ait eu plus de capacité pour conduire un État, » dit Retz.

1052. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

c’est le clergé. » Et l’archevêque de Narbonne expliquant la résistance du haut clergé en 1791523, l’attribue, non à la foi, mais au point d’honneur. « Nous nous sommes conduits alors en vrais gentilshommes ; car, de la plupart d’entre nous, on ne peut pas dire que ce fût par religion. » V. […] Mais on n’aurait pas trouvé un individu, le plus morose, le plus timide, le plus enthousiaste, qui prévît un seul des événements extraordinaires vers lesquels les États assemblés allaient être conduits. » 492.

1053. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Je ne puis comprendre que Victor Hugo, qui prononce de si énergiques protestations contre cette machine à meurtre appelée guillotine, élevée sur nos places publiques contre une seule tête coupable dont la société veut se défaire pour prémunir ses membres innocents ; je ne puis comprendre, dis-je, qu’il innocente, qu’il excuse et qu’il exalte cette machine à dix mille coups, montée par la mort et pour la mort, pour faucher, comme une moissonneuse à la vapeur, des milliers d’innocents, de vieillards, de femmes, d’enfants de quinze ans, assez vaincus pour se laisser conduire, en charrettes pleines, à travers les places et les faubourgs de Paris, leur roi en tête, à guillotiner, désarmés et sans résistance ! […] À quels excès d’aveuglement le génie même de la parole peut conduire !

1054. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

J’irai devant, dit-il, non pas que je me croie supérieur à vous, mais c’est pour vous conduire. […] À l’entrée était un salon assez grand et presque carré ; deux portes à droite et deux portes à gauche conduisaient à différents appartements ; la même disposition était répétée dans les autres étages.

1055. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Il connaît mieux la marche des globes célestes qui roulent à des millions de lieues de la portée de ses faibles sens, qu’il ne connaît les routes terrestres par lesquelles la destinée humaine le conduit à son insu ; il sent qu’il gravit vers quelque chose, mais il ne sait où va son esprit, il ne peut dire à quel point précis de son chemin il se trouve. […] Les arbres entiers brûlaient dans le large foyer ; les moutons, les chevreaux, les cerfs étaient étalés par piles dans les vastes salles, et les outres séculaires des vins d’or du Liban, apportées de la cave par ses serviteurs, coulaient pour nous et pour notre escorte ; après avoir passé quelques jours à étudier ces belles mœurs homériques, poétiques comme les lieux mêmes où nous les retrouvions, le scheik me donna son fils aîné et un certain nombre de cavaliers arabes pour me conduire aux cèdres de Salomon ; arbres fameux qui consacrent encore la plus haute cime du Liban et que l’on vient vénérer depuis des siècles, comme les derniers témoins de la gloire de Salomon.

1056. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Pascal a conduit cette originale tentative avec une rare témérité, une entière ignorance de l’histoire et de la philologie, et une volonté décidée de faire sortir des textes la vérité qui lui plaisait : il ne pouvait se douter que de la méthode qu’il indiquait, appliquée avec la rigueur impartiale de la science, devait sortir la condamnation de sa croyance. […] Du moins il faut reconnaître que sa raison aussi le conduisait à Port-Royal.

1057. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Vous voyez d’avance où va le conduire ce nouveau degré, si hardiment franchi, de l’échelle mystérieuse par laquelle il s’élève de la notion de son existence à la connaissance de Dieu. […] Cet idéal de l’éloquence, considérée comme l’art de persuader la vérité, le conduisait à Cicéron.

1058. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Il faut faire comme ce saint qui autrefois fut conduit au supplice pour un crime qu’il n’avait point commis et dont il ne voulut pas se justifier, disant en lui-même qu’il l’aurait commis, et de bien plus grands encore, si Dieu ne l’en eût empêché. […] Manier me faisait remarquer que cette philosophie changeait trop vite et que, pour la juger, il fallait attendre qu’elle eût achevé son développement. « L’Écosse rassérène, me disait-il, et conduit au christianisme » ; et il me montrait ce bon Thomas Reid à la fois philosophe et ministre du saint Évangile.

1059. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

C’est l’Astrée, du sieur Honoré d’Urfé, ce roman pastoral qui met en scène des bergers et des bergères enrubannées plus habiles à deviser d’amour qu’à conduire des chèvres et des moutons. […] Par des hommes nés à l’île de la Réunion, à l’île de France, ou conduits là-bas par les hasards d’une vie aventureuse.

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