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479. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

J’ai entre les mains les lettres les plus vraies, les plus naïves, les plus modestes, dans lesquelles elle s’ouvrait à moi et de son cœur et de son talent. […] Mais il m’a pénétré le cœur comme eût fait le récit d’une vie douloureuse et puissante, dite avec des mots simples et profonds… Comme vous valez mieux que moi, mon ami ! […] ce sont de vains besoins du cœur qu’il faut étouffer, car à cette heure-là nos amis sont occupés ailleurs : l’un songe à la gloire, l’autre à ses amours, un autre boude on ne sait pourquoi, et l’on reste seul. […] Il y a aussi des mots de sympathie qui m’ont été au cœur et qui m’ont consolée de tous les maux de ma vie, autant que je puis l’être. […] Musset vous donne la main, et moi aussi de tout mon cœur.

480. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Dijon et ses antiquités héroïques, et cette fraîche nature peuplée de légendes, emplissaient son cœur. […] Les indifférents découragent ; les cœurs connus remettent de la chaleur et de la vie dans ceux de leurs amis, quand ils se touchent. […] Serres, sans en prévenir personne de ses amis ; la délicatesse de son cœur le portait à épargner de la sorte à sa modeste famille des soins difficiles et un spectacle attristant. […] Toutes les pensées, toutes les passions qui agitent le cœur mortel sont les esclaves de l’amour. […] petit oiseau de passage, notre hôte d’une saison, qui chantes mélancoliquement dans le cœur du poëte et dans la ramée du chêne !

481. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Son esprit étant éminemment et presque uniquement un produit de cette fin de siècle (l’influence de la tradition gréco-latine est peu marquée chez lui), il s’en tient aux écrivains des trente dernières années et choisit parmi eux ceux avec qui il se trouve en conformité d’intelligence et de cœur. […] Mais le fond de son coeur et de son être, c’est, je pense, un très douloureux souci de la vie morale, l’impossibilité de s’en tenir aux plaisirs de la curiosité et de la spéculation. […] Paul Bourget ne trouve les servitudes de la chair « énigmatiques » que parce qu’il les juge infâmes et avilissantes, et il ne les juge telles que parce qu’il est chrétien tout au fond du cœur. […] Armand de Querne, le cœur desséché par une enfance sans mère, par l’immoralité des événements au milieu desquels il a grandi et enfin par l’abus de l’analyse, a pris Hélène sans pouvoir l’aimer et sans croire à la pureté de la jeune femme. […] En tout cas, c’est là ce qui distingue Armand de Querne de ceux qui n’aimeront jamais, des débauchés sans cœur et des virtuoses féroces de l’amour, de Valmont ou de Lovelace ; et c’est ce qui fait de lui notre frère.

482. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

On a retenu des endroits de ses rôles de Bérénice, d’Élisabeth, d’Électre, où elle enlevait ainsi les cœurs par ces contrastes ménagés et attendrissants. […] Il se la fit lire, et seulement alors il put connaître en entier le cœur de l’amie qu’il avait perdue. Tout nous le dit déjà : Mlle Le Couvreur n’était pas simplement une personne de talent, elle était une personne distinguée par l’intelligence, par le cœur et les plus solides qualités. […] Le cœur pur, les procédés nets, la conduite uniforme, et partout des principes ; exigeant peu, justifiant tout, saisissant toujours le bon, abandonnant si fort le mauvais, que l’on pourrait douter s’il l’a aperçu. […] Quand il est question d’écrire à mes amis, je ne songe jamais qu’il faille de l’esprit pour leur répondre : mon cœur me suffit à tout.

483. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

À seize ans, il a un duel et se bat pour son frère, plus jeune, qu’on a insulté : il est blessé à quelques lignes du cœur. […] Je t’appelle surtout lorsque mon cœur médite un projet honnête, et c’est en voyant sourire ta physionomie que j’en goûte plus délicieusement le prix. […] Il faut citer cette page heureuse par laquelle il prend place entre Vauvenargues et André Chénier, ses frères naturels, morts au même âge, qu’on aime à lui associer pour le talent et pour le cœur comme pour la destinée. […] Si délicate et si tendre, un rien porte sur son cœur et réveille ses émotions. […] La sympathie de nos cœurs calmait le sien ; je lui montrais notre Du Gua (c’est le nom de son frère) plus heureux que nous, heureux, si nos cœurs lui étaient connus, de toutes les traces qu’il y a laissées.

484. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Mme Du Deffand crut devoir prendre ses précautions, et lui dicta assez peu délicatement ses conditions là-dessus, avant de la faire venir près d’elle ; pour quelqu’un qui appréciait si bien son esprit, c’était bien mal connaître son cœur. […] Son goût littéraire était plus vif que sûr ; elle aimait, elle adorait Racine, comme le maître du cœur, mais elle n’aimait pas pour cela le trop fini, elle aurait préféré le rude et l’ébauché. […] L’esprit d’une femme, si grand qu’il soit, a-t-il jamais arrêté son cœur ? […] Au milieu de cette passion qui dévore et qui semble ne souffrir rien d’étranger, ne croyez pas que la correspondance ne laisse point voir l’esprit charmant qui s’unissait à ce noble cœur. […] [1re éd.] ni de son esprit ni de son cœur, qui est aussi plat que l’autre est distingué

485. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Aujourd’hui, en m’occupant de la Correspondance de Frédéric selon l’ordre où elle se déroule à nous dans les Œuvres complètes, je m’attacherai surtout à montrer en lui les sentiments du cœur et de l’âme, tels qu’il les avait dans la jeunesse et qu’il les garda jusque sur le trône, au moins tant que ses premiers amis vécurent. […] Et quelque désir que j’eusse d’épargner à Votre Majesté la douleur de cette nouvelle, s’il était possible qu’elle ne lui parvînt jamais, et ne troublât ainsi aucun instant le repos de son grand et sensible cœur, un devoir trop important et trop sacré y est attaché pour que je pusse cependant la lui cacher, Oui, Sire, il n’est que trop certain, après bien des soins inutiles pour prolonger mes jours, je me vois enfin sur le bord de la tombe. […] Maintenant il ne me reste plus qu’à détacher mon cœur de la terre pour le tourner vers la source éternelle de toute vie et de toute félicité. […] Mon cœur en portera le deuil, et cela, d’une façon plus profonde qu’on ne le porte pour la plupart des parents. […] Adieu ; je ne puis parler d’autre chose ; le cœur me saigne, et la douleur en est trop vive pour penser à autre chose qu’à cette plaie.

486. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Pour moi, je l’en loue de tout mon cœur, car vraiment n’était-ce pas une chose triste de voir, comme on l’a vu il y a trente ans, un grand pays se dépouiller de gaieté de cœur de toutes ses admirations et de toutes ses gloires, et les sacrifier à des dieux étrangers ? […] Il met en action les vérités les plus générales du cœur humain exprimées par les plus grands cœurs et par les âmes les plus passionnées. […] Notre théâtre, qui est en quelque sorte tout platonicien et qui sacrifie partout le sensible à l’intelligible, éloigne de nous ses personnages, afin qu’il n’y ait plus qu’une seule chose de commune entre eux et nous : le cœur. […] J’accorderai que Racine a pu devoir une partie de sa noblesse, de son goût exquis et délicat, et sa connaissance des passions au commerce de la cour ; mais franchement la Champmeslé lui en avait appris bien plus sur les mystères du cœur que le spectacle plus ou moins intime des galanteries de Versailles. […] Boileau n’est pas, comme on l’a cru, un poëte de cour ou un poëte académique : c’est un poëte vrai, plus fort qu’élégant, plus mâle que délicat, c’est une raison vivante, un cœur sans molle tendresse, mais plein d’ardeur pour la vertu, c’est une âme d’honnête homme.

487. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Son histoire nous est inconnue, mais son cœur nous est dévoilé. […] … et le cœur aussi… Une seule prière ! […] … moi, je t’ai dévoilé les abîmes de mon cœur. […] … Tu n’accordes rien au cœur, accorde donc à la raison. […] Son cœur était meilleur que sa langue.

488. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Elle a besoin de confiance dans les relations : « J’ai besoin, dit-elle, de croire aux gens que je vois. » Ceux qui ont l’honneur de l’approcher, pour peu qu’ils l’aient connue en diverses rencontres, ont droit de parler de son cœur et des délicatesses qu’il lui suggère. […] Une fois, dans une fête, une cérémonie solennelle à Pétersbourg, il s’agissait pour toutes les personnes de la cour de porter le costume russe national : cette condition, qui était de rigueur et ne soutïrait pas d’exception, était pénible au cœur français, au cœur impérial de la princesse. […] Elle a cette faculté, qui tient à l’énergie du cœur, de ne jamais oublier. […] Un cœur droit n’a qu’à se consulter en pareille circonstance et à se bien écouter. […] Un cœur tel que le vôtre ne saurait changer selon les phases mobiles de la politique.

489. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

J’ai plus de cinquante-cinq ans, je suis censé très grave aux yeux de quelques-uns ; je viens de terminer un gros livre à demi théologique et d’analyse morale sur Port-Poyal et les Solitaires ; je suis professeur dans une école supérieure et, comme tel, investi de la confiance d’un ministre ami64, à laquelle j’ai à cœur de répondre dignement, et que je tiens à honneur de justifier. […] Dans mes leçons, — dans les écrits qui sont sortis ou qui sortiront de mes leçons —, on a pu voir et l’on verra que je m’acquitte de ma fonction non seulement avec conscience, mais de tout cœur, avec zèle et sincérité. […] Laissez-vous faire, ne craignez pas tant de sentir comme les autres, n’ayez jamais peur d’être trop commun ; vous aurez toujours assez dans votre finesse d’expression de quoi vous distinguer. » Mais je n’aurais pas affecté non plus de paraître plus prude que je ne le suis et qu’il ne convient de l’être à ceux qui ont commis, eux aussi, leurs poésies de jeunesse et qui ont lu les poètes de tous les temps ; j’aurais ajouté de grand cœur : « J’aime plus d’une pièce de votre volume ; les Tristesses de la lune, par exemple, joli sonnet qui semble de quelque poète anglais, contemporain de la jeunesse de Shakespeare. […] Feydeau ne ressemble pas à ce général de la guerre de Sept Ans qui, lorsqu’il avait ses corps d’armée réunis, ne savait qu’en faire et se hâtait de les disperser, apparemment pour être plus sûr d’être battu ; il ne craint pas d’assembler ses personnages, et, quand il les tient sous sa main, il les fait s’entrechoquer et ne les lâche plus qu’ils ne se soient dit l’un à l’autre ce qu’ils avaient sur le cœur. […] L’artiste piqué au jeu s’en est donné à cœur joie et a pris gaiement sa revanche.

490. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

— Et cependant voyez-la sourire encore, entendez-la parler, de cette voix divine qui sait le chemin de tous les cœurs ; voyez-la se parer avec cette science naturelle que tant de femmes ont rêvée ! […] Vous l’avez accompagné en silence sur le bord de la mer : l’heure du départ est arrivée, le ciel est noir, la mer rugit au loin, le frêle esquif se balance d’une façon formidable, votre ami reste calme, il vous tient la main dans les siennes, il vous la serre, il vous regarde avec assurance, il vous sourit une dernière fois ; vous, cependant, vous avez la mort dans le cœur. […] On vient, tout exprès chez cette beauté à la Mode, pour la voir, tout exprès pour l’entendre ; elle, de son côté, elle ne songe qu’à montrer beaucoup d’esprit et un charmant visage ; quant au cœur, peu lui importe ! Ces beaux jeunes messieurs s’inquiètent bien du cœur de Célimène ! […] Mais si quelques gens de cœur n’avaient pas été, pour ainsi dire, les gardes de mademoiselle Mars, il y a longtemps que le Théâtre-Français l’eût perdue : et comptez donc combien de grands hommes, combien de grands drames qui n’auraient pas vu le jour !

491. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Sitôt qu’un homme monte sur le théâtre, à l’instant même, et quoi qu’il puisse être, il monte sur les épaules et presque sur le cœur de la foule. […] Les observateurs d’épiderme ne voient dans cet amour envahissant des spectacles que le besoin d’amusement nécessaire à l’homme et à la misère de sa destinée et de son cœur. […] Les monstres mêmes qui la foulaient sous leurs pieds terribles, — ces pieds d’argile qui pèsent tant sur le cœur des peuples avant de crouler, — les monstres qui l’ont gouvernée ne la gouvernaient que par les spectacles, que parce qu’ils étaient, eux aussi, des histrions ! […] Elle devait pousser, après beaucoup de siècles, il est vrai, dans le cerveau des nations chrétiennes, et nous devions la réaliser avec cette légèreté charmante « qui ne voit pas grand mal à ça », comme nous avons le droit de le dire, tant notre vieillesse, ainsi qu’on le sait, a le cœur pur ! […] Demandez-lui enfin, à cette Église, qui se connaît en passions, qui jauge éternellement le cœur et les reins de l’homme de ses mains puissantes, si la pureté des cœurs et toutes les vertus de la famille ne sont pas menacées de périr dans ces comédies, qui chauffent à blanc toutes les vanités en concentrant le feu de tous les regards sur elles ?

492. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

La pointe de la flèche trempée dans le miel de cette bonté attendrie, ne pénétra pas dans un cœur sur lequel il y avait l’obduration de la haine et le calus d’un succès qu’à son éclat, on pouvait prendre pour de la gloire. […] Mais il se vengeait de l’ignorance et de l’incrédulité de leurs esprits en restant enfoncé dans leur cœur et en leur inspirant les vertus qui viennent de lui seul : la miséricorde, la générosité et la justice. […] À l’heure de négation universelle qui sonnait dans tous les esprits, un peu de la croyance de ses pères enveloppa peut-être, sans qu’il y pensât, ce cœur qui avait des manières d’aimer sa patrie comme les Saints aiment la leur, qui est le Ciel ! […] Ils lui prirent son noble cœur, l’enfermèrent dans une urne d’argent, et le portèrent au premier rang, où il marchait quand il vivait. […] Et cependant, lui, l’inconséquent, qui fait l’histoire des héros qui furent des chefs, Michelet, que j’aime quand il est inconséquent, ne peut pas s’y tromper, au fond de son cœur.

493. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 408-410

Il n’eût pas dû oublier que la morale ne sauroit être que le résultat des lumieres de l’esprit & des sentimens du cœur. […] Nicole, au contraire, l’esprit fait tous les frais ; le cœur agit peu, ou, à proprement parler, il n’agit point du tout, ce qui est un défaut. C’est cette inaction du cœur qui donne au style de ce Moraliste de la froideur & de la sécheresse, quoiqu’il offre assez constamment de la pureté, de l’élégance, & de la clarté.

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