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359. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Déjà Alfred Maury et, vers la même époque, le marquis d’Hervey de Saint-Denis avaient remarqué que ces taches colorées aux formes mouvantes peuvent se consolider au moment où l’on s’assoupit, dessinant ainsi les contours des objets qui vont composer le rêve. […] Dans un curieux essai intitulé A chapter on dreams, Stevenson nous apprend que ses contes les plus originaux ont été composés ou tout au moins esquissés en rêve. […] Eh bien, parmi les souvenirs-fantômes qui aspirent à se lester de couleur, de sonorité, de matérialité enfin, ceux-là seuls y réussiront qui pourront s’assimiler la poussière colorée que j’aperçois, les bruits du dehors et du dedans que j’entends, etc., et qui, de plus, s’harmoniseront avec l’état affectif général que mes impressions organiques composent. […] On a commencé en effet par déterminer expérimentalement le temps nécessaire à la vision d’une lettre de l’alphabet ; est donc facile de faire en sorte que le sujet ne puisse pas distinguer plus de huit ou dix lettres, par exemple, sur les trente ou quarante qui composent la formule.

360. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Née au dixième siècle, composée en partie de la langue romaine, qui était le reste du langage de nos premiers vainqueurs, de la langue des Gaulois ou des Celtes, de la langue des anciens sauvages des bords du Rhin, de la langue des Scandinaves ou des Danois, qui, sous le nom de Normands, vinrent ravager l’Europe, et s’établir en France après l’avoir désolée ; elle fut longtemps, comme la monarchie française, un amas de débris. […] La langue française conserva pendant plusieurs siècles cette âpreté de sons, monument de son origine ; mais peu à peu elle perdit ses prononciations barbares, et se rapprocha par degrés de l’harmonie : car il en est des langues comme des sables qui roulent dans les rivières et qui s’arrondissent par le mouvement, ou comme de ces dés avec lesquels Descartes composait le monde, et dont les inégalités et les angles se brisaient en se heurtant. […] Enfin, comme dans les monarchies ce sont les grands, les riches, et tous ceux qui composent ce qu’on appelle le monde, qui distribuent la gloire des arts, et décident du prix des talents ; comme la plupart des hommes de cette classe, par leur oisiveté, par leurs intrigues, par la lassitude et le besoin des plaisirs, par la recherche continuelle de la société, par la crainte de blesser l’amour-propre encore plus que l’orgueil ; enfin, par la politesse et le désir de plaire, qui donne une attention continuelle et sur soi-même et sur les autres, ont, en général, plus d’esprit et de délicatesse de goût, que de passions et de force de caractère ; ils doivent tendre sans cesse à atténuer, et, pour ainsi dire, assassiner le style, la langue et l’esprit. […] Aussi l’orateur de Rome, dans un des livres qu’il a composés sur l’éloquence, nous apprend que plusieurs orateurs célèbres s’assemblaient chez les femmes romaines les plus distinguées par leur esprit, et puisaient dans leur société une pureté de goût et de langage, que peut-être ils n’auraient pas trouvée ailleurs.

361. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

La plûpart des ridicules des grands sont si bien composés, qu’ils sont à peine visibles. […] Les faits moraux composent l’histoire des hommes, dans laquelle souvent il se mêle du physique, mais toûjours relativement au moral. […] En un mot, touchez comme Euripide, étonnez comme Sophocle, peignez comme Homere, & composez d’après vous. […] Un grand prince souhaitoit à Corneille un parterre composé de ministres, & Corneille en demandoit un composé de marchands de la rue saint Denis. […] il a crû avec raison former un composé bien ridicule, mais ce composé n’est encore que dans le genre monstrueux ; c’est bien pis dans le fantastique.

362. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

Antony Deschamps avait composé sur Rome et Naples plusieurs pièces de vers intitulées Italiennes, dont on vantait le ton grandiose, naturel, même un peu cru : mais ces morceaux ne sont pas encore maintenant publiés. […] Son poëme se divise en quatre masses principales ou chants : 1° le Campo Santo à Pise ; c’est le vieil art toscan catholique au Moyen-Age que l’auteur y ranime dans la personne et dans l’œuvre du peintre Orcagna, contemporain de Dante ; 2° le Campo Vaccino, ou le Forum romain ; solitude, dévastation, mort ; la majesté écrasante des ruines encadrant la misère et l’ignominie d’aujourd’hui ; 3° Chiaia, la plage de Naples où pêchait Masaniello : c’est un mâle dialogue entre un pêcheur sans nom, qui sera Masaniello si l’on veut, et Salvator Rosa ; les espérances de liberté n’ont jamais parlé un plus poétique langage ; 4° Bianca, ou Venise, c’est-à-dire cette divine volupté italienne que l’étranger du nord achète et profane comme une esclave. — Telle est la distribution générale du poëme, à laquelle il faut joindre, pour en avoir l’idée complète, un prologue et un épilogue, puis, dans l’intervalle de chaque chant, un triple sonnet sur les grands statuaires, peintres et compositeurs, Michel-Ange, Raphaël, Cimarosa, etc. ; l’ordonnance en un mot ne ressemble pas mal à un palais composé de quatre masses ou carrés (les quatre chants), avec un moindre pavillon à l’extrémité de chaque aile (prologue et épilogue), et avec trois statues (les sonnets) dans chaque intervalle des carrés, en tout neuf statues.

363. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

Il y a des vertus toutes composées de craintes et de sacrifices, dont l’accomplissement peut donner une satisfaction d’un ordre très relevé à l’âme forte qui les pratique ; mais, peut-être, avec le temps découvrira-t-on que tout ce qui n’est pas naturel, n’est pas nécessaire, et que la morale, dans divers pays, est aussi chargée de superstition que la religion. […] Elle n’a rien à faire avec le passé, ni l’avenir ; une suite d’instants présents composent sa vie ; et son âme, constamment en équilibre, ne se porte jamais avec violence sur une époque, ni sur une idée ; ses vœux et ses efforts se répandent également sur chacun de ses jours, parce qu’ils appartiennent à un sentiment toujours le même, et toujours facile à exercer.

364. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

Viennent ensuite les composés, que conseille Ronsard, que défend Henri Estienne et que prodigue Du Bartas : porteciel, portepunbeaux, haut-bruyant, doux-amer, etc. […] Les composés à la mode grecque262, le provignement, les emprunts aux patois se font de plus en plus rares.

365. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

En effet, elle se compose de deux éléments : les figures audacieuses, et le vers. […] Antoine Houdar de la Motte, né à Paris en 1672, composa des opéras, des tragédies et des comédies ; Inès de Castro eut un grand succès en 1723.

366. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

Pour le groupe, pour la collectivité, de quelque nature qu’elle soit, ce fait de Bovarysme se réalise aussitôt qu’un certain nombre des individus qui le composent subit la fascination d’une coutume étrangère au lieu de subir la suggestion de la coutume propre à son groupe. […] Fondant les débris des idiomes barbares dans les formes latines, elles composent un dialecte qui est, à cette époque et à la suite de la conquête normande, la langue littéraire de la Grande-Bretagne aussi bien que de la France et d’une partie des pays germaniques.

367. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

On ignore trop avec quelles chétives et misérables choses se compose l’erreur ou l’illusion dans les plus fiers et les plus vigoureux esprits. Certainement, c’est un esprit très fort que Proudhon, quand on regarde ses facultés en dehors de leur emploi, et pourtant sait-on bien de quoi se compose le système de preuves de cet esprit très fort ?

368. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Qu’il me soit permis de raconter ici à quelle occasion ces éloges furent composés. […] C’est pour servir d’explication à ces portraits, qu’il composa ses éloges.

369. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Cette méthode veut qu’on passe du genre simple au composé, de celui-ci au plus composé encore, et qu’on arrive graduellement ainsi au terme des complications pas à pas éclaircies. […] Je ne dois remonter qu’à l’époque où les idiomes étant inventés, on en composa les premiers ouvrages. […] Il ne saurait se priver des deux tiers des éléments du langage pour s’exprimer avec choix et composer de bons vers. […] La délicatesse du goût réussit seule à bien composer ce mélange des expressions. […] J’ai exposé ce fait dans un acte composé sur cette même anecdote, rapportée par Plutarque, et sur le jugement de l’aréopage.

370. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Il a fallu nous contenter du fac simile de son écriturea : il donnera une idée de sa manière de composer les feuilletons. […] Notre jury musical n’est-il pas formé des musiciens qui ont composé les meilleures partitions ? […] Si Tite-Live était l’inventeur de tous les faits qu’il raconte dans sa première Décade, il aurait composé un admirable roman, bien supérieur à toutes les histoires. […] Longin, philosophe et littérateur grec, a composé un Traité du Sublime très estimé, traduit en français par Boileau : l’auteur cite les traits les plus sublimes des poètes, orateurs et historiens grecs. […] Venons maintenant à la raison pour laquelle Corneille a composé le Menteur ; elle est encore plus curieuse.

371. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Tel était Saint-Évremond, cet épicurien très aimable dans un souper, très galant dans un cercle, capable de composer de fades madrigaux pour la belle Hortense Mancini, mais non pas de prononcer des oracles littéraires. […] Il est si aisé de couvrir des intrigues criminelles du masque de la décence et de la pudeur, qu’il faudrait plutôt conclure qu’une femme qui dédaigne de composer son extérieur n’a rien à cacher dont elle puisse rougir. […] Quand il lui arriva de parler en public et de plaider des causes, suivant l’usage de ce temps-là, Sénèque lui composait ses discours, et il fut le premier des Césars qui eut besoin d’un pareil secours. […] Quels sont donc les ouvrages du premier, composés depuis Racine ? […] Bientôt il trouva l’occasion de réaliser ses idées, de confirmer son opinion par le fait : il composa ce rôle de Phèdre, le plus étonnant de ses ouvrages profanes, et où il semble avoir épuisé tous les secrets de l’art et toutes les richesses de la poésie.

372. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Et si, à un horizon beaucoup plus rapproché, et dans des limites moindres, nous regardons derrière nous, a-t-il donc nui aux hommes qui président à cette ouverture de l’époque de la Restauration, à cette espèce de petite Renaissance, et qui composent le groupe de l’histoire, de la philosophie, de la critique et de l’éloquence littéraire, à cette génération qui nous précède immédiatement et dans laquelle nous saluons nos maîtres, leur a-t-il nui d’être plusieurs, d’être au nombre de trois, rivaux et divers dans ces chaires retentissantes, dont le souvenir forme encore la meilleure partie de leur gloire ? […] Plus l’équipage est nombreux, brillant dans son ensemble, composé de héros qu’on peut nommer, plus aussi la gloire de chacun y gagne, et plus il est avantageux d’en faire partie. […] A propos du style de Montaigne qui, parlant avec image des abeilles et de leur miel composé de mille fleurs, ajoute : « Ce n’est plus ni thym ni marjolaine ; » le panégyriste s’écrie : « Voilà tout Montaigne !  […] Mais, malgré la révision de l’auteur, combien de qualités mobiles, de composés pour ainsi dire instantanés, ont disparu, ou du moins se sont modifiés en se fixant, et dont ceux qui ont assidûment entendu le maître peuvent seuls rendre aujourd’hui témoignage ! […] Villemain n’a pas fait une dissertation, mais un composé, comme l’est en général sa critique, de vues, de traits choisis, d’anecdotes significatives, d’inductions arrêtées à temps, il n’a jamais réussi mieux, et n’a nulle part plus ingénieusement combiné les connaissances de tous genres, les ménagements intelligents et les prévisions insinuantes.

373. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Ses toilettes n’allaient qu’à elle ; son imagination les composait sans cesse, et il lui en est échappé quelques secrets. […] C’est à Paris où venait de paraître René, c’est à Berlin où elle retourna bientôt, et où elle recevait à chaque courrier des caisses de parures nouvelles, c’est là, et pendant que Mme de Staël de son côté publiait en France Delphine, que Mme de Krüdner, rassemblant des souvenirs déjà anciens, et peut-être aussi des pages écrites précédemment, se mit à composer Valérie. […] Delphine est certainement un livre plein de puissance, de passion, de détails éloquents ; mais l’ensemble laisse beaucoup à désirer, et, chemin faisant, l’impression du lecteur est souvent déconcertée et confuse : les livres, au contraire, qui sont exécutés fidèlement selon leur propre pensée, et dont la lecture compose dans l’esprit comme un tableau continu qui s’achève jusqu’au dernier trait, sans que le crayon se brise ou que les couleurs se brouillent, ces livres, quelle que soit leur dimension, ont une valeur d’art supérieur, car ils sont en eux-mêmes complets. Je lisais l’autre jour, dans un recueil inédit de pensées : « La faculté poétique n’est autre chose que le don et l’art de produire chaque sentiment vrai, en fleur, selon sa mesure, depuis le lys royal et le dahlia jusqu’à la pâquerette. » Ce qui est dit là de la poésie, à proprement parler, peut s’appliquer à toute œuvre créée et composée, où l’idée du beau se réfléchit. […] Il paraît qu’à cette époque elle avait composé d’autres ouvrages qui n’ont jamais été publiés ; elle cite dans sa lettre à Mlle Cochelet une Othilde, par laquelle elle aurait voulu retracer le dévouement chevaleresque du moyen-âge : « Oh !

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