Le Brun qui avait (il n’est pas besoin de le dire) bien autrement de force et de nerf que Millevoye, mais qui était, à quelques égards aussi, simple précurseur d’un art éclatant, Le Brun tente des voies ardues, heurte à toutes les portes de l’Olympe lyrique, et, après plus de bruit que de gloire, meurt, corrigeant et recorrigeant des odes qui n’ont à aucun temps triomphé. […] Mais, chez Millevoye, l’art en lui-même est faible, et ce poëte charmant, mélodieux, correct, a besoin de la sensibilité toujours présente.
Le cours d’histoire du bon Rollin, avec sa candide inintelligence du passé et son absence de critique, est un cours de morale républicaine ; il insinue dans les âmes des sentiments, un besoin d’action libre et généreuse, qui à la longue leur rendront l’ordre social insupportable. […] C’était des deux côtés, sous des formes plus âpres ou plus doucereuses, même étroitesse d’esprit, même inintelligence des besoins intellectuels du temps, même indigence de talent et d’éloquence, que ne compensaient pas suffisamment la violence et la malignité.
Comme ce genre supporte et même suppose une psychologie très fine on ne craindra pas, au besoin, d’allonger un peu la pensée, en la tarabuscotant. […] Le reste de sa dissertation revient à dire qu’un livre de maximes vaut exactement ce que vaut l’esprit de l’auteur : nous n’avions pas besoin du secours de ses lumières pour nous en aviser.
Ils y assistent, courtois, l’œil humide, prêts au besoin à offrir cent sous pour une couronne à Mimi, avec le recueillement des personnes qui ont su conduire leur maison et subordonner le sentiment et l’altruisme à un quant-à-soi sagement dosé. […] Cette malheureuse corporation des artistes, qui détient l’intelligence authentique et devrait savoir l’adapter à tous les besoins matériels de l’existence, a mis trop longtemps un faux point d’honneur à confondre la puissance de méditation idéologique avec l’inexpérience de la conduite dans la vie.
Jouez seulement bien votre rôle ; et quand je vous enverrai quelqu’une de mes bonnes bourses, ne marquez aucun besoin d’argent, et surtout ne paraissez avoir aucune relation avec moi. […] Vous n’ignorez pas que plusieurs personnes ont entrepris d’amener à leurs dépens la rivière d’Ourq à Paris, dans la vue de vendre l’eau bien cher à ceux qui en ont besoin.
C’est un besoin des sociétés arrivées à leur maturité de tracer des règles, de réduire leur expérience en maximes, d’engager les âges à venir par les exemples du passé. […] Celles-ci surtout veulent être méditées plutôt avec la résolution de nous y reconnaître au besoin, qu’avec le puéril parti pris de les contredire.
Il décelait déjà ce besoin d’exactitude et de précision qui lui fera appliquer tout à l’heure, à ses investigations littéraires, les procédés rigoureux de l’analyse anthropométrique et de l’instruction judiciaire. […] On s’est étonné des paradoxes et des excentricités de Baudelaire, C’est qu’on n’a pas réfléchi que cela provenait du besoin de réagir contre l’esprit de cant acclimaté en France à l’époque de la Restauration par les émigrés, retour de Londres.
Mais Dante ayant à construire son monde idéal, et voulant peindre pour son siècle et sa nation5, prit ses matériaux où il les trouva : il fit parler une langue qui avait bégayé jusqu’alors, et les mots extraordinaires qu’il créait au besoin n’ont servi qu’à lui seul. […] La croyance d’un purgatoire a bien donné le change à ces idées, en substituant le besoin des prières et des œuvres pies à celui des sacrifices ; mais elles ne laissent pas de subsister parmi le peuple.
Ici encore, non pas pour excuser, mais pour expliquer Marie Stuart, on a besoin de se représenter la morale du temps : bon nombre des mêmes seigneurs qui avaient pris part au meurtre de Riccio, et qui s’étaient ligués de fait et par écrit, s’offrirent à elle et, pour rentrer en grâce, lui firent entrevoir le moyen de se débarrasser d’un époux à charge et trop importun. […] Elle s’arrêta à la touchante histoire du bon Larron, qui lui sembla le plus rassurant exemple de la confiance humaine et de la clémence divine, et dont Jeanne Kennedy (l’une de ses filles) lui fit lecture : « C’était un grand pécheur, dit-elle, mais pas si grand que moi ; je supplie Notre-Seigneur, en mémoire de sa Passion, d’avoir souvenance et merci de moi comme il l’eut de lui à l’heure de sa mort. » — Ces sentiments vrais et sincères, cette humilité contrite de ses derniers et sublimes moments, cette intelligence parfaite et ce profond besoin du pardon, ne laissent plus moyen de voir en elle aucune tache du passé qu’à travers les larmes.
Quand on lit aujourd’hui cette histoire si fine, si courue, si touchée à peine, si arrêtée à temps, on a besoin de quelque retour d’imagination pour en ressaisir toute la grâce et en recréer l’enchantement. […] Comme Bossuet achevait de parler ou pendant même qu’il parlait encore, la première femme de chambre de Madame s’approcha d’elle pour lui donner quelque chose dont elle avait besoin ; profitant de l’occasion, Madame lui dit en anglais, afin que Bossuet ne l’entendît pas, conservant ainsi jusqu’à la mort toute la délicatesse de son procédé et la politesse de son esprit : « Donnez à M. de Condom, lorsque je serai morte, l’émeraude que j’avais fait faire pour lui. » — C’est ce dont Bossuet s’est souvenu jusque dans l’Oraison funèbre : « Cet art de donner agréablement qu’elle avait si bien pratiqué durant sa vie, l’a suivie, je le sais, jusqu’entre les bras de la mort. » Madame fut-elle empoisonnée ?
J’aurais grand besoin cette fois qu’un moraliste fin, discret, adroit et prudent, un Addison, me prêtât son pinceau sans mollesse et sans amertume : car c’est d’un mal moral que je voudrais traiter, et d’un mal présent ; j’ai en vue de décrire la maladie d’une partie notable de la société française (de la fleur et non pas du fond de cette société), et, en la décrivant au naturel, de faire sentir à de belles et fines intelligences qu’elles ont tort de loger et d’entretenir si soigneusement en elles un hôte malin qui, à la longue, est de nature à porter atteinte à la santé même de l’esprit. […] Et, quand ils sont dans la disgrâce et qu’on les envoie à leurs maisons des champs, où ils ne manquent ni de biens, ni de domestiques pour les assister dans leurs besoins, ils ne laissent pas d’être misérables et abandonnés, parce que personne ne les empêche de songer à eux.
Nous avons besoin d’indulgence ; mais les privilèges de ces complexions fortes en rachètent tous les défauts. […] Ducis, pour être tout à fait à son avantage, avait besoin de vieillir.
Zola écrivait comme le Méridional parle, par besoin naturel et sans se préoccuper de ce qu’il aurait à mettre dans ses écritures pour qu’elles eussent de la solidité et parussent au moins contenir quelque chose. […] Comme les romantiques, il n’avait aucun instrument psychologique ni le moindre souci d’en avoir un, et il disait lui-même ce mot ébouriffant de la part d’un romancier : « Je n’ai pas besoin de psychologie. » Comme les romantiques, il voyait gros, il voyait énorme ; la moindre taupinée était mont à ses yeux ; et il y avait entre les objets et lui comme un mirage qui les enflait, les renflait, les grossissait, les élargissait et les déformait.
Il doit être fait de sorte qu’un personnage vu par les spectateurs, puisse ne l’être point par les autres personnages, selon le besoin ; il doit en imposer aux yeux, qu’il faut toujours séduire les premiers ; il doit être susceptible de la pompe la plus majestueuse. […] Il faut bien discerner le moment où l’action doit commencer et où elle doit finir, bien choisir le nœud qui doit l’embarrasser et l’incident principal qui doit la dénouer, considérer de quels personnages secondaires on aura besoin pour mieux faire briller le principal, bien assurer le caractère qu’on veut leur donner.
Pour être poétiquement diabolique, Rollinat, cet homme de nervosité naturelle, n’a besoin ni de piments, ni de moxas, ni de cantharides. […] Maurice Rollinat était trop du pays bleu des poètes pour ne pas s’enivrer de son bonheur et ne pas se fier aux sympathies de gens qui ne voulaient se servir de lui que comme d’un plumet pour leurs journaux· Ils lui avaient, pour leur compte, préparé et arrangé des exhibitions qu’il croyait nécessaires, puisqu’il était musicien et qu’il faut bien prendre les oreilles dont on a besoin où elles sont… À présent, il en a fini de ces exhibitions dont il a senti le dégoût.