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513. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre premier, premières origines du théâtre grec »

Ce que l’Homéride chantait d’une voix lointaine comme l’écho de la tradition, le poète dramatique l’incarne et le montre ; il rend le souffle de l’actualité au fait immémorial, à l’événement aboli ; il redresse toute pendante et toute menaçante la catastrophe écroulée.

514. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

La ballade écossaise n’a-t-elle pas chanté avec raison « l’air, l’air libre, qui fouette le visage et fait courir le sang » ? […] Ce n’était pas une chimère, par exemple, que cette justice chantée par Sophocle dans un de ses plus beaux vers, cette justice « qui s’étend aussi loin que la voûte des cieux ». […] Aurait-on pu empêcher un Mozart, un Haydn, un Rossini même, d’entendre, dès l’âge de dix ou douze ans, ses voix intérieures, de chanter comme l’oiseau et de composer d’instinct sonates ou opéras ? […] Plus d’un philosophe cesserait d’aimer le pays où il est né, et plus d’un poète hésiterait à le chanter si, par impossible, sa conservation leur apparaissait comme nuisible à l’humanité entière. […] Un vers bien scandé, sonore, qui semble tout frémissant d’émotion, prêt à chanter, et qui pourtant ne nous chante rien au cœur, ressemble à un rossignol mis en cage, dont la voix est tombée avec les ailes ; nous pensons à tout ce qu’il pourrait nous dire si un coup d’aile le soulevait tout à coup, s’il lui revenait quelque sentiment de l’air libre, et nous n’éprouvons plus devant lui que tristesse et pitié.

515. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Mais bientôt, du haut des collines de Bari, la vue de la douce mer, de la mer voluptueuse où chantaient les sirènes, éveille en lui des rêves platoniciens. […] Ne fait-il pas bon voir ces cuysiniers chanter les Psalmes de la Penitence de David et demander, à chaque verset, le lard, le chapon, la perdrix ? […] Le Braz l’entendit chanter par les marins de Port-Blanc, est à donner le frisson. […] La mieux chantée, la plus célèbre, est l’éloquente Heliodora. […] Il l’aima, il la chanta, fidèle et adultère, vivante et morte !

516. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Elle en avait la sensation physique, elle en était allégée et heureuse, comme d’un cantique qu’elle aurait chanté, très pur, très fin se perdant très haut. […] N’aimerait-on pas mieux que l’extraordinaire violoniste fût demeuré sur l’écueil hérissé où chante la vague dans les étranges découpures du roc ? […] Le recueil intitulé : les Chansons de l’année est une sorte de journal chanté, où chaque sottise publique et privée est lestement rimée. […] Il se souvint d’une vieille mendiante qui venait quelquefois chanter dans la rue offrant de petites feuilles roses ou bleues où la bonne aventure est écrite ; jamais Félicie ne manquait de jeter des sous à cette pauvresse. […] La plupart de ceux qui chantent Baudelaire aujourd’hui ne sont guère sensibles qu’à ses insanités, il vaut infiniment mieux que cela et mérite d’être admiré et étudié, folie à part.

517. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 218-221

Il chantait, comme Chérubin, quelque espiègle chanson, son Andalouse ou sa Marquise ; il avait fait enrager le guet avec sa lune comme un point sur un i.

518. (1890) L’avenir de la science « A. M. Eugène Burnouf. Membre de l’Institut, professeur au Collège de France. »

Ce jour-là, je me demandai plus sérieusement que jamais s’il n’y avait rien de mieux à faire que de consacrer à l’étude et à la pensée tous les moments de sa vie, et, après avoir consulté ma conscience et m’être raffermi dans ma foi à l’esprit humain, je me répondis très résolument : « Non. » Si la science n’était qu’un agréable passe-temps, un jeu pour les oisifs, un ornement de luxe, une fantaisie d’amateur, la moins vaine des vanités en un mot, il aurait des jours où le savant devrait dire avec le poète : Honte à qui peut chanter, pendant que Rome brûle.

519. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Archiloque, et Lycambe. » pp. 7-11

A l’égard de la partie chantée, l’instrument qui l’accompagnoit s’y conformoit servilement, & ne rendoit que les mêmes sons que le poëte musicien avoit entonnés.

520. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Charles Laurent Je n’ai jamais entendu le moineau chanter les louanges du rossignol. […] Jules Claretie Ils sont aimés des dieux ceux qui, glorieux dès leur jeunesse et naissant avec leur siècle, incarnent en eux tous ses rayonnements et tous ses deuils, chantent ses grandeurs, célèbrent ses victoires, pansent ses blessures, le consolent de ses défaites, le relèvent et le vengent, et, vieillissant avec lui, se reposent au couchant de leur vie, dans leur immortalité. […] La mort vénérable est ton apothéose ; Ton esprit immortel chante à travers les temps. […] Est-ce qu’il n’a pas chanté Pan ?

521. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

M. van Dyck (Lohengrin) chante en perfection l’adieu au cygne. […] Mme Devriès et M. van Dyck le chantent au mieux : c’est d’abord un charme, une infinie tendresse, jusqu’à l’instant où le trouble d’Elsa se décèle, où les motifs tentateurs de l’insinuation commencent à sourdre dans l’orchestre. […] Gounod : « Je suis pour la représentation, bien que Lohengrin ait un grand défaut : l’héroïne ne chante pas de valse. […] Eh bien, Regnault chantait la musique de Wagner, et M. 

522. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Elle le rencontre à ce bal ; ils s’abordent, ils causent, ils s’épanchent, et les voilà bientôt qui chantent à deux voix les louanges de la pauvreté. […] le tapis de lisières, le feu de charbon de terre, la bûche économique, le lit en bois de noyer, aux rideaux d’indienne, et le pot de giroflée sur la fenêtre, et la cage ou le serin chante ! […] C’est à qui des deux amants chantera plus haut ses louanges, et même le vieux Roussel prend son pipeau d’argent et finit par venir faire sa partie dans ce concert de famille. […] si vous entendiez parler de la Pauvreté chrétienne qui se dépouille elle-même entre les mains de Dieu, de cette « dame tant aimée » dont Dante a chanté, dans son Paradis, les noces mystiques avec saint François d’Assise, et que Giotto a ceinte, dans ses fresques, de la couronne d’épines du Calvaire, pour celle-là, pour cette fille du ciel, l’orgue n’a pas assez d’hymnes, l’encensoir n’a pas assez de parfums, la canonisation pas assez de cymbales, de flambeaux et de tabernacles !

523. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Ainsi chante Francis Vielé-Griffin qui, restreignant l’Amour à la seule joie contemplative, se garde, comme Stéphane Mallarmé,                                        du parfum de tristesse Que, même sans dégoût et sans déboire, laisse La cueillaison d’un rêve aux doigts qui l’ont cueilli. […] ces mois passés à prendre son élan, pour ne jamais sauter. » Il s’engage pourtant, vaille que vaille, mais, tandis que le flirt se poursuit, il s’aperçoit de l’accord impossible et que tous deux chantent le même air sur un ton différent. […] car dans les vers que j’ai chantés, La prière se mêle au cri des voluptés : J’ai baisé tes pieds nus comme une chair de femme, Et posé sur ton cœur ouvert un cœur infâme.

524. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

Mais quelle différence de ce plaisir estropié, si je puis parler de la sorte, à celui que le même air ferait éprouver, s’il était chanté dans le goût et l’esprit qui lui conviennent, et surtout exécuté par le compositeur même, et devant des auditeurs bien au fait des finesses de l’art musical ? Il arriverait la même chose qu’à la musique Italienne chantée par des étrangers ou par des Italiens. Les Italiens trouvent, et avec raison, que les étrangers l’écorchent ; un Français ou un Anglais qui chantent devant eux leur musique, leur font grincer les dents ; cependant ces étrangers, tout en écorchant la musique italienne, y éprouvent un certain degré de plaisir, et même assez vif pour affecter beaucoup ceux d’entre eux qui ne sont dénués ni de sentiment ni d’oreille.

525. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Comment dépeindre la figure et l’âme d’un être qui a vécu et chanté tous les aspects, toutes les vies de l’univers, qui a été successivement charpentier, clerc, imprimeur, jardinier, maître d’école, journaliste, laboureur, infirmier, directeur de journal, entrepreneur de bâtiments, commis du gouvernement, et qui a rÉdit dans ses vers, avec une richesse incomparable de réalisme, les millions de spectacles et de sentiments auxquels il a participé ? […] La farine dans le quartaut ; le lait dans la terrine ; la chanson dans la rue ; les nouvelles du bateau ; l’éclair de l’œil ; la forme et la démarche du corps — montrez-moi l’ultime raison de ces choses, montrez-moi la présence sublime de la cause spirituelle se cachant, comme elle se cache toujours, dans ces alentours et ces extrémités de la nature ; que je voie chaque bagatelle se hérisser de la polarité qui la range instantanément sous une loi éternelle ; l’échoppe, la charrue et le registre rapportés à cette même cause par laquelle la lumière ondule et les poètes chantent : — et le monde ne reste pas plus longtemps un mélange grossier et une chambre de débarras, mais possède la forme et l’ordre ; il n’y a pas de bagatelle ; il n’y a pas d’énigme, mais un seul dessin unit et anime le sommet le plus lointain et le fossé le plus profond41 ». […] En même temps que sous nos yeux, autour de nous, naissent, s’entr’ouvrent et s’élaborent dans la vie réelle, dans le fait, dans la vie entière, les premiers germes d’une vie qui n’a été encore que chantée dans ses grandes lignes, presque jamais vécue, les hommes d’élite doivent s’unir étroitement, donnant au monde par cette intime liaison l’exemple vivant d’un plus complet, plus universel et plus positif accord.

526. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Seulement la pauvre alouette ne chantait jamais. » Il montre Cosette qui travaille, et qui regarde jouer les enfants de Thénardier, Cosette qui tremble quand on lui parle, Cosette à qui la marâtre commande d’aller, la nuit, puiser de l’eau dans la forêt, et qui a peur des branches, de l’ombre, du silence, Cosette qui rencontre dans les bois Jean Valjean, un étranger cependant, et qui a tout de suite confiance, Cosette, à qui l’inconnu, entré avec elle dans l’auberge, donne une poupée, et qui n’ose pas croire d’abord à la joie, et puis s’abandonne au rêve de ses six ans, saisit la poupée, et l’endort avec des gestes et un recueillement maternels. […] Ils retournaient vers les sables qui commencent à une demi-journée de là, et, en longue file, tous égaux d’apparence, séparés des voisins par le même intervalle, ils chantaient. […] Et je me disais aussi, me rappelant les foules sombres de chez nous, qu’elles devraient bien avoir, comme eux, leurs poètes de la tribu, pour composer et leur apprendre à chanter de nouveau la chanson de la route.

527. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

L’ode, avec sa magnificence, l’ode, planant sur Olympie, sur Cirrha, sur Cyrène, l’ode, chantée et représentée sous les portiques du temple de Delphes ou du palais de Syracuse n’était qu’un fragment du spectacle lyrique d’Athènes, un rayon de cette splendide lumière. […] Si, trop jeune, il n’avait pas combattu à Salamine, il avait paru dans le chœur d’adolescents qui chanta l’hymne de cette grande journée sur la place publique d’Athènes. […] Quand Lysandre, vainqueur à la tête de nombreux alliés, voulait achever la guerre du Péloponèse par la destruction d’Athènes, au banquet même de ces ennemis implacables, des larmes de pitié furent versées, aux premières paroles chantées d’un chœur d’Euripide : Fille d’Agamemnon, Électre !

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