L’Europe eut beau subir son joug pendant une centaine d’années, l’heure de la révolte devait sonner tôt ou tard. […] On l’avait trouvée assez belle pour décorer la cité des vainqueurs, et on la conservait même sous l’empire, au milieu des chefs-d’œuvre de l’architecture et de la statuaire. […] Hebbel malgré l’affirmation contraire du saint livre, — la belle juive a des emportements sublimes, des émotions contradictoires la désolent, et le poète, en peignant ce délire d’une âme chaste, a trouvé des accents de génie. […] Cette belle idée, que l’auteur aurait pu rendre plus sensible que jamais, il n’y en a point trace dans son œuvre. […] Il y a de belles descriptions dans Salammbô, car il faut bien qu’il y ait quelque chose dans une œuvre si patiemment composée.
Nous avons de beaux arts, nous produisons des effets sensitifs, nous communiquons des émotions vagues ou particularisées, mais nous ignorons l’art d’éclairer un parti, et de pousser à le prendre… Les discours qui se tiennent au Parlement d’Angleterre ont un but ; ils ne ressemblent point à notre style oratoire ; il n’y a point cette emphase, ce ton de dignité… Ce sont des gens qui ont des affaires ; nous sommes oiseux et nous nous arrêtons à faire les beaux. Ils marchent, nous dansons ; nous avons de beaux arts, et nous négligeons l’art, parce que nous n’en avons que faire. […] Croire que le peuple aime moins la parole dorée que le beau monde ne l’aime, est une erreur. […] » Le mot d’ailleurs est beau, et digne d’avoir été prononcé. […] Son neveu, sa nièce, faisaient de belles et grandes libéralités auxquelles il n’était pas étranger.
C’est une belle progéniture. « Bâton, dit Brachet, origine inconnue. » C’est assurément le petit bât ; la relation directe entre l’ancien français bast et baston semble évidente. […] Or, on l’appelle à l’envi la jolie, la belle, la douce ! Son nom français vient du vieux mot bele, du latin bella ; la belette, cela veut dire la petite belle . […] Ces rapprochements paraîtront moins invraisemblables lorsqu’on saura que les idées de beau, de blanc, de doux sont, dans la tradition populaire, les antiphrases naturelles de l’idée de mauvais. En Roumanie, les malae divae, les mauvaises fées, les Ièlé, ne sont jamais appelées que les Bonnes, les Puissantes, les Belles, les Blanches, les Douces 169.
Qu’avait donc oublié Zola dans son bel enthousiasme d’anti-spiritualisme ? […] Ne trouvons-nous pas dans cette seule phrase, la racine même de l’erreur funeste à laquelle Zola, emporté par son bel élan, s’est largement abandonné ? […] Il a beau dire : « Nous ne sommes pas fatalistes, nous sommes déterministes, ce qui n’est pas la même chose », son déterminisme n’est pas loin du pur mécanisme. […] Malgré la belle santé apparente et le fort parfum qui s’en dégage, son œuvre ne me donne pas assez l’impression d’un équilibre puissant de la vie intérieure et extérieure, d’une vision pleine et harmonique du monde. […] Cet article était écrit avant le procès intenté à Emile Zola au cours d’une récente et retentissante affaire judiciaire, et par conséquent cette phrase ne contient aucune allusion aux nouvelles sympathies que lui attira, parmi la jeunesse comme parmi le monde entier, la belle et significative énergie de sa conduite.
Être un esprit littéraire, ce n’est pas, comme on peut le croire, venir jeune à Paris avec toute sorte de facilité et d’aptitude, y observer, y deviner promptement le goût du jour, la vogue dominante, juger avec une sorte d’indifférence et s’appliquer vite à ce qui promet le succès, mettre sa plume et son talent au service de quelque beau sujet propre à intéresser les contemporains et à pousser haut l’auteur. […] Il laisse la foule, si elle lui déplaît, et s’en va égarer ses belles années dans les sentiers. […] … Ainsi pensait-il depuis que s’étaient enfuies les belles années dans lesquelles le poète s’accoutume trop à enfermer tout son destin.
Crébillon eut une idée géniale : il comprit que, dans l’état des mœurs, une belle scène était celle qui présenterait la situation la plus contraire aux bienséances, d’une manière conforme à ces bienséances473. […] Il a beau vouloir rendre aux passions leur énergie, la politesse l’enserre et paralyse ses mouvements. […] Voyez Zaïre : au lieu de garder la belle et naturelle énergie de l’Othello anglais, il dispose toute sorte d’artifices tout à la fois pour amener et pour affadir la violence du dénouement.
Les anciennes littératures de l’Orient, qui sont incontestablement belles, ne le sont qu’au point de vue de l’esprit humain. L’humanité seule est belle dans toutes les littératures. Tout ce qui représente l’humanité est beau.
Dans tout ce que j’ai lu de histoire littéraire et morale du xviie siècle, je n’ai rencontré d’autres paroles attribuées à madame de Rambouillet que celles-ci : « Les esprits doux, et amateurs des belles lettres, ne trouvent jamais leur compte à la campagne26. » Aucune biographie, même la plus riche eu noms inconnus et dignes de l’être, n’a trouvé de quoi faire un article de qu’être lignes sur cette femme dont la maison fut si célèbre : preuve incontestable qu’elle n’a jamais fait parler d’elle. […] Il commande bien, mais il lui sied bien de commander ; il a le commandement si beau qu’il y a presse, ambition, volupté sensible à lui obéir. […] n’était-elle pas de celles qui donnent à l’esprit le plus d’étendue et de lumières, qui s’allie ni le plus naturellement et le plus étroitement aux qualités morales, au perfectionnement de la raison, au sentiment du beau et du grand, à la délicatesse du goût, et se prêtent le mieux aux plaisirs d’une imagination sage et réglée ?
La Fontaine, qui vante si souvent Louis XIV sur ses guerres et sur ses conquêtes, avait ici une belle occasion de lui donner des éloges plus justes et mieux mérités. […] C’était un sujet sur lequel il était aisé de faire de beaux ou de jolis vers. […] La justice, pesant ce droit litigieux, Demande l’huitre, l’ouvre, et l’avale à leurs yeux ; Et par ce bel arrêt terminant la bataille : Tenez, voilà, dit-elle à chacun, une écaille.
Il faut surprendre les yeux qu’on aime, quand ils s’ouvrent tout grands le matin, pour juger de la pureté de leur cristallin, sous cette lumière d’aurore, et pour bien savoir ce que c’est que la beauté de deux beaux yeux ! […] Oui, un livre, bel et bon, pour le compte de Mme Le Normand, laquelle ajoute à ces pauvres lettres que Mme de Staël a oublié de jeter au feu, une biographie de Mme de Staël que nous y jetterons, nous ! […] une grande-duchesse pour une autre, avec sa myopie étourdie, et elle a le beau courage de le lui reprocher !
Frères par la pensée comme par le sang, espèces de Ménechmes littéraires, tellement semblables (du moins quand on les lit) qu’on ne sait plus où l’un finit et où l’autre commence, et qu’ils semblent n’avoir à eux deux qu’une seule plume et qu’un même cerveau, MM. de Goncourt, pleins de confiance en eux-mêmes, par amour fraternel sans doute, — ce qui les préserve de la fatuité, — se sont dit un beau jour, après avoir collectionné des anecdotes et jeté l’épervier dans les courants les plus ignorés du renseignement, qu’ils étaient en mesure d’écrire cette œuvre immense, de détails concentrés et d’ensemble, que l’on appelle l’histoire d’une société. […] ces frères siamois de la littérature — comme on les appelle déjà — sont aussi les neveux siamois de l’auteur du Solitaire (ils tiennent par le mauvais côté à d’Arlincourt comme parle bon à Jules Janin) ; supposez donc qu’ils se résolvent à parler simplement et virilement cette belle langue française que nous devrions tous respecter comme la parole de notre mère, et qui semble, sous leur plume, contracter quelquefois l’accent des Incroyables du temps de Garat (serait-ce pour se faire mieux accepter comme les Alcibiades de l’histoire ?) […] N’ayons pas peur de l’affirmer, ce n’est point là l’idée vraie, l’idée historique, l’idée que doivent avoir les hommes qui écrivent cette belle, délicate et vaste histoire de la société de leur pays.
Les plus beaux types (et nous prenons ici ce mot dans le sens criminel et tragique), les plus beaux types de la Poésie et de la Réalité, n’offrent rien, selon nous, de plus complet et de plus effrayant à ceux qui étudient la force d’impulsion des passions que cette Élisabeth de Platen, dont on n’aurait rien dit encore quand on l’appellerait la lady Macbeth de l’amour ! […] C’était le frère de Charles-Jean, le chevalier de Malte protestant et de la belle comtesse Aurore.
Chez ce pur et grand et bel écrivain, c’était, comme chez une femme d’une beauté souveraine, — d’une beauté Borghèse, — c’était la même beauté et jusqu’au même sourire ; seulement, c’étaient quelques sourires de plus. […] Il a beau avoir de la grandeur de tête et de la vertu, Joseph de Maistre a un esprit du diable, comme on dit dans le pays des gens d’esprit, mais c’est le diable avant sa chute, dans le temps qu’il était ange encore et qu’il s’appelait Lucifer ! […] Quelle plus belle leçon de rhétorique donnée par la morale à la littérature, qui probablement n’en profitera pas !
Tous les peuples et toutes les littératures en ont, de ces médailles fortement frappées, qui représentent soit leur originalité particulière de peuple et de littérature, soit, plus souvent, une chose beaucoup plus belle : l’unité de l’esprit humain. […] Ils en ramassaient beaucoup, quand ils vivaient, pour en orner leurs plus belles œuvres. […] Si, comme je le crois, l’histoire des patois, ces langues roulantes qui ont précédé les langues assises et sont à ces dernières ce que sont les tentes et les quatre piquets des premiers âges aux palais des civilisations, si l’histoire des patois est un magnifique sujet à traiter en philologie, il en est un plus beau encore, c’est l’histoire des proverbes, car les patois ont été créés plus particulièrement par les besoins généraux des hommes, et les proverbes par l’intelligence individuelle de l’humanité !
« Aimable créature, beau génie, — écrivit-il à Vauvenargues, dès 1744, — j’ai lu votre premier manuscrit. […] Il y aurait perdu une originalité de cœur plus belle à nos yeux que l’originalité du génie. […] La philosophie n’en avait pas fait le beau buste de marbre blanc que disait Voltaire, mais il croyait aux hommes et il était ambitieux ; tandis que Chateaubriand, au milieu de tous ses bonheurs, n’avait jamais cru qu’au profond néant de la vie !