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1523. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre I : Une doctrine littéraire »

Il croit pouvoir affirmer que c’est là surtout le caractère du génie en France, et c’est la raison pour laquelle il préfère notre littérature à celle de tous les autres pays, même à la littérature grecque, « qui a fait trop de part à la vaine curiosité et aux spéculations oiseuses », c’est-à-dire qui a produit Platon et Aristote, et qui a eu le tort « d’être plus favorable à la liberté qu’à la discipline ». […] C’est là un des caractères de l’esprit français ; tout s’y fait par coup d’État.

1524. (1760) Réflexions sur la poésie

Ce qui fait le caractère de la poésie lyrique, c’est la grandeur et l’élévation des pensées ; toute ode qui remplira cette condition, est assurée d’enlever les suffrages. […] Chez nous la grammaire des poètes est aussi rigoureuse que celle des prosateurs ; l’inversion est rarement permise, elle nous déplaît pour peu qu’elle soit extraordinaire ou forcée ; et celui qui a dit que le caractère de la poésie française consistait dans l’inversion, n’avait apparemment jamais lu de vers, ou n’en avait lu que de mauvais.

1525. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XV. Mme la Mise de Blocqueville »

Mais l’idéal amphigouri, car il est idéal, qui est le caractère spécial du livre de Mme de Blocqueville, dissimule bien mieux l’imitation que tous les jasmins de la terre, en pleine plate-bande, ou en pot, en fleurs ou en pommade ! […] Lisez aujourd’hui le livre ambitieux qu’elle publie et dont elle n’a plus pudeur comme de ses autres livres, qu’elle ne signait pas, puisqu’elle signe celui-ci avec faste, et vous y verrez tous les caractères de cette folle vanité du bas-bleuisme que je viens de vous énumérer !

1526. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Il a pris l’ancien Régime à sa dernière heure, dans son expression la plus équivoque et dans son millésime le plus flottant, sans dire où, pour lui, cet ancien Régime commençait, et il n’a pas su en déterminer ni les altérations survenues ni les caractères subsistants. […] Que Tocqueville voie le caractère essentiel de la Révolution française dans le changement administratif, qu’il phrase tant qu’il pourra sur la taille, la corvée, l’exemption d’impôts pour les nobles et la liberté politique, si chère à son cœur, il ne nous donne que les anciennes vues de détail de l’école philosophique et physiocratique dont il est le disciple attardé, et il répond à la question par la question même.

1527. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Le pédantisme des sciences modernes, voilà son caractère et celui de son livre, et c’est un caractère qu’il est bon de ne pas mépriser par le temps qui court.

1528. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Et il n’y avait pas là que l’instinct militaire de la race dans cette persistance de la coutume du duel, en un pays où la crânerie, en toutes choses, est la poésie de l’action et du caractère. […] on tombe rudement de haut, quand on tombe de ces maréchaux et de la fonction dont ils étaient investis par le Roi à l’intervention, sans caractère public et obscurément paternelle, de témoins choisis par les combattants qui se fient à eux ; mais, il faut bien le dire, c’est encore le meilleur moyen de moraliser le duel et d’en prévenir les conséquences désastreuses… Pour mon compte, à moi, j’aime à voir refaire la seule législation qui soit possible sur le duel au xixe  siècle, libéral et républicain, avec les miettes de la législation brisée de ce despote de Louis XIV, comme on fait une petite maison avec les débris d’un palais… Mirabeau disait un jour, à propos d’un duel qu’il avait refusé : « J’ai refusé mieux ! 

1529. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Louis Vian est un aigu, comme l’homme qu’il peint, — car il ne faut pas s’y tromper, le caractère distinctif et suprême de Montesquieu, ce qui le résume tout entier, c’est d’être un aigu, avant tout, un aigu et un pénétrant, qui cachait souvent sa pointe pour qu’elle pénétrât davantage, un aigu qui n’avait pas toujours la bravoure du javelot qu’il lançait, qui en eut souvent la prudence et qui parfois en eut la peur ! […] L’homme, mis si haut, avait dans l’esprit et dans le caractère des indigences qu’il fallait la courageuse biographie de Louis Vian pour retrouver.

1530. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

Mais au jour où ces pages furent écrites, alors que le besoin de stabilité dominait tout, même les souvenirs du peuple et sa reconnaissance, comment admettre qu’il n’eût pas signalé — s’il l’avait vu — le caractère essentiellement monarchique de toutes les institutions crées par le premier Consul ? […] Si le mouvement de la civilisation n’avait pas emporté si fort Champagny, il fût plus resté dans la politique de son livre, et ce livre aurait tout un caractère qu’il n’a pas assez… Ainsi, nous le disons avec regret, tout vient aboutir au même reproche.

1531. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

le Roi père, absolu et doux ; le Roi juge, et, comme je l’ai dit quelque part, le Roi juge de paix de l’Europe, — avant lui, le plus effroyable des champs de bataille, — le juge qui avait de bien autres plaids que ceux de son chêne de Vincennes, et qui, du fond de la Croisade, du fond de sa captivité chez les Turcs, pouvait encore allonger sa Main de justice sur le monde, et faire cette fonction auguste d’arbitre et de pacificateur suprême, qui fut sa fonction spéciale tout le temps de son règne et le caractère de sa royale personnalité. […] Il respecte son caractère et il l’aime.

1532. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

La colère qui y monte comme une flamme, qui y saisit tout, qui y éclaire tout, — mais qui y décompose tout aussi quelquefois, — la colère, qui n’a pas encore cessé dans la plus grande partie de ces deux volumes d’être une sainte colère, est le caractère dominant de cette fulgurante Correspondance, qui fait penser au mot profond des Écritures, quand elles parlent de « la colère de l’Agneau ». […] quand on pense à la destinée et au caractère du vieux Roi auquel il souhaitait cette houlette, on peut se dire que la grâce de l’esprit n’a jamais été plus atrocement cruelle !

1533. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Et l’a-t-il peinte ainsi parce qu’il l’a vue ainsi, — car les peintres ont parfois des organes dont ils sont les victimes, — ou parce qu’elle est véritablement ainsi cette Russie, au fond, si peu connue, cette steppe en toutes choses, cette platitude indigente, immense, infinie, décourageante, qu’il nous présente dans les mœurs russes, dans les esprits, dans les caractères ? […] C’est un écrivain d’imitation plus ou moins souple, plus ou moins délié, plus ou moins habile, imprégné plus ou moins des influences européennes, mais manquant, pour toutes ces raisons, du caractère de tout ce qui est supérieur en littérature : — la sincérité.

1534. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « II. Jean Reynaud »

Théologien de prétention malgré son caractère philosophique, théologien quiquengrogne en philosophie, il peut avoir beaucoup lu les théologiens catholiques, mais il n’a point de connaissances accomplies, lumineuses, en théologie, car, s’il en avait, aurait-il épaulé le système du progrès indéfini de Condorcet avec la métempsychose de Pythagore ? […] Jean Reynaud exige la pluralité des mondes ou il n’admet pas Dieu, parce que (ajoute-t-il avec un sérieux qui rend la chose plus comique encore), sans la pluralité des mondes, Dieu est évidemment « lésé dans son caractère de créateur ».

1535. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Une fois demandé, il jaillit, comme tout jaillissait dans Brucker, cet homme-source, qui avait en lui tous les agissements et tous les bouillonnements de l’esprit humain… Mélange de tous les genres de livres dans un seul livre, tout à la fois roman et histoire, critique d’idées et de systèmes, invention de caractères et de personnages pour rendre plus vivantes et plus entraînantes ses théories ; dramatique, poétique, descriptif, mettant des tableaux de mœurs dans des paysages, naturel et intime, et, au milieu de tout cela, débordant de questions, d’explanations, d’argumentations, de démonstrations et de conversations qui roulent dans une verve de style semblable à un battement précipité d’artères, ce livre est peut-être un chaos de puissant ces trop alchimiquement entassées, mais c’est un chaos auquel il faut appliquer cet éternel mot de génie qu’on peut appliquer pour tout à Brucker, — à cet ébaucheur rapide et sublime ! […] Il mit, pour la première fois, devant les enfants, un père supérieur à ses enfants de toutes les manières, et par la raison, et par le caractère, et par la majesté de l’une et de l’autre, et par les grâces de l’esprit, et par la bonté, cette grâce des grâces, et on put comprendre, en le voyant, que la Famille, même atteinte par de fausses doctrines, pouvait se refaire, de par l’ascendant et l’influence de son chef, et rentrer noblement dans la vérité du respect et de l’obéissance.

1536. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

C’est surtout avec Renan, bien plus qu’avec Taine, qui est le Démocrite de l’athéisme, et Vacherot, qui en est le Zénon, gens très nets et qui dispenseraient volontiers Caro de politesse, que Caro s’est livré à ces tours de force d’amabilité dont je ne parle tant que parce qu’ils donnent un caractère nouveau et presque plaisant à un livre grave, et que ce caractère restera à ce livre sans l’amoindrir.

1537. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Voilà, en effet, le caractère de la notice que M.  […] C’est le caractère grec de la poésie d’André Chénier qui a fait tout de suite sa gloire.

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